Intervention de Jean Louis Masson

Réunion du 31 janvier 2012 à 14h30
Remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle — Question préalable

Photo de Jean Louis MassonJean Louis Masson :

Sous prétexte de contribuer à la réduction des déficits budgétaires, ce projet de loi organique fait passer les remboursements de l’État aux candidats à l’élection présidentielle de 50 % à 47, 5 % du plafond des dépenses. En pratique, cela aura une incidence très limitée sur les comptes publics, puisque l’effort ne porte que sur 2, 5 %. Son seul but est de donner bonne conscience aux grands partis politiques, dont les dépenses démesurées pour l’élection présidentielle sont mal comprises par nos concitoyens, surtout en période de crise économique. Cette économie est donc purement symbolique et n’a aucun intérêt. Il aurait été préférable d'effectuer une économie réelle, en prévoyant par exemple un abattement d'un tiers à la fois sur les dépenses et sur les recettes.

Par ailleurs, une réduction du remboursement des dépenses de campagne sans baisse corrélative du plafond des dépenses autorisées revient à augmenter l'écart de moyens entre les candidats riches, ceux qui sont issus des grands partis et qui bénéficient de financements abondants et de soutiens, qu’ils soient ou non transparents d’ailleurs, et les candidats pauvres, ceux qui ne peuvent compter que sur leurs propres moyens pour se présenter et qui sont donc tributaires des remboursements de l’État. Ce problème fondamental est apparu de façon récurrente dans toutes les réformes qui ont été adoptées récemment.

Ce projet de loi organique aggravera ces distorsions. En effet, personne n'empêchera le candidat du parti socialiste ou le candidat de l'UMP de dépenser quasiment l’intégralité des dépenses autorisées, si le plafond n’est pas modifié. En revanche, la réduction du remboursement de l’État aura pour conséquence de pénaliser ceux qui ne disposent pas d’une structure importante pour les aider.

Si l'on avait voulu réduire le remboursement des dépenses de campagne tout en évitant de tels effets, il aurait fallu réduire tout proportionnellement, c’est-à-dire baisser aussi le plafond des dépenses autorisées. C'était d'ailleurs la logique du financement des campagnes électorales. Il s’agissait non pas tant de fixer un plafond, quel qu’en soit le montant, que de prévoir que l'État prenait à sa charge la moitié des dépenses autorisées, afin d'éviter des écarts trop importants entre les candidats qui disposent de moyens et ceux qui en ont moins. Cela permettait également de prévenir les financements occultes.

Il s'agit donc, avec ce projet de loi organique, d'une rupture avec la logique qui avait été instituée à l'époque, ce que je trouve tout à fait regrettable.

Si ces remarques valent pour ce projet de loi organique tel qu’il a été présenté par le Gouvernement, elles valent encore plus pour le texte qui nous a été proposé par les membres de la majorité sénatoriale. Si l'on opte pour la proportionnalité au nombre de suffrages obtenus, les candidats que l'on peut qualifier d'« institutionnels » et dont la probabilité d'obtenir de bons résultats est forte seront en droit d’espérer un remboursement plus important et organiseront, par conséquent, une campagne plus soutenue que les candidats outsiders qui disposeront de beaucoup moins de moyens. Cela aboutira à geler l'avantage qui est donné aux grands par rapport aux petits.

Or, dans une véritable démocratie, ce qui est important, c'est que chacun dispose des mêmes moyens pour faire valoir ses idées et les défendre. Si l’on donne plus aux uns qu'aux autres, ainsi que le prévoient les modifications apportées au texte initial par la majorité sénatoriale, on risque d’accentuer davantage encore les distorsions entre les candidats.

Pour toutes ces raisons, j’ai déposé cette motion tendant à opposer la question préalable.

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