Intervention de Alain Richard

Réunion du 28 février 2012 à 21h30
Débat préalable au conseil européen des 1er et 2 mars 2012

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Surtout, ce projet de traité ne remédie pas aux tensions économiques et sociales de plus en plus fortes et dramatiques que connaissent les pays en difficulté financière, à commencer par la Grèce. Dans de nombreux pays, notamment en France, les opinions publiques sont préoccupées par cette spirale de tensions et par l’incompréhension que manifeste la majorité conservatrice du Conseil européen, laquelle, devant cette situation économique très préoccupante – l'absence de croissance de l'Europe –, ne fait qu’appuyer sur le clavier des mesures restrictives, créant ainsi un risque de plus en plus grand de récession et de conflits sociaux.

Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur quelques questions qui ne me paraissent pas susceptibles d’être résolues par ce projet de traité.

Premièrement, dans le projet actuel, la Cour de justice de l’Union européenne a pour rôle de vérifier le respect de l'engagement d'équilibre des nations signataires. Sur quels actes concrets sera-t-elle saisie ? En cas de manquement à l'obligation de souscrire l'engagement d'équilibre, qui pourra la saisir ? Quelle est la crédibilité du mécanisme de sanctions financières si le désaccord entre l'État mis en cause et la Cour tient à une nuance rédactionnelle, puisque l’actuel projet de traité ne comporte plus d'obligation de caractère constitutionnel de fixer une règle d'équilibre ? On voit d'ailleurs mal comment la règle qui figure dans le projet de traité pourrait se traduire dans un dispositif constitutionnel.

Deuxièmement, même si le projet de traité ne prévoit rien de tel, y a-t-il un début d’évolution du rôle de la Banque centrale européenne ? Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer, fût-ce à grands traits, vos pistes de réflexion sur une concertation permettant à la Banque centrale européenne de se coordonner de façon plus efficace avec les gouvernements, notamment pour assurer la liquidité du système, sans remettre en cause l'indépendance de cette institution, à laquelle tiennent plusieurs de nos partenaires ?

Troisièmement, où sont les mesures de croissance ? Pour l'instant, le projet de traité ne parle que de « convergence » et de « compétitivité ». Pour les avoir souvent vus utilisés, nous savons ce que ces termes recouvrent en matière de recul des solidarités et de dérégulation du travail. Existe-t-il un début de discussion sur de grands projets ? Où sont les leviers de l'innovation productive ? Les signataires de ce traité ont-ils la volonté de prévoir une contrepartie en faveur de la croissance de l'Union européenne, puisque c'est la condition du rétablissement des équilibres financiers ?

Quatrièmement, ces mesures restrictives ouvrent-elles au moins la possibilité de mettre en commun des obligations publiques ? L’émission d'euro-obligations pourrait être envisagée, si, en matière de respect de l'équilibre des finances publiques, la confiance régnait, au lieu de la défiance. A-t-on envisagé un premier élargissement de la capacité d'emprunt de l'Union européenne pour financer les projets d'innovation et les projets de développement dans le cadre d’une croissance décarbonée ?

Je conclurai par une question plus transversale. Où est la confrontation démocratique sur les différents moyens d'atteindre ce rétablissement économique ? Où est le pluralisme ? Où sont les perspectives d’ouverture de débats dans les procédures que vous avez acceptées en approuvant ce projet de traité ?

Monsieur le ministre, vous le constatez, ce projet de traité est incomplet et déséquilibré. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il faut rouvrir la discussion. C'est le droit d’une nation comme la France, à l'issue d'un grand choix démocratique, de faire jouer son droit à une discussion renouvelée avec ses partenaires. Nous pourrons y prétendre sur la base du réalisme économique parce qu'il nous semble que ce traité organise la persistance de la récession. Il faut renforcer le potentiel de croissance et de solidarité de l'Union européenne. Cette négociation pourra s'élargir aux perspectives financières pour les années 2013-2020.

Monsieur le ministre, nous observerons de façon critique et vigilante la fin de la négociation lors du prochain Conseil européen. Nous y réagirons avec la volonté d'aider l'Union européenne à repartir du bon pas, celui de l'efficacité et de la justice. §

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