Séance en hémicycle du 10 janvier 2012 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • législatif
  • motion
  • simplification

La séance

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La séance, suspendue à douze heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Charles Guené.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 72 de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006, le rapport annuel 2011 du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie : « L’assurance maladie face à la crise – Mieux évaluer la dépense publique d’assurance maladie : l’ONDAM et la mesure de l’accessibilité financière des soins ».

Il a été transmis à la commission des affaires sociales.

M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, les rapports sur la mise en application de plusieurs lois qui ont été transmis à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois ainsi que, respectivement :

- à la commission des affaires étrangères pour les lois n° 2011-266 du 14 mars 2011 relative à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs et n° 2011-702 du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l’Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité ;

- à la commission des affaires sociales pour les lois n° 2010-209 du 2 mars 2010 visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie et n° 2010-1215 du 15 octobre 2010 complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;

- à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication pour les lois n° 2010-501 du 18 mai 2010 visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections et n° 2010-626 du 9 juin 2010 encadrant la profession d’agent sportif ;

- à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire pour les lois n° 2008-1545 du 31 décembre 2008 pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse, n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales et n° 2011-12 du 5 janvier 2011 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne ;

- à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale pour la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007 tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française, la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, les lois n° 2011-411 du 14 avril 2011 ratifiant l’ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l’élection de députés par les Français établis hors de France, n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique et n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité ;

- à la commission des affaires sociales et à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale pour les lois n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants et n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge ;

- à la commission des affaires sociales, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, ainsi qu’à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire pour la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

Enfin, M. le président du Sénat a reçu de :

- M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie le rapport d’activité 2011 de l’Observatoire des tarifs bancaires de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, établi en application de l’article L. 711-5 du code monétaire et financier. Il a été transmis à la commission des finances ;

- M. Hervé Gaymard, président du conseil d’administration de l’Office national des forêts, en application de l’article L. 124-2 du code forestier, le rapport d’activité et de développement durable 2010 de l’Office national des forêts. Il a été transmis à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;

- M. Jean-Ludovic Silicani, président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, le rapport sur le coût net en 2010 de la mission d’aménagement du territoire assurée par La Poste, établi en application de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom. Il a été transmis à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Ils sont disponibles au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon rappel se fonde sur l’article 29 de notre règlement.

Je rappelle au Sénat que, sous l’égide du président Gérard Larcher et de l’ancien président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Josselin de Rohan, nous avions l’habitude d’organiser des débats de politique étrangère.

J’ai peut-être été inattentive, mais il ne me semble pas que nous ayons eu récemment de tels débats, exception faite lors de l’examen du projet de loi de finances, qui, reconnaissons-le, n’est pas le cadre idéal.

Pourtant, la situation en Syrie n’a fait que se dégrader. La Ligue arabe a montré les limites de son intervention – j’ai déjà attiré l’attention de la Haute Assemblée sur le sujet le 18 octobre dernier. Les massacres de chrétiens au Nigéria doivent aussi retenir notre attention. L’Irak est totalement déstabilisé depuis le départ des derniers soldats américains. Dans les territoires palestiniens, la situation n’est guère plus brillante. J’ajouterai à cette liste le jeu de poker menteur entre les États-Unis et l’Iran dans le détroit d’Ormuz et j’en aurai terminé après avoir évoqué la débâcle diplomatique avec la Turquie.

Monsieur le président, tous ces sujets justifient que nous ayons un débat de politique étrangère avant la fin de cette session, afin que le Gouvernement puisse éclairer la Haute Assemblée sur les diverses positions de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives (proposition n° 33, rapport n° 224 et avis n° 214, 223, 225 et 227).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je prends la parole aujourd’hui devant vous à un moment où la crise mondiale n’épargne pas notre pays et où chacun, dans cet hémicycle, doit avoir à cœur de soutenir les entreprises et le travail.

Je veux le faire solennellement, car la compétitivité de la France, c’est d’abord la compétitivité de nos entreprises. Comme chacun ici, je mesure les attentes de celles-ci, et cela d’autant plus que, trois fois par semaine, je me déplace partout sur le territoire pour rencontrer les acteurs économiques.

Voilà quelques semaines, nous avons eu, dans cet hémicycle, un débat sur la compétitivité qui nous a justement permis d’échanger longuement.

Quels sont nos points forts et quels sont nos points faibles en termes de compétitivité ?

Le point fort est le prix de l’énergie en France. Le choix du nucléaire, assumé par la droite et par la gauche depuis trente ans, a très clairement donné un avantage de compétitivité à l’ensemble des entreprises françaises sur leurs concurrentes, particulièrement en Europe, notamment sur l’Allemagne. Or, nous le savons, un certain nombre d’entre vous entendent remettre en cause cet avantage.

Après ce point fort, que certains sont prêts à sacrifier, j’en viens au premier point faible : le poids des charges sociales qui pèsent sur les entreprises de notre pays, où elles sont 10 % supérieures à celles de notre voisin allemand.

Le Président de la République a décidé d’en faire l’un des points-clés du sommet social du 18 janvier ; il s’en est ouvert à l’ensemble de nos compatriotes au moment des vœux. Il faut alléger les charges sociales qui pèsent sur le travail et réorganiser notre fiscalité en conséquence. Un certain nombre d’entre vous – les mêmes – refusent ce débat en le caricaturant ; c’est pourtant un enjeu majeur de compétitivité.

Deuxième point faible pour notre pays : la complexité administrative. Je citerai brièvement des chiffres que vous connaissez les uns et les autres, et qui traduisent très concrètement l’importance capitale que revêt ce chantier.

Selon l’OCDE, « l’impôt papier » nous coûte chaque année de 3 % à 4 % du PIB. J’ajoute que, selon le dernier rapport du Global Competitiveness Report, nous occupons le 116e rang mondial sur 142 en termes de complexité administrative. Certes, c’est un progrès, puisque nous avons gagné onze places par rapport au dernier classement, mais ce n’est pas admissible pour la cinquième puissance économique du monde !

Enfin, je tiens à dire que, dans chacun de vos départements, de vos territoires, les chefs d’entreprise – ils le savent bien ! – perdent environ cinquante jours par an à régler les problèmes de paperasserie administrative, soit environ un jour par semaine, lequel pourrait être mobilisé en faveur de la croissance, du commerce et de la création.

Nous ne pouvons nous résoudre à une telle aberration et à une forme d’injustice qui fragilise d’abord les patrons des petites structures. C’est pourquoi le Président de la République a voulu simplifier et réorganiser l’État avec la Révision générale des politiques publiques ou RGPP. En modernisant l’appareil public, celle-ci a généré une économie évaluée à 15 milliards d’euros à l’horizon 2013, avec des mesures qui concernent très directement les entreprises de notre pays : je pense notamment à la réorganisation du réseau des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, ou encore à la mise en place du guichet unique de création d’entreprises.

J’ai fait de la simplification administrative une priorité de mon action. Nous avons travaillé, main dans la main avec le Parlement et les entreprises, puisque, à mes côtés, le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Jean-Luc Warsmann, et un grand chef d’entreprise, Jean-Michel Aulas, ont coprésidé les premières Assises de la simplification que j’ai voulues. Il en est né quatre-vingts décisions, dont vingt-cinq des plus importantes trouvent leur traduction directe dans ce texte.

Mais, là encore, malheureusement, sur ce point pourtant essentiel en matière de compétitivité, je constate que vous refusez purement et simplement le débat.

Je veux vous dire que, dans cette crise multiforme, répétitive, qui engendre de nombreuses inquiétudes, nos compatriotes nous regardent. Les acteurs économiques observent l’attitude des uns et des autres.

Nous ne pouvons pas, sous prétexte que doit avoir lieu une élection présidentielle dans quatre mois, faire l’impasse sur des mesures qui ont autant d’impact pour les acteurs économiques, qui correspondent pour eux à l’allégement des charges pesant sur leur activité et qui apparaissent comme une véritable chance de renouer avec la croissance. Or, chacun le sait bien, renouer avec la croissance, c’est accroître le travail et le pouvoir d’achat dans notre pays, ce qui est attendu par la très grande majorité de nos compatriotes. Ce n’est pas, je veux insister sur ce point, une question de droite ou de gauche !

Bien que le nucléaire soit un avantage en termes de compétitivité, vous voulez tourner la page. Concernant les charges sociales, qui sont une faiblesse, votre réponse est : « Circulez, il n’y a rien à voir ! ». Enfin, s’agissant de la complexité administrative, vous ne voulez pas débattre !

Vous le savez, j’ai souhaité accélérer, institutionnaliser et approfondir le mouvement de simplification avec l’organisation, en décembre dernier, d’une deuxième édition des Assises.

J’ai le plaisir de commencer l’année au Sénat, puisque c’est aujourd’hui votre première journée de séance, ...

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

... après avoir, avec un certain nombre d’entre vous, effectivement terminé la précédente...

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

... par l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez-en convaincus, la deuxième édition des Assises de la simplification, que j’ai organisée au mois de décembre, a permis de faire émerger de nouvelles propositions et d’évaluer les avancées obtenues en un an.

Je peux aujourd’hui vous le dire, le bilan est positif et à la hauteur de la mobilisation qui est la nôtre : les 80 mesures annoncées le 29 avril 2011 ont été activement mises en œuvre, puisque 73 % d’entre elles sont déjà appliquées ou devraient l’être, conformément au calendrier prévu. Il ne faut donc pas s’arrêter en si bon chemin. Car simplifier la vie des entrepreneurs en prenant des mesures concrètes en leur faveur, c'est-à-dire en faveur du travail et de l’emploi, c’est aussi leur permettre de réaliser des économies considérables. Celles qui avaient été retenues dans le cadre des Assises de la simplification, ont été chiffrées par un cabinet indépendant, Ernst & Young, à un milliard d’euros. Cela répond directement à l’« objectif croissance » que je me suis fixé comme priorité : il s’agit d’adopter des dispositions efficaces et rapides pour obtenir des résultats tangibles, qui bénéficient à nos entreprises, à l’emploi et au pouvoir d’achat des salariés.

Au-delà même de ce constat chiffré, il me semble indispensable de restaurer la confiance entre les entrepreneurs et l’État. Ce dernier ne doit plus être perçu comme un adversaire ou, au mieux, un élément bloquant : il doit devenir un partenaire. Je vous rappelle que 90 % des entrepreneurs jugent la charge administrative contraignante ou très contraignante. C’est en restaurant une relation de confiance entre les acteurs économiques et les pouvoirs publics que nous construirons une croissance durable pour la France. Je crois d’ailleurs que le temps politique et le temps économique exigent – ce n’est pas un choix, mais un devoir – d’agir en ce sens.

Nous devons montrer que l’État est déterminé à « penser entreprise », et un état qui « pense entreprise », ce sont des formulaires moins compliqués, l’accès à plus d’information, des interlocuteurs clairement identifiés et une réglementation plus stable. Au cours des Assises de la simplification, j’ai pu constater à quel point l’attente est forte en la matière. Nous n’avons pas le droit de la décevoir.

Évoquer les remontées du terrain me conduit logiquement à rappeler la méthode mise en œuvre pour élaborer les mesures prévues dans cette proposition de loi. Jusqu’ici, tous ceux qui ont travaillé sur ce grand chantier de la simplification ont été à la hauteur des enjeux. La méthode du Gouvernement et celle de M. Jean-Luc Warsmann se sont en effet renforcées l’une l’autre. J’aurais souhaité, monsieur le président de la commission des lois, que la confrontation de nos deux points de vue consolide également les dispositifs élaborés, car le sujet dépasse la traditionnelle opposition entre la droite et la gauche. Je regrette, je le redis, que vous ayez fait le choix de refuser le débat.

J’évoquerai d’abord les Assises de la simplification : avec un correspondant PME par département, 574 entreprises visitées par ces correspondants, soit autant d’« entretiens simplification », 22 réunions régionales et 700 propositions recueillies, ces assises ont permis de faire remonter du terrain des attentes concrètes et précises.

Cette proposition de loi ne sort donc pas des tiroirs de l’administration française ; elle provient directement du terrain, des acteurs économiques eux-mêmes, des informations recueillies dans les différents entrepôts et magasins.

Je tiens aussi à dire quelques mots au sujet de la méthode utilisée par M. Jean-Luc Warsmann. Avec un comité de pilotage particulièrement actif, près de 70 auditions conduites auprès des organisations professionnelles, des journées régionales et des réunions thématiques, le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale a mené un travail de fond, pour coller au plus près des attentes des entrepreneurs. Je le redis, parce que ce n’est pas si courant, c’est main dans la main, en phase avec le terrain, sans préjugé politique et selon une démarche de dialogue que nous avons travaillé sur le chantier de la simplification du droit et d’allégement des démarches administratives.

Tout cela démontre que le sujet devrait dépasser les clivages partisans et les batailles idéologiques. Dans un tel contexte, je le redis pour la troisième fois, je regrette profondément la position adoptée par la commission des lois du Sénat. Les mesures de simplification figurant dans cette proposition de loi sont attendues par les entreprises et les salariés de notre pays : elles méritent sans aucun doute un débat à la hauteur des enjeux, loin d’une posture qui m’apparaît en réalité partisane.

J’en veux pour preuve la position du rapporteur et des différents rapporteurs pour avis, qui s’accordent unanimement pour reconnaître les avancées très positives contenues dans ce texte. En outre, la critique centrale que l’on entend porter sur ce texte, le qualifiant de « fourre-tout législatif », ne me paraît pas fondée. Elle découle selon moi d’une erreur d’appréciation et, permettez-moi de vous le dire, est en parfait décalage avec les difficultés que rencontrent quotidiennement les entrepreneurs.

En effet, pourquoi ces derniers seraient-ils les seuls à devoir affronter toutes les réalités du droit ? Pourquoi seraient-ils les seuls à devoir jongler entre le code de commerce, le code de l’environnement et les complexités liées à un changement de capital ou encore à un déménagement ? Pourquoi seraient-ils les seuls à devoir faire face un tel empilement de règles ? Rien ne le justifie ! Loin d’être un fourre-tout législatif, ce texte traduit la variété des sujets auxquels sont confrontées nos entreprises et qu’il nous revient, à nous, Gouvernement, et à vous, Parlement, d’avoir l’ambition de simplifier.

Selon les propos de Philippe Bas, cités dans le rapport de la commission des lois : « Il n’est pas de texte de simplification administrative qui ne soit hétéroclite. […] On ne va pas porter 94 projets de loi, modifiant chacun un article d’une loi ou un code. » Ce serait totalement contre-productif et à l’opposé d’une volonté de simplification du droit.

De plus, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez tous, s’il existe un « mal français », c’est bien l’inflation législative, porteuse d’insécurité juridique pour les acteurs économiques. Je n’accuse ni la droite ni la gauche, ce travers national ne datant pas d’hier. Le Gouvernement tente d’apporter enfin à ce problème une réponse adaptée et conforme aux attentes de nos concitoyens.

Je le rappelle, dès 1844, l’homme politique et spécialiste du droit Louis Marie de Lahaye Cormenin dénonçait dans un pamphlet intitulé La Légomanie l’étrange tropisme français qui consiste à inventer sans cesse de nouvelles lois. Simplifier, c’est aussi être capable de proposer un seul texte, qui résolve, une fois pour toutes, un maximum de problèmes.

