Nous le savons, le président sortant est candidat, et pourtant, je le répète, juridiquement, comptablement, il ne l’est pas encore. C’est bien là une fiction de notre Constitution.
Confronté à cette question, qui n’est pas médiocre, le rapporteur, Gaëtan Gorce, a proposé des solutions. Je regrette que l’Assemblée nationale les ait balayées d’un revers de la main lors de ses discussions, y compris au cours de la commission mixte paritaire.
Je voudrais en citer trois.
La première de ces solutions ouvre un débat nécessaire : quelles dépenses doivent être prises en compte dans le compte de campagne ? À quoi correspond cette notion ? Le rapporteur a suggéré une excellente réponse, dont le mérite serait d’éviter les dérives que je viens d’évoquer. Selon lui, doivent être retenues « l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées [au profit du candidat], dès lors qu’elles ne sont pas dénuées de lien avec le débat politique national. »
Cette notion de « lien avec le débat politique national » a été injustement considérée comme floue par l’Assemblée nationale. En réalité, elle a un sens précis, puisqu’elle reprend une formulation d’un arrêt du Conseil d’État portant sur le pluralisme dans l’audiovisuel. Force est de le constater, certains veulent éviter un débat.
Avec la commission des lois, nous avions également mis en place un excellent mécanisme de prévention des contestations permettant à un candidat de saisir la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. La réponse de nos collègues de l’Assemblée nationale est surprenante : un tel dispositif serait peu propice au déroulement serein de la campagne ! Quelle drôle de sérénité, qui serait troublée par un recours, mais qui sortirait indemne d’une irrégularité manifeste commise dans le financement de la campagne électorale !
Pierre-Yves Collombat a employé une comparaison que je trouve remarquable : pour une campagne cantonale, on ne peut pas faire la même chose que pour une campagne présidentielle. Je rappelle qu’avant toute élection locale, des procédures permettent de saisir le juge afin qu’il se prononce sur un certain nombre d’irrégularités. Toutes choses égales par ailleurs, un mécanisme identique pourrait être envisagé pour la campagne présidentielle.
Enfin, la troisième solution préconisée est la suivante : « Les candidats détenteurs d’un mandat électif ne peuvent utiliser les moyens procurés par ce mandat en vue de contribuer à la conduite de leur campagne. » L’Assemblée nationale a jugé inutile cette précision, qui figure déjà dans l’article L. 52-8 du code électoral. Nous sommes en plein mirage juridique, car, apparemment, les candidats ne connaissent pas cette disposition ! Celle-ci est complètement piétinée ! Lors de la dernière élection présidentielle, le Conseil constitutionnel a relevé un certain nombre d’irrégularités, sans cependant leur donner suite. Les personnes auditionnées par la commission ont souligné que la jurisprudence constitutionnelle très bienveillante n’est évidemment pas de nature à dissuader ces utilisations illégales. Il est donc indispensable de traiter spécifiquement le cas de l’élection présidentielle.
Pour terminer et pour résumer le débat, le Gouvernement, suivi par l’Assemblée nationale, nous propose d’économiser environ 3, 7 millions d’euros sur un total de 220 millions d’euros. C’est sans doute appréciable pour lutter contre les déficits. Le Sénat, lui, a posé les vraies questions suscitées par le financement de la campagne présidentielle, notamment celle-ci : comment assurer l’égalité de tous les candidats ?
Ce débat-là, certains ne veulent pas l’ouvrir. Soyez sûrs, mes chers collègues, qu’il sera poursuivi ! §