Intervention de Alain Richard

Réunion du 28 février 2012 à 21h30
Débat préalable au conseil européen des 1er et 2 mars 2012

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les circonstances que nous vivons, et qui n’incitent guère à l’optimisme, le sommet qui s'ouvrira après-demain a pour mission de tenter de raviver le sentiment européen dans les opinions de nos démocraties et de faire renaître l'espoir. Malheureusement, son ordre du jour porte essentiellement sur la confirmation du projet de traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire. Il y a là, me semble-t-il, un contraste.

Est-il besoin de rappeler les obligations d'équilibre budgétaire déjà acceptées au sein de l'Union européenne et en France ? Depuis bientôt vingt ans que le traité de Maastricht est en vigueur, nous avons pu observer comment il était appliqué. Il a donné lieu, en 2004-2005, à un compromis interprétatif du Conseil européen qui l’a surtout compliqué, et sans que les résultats en termes de maîtrise budgétaire collective soient vraiment au rendez-vous.

Plus récemment, ont été adoptés les deux packs qui encadreront de façon de plus en plus stricte les procédures budgétaires et les autres décisions relatives aux finances publiques des États membres.

Et n’oublions pas que, dans notre propre dispositif constitutionnel, la révision de juillet 2008 a introduit, à l’article 34, une disposition aux termes de laquelle « les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies dans des lois de programmation » et « s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».

Lorsqu’on observe la trajectoire budgétaire de la France, y compris en matière de finances sociales, depuis l'instauration de cette première règle d'équilibre à caractère constitutionnel, on se demande ce qu'il faudra pour atteindre effectivement l’équilibre !

L’expérience nous oblige à reconnaître que les difficultés spécifiques dans lesquelles notre pays se trouve aujourd'hui sont plus l’effet de certaines dérives que de la malchance et que ces dérives sont elles-mêmes la conséquence de décisions politiques qu’il faut bien assumer.

La façon dont les autorités françaises ont cherché à esquiver l'application des dispositions du traité en 2003-2004 – c’était la même majorité gouvernementale qu’aujourd'hui – a laissé un souvenir très précis à nombre de nos partenaires de l'Union européenne.

Enfin, comme d’autres orateurs l’ont souligné, l'affaiblissement de la compétitivité de la France – 10 points perdus depuis 2002 – n'a évidemment rien de rassurant quant à notre capacité à retrouver la croissance, qui reste le support premier de l'équilibre des finances publiques.

La conséquence de cette situation, nous la voyons maintenant dans le texte du projet de traité : c’est la position dominante de l'Allemagne. Les autorités allemandes, a fortiori quand ce sont les conservateurs qui sont au pouvoir, comme aujourd'hui, ont une exigence profondément normative d'encadrement des finances publiques et fondent leur raisonnement sur la méfiance. Reconnaissons que, comme je l’ai montré, nous avons donné prise à une telle attitude. Quoi qu'il en soit, l’Allemagne est actuellement suivie par un certain nombre de pays, qui s’inquiètent eux aussi de l'évolution de l'euro et de celle de notre système financier.

La position dans laquelle s’est trouvé le Président de la République au cours de la négociation – mais c'est aussi son bilan ! – a abouti à un traité que nous pensons profondément déséquilibré, et de surcroît inefficace.

Plusieurs économistes ont formulé des remarques assez simples sur ce qui posait problème au sein de la zone euro. D’ailleurs, à cet égard, malgré les différences d'opinion que nous avons pu avoir sur bien des sujets avec Jean-Pierre Chevènement, je veux saluer sa clairvoyance. Avoir une zone monétaire unique sans banque centrale jouant le rôle de prêteur en dernier ressort, sans partage de la gestion des dettes publiques et sans mise en commun des dispositifs de régulation du système bancaire confine à un exercice d'équilibriste…

Or, sauf peut-être sur un point, et encore de façon marginale, le traité qui sera vraisemblablement signé lors du prochain sommet – même s'il est encore légèrement modifié à l'occasion d'une ultime négociation – ne répond pas à ces questions de base.

Je signale au passage que, lorsque le Gouvernement français s'est engagé dans une comparaison critique avec la situation du Royaume-Uni, dont les fondamentaux affichent certes des chiffres encore plus préoccupants, il l’a fait néanmoins, à mon sens, de façon quelque peu hasardeuse, car ce pays dispose, lui, d’un prêteur en dernier ressort, ce qui a fait la différence !

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