Tel est exactement l’objet de cette proposition de loi, que l’Assemblée nationale a enrichie de nombreux amendements issus de tous ses bancs. J’aurais souhaité qu’il puisse en être de même lors de son examen par la Haute Assemblée. En effet, dans les différents rapports sénatoriaux rédigés sur ce texte, j’ai relevé de nombreuses propositions.

Je vous le dis sans ambages : si nous n’allions pas au bout de ce chantier, les déceptions seraient immenses, à la hauteur des espoirs qu’a suscités la démarche entreprise. Nous briserions un cercle vertueux, celui de la confiance retrouvée entre les acteurs économiques et les pouvoirs publics. Les entrepreneurs veulent être libérés du fardeau administratif qui pèse sur eux. Ils ne peuvent être les otages de divisions partisanes, même à quelques mois d’échéances électorales essentielles.

Refuser de débattre des articles de ce texte serait en décalage absolu avec la méthode que vous avez suivie. À l’instar de M. Jean-Luc Warsmann, vous avez mené des auditions, ce dont je vous remercie, pour saisir la réalité du terrain. Vous êtes arrivés à des conclusions similaires quant à la nécessité d’agir. Pourquoi faire soudain machine arrière, monsieur le président Sueur ?

Votre position est difficile à comprendre, surtout ici, au Sénat, une institution garante de l’intérêt général et du consensus républicain, familière d’un travail en profondeur sur les textes. Votre décision me semble d’autant plus regrettable que la majorité des mesures prévues offre des solutions pragmatiques aux acteurs économiques, en conformité avec leurs aspirations et leurs besoins. Elles font consensus dans le monde de l’entreprise et, plus généralement, dans l’ensemble de la société. Certaines d’entre elles facilitent aussi bien la vie du chef d’entreprise que celle des employés. Je ne vous citerai que trois exemples, absolument emblématiques de l’utilité des dispositions envisagées.

Il s’agit d’abord de la simplification du bulletin de paye. Admettons-le ensemble, plus personne n’est en mesure de comprendre les informations qui y sont contenues ! Lors de mes visites dans les usines et les ateliers, j’ai pu constater qu’autant les patrons que les salariés étaient dépassés par la complexité de ce document. De nombreuses promesses ont été faites en la matière, par des hommes et femmes politiques de gauche comme de droite. Grâce à l’article 44 de cette proposition de loi, une réponse est enfin apportée pour diviser le nombre de lignes du bulletin de paye et rendre ses informations intelligibles.

Il s’agit ensuite de l’« armoire numérique sécurisée », parfois nommée « coffre-fort numérique », qui découle de la même logique, celle du bon sens. Elle permettra au chef d’entreprise, lequel remplit aujourd’hui quelque 70 déclarations, de fournir une fois pour toutes les informations qu’il doit transmettre à l’ensemble des administrations concernées. Le gain de temps et d’argent, vous vous en doutez, est considérable. Là encore, vous prenez la responsabilité de ne pas discuter de ce dispositif.

Il s’agit, enfin, de l’amélioration du dispositif du rescrit en matière sociale, autre mesure phare portée par cette proposition de loi.

Je me suis battu en faveur de cette procédure, qui permet à l’entreprise de connaître la position de l’administration sur les questions qu’elle lui soumet. Chacun ici connaît les difficultés soulevées en la matière. J’ai été heureux d’entendre de la bouche des représentants des artisans – je parle sous le contrôle d’André Reichardt –, que le dispositif proposé permet d’améliorer le RSI, le régime social des indépendants. Mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, vous aviez saisi le Gouvernement de cette question. Après ma nomination, j’avais immédiatement engagé un travail destiné à dépasser les difficultés. Tel est visiblement le cas aujourd’hui.

Grâce à l’article 36 de ce texte, l’extension du champ du rescrit social à de nouveaux domaines tels que les règles de déclaration et de paiement des cotisations de sécurité sociale est désormais possible. De même, cet article introduit la possibilité de mise en œuvre de décisions tacites. Cela permet un développement significatif du recours à cette procédure, donc des échanges entre les entreprises et l’administration. La proposition de loi contribuera ainsi – je le dis parce que c’est important pour les acteurs économiques – à une sécurisation absolument indispensable du droit social.

Là encore, il s’agit d’instaurer un cercle vertueux et une logique de confiance entre les pouvoirs publics et les acteurs économiques. Vous le savez, je ne refuse jamais le débat. Au mois de décembre dernier, j’ai d’ailleurs montré à quel point j’étais ouvert, en acceptant un grand nombre d’amendements, quelle que soit leur origine, dans la mesure où ils visaient à améliorer la situation des consommateurs. Les sénateurs présents lors de l’examen du texte renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs peuvent en témoigner.

Ma méthode repose en effet sur le dialogue, qu’il ait lieu avant la rédaction du texte, pendant son examen ou après son adoption, afin de corriger d’éventuelles erreurs.

C’est donc avec une grande frustration que j’aborde la discussion de la proposition de loi. En effet, à la lecture des différents rapports, j’avais espéré que nous pourrions aller au cœur du sujet et examiner les amendements que, sans doute, les uns et les autres, vous auriez à cœur de défendre. Il y va de l’avenir des entreprises et de la croissance dans notre pays qui, comme l’Europe et le monde entier, affronte depuis trois ans une crise multiforme qui se perpétue, créant difficultés et inquiétudes.

En pareilles circonstances, je considère que nous n’avons pas le droit – et je mesure mes paroles – de prendre, en adoptant une attitude partisane, la responsabilité de laisser sur le bord de la route des acteurs économiques en attente de solutions concrètes. Il me semble au contraire que toutes les bonnes idées, d’où qu’elles viennent, doivent être prises en considération.

C’est pourquoi, monsieur le président Sueur, je vous demande de revenir sur cette erreur d’appréciation ; même si je vous vois sourire, je suis convaincu qu’il en est encore temps…

Si je mets tant d’énergie à essayer de vous convaincre, c’est parce que les acteurs économiques, sur une question de cette importance, attendent que le Sénat mène un débat digne de ce nom !

Il est encore temps pour nous d’avoir un débat riche, qui améliore la proposition de loi sur certains sujets, d’ailleurs soulevés dans le rapport de M. Michel. Je pense par exemple à la dépénalisation du droit des affaires, à propos de laquelle M. le rapporteur juge plus pertinentes, pour certaines infractions, les évolutions proposées par le groupe de travail présidé par Jean-Marie Coulon.

Pour ma part, je considère que l’article 90 bis de la proposition de loi, relatif aux délais de paiement – une question dont nous avons déjà débattu dans cet hémicycle – pourrait également faire l’objet d’améliorations allant dans le sens souhaité par M. le rapporteur : un encadrement plus fort des dispositifs dérogatoires.

D’autres sujets mériteraient encore d’être abordés. Par exemple, M. Reichardt a proposé des éléments de définition du métier d’artisan, qui apporteraient à la loi une clarification manifeste. Le rapport qu’il m’a remis contient des propositions auxquelles le Gouvernement est favorable. Elles sont attendues par des centaines de milliers d’artisans qui accordent une très grande importance à cette question. Et nous manquerions aujourd’hui l’occasion de les introduire dans la loi ?

Monsieur le président Sueur, si nous pouvions mener ce débat et engager la discussion des mesures concrètes, je crois vraiment que nous ferions œuvre utile pour le pays !

De même, la notion de professionnel libéral n’est pas définie par la loi. Pourtant, il s’agit d’hommes et de femmes qui, partout en France, exercent leur métier avec passion. Chacun sait qu’ils remplissent des fonctions essentielles pour les citoyens et les acteurs économiques et qu’ils contribuent au renforcement du lien social dans notre pays.

Monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi nous offre l’occasion de fixer enfin cette notion, afin qu’elle ne varie plus selon le domaine du droit dans lequel on l’utilise. Les professionnels libéraux en font la demande avec force et, il y a quelques semaines, à l’occasion d’une rencontre avec eux, le Président de la République a réaffirmé sa volonté de les exaucer.

À l’heure où notre pays demeure durement frappé par les effets d’une crise sans précédent depuis la déroute boursière des années trente, nous ne pouvons pas refuser d’accompagner les forces économiques de notre pays.

Je le répète avec beaucoup de solennité : tous, que nous soyons de gauche ou de droite, nous avons le devoir de répondre aux attentes des acteurs économiques qui se battent au quotidien contre la crise.

C’est pourquoi je renouvelle, avec beaucoup d’insistance, la demande que j’ai faite à la commission des lois de modifier sa position. Ce débat est attendu par nos compatriotes et les acteurs économiques ; il est bon pour la croissance, le travail et les emplois en France. Menons-le !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Monsieur le président de la commission des lois, j’espère vous avoir convaincu. D’ailleurs, je ne doute pas que les rapporteurs le soient au fond d’eux-mêmes.

Je souhaite simplement que l’on renonce aux postures politiciennes pour entamer la discussion de la proposition de loi !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’œuvre de simplification du droit est certes nécessaire, mais encore faudrait-il qu’elle s’en tienne à ce qui est nécessaire : la simplification…

Or d’après les calculs réalisés par la commission, seulement un article de la proposition de loi sur cinq opère une véritable simplification ; tout le reste, c’est du droit nouveau !

C’est la quatrième fois depuis 2007 que nous sommes saisis d’une proposition de loi de ce type, déposée par le président Warsmann : en 2010, lors de la discussion de la précédente proposition de loi, le rapporteur, M. Bernard Saugey, parlait d’un « rituel parlementaire »...

Celle qui nous est soumise aujourd’hui a été déposée le 28 janvier 2011, soumise au Conseil d’État et adoptée par l’Assemblée nationale le 18 octobre 2011, après engagement de la procédure accélérée, ce qui n’arrange pas les choses…

Le nombre de ses articles est passé de quatre-vingt-quatorze au moment de son dépôt à cent cinquante-trois au moment de sa transmission au Sénat. Et, si les amendements, y compris ceux que le Gouvernement a déposés aujourd’hui, étaient adoptés, deux cents articles environ seraient transmis à l’Assemblée nationale – et celle-ci ne manquerait peut-être pas d’en ajouter encore…

Compte tenu de la diversité des sujets abordés, la commission des lois a délégué l’examen au fond d’un certain nombre d’articles à quatre autres commissions saisies pour avis : la commission des finances, la commission de l’économie, la commission des affaires sociales et la commission de la culture. Leurs rapporteurs, que je remercie d’avoir assisté aux séances de la commission des lois, vous présenteront après moi l’avis de ces commissions.

Certes, la proposition de loi ressemble un peu moins que les précédentes à un assemblage hétéroclite de cavaliers législatifs en déshérence… Elle comprend un ensemble de dispositions qui concernent en gros l’entreprise – M. le secrétaire d’État y a beaucoup insisté –, qu’elles touchent au droit des sociétés, au droit du travail, au droit de la sécurité sociale ou à certains droits sectoriels.

Cependant, l’Assemblée nationale a multiplié les ajouts, transformant la proposition de loi en pavillon de complaisance pour marchandises de toute nature… Je le déplore.

De son côté, le Gouvernement trouve en elle un véhicule où faire figurer des dispositions déjà introduites dans d’autres textes, y compris, monsieur le secrétaire d’État, dans le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, en attendant de voir dans lequel de ces textes, elles parviendront à être votées en premier. Permettez-moi de vous le dire : c’est une très mauvaise méthode législative !

Enfin, la proposition de loi sert de véhicule à des dispositions que l’on voit aujourd’hui reparaître après que le Conseil constitutionnel les a retoquées à plusieurs reprises comme cavaliers législatifs…

Tout cela n’est guère de nature à simplifier le travail législatif, ni même à le valoriser ; d’ailleurs, le veut-on vraiment ?

En réalité, les simplifications qui nous sont proposées contribuent à l’instabilité législative, alors que les représentants des entreprises que nous avons entendus nous ont dit qu’ils avaient besoin, au contraire, de stabilité et de prévisibilité dans la norme qui leur est applicable.

En lisant mon rapport, vous remarquerez que j’ai entendu quatre-vingt-onze personnes de tous horizons, dont certains fonctionnaires. Les autres rapporteurs ont également procédé à des auditions. Certes, j’ai recueilli un certain nombre de propositions intéressantes ; mais j’ai surtout entendu cet avis : l’instabilité législative n’est pas de nature à favoriser la vie des entreprises.

En outre, il me semble que la clarté et la sincérité des débats parlementaires sont aussi en cause. En effet, devant des textes aussi denses et hétéroclites, les parlementaires peuvent difficilement faire leur travail : des novations juridiques peuvent passer inaperçues, noyées dans le fatras des dispositions, alors qu’elles mériteraient une discussion approfondie ; c’est le cas avec la proposition de loi dont nous sommes saisis, comme je le montrerai tout à l’heure.

Enfin, pourquoi avoir recouru à la procédure accélérée ? Je n’ai trouvé que cette explication : le Gouvernement souhaite voir la proposition de loi adoptée avant que les élections ne modifient la composition du Parlement !

Et en plus le Gouvernement présente aujourd’hui plusieurs amendements qui ajoutent à la confusion…

Certaines auditions ont permis de recueillir des propositions de bon sens sur lesquels je reviendrai peut-être : je pense par exemple à l’audition de la Confédération nationale du logement, à celle du Forum citoyen pour la responsabilité sociale et environnementale des entreprises et à celle de M. Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers.

Dans un premier temps, j’avais moi-même envisagé d’ajouter quelques wagons sénatoriaux au train qui nous venait de l’Assemblée nationale ; je pensais, par exemple, proposer qu’on y intègre la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon, déposée par notre collègue Yung et notre ancien collègue Béteille, qui a été votée à l’unanimité par la commission des lois.

Voyez à quel point votre rapporteur se préparait à patauger dans l’incohérence ! Fort heureusement, on m’en a empêché…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je pourrais arrêter ici mon propos… Mais, ne craignant pas de vous lasser, je vous présenterai quelques observations portant sur une douzaine d’articles sur lesquels, quel que soit le vote du Sénat tout à l’heure – monsieur le secrétaire d’État, on ne peut préjuger de rien… –, j’aimerais que nous prenions date.

Tout d’abord, un ensemble d’articles touchent à la dépénalisation de la vie des affaires : ils visent à remplacer les peines d’emprisonnement, qui ne sont jamais prononcées, ainsi que les amendes par des injonctions civiles et des nullités.

Le référé civil fonctionne bien, avec des astreintes très lourdes pour les entreprises. Toutefois, la proposition de loi reste en deçà des propositions du groupe de travail présidé par l’ancien président de la Cour d’appel de Paris, Jean-Marie Coulon.

J’ai envisagé de rétablir les peines d’emprisonnement et d’amende pour les délits graves et intentionnels, afin de faire peser sur les chefs d’entreprise l’opprobre qui s’attache à de telles peines, même prononcées avec sursis.

Mais j’ai finalement entendu les représentants des entreprises : au cours de leur audition, ils nous ont fort curieusement expliqué qu’ils préféraient souvent les peines d’emprisonnement, jamais exécutées, ou les peines d’amende, vite payées, vite oubliées, aux astreintes ou aux nullités, dont les conséquences juridiques sont très lourdes pour leurs entreprises…

Une autre mesure contestable est la brèche ouverte – certes au profit des PME – dans l’interdiction faite aux administrateurs d’une société dont ils n’ont pas été préalablement les salariés de signer avec elle un contrat de travail. Pour ma part, je suis tout à fait hostile à cette mesure : je pense qu’il y a un conflit d’intérêts latent dans le fait qu’un administrateur d’une société en soit également le salarié.

