En dépit d’un a priori favorable à cette proposition de loi, qui répond à un vrai questionnement sur lequel on peut également s’interroger, nous n’avons pas jugé utile d’en débattre dans son entièreté, dans un temps par ailleurs très réduit. Les nombreux amendements présentés en commission par M. Éric Doligé sur son propre texte montrent bien que la réflexion en la matière mérite d’être approfondie !
J’invoquerai, tout d’abord, les raisons de fond justifiant notre décision.
La proposition de loi contient des dispositions utiles, sur lesquelles nous pourrions tous tomber d’accord. Je pense ainsi à celles qui sont relatives à la dématérialisation de la publication des actes et des recueils administratifs, à la simplification du fonctionnement des assemblées locales et à la création d’une commission consultative indépendante.
Elle comporte toutefois d’autres dispositions, portant notamment sur le handicap, les CCAS et les centres de dépistage, qui sont à notre sens inacceptables. Je ne m’y appesantirai pas, car ma collègue Michelle Meunier les évoquera lors de son intervention.
Ce qui pose surtout problème – je rejoins sur ce point Jacques Mézard –, c’est l’article 1er, qui est l’expression de toute la philosophie du texte. Il tend en effet à instaurer un principe de proportionnalité des normes à la taille des collectivités, qui permettrait aux préfets – ce qui est pour le moins curieux dans le cadre de la décentralisation ! – d’accorder des dérogations à l’application des textes réglementaires, notamment dans les domaines de la restauration collective ou de l’accessibilité des établissements recevant du public.
Ce principe n’a pas manqué d’inquiéter plusieurs juristes, parmi lesquels le professeur Didier Maus, que l’on ne peut suspecter d’appartenir au parti socialiste, et qui a écrit sur ce sujet : « Le principe de proportionnalité des normes selon la taille des collectivités, tel qu’il est prévu, pourrait conduire à des décisions différentes, car prises par des préfets différents, pour des collectivités présentant pourtant des caractéristiques identiques ».
Il a aussi été souligné que le Conseil d’État, utilement consulté pour la première fois par le Sénat sur une proposition de loi, avait émis des réserves sur ce principe. En effet, cet article, s’il était adopté en l’état, risquerait de contredire le principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant la loi. Or nos concitoyens, rappelons-le, sont égaux devant la loi quelle que soit la taille de leur commune de résidence, et quel que soit le territoire où ils habitent, qu’ils soient domiciliés à Paris ou dans la plus petite commune de leur département.
Cet article 1er, qui constitue le fondement de cette proposition de loi, doit être examiné, puis encadré. En l’état, il ne passerait pas, me semble-t-il, le barrage du Conseil constitutionnel.
Sur la forme, ce texte contient des dispositions très hétérogènes et diverses. À l’évidence, les délais très brefs pour les examiner – ce calendrier, au demeurant, est assez contestable à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi ! – ne permettent pas d’effectuer dans de bonnes conditions le nécessaire travail parlementaire.
Pour travailler correctement, dans le cadre de groupes de travail ou au sein de la commission des lois, par exemple, il faut aborder chaque secteur séparément, en dialoguant avec ceux qui ont inspiré ces normes.
Je poserai, ensuite, une question de procédure : faut-il traiter de la même façon les normes issues de l’administration, c’est-à-dire les règlements, les normes supranationales, par exemple celles qui sont issues des autorités européennes, les normes émanant des autorités indépendantes, celles qui proviennent des fédérations sportives et d’autres institutions de droit privé, et les normes contenues dans les lois que nous avons votées en conscience ?
Par ailleurs, ne doit-on pas demander son opinion à la nouvelle commission consultative départementale d’application des normes que le Sénat vient de créer ?
Le renvoi à la commission me paraît donc largement motivé. Il ne s’agit pas d’un enterrement de première classe, comme certains l’ont dit, et notamment, de façon arrogante, Mme Troendle. §