Intervention de Alain Néri

Réunion du 28 février 2012 à 21h30
Conseil national des communes « compagnon de la libération » — Suite de la discussion et adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Alain NériAlain Néri :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les dispositions techniques de la proposition de loi créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », qui ont été parfaitement présentées par M. le rapporteur, Jacques Gautier.

Je consacrerai mon intervention à rappeler l’importance que revêt, pour nous, le devoir de mémoire, nous qui sommes les héritiers d’une génération qui a su lutter en se levant contre les actes de barbarie, les humiliations, les tortures et les souffrances pour défendre la liberté et la justice, pour libérer la France et pour rétablir la République assassinée un triste jour du mois de juillet 1940 à Vichy.

Nous avons aussi le devoir de transmettre cette mémoire aux jeunes générations, pour que l’humanité ne connaisse plus jamais cela, comme le confiaient les déportés à leur retour des camps.

L’ordre de la Libération a été créé le 16 novembre 1940 à Brazzaville par le général de Gaulle, et la croix de la Libération n’a été attribuée qu’à 1 038 personnes, 18 unités combattantes et 5 villes, Nantes, Paris, Grenoble, Vassieux-en-Vercors et l’île de Sein. Cette médaille n’a plus été décernée depuis 1946, exception faite, à titre exceptionnel, en 1958, à Winston Churchill et, en 1960, au roi Georges VI. Cette limitation dans le temps lui donne encore plus de valeur.

Deuxième ordre en dignité après la Légion d’honneur, créé par le général de Gaulle qui ne pouvait alors décerner cette haute distinction, l’ordre de la Libération est une décoration particulièrement éminente. La valeur de cette croix se trouve parfaitement résumée dans sa devise : « Patriam servando victoriam tulit, autrement dit « En servant la Patrie, il a remporté la Victoire ». Et il ne s’agit pas de n’importe quelle victoire : il s’agit de celle sur la barbarie nazie !

À cet égard, n’oublions pas les propos que tenait le général de Gaulle en remettant la croix : « Nous vous reconnaissons comme notre Compagnon pour la libération de la France dans l’honneur et par la victoire. »

L’ordre de la Libération est indispensable. Il répond à une circonstance historique particulière, à savoir la Seconde Guerre mondiale, si dramatique pour les pays protagonistes. Certes, la croix de la Libération n’est pas la seule décoration spécifique à ce conflit ; je pense notamment à la médaille de la Résistance ou aux médailles de la déportation. Mais à la différence des autres, il s’agit, je le répète, d’un ordre national, et le deuxième en dignité.

De plus, parmi les autres décorations spécifiquement liées à la Seconde Guerre mondiale, l’ordre de la Libération combine plusieurs critères de mérite, dont le premier est le choix précoce de l’engagement pour libérer la France et retrouver la liberté.

L’Ordre matérialise encore aujourd'hui par l’intermédiaire de ses membres, et demain au travers des villes « Compagnon de la Libération », l’esprit de résistance. Et c’est dans cet esprit qu’il continuera à transmettre l’idée que le courage de quelques-uns peut avoir raison de l’abattement du plus grand nombre, que la voie périlleuse de l’exil peut être le chemin le plus sûr vers le rétablissement de la souveraineté nationale, que l’opprobre des procès truqués intentés par ceux qui se couchaient contre ceux qui se levaient honore les condamnés de Riom. Il glorifie également ceux qui, au plus fort des combats engagés par la Résistance, dans les maquis, au sein des Forces françaises libres et des Forces françaises de l’intérieur, pensèrent et créèrent le programme du Conseil national de la Résistance, plus que jamais d’actualité aujourd'hui.

L’ordre de la Libération honore en fait des femmes et des hommes d’exception, qui surent se lever pour vivre et résister.

Le combat contre l’idéologie nazie fut avant tout celui de la restauration de la République et de l’indépendance nationale. S’engager dans la Résistance revenait aussi à affirmer qu’il n’y a pas de peuple libre dans une nation asservie.