La proposition de loi supprime aussi toute obligation de dépôt du rapport de gestion pour les sociétés en nom collectif, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés anonymes, à l’exception des sociétés cotées.

Or le critère de la cotation, employé tout au long de la proposition de loi, n’est pertinent dans aucun des cas : pourquoi un traitement différent serait-il réservé aux sociétés cotées et aux sociétés non cotées ? Les problèmes dont il est question sont sans rapport avec le fait que les sociétés soient cotées ou non !

Surtout, je désapprouve sur le fond la suppression du rapport de gestion, qui porte atteinte à la transparence des affaires.

L’article 10 de la proposition de loi revient sur les dispositions relatives à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises de la loi portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle 2.

En effet, il reporte à 2012 l’entrée en vigueur des obligations pesant sur les entreprises, le décret en Conseil d’État prévu par la loi n’ayant pas encore été pris… En cette occasion, le Gouvernement se prévaut de sa propre turpitude !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

L’article 10 prévoit en outre que les informations données seront différentes selon que la société sera ou non cotée ; or, une fois encore, le critère de la cotation est injustifié au regard de l’objectif poursuivi.

Ce même article exonère les filiales de l’obligation de publication de son bilan social et environnemental, à laquelle seule la holding serait soumise. Ainsi, un grand groupe de consommation et de distribution comme Carrefour publierait son bilan mais ses filiales en seraient dispensées ! Je suis très défavorable à cette disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

La proposition de loi prévoit également le relèvement de la part du capital des sociétés anonymes susceptible d’être attribuée aux salariés sous forme d’actions gratuites. Prenons garde que la participation ne soit pas un moyen, fiscalement avantageux, de ne pas augmenter les salaires... Et pourquoi, là encore, opérer une distinction entre les sociétés cotées et les sociétés non cotées, distinction qui est sans rapport avec la mesure envisagée ?

L’entreprise individuelle à responsabilité limitée pouvait, bizarrement, être créée par un mineur, sans condition d’âge – je conviens que ce n’est pas vous, monsieur le secrétaire d'État, qui êtes à l’origine de ce texte totalement farfelu. Cela dit, on en revient à des dispositions un peu plus réalistes puisque l’article 27 bis fixe à seize ans l’âge minimal pour créer une entreprise.

J’ignore les raisons pour lesquelles cette disposition avait été adoptée, si ce n’est pour amuser la galerie… Selon les renseignements que j’ai recueillis de la part de vos services, seules quelques dizaines d’entreprises individuelles auraient été créées par des mineurs, certaines disparaissant même tout juste après l’avoir été.

L’article 49 bis A relève également de la plaisanterie : il introduit une disposition censurée à deux reprises par le Conseil constitutionnel !

L’article 57 crée un fichier national automatisé des interdits de gérer. C’est une bonne chose et j’y suis favorable. Ce fichier public serait tenu par des personnes privées chargées d’une mission de service public, à savoir les greffiers des tribunaux de commerce. Nous les avons auditionnés et nous leur faisons toute confiance pour assurer, à titre gratuit et dans de bonnes conditions, cette tâche. Ils nous ont donné toutes garanties à cet égard. Cependant, il faudra veiller à ce que le décret, qui sera pris après avis de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, précise bien quelles seront les personnes habilitées à accéder aux informations et combien de temps ces dernières pourront être conservées dans ce fichier.

Les articles 78 et 79 revoient le système des annonces légales, grâce auxquelles la presse locale parvient à survivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Mes chers collègues, bien entendu, vous êtes tous attachés à la presse locale, qui, même si elle ne le fait pas assez à votre goût, ne manque jamais de publier des photos de vous en train de procéder à une inauguration ou de couper un ruban.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Nous avons auditionné l’ensemble des syndicats de la presse et ceux-ci craignent une dérive si les journaux gratuits devaient, eux aussi, être autorisés à publier ces annonces légales. Ce serait la mort de la presse locale et de la presse régionale, à n’en pas douter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Le « coffre-fort numérique », devenu « armoire sécurisée numérique », qui permet aux entreprises de regrouper en un lieu unique toutes les informations déclarées à l’administration, n’a pu être créé à temps ; le Gouvernement nous demande donc de l’habiliter à le faire par ordonnance.

Le Sénat, tout comme je le suis moi-même, est hostile, par nature, à cette façon de légiférer. Là encore, sous le contrôle de Jean-Jacques Hyest, ancien président de la commission des lois, je dirai nemo turpitudinem

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Personne ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, pas même le Gouvernement !

Enfin, la proposition de loi encadre la possibilité pour les copropriétés de recourir à l’emprunt pour certains grands travaux.

C’est vraisemblablement une bonne chose. En effet, certaines grandes copropriétés comptent de très vieux propriétaires aux faibles revenus : le recours à l’emprunt permettrait d’étaler les dépenses devant être engagées pour faire face aux travaux obligatoires de sécurité ou d’accessibilité. Toutefois, une telle mesure mériterait d’être mieux encadrée qu’elle ne l’est dans cette proposition de loi.

Mes chers collègues, vous avez dû être assaillis de mails au sujet de l’article 94 A. Certes, il s’agit d’un cavalier, mais c’est un bon cavalier : il prévoit l’immunité pour les membres de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la MIVILUDES, qui font l’objet d’attaques quotidiennes, y compris physiques, en particulier au moment de la remise de leur rapport annuel.

Toutefois, il existe deux obstacles à cette immunité, auxquels l’Assemblée nationale remédiera peut-être : d’une part, cette mission n’ayant pas été créée par la loi, il paraît délicat de conférer par la voie législative une immunité à ses membres ; d’autre part, seuls le Défenseur des droits et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté bénéficient d’une telle immunité. Plus largement, il conviendrait donc de réfléchir à l’extension de certaines immunités aux membres de différentes missions ou autorités administratives indépendantes.

Pour conclure, je dirai que je réprouve la méthode utilisée pour ce texte, a fortiori l’engagement de la procédure accélérée. Certes, il comporte quelques simplifications bienvenues, mais aussi des innovations qui auraient mérité un vrai débat. Or l’on sait bien que l’examen de ces propositions de loi ne permet pas d’engager un tel débat.

Les aspects négatifs étant largement prédominants, la commission des lois s’est ralliée aux questions préalables présentées par les groupes CRC et RDSE. Je défendrai donc, en son nom, la motion qu’elle a adoptée en ce sens.

Monsieur le secrétaire d'État, si, en dépit de votre souhait, cette motion était adoptée, le Sénat n’aurait pas bloqué le processus de simplification ; simplement, il laisserait l’Assemblée nationale prendre ses responsabilités avec ce texte vraiment très confus.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur la plupart des travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Nicole Bricq, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la présente proposition de loi, dite « Warsmann IV », comporte quelques dispositions relatives au droit boursier et financier ainsi qu’aux procédures fiscales. Ces mesures ont donc justifié que la commission des finances se saisisse pour avis.

S’agissant de la méthode, tout d’abord, j’avoue que les modalités d’examen de la présente proposition de loi, compte tenu du calendrier, sont très insatisfaisantes. Son inscription à l’ordre du jour de la séance publique au début du mois de janvier a obligé les commissions à se réunir mi-décembre, en pleine période budgétaire, période pendant laquelle le Gouvernement a pressé, plus que de coutume, le Parlement. Jusqu’au bout, ce dernier aura été obligé de travailler dans la précipitation, voire dans l’improvisation, laquelle, si j’ai bien compris, préside à cette fin de quinquennat. De fait, on nous annonce tous les jours de nouvelles mesures législatives sans que nous sachions réellement quels en seront les véhicules. Nous vivons ainsi dans un état de précarité permanente.

L’engagement de la procédure accélérée sur ce texte rend impossible tout dialogue sérieux et approfondi entre les deux chambres. Pourtant, l’une des raisons d’être des lois de simplification est de corriger les erreurs et les approximations qu’a pu commettre le législateur, justement parce qu’il n’a plus le temps d’examiner les textes à tête reposée !

Si, maintenant, les lois de simplification sont élaborées dans les mêmes conditions que la majorité des autres lois, alors il faut craindre que nous ne devions bientôt corriger les lois de simplification elles-mêmes !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Il n’est pas sûr que le droit y gagne en lisibilité…

Le précédent « Église de scientologie » aurait pourtant dû donner à réfléchir quant à la méthode d’élaboration de ces textes !

Sur le fond, un examen plus détaillé des mesures dont nous nous sommes saisis a révélé quelques surprises. Je dirai même que nous sommes allés de surprise en surprise. Comme le rapporteur Jean-Pierre Michel a eu l’occasion de le souligner, le contenu de la proposition de loi est parfois bien éloigné de son intitulé !

Ainsi, l’article 12 bis étend les possibilités de rachats d’actions pour les sociétés cotées sur Alternext. Une disposition identique, présentée par le Gouvernement, avait été rejetée par le Parlement lors de l’examen de la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, voilà donc un peu plus d’un an.

La commission des finances avait alors, de manière unanime, rejeté cette disposition, considérant qu’il ne fallait pas, du fait de la profondeur de la crise financière, qu’Alternext s’inscrive dans une logique de financiarisation.

Nous aurions pu accepter des corrections ou des ajustements à la loi de régulation bancaire et financière, mais là, mes chers collègues, il s’agit non plus de simplifier, mais de revenir sur la volonté exprimée par le Sénat et de détricoter le texte finalement voté par le Parlement.

Autre surprise : à l’article 59, au détour d’un prétendu « allégement des démarches administratives » – il faut toujours se méfier quand un gouvernement entend « alléger » et « simplifier », car, en général, la loi s’en trouve in fine plus complexe, ce dont ne manquent pas de profiter ceux qui vivent de la défense d’intérêts souvent corporatistes –, on tend à réduire significativement les obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme des opérateurs de services de paiement en ligne.

C’est un comble, alors même que, en fin d’année dernière, Mme la ministre du budget avait expliqué, au cours d’une conférence de presse, combien le Gouvernement était actif dans la lutte contre la fraude. Cela étant, nous avions bien compris que ses efforts portaient d’abord sur la fraude sociale, marginale, et non pas nécessairement sur la fraude fiscale.

Au surplus, le texte renvoie l’essentiel de la mesure à un décret en Conseil d’État dont nous ignorons les principales orientations.

Surprise, encore, que de constater, à l’article 49 bis, que le Gouvernement demande une habilitation à transposer par ordonnance une directive du 10 décembre 2010. En effet, la partie législative de la transposition demeure très limitée, l’essentiel relevant du pouvoir réglementaire. En outre, les textes de transposition sont déjà prêts puisqu’ils font l’objet d’une consultation publique qui a été close à la fin du mois de décembre.

En matière de législation bancaire et financière, le Gouvernement fait, une fois encore, une mauvaise manière au Parlement en l’ignorant et en légiférant par ordonnance. C’est regrettable car, nous l’avons dit et redit, la technicité de ces matières ne doit pas conduire à faire abstraction de leur dimension politique.

Comme vous le savez, il n’est pas dans les habitudes du Sénat de se dérober à sa tâche et nous avons effectué, bon gré mal gré, un travail d’étude approfondi des dispositions dont nous nous sommes saisis.

À cet égard, j’ai également présenté, devant la commission des finances, un rapport sur la proposition de loi du président Marini tendant à améliorer l’information du marché financier en matière de franchissements de seuils en droit boursier, dont l’essentiel est repris à l’article 21 bis de la présente proposition de loi.

Néanmoins, monsieur le secrétaire d'État, s’agissant de la méthode, l’empressement avec lequel vous voulez voir adopter cette proposition de loi ne permet pas au législateur de débattre sereinement.

Pour ce qui est du fond, on ne peut que regretter qu’un trop grand nombre des mesures en discussion soient mal préparées, mal écrites ou, tout simplement, inadmissibles pour notre assemblée.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des finances a décidé d’approuver la motion opposant la question préalable dont la commission des lois propose l’adoption.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme elle l’avait fait lors de l’examen des précédents textes de simplification du droit, la commission des affaires sociales s’est saisie pour avis de la quarantaine d’articles de la présente proposition de loi qui entrent dans son champ de compétences.

Ces articles abordent des questions variées, qui relèvent essentiellement du domaine du droit du travail et du droit de la sécurité sociale.

Je remercie la commission des lois, et en particulier son rapporteur, Jean-Pierre Michel, d’avoir fait confiance à notre commission et à son rapporteur pour avis pour étudier ces différentes dispositions.

Je remercie également la présidente Annie David et mes collègues de la majorité sénatoriale de m’avoir désignée comme rapporteur pour avis. Je ne veux croire que l’absence de la plupart d’entre eux cet après-midi soit la traduction d’un certain malaise.

Même si ce texte peut paraître un peu rébarbatif au premier abord, il n’en demeure pas moins important, à l’image des articles dont nous nous sommes saisis. Son examen était donc une première preuve d’ouverture vers l’opposition au sein de notre commission.

Mais l’étude des dispositions de cette proposition de loi et des amendements que je proposais de déposer ne nous aura, à vrai dire, pas occupés très longtemps : la commission des affaires sociales a en effet décidé de rejeter, pour des raisons de principe, l’ensemble des articles qui lui étaient soumis, sans entrer dans le détail de chacune des mesures proposées et sans même attendre que la commission des lois vote la question préalable.

Fidèle rapporteur, je tiens à rappeler les raisons qui ont motivé le rejet de ce texte par la majorité sénatoriale.

Celle-ci a fait valoir que l’ensemble du texte contenait des mesures extrêmement diverses, voire hétéroclites, ce qui rendait difficile le travail parlementaire. Les précédents rapporteurs ayant déjà explicité ces reproches, je ne ferai que citer certains propos qui ont été tenus à cet égard : « On nous demande d’approuver à la va-vite, en passant sans cesse d’un sujet à l’autre, des dispositions sur lesquelles nous manquons de recul et de vision d’ensemble ; si certaines mesures sont anodines, d’autres mettent en cause les droits des salariés ou la protection de la santé et nécessiteraient donc un examen plus approfondi afin d’en apprécier exactement la portée ». Enfin, la commission a regretté la précipitation avec laquelle ce texte a été soumis au Sénat, qui n’a pas disposé d’un délai suffisant pour effectuer un travail approfondi.

En qualité de rapporteur pour avis, je me devais de vous faire part de la position de la commission, que vous me permettrez de compléter par quelques observations plus personnelles.

Je comprends, certes, les critiques exprimées par la majorité sénatoriale à l’encontre de ce texte : faute de ligne directrice, cette proposition de loi ressemble à un inventaire à la Prévert, et cela complique le travail des parlementaires.

Pour autant, il me semble que les conditions étaient réunies pour procéder à un examen sérieux et approfondi de ce texte puisque, en plus de la commission des lois, pas moins de quatre commissions ont été saisies pour avis.

La répartition des tâches judicieusement organisée par la commission des lois devait permettre au Sénat d’être parfaitement éclairé sur tous les enjeux de ce texte, qui comporte de nombreuses mesures techniques difficiles à appréhender par ceux qui ne sont pas des spécialistes ; mais dans chacune des commissions, il y a des spécialistes. Chaque commission aurait pu mettre à profit son expertise pour apporter à la proposition de loi les améliorations souhaitables.

