Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 10 janvier 2012 à 14h30
Simplification du droit et allègement des démarches administratives — Rejet d'une proposition de loi en procédure accélérée

Photo de Nicole BricqNicole Bricq, rapporteur pour avis :

Il n’est pas sûr que le droit y gagne en lisibilité…

Le précédent « Église de scientologie » aurait pourtant dû donner à réfléchir quant à la méthode d’élaboration de ces textes !

Sur le fond, un examen plus détaillé des mesures dont nous nous sommes saisis a révélé quelques surprises. Je dirai même que nous sommes allés de surprise en surprise. Comme le rapporteur Jean-Pierre Michel a eu l’occasion de le souligner, le contenu de la proposition de loi est parfois bien éloigné de son intitulé !

Ainsi, l’article 12 bis étend les possibilités de rachats d’actions pour les sociétés cotées sur Alternext. Une disposition identique, présentée par le Gouvernement, avait été rejetée par le Parlement lors de l’examen de la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, voilà donc un peu plus d’un an.

La commission des finances avait alors, de manière unanime, rejeté cette disposition, considérant qu’il ne fallait pas, du fait de la profondeur de la crise financière, qu’Alternext s’inscrive dans une logique de financiarisation.

Nous aurions pu accepter des corrections ou des ajustements à la loi de régulation bancaire et financière, mais là, mes chers collègues, il s’agit non plus de simplifier, mais de revenir sur la volonté exprimée par le Sénat et de détricoter le texte finalement voté par le Parlement.

Autre surprise : à l’article 59, au détour d’un prétendu « allégement des démarches administratives » – il faut toujours se méfier quand un gouvernement entend « alléger » et « simplifier », car, en général, la loi s’en trouve in fine plus complexe, ce dont ne manquent pas de profiter ceux qui vivent de la défense d’intérêts souvent corporatistes –, on tend à réduire significativement les obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme des opérateurs de services de paiement en ligne.

C’est un comble, alors même que, en fin d’année dernière, Mme la ministre du budget avait expliqué, au cours d’une conférence de presse, combien le Gouvernement était actif dans la lutte contre la fraude. Cela étant, nous avions bien compris que ses efforts portaient d’abord sur la fraude sociale, marginale, et non pas nécessairement sur la fraude fiscale.

Au surplus, le texte renvoie l’essentiel de la mesure à un décret en Conseil d’État dont nous ignorons les principales orientations.

Surprise, encore, que de constater, à l’article 49 bis, que le Gouvernement demande une habilitation à transposer par ordonnance une directive du 10 décembre 2010. En effet, la partie législative de la transposition demeure très limitée, l’essentiel relevant du pouvoir réglementaire. En outre, les textes de transposition sont déjà prêts puisqu’ils font l’objet d’une consultation publique qui a été close à la fin du mois de décembre.

En matière de législation bancaire et financière, le Gouvernement fait, une fois encore, une mauvaise manière au Parlement en l’ignorant et en légiférant par ordonnance. C’est regrettable car, nous l’avons dit et redit, la technicité de ces matières ne doit pas conduire à faire abstraction de leur dimension politique.

Comme vous le savez, il n’est pas dans les habitudes du Sénat de se dérober à sa tâche et nous avons effectué, bon gré mal gré, un travail d’étude approfondi des dispositions dont nous nous sommes saisis.

À cet égard, j’ai également présenté, devant la commission des finances, un rapport sur la proposition de loi du président Marini tendant à améliorer l’information du marché financier en matière de franchissements de seuils en droit boursier, dont l’essentiel est repris à l’article 21 bis de la présente proposition de loi.

Néanmoins, monsieur le secrétaire d'État, s’agissant de la méthode, l’empressement avec lequel vous voulez voir adopter cette proposition de loi ne permet pas au législateur de débattre sereinement.

Pour ce qui est du fond, on ne peut que regretter qu’un trop grand nombre des mesures en discussion soient mal préparées, mal écrites ou, tout simplement, inadmissibles pour notre assemblée.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des finances a décidé d’approuver la motion opposant la question préalable dont la commission des lois propose l’adoption.

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