Monsieur le président, je ne voudrais pas, en m’exprimant sur l’article, décevoir mes collègues qui espèrent, du moins je le crois, que je présente tous mes amendements avant d’intervenir pour explication de vote. Qu’ils se rassurent, je prendrai bien la parole sur les amendements.
Ce dossier est important et dans une démocratie on doit pouvoir, même si on est minoritaire, défendre ses opinions et ne pas se laisser engloutir par le flot majoritaire.
Tout à l’heure, M. le ministre a déclaré que ce n’était pas le moment de débattre de la question des parrainages. Je vous concède, monsieur le ministre, que ce n’est sans doute pas le meilleur moment pour évoquer ce sujet. Mais je vous rappelle que, au lendemain de l’élection présidentielle de 2002, tout le monde disait qu’on allait faire une réforme. Et l’on s’est empressé de ne rien faire. Puis, après l’élection présidentielle de 2007, une nouvelle fois, tout le monde, y compris le Président de la République, le Premier ministre, la commission Balladur, considérait qu’il fallait une réforme ; pourtant, on n’a rien fait.
Monsieur le ministre, je ne suis pas au Gouvernement. Je ne peux que constater que si, aujourd’hui encore, nous sommes confrontés à ce problème, c’est bien parce que des responsables n’ont pas fait ce qu’ils devaient, au moment où ils devaient le faire ! Nous avons vu se succéder, pendant cinq ans, des réformes allant dans tous les sens, certaines dont on aurait sans doute pu se passer, d’autres qui présentaient un intérêt moral moindre que la révision du système des parrainages.
M. le rapporteur a déclaré, je ne dirai pas de manière sournoise, mais c’est tout comme, que si des candidats crédités de 20 % d’intentions de vote ne parviennent pas à recueillir le nombre de signatures permettant de se présenter, c’est peut-être pour des raisons qui leur sont propres, sous entendu, ces candidats sont rejetés par les maires : appelons un chat un chat, il est bien évident que c’est le Front national qui était visé.
Monsieur le rapporteur, lors des élections sénatoriales du mois de septembre dans mon département, j’ai obtenu un peu plus 500 voix, la liste sarkozyste a fait 400 voix ; celle du Front national a eu 100 voix. Cela signifie que même parmi les grands électeurs, qui sont liés aux maires, on trouve des personnes qui souhaitent que la candidate du Front national puisse se présenter à l’élection présidentielle.
Ainsi, dans mon département, lors d’un scrutin à bulletin secret, 100 grands électeurs votent pour le Front national. Il s’agit là d’un engagement politique, et pas simplement d’un acte administratif, car un parrainage n’est pas un soutien. On aurait pu concevoir que cela se traduirait par plus de 100 parrainages potentiels. Or, en Moselle, aujourd’hui, – cela a été annoncé dans la presse locale – seules trois personnes ont parrainé la candidate du Front national.
Une telle différence ne s’explique pas par le refus des personnes habilitées à parrainer de soutenir le Front national. Elle s’explique par d’autres raisons, qui sont les pressions dont ces personnes font l’objet.
Pendant l’interruption de séance, j’ai consulté le Parisien. Ce journal consacre une double page à la question du parrainage, avec une interview de quelques maires. L’un d’eux déclare en substance : j’ai parrainé M. Le Pen lors de la précédente élection présidentielle. Sa fille est mieux, mais je ne lui donnerai pas mon parrainage parce que l’on a badigeonné ma camionnette de croix gammées.
Un deuxième ajoute : « Je ne peux pas donner mon parrainage au Front national, parce que je l’ai fait la dernière fois… » C’est dans la presse d’aujourd’hui, mes chers collègues, ce n’est pas moi qui l’ai inventé ! Un troisième renchérit : « La dernière fois que j’ai parrainé un candidat, on m’a obligé à me désavouer… »
Peindre des croix gammées sur un véhicule, comme cela est relaté dans l’article précité, c’est une méthode typiquement employée dans les régimes totalitaires !
Il ne faut pas être de mauvaise foi et faire semblant de croire que les maires ne veulent pas parrainer un candidat ; ce n’est pas vrai du tout : en réalité, les maires sont soumis à des pressions, et en démocratie, ces pressions, quelles qu’elles soient – sur ce point, je défends Mme Le Pen comme je défendrais M. Besancenot –, ne devraient pas pouvoir être exercées pour bloquer les candidatures, entre autres choses.
Les arguments de M. le ministre, comme ceux de M. le rapporteur dont j’ai déjà eu connaissance en première lecture, ne sont pas vraiment cohérents et ne sont pas d’une totale bonne foi.