Ayant une certaine expérience en tant que rapporteur de plusieurs textes – certains m’ont été confiés à la veille des vacances de Noël, d’autres avant l’été – dont l’importance n’est pas négligeable– service minimum dans les transports, fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC, recodification du code du travail par exemple – j’estime que les délais dont nous avons disposé pour travailler n’avaient rien de particulièrement contraignant par rapport à d’autres que j’ai connus.

Le texte a été adopté à l’Assemblée nationale au mois d’octobre 2011, pour un passage en commission au Sénat au mois de décembre et un examen en séance publique en janvier. Le rapporteur de la commission des lois, cela a été rappelé, a accompli un travail très approfondi et procédé à de nombreuses auditions.

Pour ma part, bien que j’aie été désignée au début du mois de décembre, j’ai eu tout le loisir d’organiser des auditions complémentaires, auxquelles j’ai d’ailleurs convié mes collègues. Plusieurs administrateurs de la commission, chacun dans son domaine de spécialité, sont intervenus pour m’aider.

Sur le fond, il ne me semble pas que le texte contienne – tout au moins en matière sociale – des mesures scandaleuses qui justifieraient un rejet en bloc. La plupart des dispositions qui y figurent visent à répondre de manière pragmatique à des problèmes concrets, qui présentent pour certains un caractère d’urgence.

Je regrette sincèrement que le Sénat refuse de se pencher – du fait de l’adoption probable de la motion tendant à opposer la question préalable – sur la mesure relative au temps de travail des titulaires d’un contrat d’engagement éducatif qui doit être signé par tous les animateurs de colonies de vacances. Si la situation juridique n’est pas rapidement clarifiée, l’organisation des prochaines colonies de vacances, au mois de février, et encore plus cet été, sera compromise ; tous les intervenants du secteur nous l’ont dit.

Un amendement, sans doute perfectible, a été adopté à l’Assemblée nationale, après une large concertation, et je regrette que nous n’ayons même pas pu en débattre en commission. Nous sommes les représentants des collectivités locales et chacun de vous, maires ou présidents de conseils généraux, devra assumer le surcoût consécutif à cette situation et les conséquences de la suppression de ces activités de loisirs, indispensables aux jeunes pour les vacances qui viennent.

Toujours sur le fond, j’ai du mal à comprendre comment la commission a pu refuser de se pencher sur un article relatif à « la rupture du contrat de travail en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle ». Tous les syndicats que j’ai consultés – et ils m’ont presque tous répondu – ont plébiscité cet article qui devait permettre d’éviter que des salariés soient privés de ressources pendant plusieurs mois. La proposition de loi permettait à l’assurance chômage de les indemniser plus rapidement. Pour ma part, j’ai du mal à assumer un tel rejet qui, comme c’est le cas du défaut de décision pour les colonies de vacances, concerne les plus faibles.

D’autres articles qui renforcent les droits des salariés auraient également pu faire l’objet d’un large consensus dans notre assemblée.

Ainsi, il était proposé de supprimer la condition d’ancienneté à laquelle est subordonnée l’ouverture du droit à congés payés, ce qui devrait bénéficier aux salariés précaires, aux intérimaires, aux CDD de courte durée.

Il était également proposé de simplifier les conditions auxquels est soumis le paiement des jours fériés chômés dans l’entreprise.

Enfin, il était envisagé de rendre obligatoire la tenue, sans délai, d’une négociation lorsque le salaire minimum conventionnel est inférieur au SMIC.

Toutes ces mesures étaient demandées par les syndicats et me paraissent aller dans le bon sens.

Je considère que le Sénat aurait donc pu sans difficulté approuver au moins ces mesures, qui sont de nature sociale ou qui concernent le droit du travail, tout en en refusant d’autres, et ainsi renoncer à bloquer un système pendant des mois, si ce n’est une année.

En ce qui concerne les entreprises, le texte contenait également des dispositions tout à fait bienvenues, qui visent par exemple à alléger leurs obligations administratives en mettant en place une déclaration sociale nominative unique, à réduire le nombre de lignes sur le bulletin de paie ou encore à développer le recours au rescrit social. Alors que nous déplorons tous l’excès de complexité administrative qui caractérise notre pays, il est dommage de ne pas se saisir de ce sujet lorsque l’occasion nous en est donnée.

Enfin, je ne peux que déplorer que la commission ait renoncé, par sa décision de rejeter les articles en bloc, à la faculté d’enrichir le texte en adoptant des mesures additionnelles.

J’ai pu constater, au cours des auditions auxquelles j’ai procédé, que certaines associations ou organisations représentatives comptaient sur l’examen du texte au Sénat pour faire adopter des mesures techniques, très attendues par les acteurs concernés.

Je pense par exemple à la demande formulée par l’Union nationale pour l’habitat des jeunes. Elle attend depuis des mois qu’une réponse soit apportée aux problèmes qui se posent en matière d’agrément des foyers de jeunes travailleurs. On voit mal dans quel autre texte ce sujet pourrait être abordé, si ce n’est dans cette proposition de loi de simplification du droit, véhicule idéal pour résoudre ces problèmes juridiques ponctuels qui empoisonnent la vie de nos concitoyens. En attendant, des projets de logements des jeunes travailleurs sont bloqués et ne sortiront pas de terre alors que leur financement était assuré. Pourtant, chers collègues de la majorité sénatoriale, je vous sais soucieux des questions de logement.

Enfin, j’aurais proposé à la commission des affaires sociales de prendre une initiative sur la question de la transparence des comptes des comités d’entreprise.

C’est un sujet que je porte depuis plus d’un an, avant même le dépôt du rapport de la Cour des comptes, plus précisément après avoir rencontré, il y a quinze mois, des membres de la société SeaFrance. Depuis quelques jours, les insuffisances de nos procédures légales de contrôle sont devenues publiques.

Je suis heureuse que, à la suite de mes interventions, le ministère du travail ait proposé aux partenaires sociaux d’avancer sur ce dossier et que ceux-ci aient accepté. Les syndicats, qui sont tous soumis à des règles de transparence et de publication, auraient ainsi trouvé une base législative qui leur aurait permis d’aller plus vite.

Le Gouvernement a d’ailleurs déjà engagé la concertation avec eux, et nous aurions pu, nous sénateurs, apporter notre pierre à l’édifice en fixant dans la loi quelques grands principes.

Bref, la décision prise par notre commission présente l’inconvénient de nous priver de toute capacité d’initiative et risque de vider le bicamérisme de son contenu en laissant l’Assemblée nationale totalement libre d’élaborer le texte de son choix.

J’aurais par exemple proposé de rejeter certaines dispositions adoptées par les députés, comme celle qui est relative à l’actualisation du document unique d’évaluation dans les TPE.

Je suis persuadée que l’Assemblée nationale n’aurait pas pu s’opposer à toutes les mesures adoptées sur notre initiative et qu’un certain nombre de nos propositions auraient donc figuré dans le texte définitif.

En conclusion, je tiens à souligner que la démarche de simplification du droit et d’allégement des formalités administratives n’est pas une démarche partisane : depuis une quinzaine d’années, tous les gouvernements, qu’ils soient de gauche ou de droite, se sont attelés à cette tâche. La position adoptée par la commission des affaires sociales ne traduit évidemment pas un rejet de la politique de simplification du droit en tant que telle – nous sommes tous favorables à ce que les règles de droit soient plus stables, plus claires et plus accessibles pour nos concitoyens –, elle résulte d’un désaccord sur la méthode retenue.

Je forme le vœu, en ce début d’année 2012, que nous puissions rapidement surmonter ce désaccord sur la méthode, afin de reprendre ensemble le travail d’amélioration de la qualité du droit qui est dans l’intérêt bien compris de notre pays.

Le texte n’étant pas encore rejeté et espérant, mes chers collègues, vous avoir convaincus au moins sur la partie qui relevait de la compétence de ma commission, j’ai déposé, à titre personnel, les amendements qui me paraissaient les plus importants et que j’aurais souhaité proposer à la commission des affaires sociales.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Bravo !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Claude Domeizel, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des lois a confié, par délégation, à la commission de la culture le soin d’examiner au fond plusieurs articles de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives.

Les dispositions concernées relèvent en effet de nos domaines traditionnels de compétence, tels que le droit de la presse ou l’architecture. D’autres sujets, comme l’affichage publicitaire extérieur ou l’usage de la langue anglaise dans les manuels aéronautiques, méritaient que notre commission se saisisse pour avis.

Le 21 décembre 2011, la commission de la culture s’est ralliée à la position de la commission des lois en donnant un avis favorable à l’adoption par le Sénat de la motion tendant à opposer la question préalable à l’ensemble de ce texte. En effet, la commission de la culture a décidé de s’associer à cette démarche pour des raisons principalement de deux ordres.

En premier lieu, la procédure accélérée ayant été déclenchée par le Gouvernement, des délais raccourcis imposés m’ont empêché, en tant que rapporteur, d’entendre convenablement l’ensemble des personnes concernées par les dispositions sur lesquelles la commission de la culture devait se prononcer. Il aurait été utile de disposer de plus de temps afin de pouvoir conduire une consultation plus approfondie de l’ensemble des organisations professionnelles concernées.

En second lieu, plusieurs dispositions de la proposition de loi s’éloignent très sensiblement de la pure œuvre de simplification de notre cadre législatif à droit constant et tendent à faire de ce texte un véhicule d’origine parlementaire déguisé permettant au Gouvernement de faire passer des mesures préjudiciables aux équilibres de certains secteurs d’activité et de remettre en cause des engagements passés.

C’est en particulier le cas de l’article 82 insérant une nouvelle disposition dans la loi de 1977 sur l’architecture. L’objectif est d’encadrer une pratique qui consiste, pour le maître d’ouvrage, à n’avoir qu’un interlocuteur pour la maîtrise d’œuvre, l’architecte se voyant confier une mission de coordination des autres prestataires.

Cette pratique, déjà courante dans le domaine de la construction, n’est pas assez définie dans le cadre de la conception. Pour ce qui concerne la maîtrise d’ouvrage publique, l’article 51 du code des marchés publics définit déjà le cadre d’une telle mission de coordination, mais ne précise pas qu’elle constitue une fonction distincte méritant donc une rémunération.

En outre, le code n’impose pas que soit précisée la répartition des responsabilités de chacun des prestataires membres du groupement momentané d’entreprises ainsi constitué.

Pour ce qui concerne la maîtrise d’ouvrage privée, aucune base juridique n’encadre cette procédure. L’article 82, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, soulève plusieurs difficultés. La principale est liée au choix d’insérer cette disposition dans la loi de 1977 sur l’architecture, dont l’article 3 rappelle le monopole de l’architecte en matière de conception architecturale. Compte tenu de la portée de cet article, toute insertion d’une définition de la mission de coordination doit nécessairement concerner exclusivement l’architecte, sous peine d’introduire une brèche dans la définition de son rôle dans la conception architecturale.

Mais, a contrario, ne définir le groupement momentané d’entreprises que pour l’architecte ne manquerait pas de mettre les autres professions susceptibles de jouer ce rôle de coordination dans une situation difficile. En effet, si bien souvent l’architecte se voit confier cette mission de coordination, il arrive que d’autres prestataires soient plus compétents pour coordonner les entreprises de la maîtrise d’œuvre. C’est vrai dans des projets très techniques ou industriels, tels que des constructions de ponts, de tramways ou d’usines de retraitement des déchets. Les représentants des professions de l’ingénierie estiment que 10 % des projets sont ainsi coordonnés par des entreprises autres que les architectes.

Aussi, pour ces professions, se limiter à une définition du cadre des groupements momentanés d’entreprises dont le mandataire est un architecte reviendrait à remettre en cause leur rôle et leur capacité à assumer la coordination de la maîtrise d’œuvre. C’est pourquoi, en plus de difficultés rédactionnelles, l’article 82 de la proposition de loi est davantage une source de complication du droit et mérite d’être rejeté.

Par ailleurs, l’article 55 nous paraît également source de préjudices pour la protection de l’environnement. Les alinéas 15 à 18 en particulier ne répondent pas à un objectif de simplification du droit. Ces dispositions concernant l’affichage publicitaire remettent en cause les engagements du Grenelle 2 de l’environnement, puisqu’ils allongent le délai de mise en conformité des dispositifs publicitaires de deux à six ans. Cette disposition, introduite sur l’initiative de l’Assemblée nationale, revient sur un délai que le Sénat n’avait pas jugé nécessaire de modifier, compte tenu de toutes les dispositions adoptées dans le cadre du Grenelle 2 prévoyant des délais particuliers, comme celui de cinq ans pour les pré-enseignes dérogatoires.

Je vous rappelle enfin que le chapitre relatif à l’affichage publicitaire extérieur avait été adopté à l’unanimité par le Sénat. Les alinéas 15 à 18 reviennent sur l’équilibre du texte et risquent d’entraîner des situations qui seront impossibles à gérer pour les maires dont la durée de mandat, qui est de six ans, ne permettra pas de prendre correctement les mesures de mise en conformité de l’affichage publicitaire dont ils auraient eu l’initiative.

S’agissant de l’article 72 ter de la proposition de loi, la commission de la culture souligne les sérieuses difficultés qu’il pose en matière de respect de la langue française dans le domaine de la sécurité aérienne. En effet, il vise à autoriser les compagnies aériennes à remettre à leurs salariés des documents de travail liés à la maintenance, à la certification et à l’utilisation d’un aéronef en langue anglaise.

Or le passage au « tout anglais » est particulièrement préjudiciable à la sécurité aérienne. Il ne semble donc pas opportun de modifier la législation déjà en vigueur. La commission de la culture estime au contraire qu’il faut maintenir l’obligation, pour les compagnies aériennes, de traduire en français au profit des salariés les documents nécessaires pour l’exécution de leur travail, les exceptions à cette obligation devant continuer d’être limitées aux « documents reçus de l’étranger ou destinés à des étrangers ».

Pour toutes les raisons que je viens de développer, la commission de la culture s’est prononcée pour le rejet des dispositions qui la concernent. En conséquence, elle est favorable à l’adoption par le Sénat de la motion tendant à opposer la question préalable à l’ensemble de ce texte qui sera défendue par notre collègue Jean-Pierre Michel. Afin de ne pas préjuger du devenir en séance de cette motion – on ne sait jamais… –, notre commission a adopté, à l’unanimité de ses membres, trois amendements de suppression des dispositions dont elle s’est saisie aux articles 55, 72 ter et 82.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission de l’économie s’est saisie pour avis de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives. Celle-ci constitue le sixième texte législatif de simplification du droit examiné par le Parlement depuis 2003 et la quatrième proposition de loi déposée sur le sujet depuis 2007 par le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Jean-Luc Warsmann.