Forces françaises de l’intérieur ou Forces françaises libres, ouvriers et paysans saboteurs, engagés des maquis ou des corps francs, riches ou pauvres, ceux qui y croyaient ou ceux qui n’y croyaient pas, ils étaient tous unis par la même prise de conscience et le même courage autour du message de la première strophe du Chant des partisans :

« Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?

« Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?

« Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme.

« Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes. »

L’ordre national des Compagnons de la Libération représente, et incarne même, la France dans sa diversité, sa générosité et sa grandeur, mais aussi dans son amour pour la liberté, l’égalité et la fraternité.

Sur les 1 036 Compagnons, 271 ont été décorés à titre posthume ; 65 ont été tués avant le 8 mai 1945 et seulement 700 étaient encore en vie le jour de la capitulation nazie, le 8 mai 1945. Un fait est remarquable : 44 étrangers de 18 nationalités ont été faits Compagnons. Le temps faisant inexorablement son œuvre, il ne reste aujourd'hui que 28 Compagnons de la Libération. Bientôt – trop tôt ! –, ils auront tous disparu. Seules les cinq communes resteront, et elles auront, grâce à l’instauration du Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », un rôle essentiel à jouer pour assurer la pérennité de l’Ordre.

Rendons hommage à ces cinq villes et à leurs populations qui se sont illustrées dans l’action et le combat pour la victoire de la liberté sur la tyrannie, de la justice sur le totalitarisme, de la démocratie sur la dictature.

Soyons fiers de ceux qui, par leur engagement, allant parfois jusqu’au sacrifice suprême, nous ont légué ce message de dignité, de volonté et de courage.

Cette fierté nous impose un devoir de fidélité pour que la Résistance continue à vivre dans notre mémoire, particulièrement dans celle de nos concitoyens les plus jeunes, et pour que perdure le message de l’espoir et de l’honneur.

Soyons fiers et dignes de nos résistants et du sens de l’honneur et du sacrifice dont ils ont fait preuve dans les moments les plus sombres qu’a connus notre pays. Il nous faut perpétuer leur mémoire, et nous le ferons grâce aux cinq communes « Compagnon de la Libération ».

Nantes fut la première ville distinguée par le général de Gaulle pour son magnifique exemple de courage et de fidélité aux valeurs de la République.

Vint ensuite Paris, martyrisée, mais qui s’est elle-même libérée avant l’arrivée des blindés de la 2° DB du général Leclerc ; puis Vassieux-en-Vercors, symbole et martyr de la République libre du Vercors.

Quant à l’île de Sein, elle donna un formidable signal à l’ensemble de la France en envoyant, dès le premier jour, tous ses pêcheurs s’engager dans les forces de la France libre et rejoindre le général de Gaulle à Londres. En 1940, ceux-ci composaient le quart des effectifs de ces forces.

Enfin, à Grenoble, lors de la manifestation patriotique du 11 novembre 1943, la population affirma son refus de l’occupation, sa foi dans la victoire et sa volonté farouche d’y prendre une part active, au prix de centaines d’arrestations et de déportations.

Dans l’esprit du « pacte d’amitié » signé en 1981, ces villes sauront, je n’en doute pas, assumer, dans le cadre du futur Conseil national des communes « Compagnon de la libération », le souvenir et la pérennité de l’Ordre après la disparition des derniers Compagnons.

Naturellement, vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe socialiste votera cette proposition de loi. Ainsi, nous perpétuerons la flamme et les valeurs de la Résistance et des résistants. Nous devons, aujourd'hui, par notre vote, que je souhaite unanime, rendre hommage à ceux qui ont su, par leur souffrance et leur sacrifice, rendre honneur et grandeur à la France, fidèle à ses idéaux républicains et à sa devise « Liberté, Égalité, Fraternité ». Rappelons-nous toujours le message des résistants : vive la République, vive la France !

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