Intervention de Jean Louis Masson

Réunion du 31 janvier 2012 à 14h30
Remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle — Demande de renvoi à la commission

Photo de Jean Louis MassonJean Louis Masson :

Le déroulement des trois premières élections présidentielles au suffrage universel direct de 1965, 1969 et 1974 a cependant fait apparaître des problèmes d’organisation liés à la multiplication anarchique des candidatures.

Cela a conduit le Conseil constitutionnel, par une déclaration du 24 mai 1974, à proposer un filtrage plus strict. Il a fait alors observer que la présentation d’un candidat à l’élection du Président de la République était un acte politique grave et qu’il importait de l’entourer de toute la solennité nécessaire.

La réforme souhaitée a été réalisée par la loi organique n° 76–528 du 18 juin 1976, laquelle a imposé, pour être désormais candidat, d’avoir obtenu 500 signatures émanant d’au moins 30 départements ou territoires d’outre-mer, sans que plus de 50 proviennent d’un même département ou territoire. Cette loi organique a aussi prévu la publication du nom des signataires des parrainages, dans la limite du nombre requis pour la validité de la candidature.

Les remarques et recommandations du Conseil constitutionnel ont pu, à l’époque, sembler salutaires. Cependant, à l’expérience, elles se sont révélées contre-productives, car leurs effets induits ont été contraires au but recherché.

C’est ce que je vais maintenant expliquer en évoquant successivement les menaces sur le pluralisme démocratique, puis l’atteinte au principe du secret du vote et, enfin, les pressions sur les parrains potentiels.

Premièrement, cette procédure porte en elle des menaces sur le pluralisme démocratique.

Le troisième alinéa de l’article 3 de la Constitution de 1958 dispose que : « Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret. »

Si comme le dit le Conseil constitutionnel, « la présentation d’un candidat à l’élection du Président de la République est un acte politique grave », il convient de s’interroger sur cette publication des parrainages. Au fur et à mesure des élections présidentielles, la publication a fait passer le parrainage du statut d’acte administratif pris en vertu d’une prérogative personnelle à une apparence de soutien politique, ce que certains assimilent à une sorte de vote public.

Cette publication des parrainages suscite donc un malaise grandissant chez les élus locaux habilités à présenter un candidat, leur signature étant souvent assimilée par les médias à un soutien, et non considérée comme ce qu’elle est, c’est-à-dire un simple acte administratif. Ceux-ci éprouvent dès lors les plus grandes difficultés à expliquer à leurs administrés qu’une éventuelle décision de présenter un candidat constitue non pas une adhésion partisane, mais une caution démocratique destinée à permettre la participation de tous les courants d’opinion à l’élection présidentielle.

L’article 4 de la Constitution indique, quant à lui : « La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la nation. »

Or, à la suite des problèmes constatés lors de l’élection présidentielle de 2007, la feuille de route adressée par le Président de la République, Nicolas Sarkozy, au Premier ministre, en novembre 2007, lui demandait de faire sorte « que le processus de désignation des candidats à l’élection présidentielle garantisse que tous les courants significatifs d’opinion [puisent] avoir un candidat ».

Hélas ! en la matière, cet engagement du Président n’a eu aucune suite. L’une des preuves indiscutables du détournement de la finalité des parrainages apparaît dans les propos récents du secrétaire général de l’UMP : celui-ci a en effet exigé que les élus de son parti ne donnent leur parrainage pour l’élection présidentielle de 2012 à aucun autre candidat que celui de l’UMP.

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