La commission des lois a délégué au fond à notre commission 32 articles sur les 153 que compte ce texte à l’issue du vote en première lecture de l’Assemblée nationale. En outre, nous avons décidé de nous saisir pour avis de 4 articles supplémentaires. Ce sont donc en tout 36 articles que nous nous sommes répartis avec mon collègue co-rapporteur, M. Hervé Maurey. Celui-ci a traité 16 articles relatifs à l’agriculture et aux procédures environnementales. J’ai examiné les 20 articles restants, qui concernent l’urbanisme, l’artisanat et le commerce, les services postaux, le crédit d’impôt recherche, les géomètres-experts, les transports, le tourisme, le logement et les délais de paiement inter-entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Cette simple énumération nous montre bien l’une des faiblesses des lois de simplification du droit, qui est leur caractère totalement disparate.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

J’irai droit au fait. La commission des lois nous présente une motion tendant à opposer la question préalable à ce texte qui a été adoptée sur l’initiative de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe CRC, et de M. Jacques Mézard, président du groupe du RDSE. Pour ma part, j’ai proposé à mes collègues de la commission de l’économie d’approuver le vote de cette motion par le Sénat, principalement pour quatre raisons.

Avant toute chose, je souhaite remercier toutes les personnes, groupes et administrations que nous avons auditionnés durant ces dernières semaines. Je tiens à leur réaffirmer que leur avis comme leurs propositions sont précieux pour nous, indépendamment des décisions que nous serons amenés à prendre aujourd’hui. En effet, nous aurons certainement différentes occasions de traduire quelques-unes de ces propositions dans des cadres législatifs beaucoup plus pertinents.

Pour autant, et c’est là mon premier point, nous ne pouvons plus accepter de discuter de propositions de lois de simplification du droit qui se présentent comme de vastes « fourre-tout ». Notre collègue Hervé Maurey, dans le rapport pour avis qu’il avait rédigé sur la précédente proposition de loi de simplification, avait déjà exprimé sa préférence pour des lois de simplification sectorielles, et je l’approuve.

Certes, par rapport aux textes précédents, la présente proposition de loi est supposée avoir un champ plus circonscrit, puisqu’elle se limite à des dispositions bénéficiant aux acteurs économiques. Toutefois, sous le couvert de cette thématique générale, ce texte apparaît, tout autant que les précédents, comme un « patchwork » au domaine indéterminé. J’en veux pour preuve l’intitulé choisi pour le dernier chapitre du titre II : « Diverses dispositions d’ordre ponctuel », ce qui ne veut strictement rien dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Nous sommes en présence du fameux « projet de loi portant diverses dispositions d’ordre divers » que tout Gouvernement a rêvé, un jour ou l’autre, de présenter au Parlement ! Mais je dois regretter qu’une proposition de loi d’initiative parlementaire soit elle-même porteuse d’une telle dérive.

Deuxièmement, nous assistons à un emballement du processus de simplification. Le présent texte a été déposé par M. Jean-Luc Warsmann le 28 juillet 2011, c’est-à-dire moins de trois mois après la promulgation de sa précédente proposition de loi de simplification, le 17 mai 2011, et alors qu’aucune des 46 mesures d’application attendues pour celle-ci n’est encore parue à ce jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Si ce rythme devait être soutenu à l’avenir, on aboutirait à une situation dans laquelle le Parlement serait saisi de manière quasi permanente d’un texte de simplification du droit, qui deviendrait le réceptacle naturel de toutes les dispositions législatives isolées ne trouvant pas à s’insérer dans d’autres supports législatifs.

Bref, loin de lutter contre le phénomène d’inflation législative, les lois de simplification, par leur caractère « attrape-tout » et leur succession rapprochée, contribuent à l’alimenter.

Troisièmement, il nous faut regretter la confidentialité de l’avis que le Conseil d’État a rendu sur cette proposition de loi, à la demande du président de l’Assemblée nationale, en application du dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution. En effet, l’article 4 bis de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qui précise les conditions de mise en œuvre de l’article 39, prévoit seulement que « l’avis du Conseil d’État est adressé au président de l’assemblée qui l’a saisi, qui le communique à l’auteur de la proposition ».

De ce fait, nous n’avons pas pu avoir connaissance de cet avis et devons nous contenter des extraits que le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale a jugé opportun de citer occasionnellement. Je déplore le manque de transparence, sur ce point, des relations entre les deux chambres du Parlement et estime que l’article 4 bis de l’ordonnance du 17 novembre 1958 devrait être modifié pour assurer une publicité plus large des avis du Conseil d’État sur les propositions de lois.

Quatrièmement, mes chers collègues, je voudrais vous montrer que ce texte « fourre-tout » abrite des dispositions tantôt parfaitement anodines, comme celles des articles 68 quater ou 87 bis, qui corrigent des erreurs de référence ou assurent des coordinations entre codes législatifs, tantôt, au contraire, lourdes de conséquences et allant bien au-delà de la seule simplification du droit. Ainsi, trois articles soumis à l’examen de notre commission pour avis apparaissent particulièrement contestables.

L’article 10 vise à exonérer les filiales ou les sociétés contrôlées de l’obligation de publier des informations relatives à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises si ces informations sont publiées par la société mère ou la société qui les contrôle. Or ce principe d’une transparence des entreprises de plus de 500 salariés en matière sociale et environnementale a été adopté ici, après de longues concertations, dans le cadre de la loi portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle 2 ». On nous propose donc de revenir de manière subreptice, au détour d’une loi de simplification, sur une avancée déjà acquise. Cette stratégie, qui entend prendre le Parlement à revers et lui forcer la main, n’est pas acceptable.

Autre disposition inacceptable, l’article 72 bis introduit par les députés vise à élever au niveau législatif la définition du poids maximal autorisé pour les poids lourds, fixé à 44 tonnes pour 5 essieux, sauf exceptions prévues par voie réglementaire.

Sur la forme, cet article pose problème car il s’agit clairement d’un cavalier législatif qui ne présente pas de lien avec les dispositions de la proposition de loi initiale, ce qui est contraire à la Constitution comme le rappelle constamment le Conseil constitutionnel.

Sur le fond, il ouvre un débat technique et difficile. Il va en effet beaucoup plus loin que le décret du 17 janvier 2011, qui autorisait progressivement les 44 tonnes, mais en imposant un sixième essieu pour ne pas détruire nos routes. Je rappellerai un seul chiffre tiré d’un récent rapport du Gouvernement : les camions de 44 tonnes à 5 essieux induisent un surcoût dans l’entretien des routes, pour les départements, estimé entre 400 millions et 500 millions d’euros par an environ.

On ne peut pas, au détour d’une loi de simplification, trancher le débat autour du sixième essieu : ce n’est ni sérieux ni digne du Parlement !

Mme Nathalie Goulet s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Dans cette affaire, je rappellerai que le Gouvernement n’a pas respecté le Parlement, car le rapport demandé par le Sénat et son rapporteur Bruno Sido sur les 44 tonnes a été transmis au Parlement après l’adoption du décret du 17 janvier 2011, ce qui est pour le moins cavalier...

Les acteurs professionnels que nous avons longuement rencontrés n’ont pas été entendus sur le sujet, car le Gouvernement leur a imposé sans concertation le sixième essieu, alors qu’il existe peut-être d’autres mesures compensatoires comme la généralisation des suspensions pneumatiques.

Quelle que soit notre position sur ce sujet, il faut retrouver un peu de sagesse et remettre à plat ce dossier très polémique, à travers de nouvelles concertations pour modifier éventuellement le décret de 2011 et, à terme, adopter une grande loi sur la politique nationale des transports qui décline les engagements du Grenelle de l’environnement et obtenir une harmonisation des règles du transport routier en Europe.

Enfin, autre disposition inacceptable, l’article 90 bis tend à proroger les accords interprofessionnels dérogatoires aux délais maximum de paiement, pour certains secteurs d’activité « au caractère saisonnier marqué ». Le sujet du crédit inter-entreprises est particulièrement sensible.

Au-delà du jargon, il s’agit des délais de paiement : or, en la matière, ce sont souvent les plus petites entreprises qui trinquent !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Alors que la crise économique et financière assèche la trésorerie des plus petites sociétés, je suis convaincu qu’il serait parfaitement contre-productif de reconduire les dérogations aux délais de paiement fixées par la loi de modernisation de l’économie, la LME. En effet, les filières professionnelles concernées se sont organisées dans la perspective d’un retour aux délais de droit commun à compter du 1er janvier 2012.

De plus, le critère de « caractère saisonnier particulièrement marqué » se prête à toutes les interprétations et pourrait conduire, de proche en proche, à détricoter les règles encadrant le crédit inter-entreprises. Qu’il s’agisse du médiateur du crédit, de diverses dispositions réglementaires, des différentes professions, l’attachement au crédit inter-entreprises et aux dispositions de la LME qui le concernent est tel que celles-ci ne doivent pas être modifiées.

En toute hypothèse, il serait abusif de voter une mesure aux conséquences financières aussi lourdes sur la trésorerie des entreprises, nécessitant un débat approfondi, au titre des « diverses mesures d’ordre ponctuel » d’un texte de simplification du droit.

Imaginez un grand donneur d’ordres ne payant pas à temps une PME, …

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

… et se présentant devant la justice : une fois un tel texte voté, on ne pourrait plus discerner qui a tort et qui a raison ; dès lors, tout serait permis, ce serait la jungle !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Il fallait proposer de supprimer les dispositions qui ne vous semblent pas appropriées !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

En conclusion, mes chers collègues, je vous invite à voter la question préalable présentée au nom de la commission des lois, qui aboutira à repousser l’ensemble du texte sans engager l’examen des articles.

Certes, nous aurions pu tenter d’amender cette proposition de loi pour la rendre acceptable. Toutefois, le Gouvernement ayant choisi de recourir à la procédure accélérée, ce qui est proprement intolérable, …

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. … il y aurait peu de chances que les dispositions adoptées par le Sénat soient retenues par l’Assemblée nationale, à l’issue de l’échec plus que probable de la commission mixte paritaire.

Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Enfin, à mon sens, nous sommes parvenus à un point où il importe de manifester le désaccord radical du Sénat avec cette manière de légiférer. Sixième du genre, cette proposition de loi apparaît comme le texte de simplification de trop. Il est devenu politiquement nécessaire de la rejeter en bloc, …

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Politiquement nécessaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. … au lieu de nous contenter d’essayer de l’améliorer à la marge.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’appréciation que je peux porter sur cette proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des procédures administratives, en tant que rapporteur pour avis de la commission de l’économie, se trouve, bien entendu, influencée par la motion tendant à opposer la question préalable qui nous est présentée, au nom de la commission des lois.

Mon co-rapporteur, M. Martial Bourquin, nous a rappelé que la majorité de la commission de l’économie a approuvé le principe de cette question préalable.

Pour ma part, si je partage les critiques qui peuvent être adressées aux lois de simplification du droit en général, je n’irai pas jusqu’à considérer que le rejet en bloc de ce texte soit la solution appropriée. §Si vous le voulez bien, je développerai ces deux points.

Certes, l’an dernier, dans mon rapport pour avis sur la précédente loi de simplification du droit, j’avais déjà relevé un certain nombre de défauts de cette catégorie de textes législatifs, qualifiés par le professeur Delvolvé de « lois indignes du Parlement ».

Le principal de ces défauts me semble être leur caractère hétéroclite : en effet, les lois de simplification ont pour but de rendre le droit plus intelligible, mais elles sont en elles-mêmes parfaitement illisibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Ainsi, la loi de simplification du droit du 17 mai 2011 – la dernière en date – traite pêle-mêle : des relations entre les opérateurs de services de communications électroniques et les consommateurs ; du dispositif de déclaration pour la redevance pour obstacle sur un cours d’eau ; de l’agrément par l’État des organismes de contrôle des espèces canines et félines ; des règles applicables aux diagnostics et aux contrôles relatifs au plomb ; de l’accès à l’activité de direction ou de gérance d’une auto-école ; des règles de révision des loyers de certaines catégories de logements locatifs conventionnés ; du régime des stations-services ; de l’affichage des coûts de collecte et de recyclage des déchets d’équipements électriques et électroniques… et j’en oublie certainement.

Encore faut-il préciser que cet inventaire à la Prévert se limite aux dispositions entrant dans le seul champ de la saisine pour avis de la commission de l’économie et n’intègre pas les dispositions relevant de la commission des lois, de celle de la culture et de celle des affaires sociales.

La présente proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des procédures administratives est également hétéroclite : il ne faut donc pas s’étonner qu’elle ait mobilisé pas moins de cinq des six commissions permanentes que compte le Sénat.

Ainsi, les dispositions relevant de la compétence de la commission de l’économie – pour m’en tenir à celles que j’ai eu l’occasion d’examiner – tendent : à préciser le régime des installations géothermiques ; à simplifier les procédures d’élaboration des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, les SDAGE ; à permettre aux chambres d’agriculture d’être maîtres d’ouvrage des projets de retenue d’eau servant à l’irrigation agricole ; à suspendre le délai de prescription des procédures contentieuses en matière de dégâts de gibier ; à permettre aux éleveurs d’accéder de plein droit aux marchés et foires aux bestiaux ; à harmoniser le régime de participation des employeurs agricoles à l’effort de construction ; à aménager les modalités de publicité des ventes de parcelles forestières soumises au droit de préférence ; ou encore à créer, pour le secteur viticole, une exception à l’obligation de contractualiser pour une durée minimale.

Cette complexité pose problème aux parlementaires, mais aussi à l’exécutif, puisqu’un seul secrétaire d’État siège au banc du Gouvernement pour traiter d’une grande diversité de sujets.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

… un seul membre du Gouvernement puisse répondre sur le fond à toutes ces questions et éclairer de manière pertinente tous les sujets évoqués.

Pour autant, la présente proposition de loi constitue un certain progrès par rapport aux précédents textes de simplification du droit. En effet, elle présente une plus grande, bien que relative unité, dans la mesure où elle ne regroupe que des dispositions concernant les acteurs économiques : il s’agit là d’une amélioration…

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

… qui fait écho au souhait que j’avais émis que les lois de simplification soient plus sectorielles.

Par ailleurs, il ne faut pas se leurrer : l’objectif de simplification du droit se heurte à la nécessité d’adapter les normes à une société de plus en plus complexe.

La simplification du droit est parfois un slogan qui recouvre des dispositions particulièrement denses. J’en prends pour exemple l’article 56 de la présente proposition de loi, qui, pour simplifier l’articulation entre les règles imposées aux installations hydrauliques par le droit de l’environnement et celles prévues par le droit de l’énergie, s’étend sur trois pages et tend à modifier douze articles de trois codes différents.

Un autre point sur lequel j’avais déjà insisté dans mon rapport l’année dernière est le fait que l’accroissement du volume des lois de simplification du droit au cours de la navette parlementaire ne rencontre guère de limites, dans la mesure où ces bornes ne sont pas matériellement définies. Ainsi, la précédente proposition de loi Warsmann, qui comportait 150 articles dans son texte initial, en comptait 227 à l’issue de la première lecture par le Sénat.

De ce fait, certaines dispositions additionnelles constituant des cavaliers législatifs peuvent se multiplier dans chacune des deux chambres. Le principe de la jurisprudence du Conseil constitutionnel tendant à encadrer le droit d’amendement est pourtant bien établi : en théorie, les amendements dépourvus de tout lien avec les dispositions figurant dans le texte initial doivent être censurés. En pratique, le Conseil constitutionnel n’est pas systématiquement saisi des lois de simplification et, lorsqu’il l’est, comme ce fut le cas pour le dernier texte de cette nature, il n’exerce parfois qu’un contrôle minimal, qui, en définitive paraît assez aléatoire.

Ainsi, comme l’écrivait le professeur Rivero il y a déjà plus de vingt ans, bien souvent, le Conseil constitutionnel filtre le moustique et laisse passer le chameau ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Pour l’ensemble de ces raisons, je suis enclin à être assez critique sur le principe même des lois de simplification du droit.

Pour autant, faut-il aller jusqu’à rejeter ce texte dans son ensemble ? Je ne le crois pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Pour ce qui concerne la question préalable votée par nos collègues de la commission des lois, je n’ai pu qu’en prendre acte. C’est pourquoi je n’ai pas présenté devant la commission de l’économie les amendements que j’avais préparés sur les articles relevant de ma compétence.

Au demeurant, j’estime que cette question préalable est regrettable. En effet, son adoption va mettre fin à nos débats et nous conduira à renoncer à toute possibilité de modifier et d’améliorer ce texte. Ce faisant, nous allons laisser totalement la main à nos collègues députés et accepter ipso facto leur copie.

Ainsi, pour ne citer qu’un seul exemple, j’aurais préféré que l’on transmette à l’Assemblée nationale un article 55 sensiblement modifié.

Je rappelle que, dans le texte initial de la proposition de loi, cet article comportait une simplification des modalités d’élaboration des SDAGE et des autorisations d’exploitation de carrière. Toutefois, l’Assemblée nationale y a adjoint des dispositions qui portent de deux à six ans le délai de mise en conformité des dispositifs publicitaires avec les exigences de la loi portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle 2 ».

Mes chers collègues, je tiens à attirer votre attention sur ce sujet : cet ajout a suscité de vives protestations de la part des associations d’élus locaux et de protection de l’environnement. Nous avons tous d’ailleurs reçu un volumineux courrier à ce sujet.

J’aurais souhaité proposer au Sénat de modifier le dispositif adopté par l’Assemblée nationale : nous ne le ferons pas et donnerons ainsi pleinement satisfaction aux annonceurs publicitaires. Or je ne suis pas certain que tous nos collègues, notamment au sein de la majorité, se réjouissent de voir adopter, en définitive, une disposition qui est souhaitée par les seuls annonceurs publicitaires !

De même, en votant la question préalable, nous nous priverons de la possibilité d’introduire des dispositions utiles comme nous avions pu le faire dans le cadre de la dernière loi de simplification du droit.

À titre d’exemple, je rappelle que, à mon initiative et à celle de M. Gélard, le Sénat avait opportunément inséré, dans la dernière proposition de loi de simplification du droit, des dispositions permettant aux maires de procéder à l’élagage d’office des plantations privées en bordure des voies communales, aux frais des propriétaires négligents, mesure qui est extrêmement appréciée des élus locaux.

De la même manière, cette année, nous aurions pu profiter de l’examen de ce texte pour améliorer notre droit sur un certain nombre de sujets et, notamment, pour répondre aux préoccupations des élus.

Ainsi, j’aurais aimé pouvoir vous présenter une solution pour résoudre certaines difficultés soulevées par les services de déneigement rendus aux communes par les agriculteurs.

Mme Nathalie Goulet s’exclame

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

J’aurais également souhaité que nous travaillions à alléger les contraintes parfois excessives qui pèsent sur les communes en manière de police de l’eau et, plus généralement, en termes de normes environnementales, qui se cumulent de manière trop souvent déraisonnable.

Au-delà, j’aurais aimé que nous profitions de ce débat pour tenter de réfléchir à une approche réaliste de l’obligation de rendre accessible aux personnes handicapées tous les établissements recevant du public avant le 1er janvier 2015, …

M. le secrétaire d’État acquiesce

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

… ce qui, nous le savons tous dans cet hémicycle, est totalement irréaliste.

À mes yeux, il est éminemment regrettable que le Sénat s’apprête, pour des raisons essentiellement politiques – pour ne pas dire politiciennes – à se priver de son droit, et même de son devoir d’améliorer ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Nous aurions fait, me semble-t-il, œuvre beaucoup plus utile et beaucoup plus conforme à la vocation de la Haute Assemblée en choisissant d’amender ce texte pour le rendre plus cohérent et plus intelligible.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Mes chers collègues, si nous rejetons en bloc cette proposition de loi, la commission mixte paritaire se prononcera sur la seule base du texte adopté en première lecture par les députés. L’expérience a pourtant montré que, même lorsque la commission mixte paritaire ne parvient pas à aboutir à un accord, l’Assemblée nationale adopte, en dernière lecture, un certain nombre des modifications apportées par le Sénat.

(M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) L’attitude très politicienne qui est celle du Sénat depuis trois mois ne me semble pas conforme à sa tradition de sagesse et à sa réputation de sérieux.

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE – Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Chers collègues de la majorité, pour conclure, je souhaite vous mettre en garde. §

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Le Sénat est, au sein des institutions, une chambre de réflexion, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous vous exprimez à titre personnel ou au nom de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

C’est le rapport de la commission, cela ? C’est incroyable !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

… un lieu où l’on prend le temps de travailler au fond, une assemblée où l’on sait s’extraire de la polémique et de la politique politicienne, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous êtes mal placé pour donner des leçons ! C’est scandaleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

… où l’on préfère, normalement, à l’agitation politico-médiatique à laquelle vous vous livrez, la recherche de l’intérêt général. Or l’image que donne le Sénat depuis trois mois est, à mon sens, très exactement à l’opposé de cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Notre Haute Assemblée est devenue un lieu de politique politicienne.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

On cherche non plus à légiférer mais à faire des coups politiques et médiatiques dans le cadre d’une campagne présidentielle

Mme Catherine Procaccia approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Mes chers collègues, le Sénat n’a pas vocation à être l’instrument de communication ou d’expérimentation d’un candidat à l’élection présidentielle, quel qu’il soit.

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

La Haute Assemblée doit représenter les territoires et non pas un parti politique ou une écurie présidentielle.

Oh ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je vous le dis très solennellement, mes chers collègues, faites attention car, en agissant ainsi, en portant atteinte à l’image et au rôle du Sénat, …

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Elle est gratinée l’image du Sénat !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. … c’est sa légitimité institutionnelle, et par là même son existence, que vous risquez de mettre en cause.

Applaudissementssur les travées de l’UCR et de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Pour ces raisons, vous l’aurez compris, à titre personnel, je ne suis pas favorable à l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable qui nous est présentée.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je tiens à dire mon étonnement que M. Maurey ait ainsi pris sur son temps de rapporteur pour avis de la commission de l’économie pour exprimer des propos qui n’avaient strictement rien à voir avec le rapport qu’il devait faire. C’est une entorse lourde à notre règlement, totalement politicienne, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Vous faites vous-même ce que vous nous reprochez.

Bravo ! et applaudissementssur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je trouve aussi, pour ma part, totalement scandaleux que M. Maurey, en tant que rapporteur pour avis, tienne des propos dignes d’un meeting politique…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il serait logique d’en déduire d’autant le temps de parole de son groupe.

Exclamations sur les travées de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La complexité du droit est une réalité que l’on retrouve légitimement et régulièrement au cœur des préoccupations. Nous savons néanmoins, nous parlementaires, que, si la complexité des textes est croissante, c’est aussi parce que l’inflation normative augmente, et ce depuis longtemps. Mais elle s’accélère depuis quelques années et encore plus ces derniers temps puisqu’on nous annonce encore toutes sortes de textes à venir.

Les professionnels du droit, les élus, les citoyens, partagent probablement tous le constat selon lequel notre droit doit faire face à ce mouvement de complexification et y porter remède. D’ailleurs, le discours le dénonçant s’amplifie évidemment au fur et à mesure de l’inflation législative, à tel point que le Conseil d’État a consacré son rapport public pour 2006 au thème « sécurité juridique et complexité du droit ». On ne peut pas mieux dire !

Malheureusement, il est très regrettable que cette mission de simplification, à laquelle tout le monde pourrait adhérer, n’ait pas été définie et encadrée avec précision. À vrai dire, une stricte délimitation des réels objectifs des lois de simplification nous aurait certainement évité les dérives qu’elles ont toutes connues, le rapporteur de la commission des lois l’a très bien souligné, et nous aurait permis de traiter réellement de cette problématique.

Le titre de la présente proposition de loi– il en allait de même du titre de celles qui l’ont précédée – reflète d’ailleurs toute l’ambiguïté de son contenu. Un petit travail de sémantique nous permet de dire que simplifier c’est « rendre simple, moins compliqué ». Rendre le droit moins compliqué, c’est une idée séduisante politiquement mais plus difficile juridiquement, semble-t-il.

D’abord, comment le droit pourrait-il être simple ? On pourrait s’interroger sur ce point, puisqu’il suppose une étude approfondie de concepts juridiques ; c’est une illusion de croire qu’il puisse être simple. Néanmoins, on pourrait retenir que, derrière cette idée de simplification de la norme, il y a confusion avec le concept juridique de clarté de la norme. La clarté est un caractère reconnu de la loi ; celle-ci doit être claire. Par conséquent, il s’agit de rédiger les textes dans un style et une langue facilement compréhensible. Mais si tel était réellement votre objectif, comme les précédentes, cette proposition de loi le contredit totalement.

En effet, comme les précédentes, puisque nous avons eu une loi de simplification tous les deux ans depuis huit ans, elle contribue à l’inflation normative de manière désorganisée pour ne pas dire bafouée. Elle conduit à annihiler les effets prétendument recherchés et même à exacerber le problème. Ces modifications parcellaires et conjoncturelles non seulement posent des problèmes de cohérence, mais aussi soulèvent, bien entendu, celui de la sécurité juridique en consacrant l’instabilité.

Le rapport du Conseil d’État de 2006 le souligne et met en garde contre ces « mesures effectives de simplification qui s’accompagnent de simples réécritures d’autres dispositions, qui auraient mérité une réflexion de fond plus globale ».

Dans un second temps, en prêtant attention aux dispositions de ces textes comme de ceux qui les ont précédés plutôt qu’aux discours qui les entourent, l’idée de clarté du droit passe aux oubliettes et l’on se rend vite compte que la simplification devient synonyme de réforme souhaitée par le Gouvernement. En fait, il s’agit de modifier et rectifier des textes, des procédures, et de transposer des directives communautaires. Donc, sous la plume de Jean-Luc Warsmann, un spécialiste, la simplification du droit se transforme en modification normative.

Nous n’en sommes pas dupes, le véritable objectif de ces lois de simplification est davantage un contournement de la prohibition des cavaliers législatifs qu’une garantie de l’effectivité de l’accessibilité et de l’intelligibilité des normes.

Elles font, par ailleurs, le bonheur des lobbies, qui s’activent pour y glisser les amendements ou propositions qu’ils n’ont pas réussi à faire passer lors des discussions sur des textes précédents. Elles sont aussi pour certains l’occasion de réintroduire des propositions de loi rejetées, qui réapparaissent sous forme d’amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Elles servent à une mise en œuvre à bas bruit de la politique du Gouvernement quand il a du mal à le faire de façon transparente ; je pense par exemple à la dépénalisation du droit des affaires.

Le fait que la procédure accélérée ait été requise ne fait qu’en rajouter dans ce sens. À bas bruit, en procédure accélérée, tout ce que l’on ne peut pas faire passer de façon transparente et réfléchie se faufile dans les lois de simplification.

Les dérives constatées et relevées dans le rapport sont d’autant plus inquiétantes que chacun a pu apprécier le caractère inédit de l’ampleur et du contenu de ces textes. D’ailleurs, si l’on ne met pas une barrière, on peut penser que, avec vous, au fur et à mesure, les lois de simplification seraient de plus en plus importantes : elles passeraient de quatre-vingts articles à cent cinquante et peut-être deux cents, voire trois cents, on ne sait pas.

À lui seul, le présent texte concerne pas moins de vingt codes, ainsi que quelques grands textes fondamentaux non codifiés dont la loi de 1881 sur la liberté de la presse, la loi de 1901 sur la liberté d’association ou encore celle du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.

Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous dire, contrairement à ce que vous avez largement insinué, à savoir que la majorité du Sénat empêchait le débat, que le Parlement est le lieu de l’expression des choix politiques.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Je vous ai justement invités à ce que nous débattions !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Aussi, comme nous prenons nos responsabilités, et, je le précise, mon groupe, qu’il soit dans l’opposition ou dans la majorité, a toujours réagi de la même façon à l’égard des lois de simplification, nous refusons que le législateur soit instrumentalisé et soit obligé de voter des lois que le Gouvernement n’a pas pu faire passer autrement.

Pour cette raison évidente, la question préalable, qui dit clairement le choix politique que nous faisons face à ce type de dérive législative, se justifie pleinement. C’est le droit le plus strict des parlementaires, droit dont ils devraient user chaque fois que nécessaire pour éviter de telles dérives de la procédure législative.

Sur le fond, ce texte se veut d’une portée simplificatrice toute particulière. Outre des dispositions qui affectent la loi relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, il recèle des dispositions relatives aux entreprises, touchant notamment au droit des salariés au sein de celle-ci. Je me contenterai sans exhaustivité de dénoncer quelques articles qui entament significativement les droits des salariés pour que, au moins, chacun le sache.

L’article 40, par exemple, vise à permettre de moduler le nombre d’heures travaillées sans que cette répartition des heures travaillées aboutisse à une modification du contrat de travail. L’air de rien, cet article remet en cause une jurisprudence de la Cour de cassation, protectrice pour les salariés, leur permettant de refuser la modulation de leur temps de travail prévue par un accord collectif. En effet, l’arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 2010 indique que « [...] l’instauration d’une modulation du temps de travail constitue une modification du contrat de travail qui requiert l’accord exprès du salarié [...] ». Concrètement, en cas de modification de la durée du travail – sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année – prévue par un accord collectif, la protection du salarié apportée par les clauses de son contrat de travail deviendrait caduque. Par exemple, un employeur pourrait exiger de son salarié de travailler une semaine durant quarante-huit heures et dix heures la semaine suivante sans que celui-ci puisse s’y opposer. Outre le fait que cette disposition pourrait être très déstabilisante pour les salariés, elle n’est pas sans conséquence, bien évidemment, sur leur pouvoir d’achat. Le ministère en a été averti par les organisations syndicales : « Cela entraînera des frais supplémentaires pour les familles – gardes d’enfants, déplacements supplémentaires – qui se seront organisées bien avant une modification des horaires ».

Autrement dit, ce sera aux salariés de supporter économiquement le choix imposé par l’employeur pour que l’entreprise soit plus rentable. C’est un transfert de dépenses de l’entreprise vers les salariés. Surtout, c’est, bien entendu, la fin annoncée des heures supplémentaires, qui étaient, comme vous le savez, le fin du fin pour les salariés pour gagner plus. §

L’article 40 bis concerne le télétravail et, pour la première fois, en adopte une définition. D’une certaine manière, cette disposition constitue une protection en reconnaissant ce qui est aujourd’hui un véritable mode d’organisation du travail.

Malgré ce petit avantage, cet article suscite de nombreux problèmes. Tout d’abord, il vise des situations régulières, ce qui exclut de cette définition celles et ceux qui, de manière occasionnelle ou ponctuelle, travaillent chez eux. Or certains salariés, par exemple pendant des intempéries, des mouvements sociaux, ne peuvent pas se déplacer, l’employeur leur demande alors de travailler depuis leur domicile. Ce qu’ils font sans être protégés.

En outre, parce que le télétravail est de fait synonyme de désocialisation, d’isolement, d’augmentation de la charge de travail, il aurait été souhaitable que le contrat de travail ou la convention collective prévoie obligatoirement des moments, à l’initiative du salarié, où ce dernier peut travailler sur son poste, ne serait-ce que pour avoir un accès direct à ses collègues et à ses représentants du personnel éventuellement. Ou encore il aurait été souhaitable de prévoir qu’aucune mesure de télétravail ne puisse être proposée dans le contrat de travail si la convention collective ne prévoit pas des modalités particulières et renforcées d’accès à la médecine du travail, ce qui exige une coordination avec les organisations professionnelles ; ce n’est évidemment pas le cas.

L’article 46, quant à lui, vise à autoriser le pouvoir réglementaire à adapter aux spécificités des très petites entreprises les modalités d’évaluation des risques en matière de sécurité et d’hygiène au travail. Cela n’est pas satisfaisant puisque, à ce jour, les modalités d’évaluation des risques en matière de sécurité dépendent de la nature de l’entreprise et des risques qu’encourent les salariés, non de la taille de l’entreprise. Cela est logique puisque ce qui crée le risque, c’est non pas la taille de l’entreprise, mais le mode d’organisation. Personne ne peut contester que c’est la taylorisation du tertiaire qui engendre des gestes répétitifs, indépendamment de la taille de l’entreprise !

En réalité, tout le monde le sait, les petites entreprises ont accumulé d’importants retards dans l’élaboration du document unique sur les risques professionnels, document qui permet de définir les risques professionnels auxquels sont exposés les salariés. Il doit servir de support au dirigeant afin qu’il intègre une démarche sécuritaire dans son management. Or, bien que cette obligation soit relativement ancienne – elle a été prévue il y a dix ans –, les TPE ne se sont pas mises en conformité. Aussi risquent-elles de se voir infliger une amende par l’inspection du travail.

En cas d’accident du travail ou de survenance d’une maladie professionnelle dans une entreprise qui ne s’est pas conformée à cette obligation, le salarié peut invoquer la faute inexcusable de l’employeur. Le dirigeant devient alors attaquable sur son patrimoine et doit rembourser tous les frais engagés.

Cette proposition de loi est donc une amnistie pour les employeurs fraudeurs, mais elle constitue aussi – et c’est tout aussi grave ! – une atteinte majeure aux droits des salariés, qui bénéficient, avec la faute inexcusable de l’employeur, d’une modalité de recours.

Enfin, l’article 92 bis, qui résulte de l’adoption par l'Assemblée nationale, en séance publique, d’un amendement déposé par le Gouvernement, nous est présenté comme devant mettre en conformité notre droit national avec le droit européen pour ce qui concerne les dispositions relatives aux personnes relevant d’un contrat d’engagement éducatif, c’est-à-dire les moniteurs occasionnels des colonies de vacances. Il s’agit concrètement de jeunes titulaires du BAFA, le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur, qui interviennent durant les vacances scolaires et dont la durée totale de travail ne peut pas excéder quatre-vingts jours.

À la suite d’une action judiciaire, le Conseil d’État a considéré que les dispositions applicables à ces salariés n’étaient pas conformes au droit européen dans la mesure où ceux-ci ne disposaient pas du droit légitime offert à tout salarié de disposer d’un repos de onze heures consécutives. En effet, les moniteurs sont responsables de l’encadrement des enfants de jour comme de nuit. Cet article prévoit donc d’allouer à ces salariés un repos compensateur de onze heures à l’issue de la période de travail effectif.

Mais cette disposition n’est pas du tout satisfaisante. En effet, on ne peut pas, au détour d’un tel texte, régler de tels problèmes !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Eh bien, il n’y aura pas de colonies de vacances l’été prochain !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous plaisantez !

Toutes ces dispositions, sans doute nécessaires, sont aussi complexes les unes que les autres et méritent de faire l’objet d’une réelle concertation, qui tienne compte du droit des salariés, un mot que vous ne connaissez apparemment pas !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mes chers collègues, comment notre droit pourrait-il tendre à la clarté quand les moyens mis en œuvre pour l’élaborer en manquent eux-mêmes ? La clarté du droit se mesure à la qualité et à la sincérité de la procédure législative qui en est l’instrument. Nous ne pouvons que nous indigner devant ce mépris du travail parlementaire.

C’est pourquoi nous rejetons ce texte dans son ensemble pour des raisons de fond et de forme, formulant ainsi une mise en garde contre cette tendance à empêcher l’instauration de réels débats démocratiques et dénonçant la capacité unique qu’a le Gouvernement à simplifier en rendant plus complexe. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la forme, ce n’est pas toujours le fond, mais ça l’est souvent.

J’ai défendu en commission une motion tendant à opposer la question préalable à cette nouvelle proposition de loi dite de simplification du droit et d’allégement des démarches administratives, car, une fois de plus, le titre et l’emballage ne correspondent pas au contenu.

Je me réjouis donc que la majorité des membres de la commission des lois ait voté en faveur des deux motions tendant à opposer la question préalable qui leur étaient soumises, et notre excellent rapporteur, Jean-Pierre Michel, présentera tout à l'heure une telle motion au nom de la commission.

Mes chers collègues, il est temps d’exprimer fermement un avis négatif, non pas sur la simplification du droit, laquelle doit commencer, en toute sagesse, par un arrêt de l’inflation législative – dont on nous fournit depuis quelque temps d’exécrables exemples dans les domaines du droit pénal, de la sécurité et de l’immigration ! –, mais sur la méthode suivie, qui a été à juste titre critiquée au cours de ces trois dernières années sur toutes les travées de cette assemblée.

Lors de l’examen de la troisième proposition de loi Warsmann, dont il était rapporteur, notre excellent collègue Bernard Saugey utilisait déjà des mots très clairs : « hétéroclite », « touffu », etc.

M. Bernard Saugey acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

J’avais d’ailleurs rappelé, lors du débat sur la précédente proposition de loi de simplification, les propos de Renaud Denoix de Saint Marc, alors vice-président du Conseil d’État : « L’action politique a pris la forme d’une gesticulation législative. [...] La loi doit être solennelle, brève et permanente. Aujourd’hui elle est bavarde, précaire et banalisée. »

La présente proposition de loi en est l’illustration, avec 153 articles issus des travaux de l’Assemblée nationale alors que le texte initial en comportait 94.

Oui, mes chers collègues, il faut mettre un coup d’arrêt à la dérive d’un système qui complique plus qu’il ne simplifie, à un système qui utilise abusivement la procédure accélérée pour favoriser le passage en force de textes dont, souvent, les conséquences réelles ne sont pas suffisamment appréciées.

Oui, il convient de dire « stop » à ce système et de ne pas se réfugier, cher collègue Hervé Maurey, derrière l’argument facile selon lequel, s’il vote la question préalable, le Sénat ne pourra pas négocier avec l'Assemblée nationale. Nous avons l’habitude de ces négociations ! Nous nous rappelons en particulier celles auxquelles a donné lieu la loi portant réforme des collectivités territoriales…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

C’est en fait une question de principe, et ce rejet d’une procédure viciée doit être entendu par l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Faut-il rappeler les errements de ces lois de simplification, concernant, par exemple, l’article qui a permis à l’Église de Scientologie d’éviter les conséquences des décisions judiciaires rendues à son encontre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Faut-il rappeler qu’il fut reproché, à juste titre, à l’auteur de la troisième proposition de loi de simplification, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, d’avoir mandaté et fait rémunérer par l’Assemblée nationale un cabinet juridique pour préparer ce texte, avec les risques inhérents que comporte une telle méthode ? Ce n’était pas très glorieux pour l'Assemblée nationale et, plus généralement, pour le travail parlementaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ce véhicule a, certes, une fonction de nettoyage de la « voirie législative », mais reconnaissons qu’il est peu efficace à cet égard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Une partie du véhicule permet le transport des passagers de première classe : des articles d’origine gouvernementale, même s’il s’agit d’une proposition de loi. En seconde classe, un certain nombre de places sont réservées à différents lobbies. En outre, le véhicule législatif dispose à l’arrière d’une voiture-balai, où l’on entasse toute une série de dispositions éparses, selon une méthode de tri qui ne recevrait pas l’assentiment d’Éco-Emballages…

Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le secrétaire d'État, le rituel couplet sur la crise économique – ce texte serait un moyen opportun pour y faire face ! – que vous nous assenez ne constitue pas une argumentation très solide.

S’il y avait des problèmes à régler d’urgence – et il y en a indiscutablement de nombreux ! –, rien ne vous empêchait, pendant les quatre ans et neuf mois écoulés, d’y remédier au travers des projets de loi de finances ou des multiples lois sécuritaires que vous avez présentées, ou des textes sur la dépénalisation de la vie économique, par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Comme l’a relevé notre excellent rapporteur, vous avez eu recours à des pratiques aberrantes, dont l’introduction de la même disposition dans plusieurs textes, avec l’utilisation parfois concomitante du règlement, comme pour le relèvement à 15 000 euros du seuil en deçà duquel les marchés publics sont dispensés de procédure préalable, puisque cette disposition demeure néanmoins incluse dans le présent texte.

Vous n’hésitez pas à faire figurer, à l’article 49 bis, une disposition qui a déjà été deux fois censurée par le Conseil constitutionnel, ni à revenir dans plusieurs articles sur des dispositions adoptées récemment par le Parlement, y compris dans une précédente proposition de loi de simplification, ce qui est vraiment le comble !

Surtout, une fois de plus, ce texte n’a plus rien à voir avec une loi de simplification, car il comporte de vraies novations juridiques – on peut en contester certaines, mais on peut aussi en approuver d’autres –, et vous reconnaissez d’ailleurs qu’elles sont centrées sur la vie des entreprises. Mais, je l’ai déjà dit, la dépénalisation de la vie des affaires, ce n’est pas de la simplification du droit ! C’est une novation, qui mérite un texte spécifique, afin que les choses ne se fassent pas en catimini !

La substitution de sanctions civiles à des sanctions pénales est l’objet d’un vrai débat politique. Or, ce débat, vous l’escamotez. Présentez-nous donc, monsieur le secrétaire d'État, un texte sur ces sujets économiques, à l’instar du texte sur les droits des consommateurs ! On pouvait être pour ou contre ce texte, mais celui-ci avait une cohérence et une unicité sur le plan législatif.

Le rapporteur a relevé à juste titre, dans son rapport, des dispositions contestables, s’agissant notamment des articles 4, 7 et 10, ainsi que des dispositions hétéroclites, dont l’article 25, qui reprend une disposition censurée au titre de la règle de l’entonnoir.

Outre des dispositions relatives à la vie des entreprises, ce texte comprend tout et n’importe quoi, aborde les sujets les plus divers : le droit de préemption des communes sur les fonds de commerce, le recours à l’emprunt pour les copropriétés, la durée de validité des promesses de vente, l’immunité pour les membres de la MIVILUDES – ça, c’est une bonne chose –, les horaires de travail des salariés, le code des douanes, les SDAGE – schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux –, le statut des agences de presse, j’en passe et des meilleurs.

Mes chers collègues, tout cela n’est pas raisonnable et ne témoigne pas d’une bonne pratique législative. C’est pourquoi la grande majorité du groupe du RDSE votera tout à l'heure la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur de nombreuses travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai cru comprendre que l’examen de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives risquait de se trouver abrégé, me privant ainsi de l’occasion de m’exprimer sur l’article 21 bis, qui est très largement issu d’une proposition de loi que j’avais moi-même déposée en juin 2011 sur les franchissements de seuils en droit boursier.

Je rappelle que notre législation en matière de transparence des acquisitions de participations dans des sociétés cotées demeure lacunaire.

Pourtant, nous le savons bien, il s’agit d’une législation essentielle, et ce à un double titre : assurer la bonne information des marchés ; protéger les entreprises contre des offres non sollicitées et susceptibles de se manifester après des prises des participations successives aboutissant à une situation irréversible ou presque.

La transparence est essentielle à la bonne vie des affaires. Elle doit, en principe, être telle que les acteurs concernés se dévoilent en temps utile et, lorsqu’ils envisagent de prendre le contrôle d’une cible, qu’ils soient à même d’en payer le prix, primes de contrôle comprises, après avoir révélé publiquement leurs intentions.

C’est la raison pour laquelle la législation sur les franchissements de seuils a été conçue. Or cette dernière est devenue critiquable dans la mesure où elle n’englobe pas, du moins pas assez clairement, les nouveaux instruments financiers ; je veux parler de l’acquisition de droits qui ne sont pas immédiatement des droits de vote mais qui y donnent accès selon différentes formules, il est vrai, de plus en plus complexes.

L’affaire dite « Hermès-LVMH », révélée en octobre 2010, l’a montré : dans notre pays, un investisseur peut monter au capital d’une société de façon rampante, en quelque sorte occulte, et y acquérir, grâce à l’utilisation de ces instruments financiers complexes, une position significative.

Pour échapper à leurs obligations de déclaration de franchissements de seuils, des acteurs économiques en viennent en effet à utiliser des outils financiers qui leur confèrent une exposition économique à une action, sans pour autant que celle-ci soit juridiquement détenue dans l’immédiat.

Or les informations données au marché en matière de détention de ce type d’instruments financiers ne sont, dans le droit actuel, que subsidiaires. Pourtant, cela fait déjà bon nombre d’années que la faille est identifiée. Cette situation n’est du reste pas propre à notre pays. L’Allemagne, par exemple, a connu un cas retentissant d’utilisation de tels instruments financiers lors de l’agression du constructeur Porsche sur son concurrent Volkswagen.

Je rappelle que, en 2008, l’Autorité des marchés financiers avait mis en place un groupe de travail, présidé par M. Bernard Field, lequel avait préconisé, pour le calcul des seuils, une assimilation large des instruments financiers susceptibles de donner accès à la détention directe de capital. Par la suite, est intervenue l’ordonnance de janvier 2009, mais son contenu, monsieur le secrétaire d’État, s’est malheureusement démarqué assez sensiblement des recommandations de ce groupe de travail.

J’avais suggéré, pour ma part, lors de la ratification de l’ordonnance, que puisse être mise en œuvre une conception plus exigeante de notre droit. J’observe que j’avais, à l’époque, prêché dans le désert. Il a fallu que survienne une nouvelle situation « spéciale », dans une autre entreprise cotée, pour que la place financière, les professionnels et, il faut bien le dire, la direction générale du Trésor acceptent de faire évoluer leur raisonnement et de prôner une législation d’une plus grande fermeté.

Ainsi, au sein du texte que nous examinons, l’article 21 bis reprend l’essentiel de ma proposition de loi. Même s’il reste en retrait sur quelques points, je suis naturellement heureux que mon initiative ait été relayée dans le cadre du texte de Jean-Luc Warsmann. Je remercie d’ailleurs Mme le rapporteur général de la commission des finances d’avoir rapporté ma proposition de loi en même temps qu’elle rapportait pour avis le présent texte.

Désormais, selon la rédaction de cet article 21 bis, les instruments conférant une exposition économique à une action seront pris en compte dans le calcul des franchissements de seuils et ne pourront plus être utilisés de manière détournée, occulte, pour prendre le contrôle d’une société.

Cette évolution était indispensable. Nombre de nos partenaires européens ont déjà franchi le pas, certains depuis longtemps, et il est plus que probable, monsieur le secrétaire d’État, que, lors de la prochaine révision de la directive Transparence, le droit communautaire choisira également la voie de l’assimilation large.

J’avais, par ailleurs, souhaité que les instruments financiers conférant une exposition économique puissent entrer dans le calcul du seuil de 30 % contraignant au déclenchement d’une offre publique d’achat.

À ce jour, le mode de calcul du seuil de 30 % dans la législation sur les OPA est strictement aligné sur celui qui s’applique dans le cadre de la législation relative à la transparence de l’information financière, c’est-à-dire les dispositions régissant les franchissements de seuils dont il vient d’être question.

Je persiste à penser, monsieur le secrétaire d’État, qu’il serait souhaitable de maintenir un tel alignement. Je doute fort, en effet, qu’un investisseur en arrive à posséder une exposition à une société, notamment par le biais de la détention d’instruments financiers complexes, supérieure à 30 % de son capital ou de ses droits de vote de manière fortuite. En tout état de cause, le fait d’atteindre ledit seuil laisse planer un doute sur la réalité des intentions de l’investisseur.

C’est précisément contre une telle ambiguïté que nous devrions lutter, car elle est dommageable pour le marché et laisse toujours ouverte la possibilité d’une prise de contrôle en quelque sorte « par surprise ». Le droit britannique a retenu ce raisonnement. Le droit français devrait donc aller plus loin que le texte de l’article 21 bis, dont, à la vérité, je m’explique mal la timidité.

De même, ma proposition, non reprise par l’article 21 bis, d’abaisser le premier seuil de déclaration à 3 % du capital ou des droits de vote me semblerait constituer un élément non négligeable en vue d’assurer une plus grande transparence.

Après avoir évoqué ces aspects techniques, qui reprennent le contenu de ma proposition de loi de juin 2011, je conclurai, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en regrettant que l’éventuelle adoption d’une question préalable par le Sénat nous empêche de débattre de manière plus approfondie de ce sujet comme de bien d’autres qui sont abordés par la proposition de loi Warsmann.

Il est clair que l’intitulé retenu pour ce texte, qui le fait passer pour une proposition de loi « de simplification », est pour le moins approximatif…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pour ma part, je préférerais que l’on s’exprime de façon plus transparente et qu’il soit question d’un texte « portant diverses dispositions d’ordre juridique, économique et financier ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cher président de la commission des lois, le dépôt de textes de cette nature a été, vous le savez aussi bien que moi, une pratique très fréquente, notamment au cours des années 1990.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C’est une nécessité législative que de corriger des aspects techniques du droit, sans que cela justifie le dépôt d’un véhicule spécifique pour chacune des mesures.

Selon moi, le rejet par principe de ce type d’outils législatifs va véritablement à l’encontre des droits du Parlement. En effet, c’est bien en examinant des textes portant diverses dispositions que l’initiative parlementaire est maximale, …

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… en ce qu’elle permet à chacun d’entre nous d’apporter des compléments utiles au sein de la législation.

Si je peux comprendre, monsieur le président de la commission des lois, que vous trouviez une certaine opportunité à agir de cette façon, il ne faudrait pas en arriver à jeter le bébé avec l’eau du bain ! §Car le bébé « diverses dispositions » me semble en définitive bien sympathique pour le législateur que nous sommes, du point de vue tant du respect des droits du Parlement que d’un bon partage des tâches au sein de nos institutions.

Ayant le souci de permettre au Sénat d’exercer au mieux son rôle législatif, vous me voyez attristé par la préconisation exprimée tout à l’heure.

Cela étant dit, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour en revenir au point principal de mon propos, je me réjouis que l’on fasse quelques petites avancées en matière de régulation des marchés et en faveur d’une plus grande transparence de l’information financière grâce à cette proposition de loi. Il convient d’en remercier particulièrement nos collègues de l’Assemblée nationale, plus spécialement votre homologue, monsieur le président Sueur, l’excellent président de la commission des lois de l’Assemblée nationale !

Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la complexité de notre droit et la lourdeur de nos démarches administratives sont régulièrement dénoncées.

Cette complexité est lourde de conséquences, soulignées d’ailleurs de façon récurrente par le Conseil d’État. L’empilement des normes et leur insuffisante clarté altèrent le fonctionnement de notre économie, découragent les citoyens, qui perdent leurs repères, et désorientent l’autorité publique.

L’accumulation des textes finit par brouiller la perception du politique et, en complexifiant souvent le droit, le rend aussi plus incertain.

Dans le même temps, le Conseil constitutionnel a posé comme principe que l’intelligibilité et l’accessibilité du droit constituent désormais des objectifs de valeur constitutionnelle.

Alors, comment sortir de cette contradiction, avec, d’un côté, une inflation législative dénoncée de longue date et, de l’autre, une volonté affichée, et légitime, d’avoir un corpus de règles juridiques plus lisible et plus accessible pour nos concitoyens ?

Répondre à cette question était précisément l’objet de la présente proposition de loi de simplification du droit.

Cela a été rappelé, mes chers collègues, ce texte n’est, il est vrai, que le tome IV de cette « œuvre » de simplification : il prend la suite de la trilogie commencée en 2007 et poursuivie avec les lois de simplification de 2009 et 2011. En effet, tout le monde le sait, la commission des lois de l’Assemblée nationale a décidé de faire de la simplification du droit l’un des fils conducteurs de son action pour la XIIIe législature, ce qui, il faut le reconnaître, relève plutôt d’une bonne intention.

Le texte qui nous est aujourd'hui soumis était attendu, notamment par les acteurs économiques, car il recèle de nombreuses mesures de simplification, applicables au quotidien dans nos entreprises.

Un texte attendu, donc, mais également un texte plutôt conforme aux préoccupations formulées par le Sénat ces dernières années. Notre Haute Assemblée a regretté à de nombreuses reprises que ces textes de simplification soient trop disparates, trop « fourre-tout ». Sans doute cette proposition de loi n’échappe-t-elle pas totalement à cette critique. Mais le souci de centrer l’objet de cette quatrième loi de simplification sur la vie des entreprises est parfaitement clair et mérite d’être salué.

Un texte attendu, plus conforme aux attentes du Sénat, et sans doute amendable, car certaines dispositions vont bien au-delà de la simplification et n’ont donc pas leur place dans cette proposition de loi. Ce travail d’amendement aurait pu être effectué par notre commission des lois à partir de l’analyse détaillée proposée par notre rapporteur.

Comme nombre de mes collègues, je m’attendais donc à un toilettage du texte, ou plutôt à un vrai travail d’amélioration de cette proposition. Mais il n’en est rien ! Contre toute attente, notre commission des lois préfère balayer ce texte d’un revers de la main plutôt que d’y apporter la plus-value qu’on peut attendre du Sénat.

Je le regrette, et d’autant plus que cette attitude est incohérente. Notre rapporteur, M. Michel, qui a effectué un travail de qualité, a lui-même reconnu qu’il aurait pu supprimer un grand nombre de dispositions de ce texte qui constituaient autant de cavaliers législatifs. Alors, pourquoi ne l’a-t-on pas fait ? Même si cela devait vous conduire, cher collègue, à supprimer huit articles sur dix, cela aurait été un vrai travail sur le fond du texte et aurait correspondu à ce que l’on attend de notre assemblée. Alors que la motion qui nous est proposée nous prive d’un débat au fond.

Nous en serons d’ailleurs définitivement privés puisque ce texte fait l’objet de la procédure accélérée et que, après le vote probable de la question préalable, le Sénat sera de facto, une fois encore, dans l’impossibilité d’amender le texte de nos collègues députés.

Que la nouvelle majorité adopte une position de principe sur certains textes plus politiques, quoi de plus légitime ? Je pense, par exemple, à la proposition de loi Ciotti que nous avons examinée récemment. Dans une telle configuration, la motion de procédure est tout à fait défendable : la majorité est contre le principe même du texte et l’amender ne servirait donc à rien ; la question préalable est alors justifiée puisqu’elle signifie que le Sénat refuse de débattre d’un texte qu’il considère comme inacceptable tant sur le fond qu’en opportunité. Mais ce raisonnement n’est pas applicable en l’espèce dans la mesure où l’on ne saurait qualifier le présent texte d’idéologique !

Notre groupe, vous l’aurez compris, est donc hostile à la motion visant à opposer la question préalable et regrette que notre Haute Assemblée ne puisse pas débattre du fond de ce texte, signant ainsi, une fois encore, un blanc-seing à nos collègues députés !

Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’essentiel a été dit par notre rapporteur, Jean-Pierre Michel, qui a auditionné, ces dernières semaines, une centaine de personnes. Le travail qu’il a ainsi accompli était d’autant plus nécessaire et il est d’autant plus appréciable que le manque de concertation est l’un des points faibles de l’élaboration de ce texte.

Disons-le d’emblée, l’objectif de simplification est certainement louable. Qui pourrait prétendre qu’il ne faut pas simplifier notre droit, sans doute devenu complexe. D’ailleurs, si l’on y réfléchit, il ne peut en être autrement puisque le droit doit dorénavant couvrir un champ multiforme, appréhendant toutes sortes de relations : familiales ou de voisinage, bien sûr, mais aussi commerciales, d’affaires, de travail. Il traite, globalement, de questions de société, il doit répondre à de nouvelles formes de violence ou régler des conflits nés des nouvelles technologies. Dans un monde complexe, le droit l’est forcément, lui aussi !

Cette profusion n’est pas nécessairement un mal : peut-on se plaindre que notre société soit une société de droit, c'est-à-dire une société dans laquelle le droit devient le maître mot de la vie quotidienne ? Je ne le crois pas. D’ailleurs, si l’on remontait l’histoire, on verrait que les sociétés sans droit ou celles qui laissent au droit une place moindre que les nôtres ne sont sans doute pas les meilleures possibles. Et je ne pense pas que, là où il y a moins de droit, le droit soit mieux compris ou mieux appliqué.

Disons-le, l’objectif de ce texte est d’autant plus louable que, selon un adage célèbre, « nul n’est censé ignorer la loi ». Si tel est le cas, il vaut mieux que le citoyen puisse davantage la comprendre !

Si la question posée par le texte est donc juste, la réponse qu’il apporte ne nous convient pas.

En effet, la première façon d’améliorer la loi, c’est de respecter le législateur. Cela signifie qu’il convient de lui donner les moyens de faire son travail, en commençant par lui accorder le temps nécessaire pour cela. C’est ainsi que peuvent ensuite être votées des lois claires, dont l’application ne souffre aucune ambiguïté.

L’objectif du président de la commission des lois de l’Assemblée nationale est donc digne de respect dans son principe. Mais il est paradoxal de prétendre y parvenir en nous proposant un texte confus et hétéroclite qui, au cours du rituel parlementaire, n’en finit pas de « s’alourdir », pour reprendre l’expression de Bernard Saugey.

Monsieur le secrétaire d'État, j’ai bien entendu ce que vous nous avez dit à titre liminaire. Vous nous avez expliqué avec beaucoup de ferveur que ces lois sont tout à fait nécessaires à l’intérêt de notre pays. Et vous avez même terminé votre propos en lançant un appel à ce dernier.

Nous vous avons entendu, mais vous ne nous avez pas écoutés ! La question que, nous, nous posons est celle-ci : comment fait-on une bonne loi ? Et c’est la réponse à cette question qui explique la position que notre groupe prendra tout à l’heure.

Voilà quelques instants, mon ami Jacques Mézard a cité un exemple auquel je pensais moi-même, celui de la loi « fourre-tout » de 2009, qui est du même acabit que la présente proposition de loi. Le texte de 2009 était tellement fourre-tout qu’on y a même fourré une disposition qui a permis d’empêcher la justice de prononcer la dissolution de l’Église de Scientologie ! Qui a fourré cette disposition dans la loi ? Nous ne le savons toujours pas ! Comment a-t-on pu faire voter cette disposition par le Parlement ? Nous ne le comprenons toujours pas !

Cela est lié à la nature même de ce genre de dispositif : tout est tellement confus, l’ensemble est tellement hétéroclite qu’on peut y fourrer un article qui va modifier le dernier alinéa de tel article de tel code ! Et, au bout du compte, on ne peut plus prendre, à l’encontre de l’Église de Scientologie, les mesures qui devraient s’imposer ! Avouons que ce n’est pas un exemple de bon travail parlementaire !

Nous sommes arrivés au bout de la méthode employée depuis 2002. Ce type de textes cumule trois défauts : la complexification, la précipitation et l’ambiguïté.

La complexification provient du caractère de « loi fourre-tout » – vous n’aimez pas l’expression, monsieur le secrétaire d'État, mais je la reprends quand même – ou de « loi-balai ». On essaie de modifier trente-six textes à la fois ! Voulez-vous quelques chiffres ? Les quatre-vingt-quatorze articles de ce texte visent vingt et un codes, douze lois et cinq ordonnances ! Pas moins ! Au milieu du texte, le seul article 39, long de quatre pages, comporte quatre-vingt-douze modifications du code du travail ! Voilà à quoi vous nous invitez !

Le Conseil d’État, qu’il est toujours bon d’écouter, a lui-même souligné les limites de cet exercice de simplification et les risques d’insécurité juridique. Dans son rapport de 2006, il nous rappelait que « l’effort de simplification du droit ne conduit pas, dans l’immense majorité des cas, à une réduction du nombre d’articles ou de dispositions applicables, voire entraîne, au contraire, un alourdissement de certains textes, ce qui ne peut que rendre plus incertain l’apport concret pour les citoyens de telles mesures ».

Je pose d’ailleurs la question : pourquoi ne disposons-nous pas de l’avis du Conseil d’État sur le présent texte ? Il nous aurait, à n’en pas douter, très vivement intéressés !

Outre qu’ils sont une succession d’empilements, les textes de cette nature constituent le réceptacle idéal de cavaliers législatifs, qu’ils incitent par là même à introduire. C’est ainsi que près de soixante articles de cette proposition de loi ont été ajoutés entre la rédaction initiale et la version qui nous est soumise.

Deuxième défaut, sur lequel vous ne vous exprimez d’ailleurs guère : la précipitation. Toutes choses égales par ailleurs, pourquoi ne faut-il qu’une seule lecture pour un tel texte ? Nous ne le savons toujours pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Il n’y a pas eu le moindre début d’explication ! Au nom de quel motif impérieux doit-il être examiné selon la procédure accélérée ? Nous n’y voyons que des inconvénients !

Par exemple, la réforme du droit des copropriétés ou la suppression du mandat exclusif des agences immobilières sont sans doute d’heureuses initiatives. Mais l’absence de concertation a été telle que les professions concernées ne comprennent toujours pas le sens des dispositions prévues.

Autre exemple : l’ajout d’un échelon régional aux unions d’associations familiales. Peut-être est-ce une bonne chose, mais, en l’état, cette innovation est contestée à l’échelon départemental.

Cette précipitation vaut pour les amendements. Jean-Pierre Michel l’a dit tout à l’heure, l’article 94 A pose le principe d’immunité des responsables de la MIVILUDES. Auteur d’un rapport sur ce sujet, je suis totalement favorable à un tel principe. Mais la question reste posée de savoir ce que cette immunité vient faire dans un tel texte !

Troisième défaut majeur : l’ambiguïté. Ce texte est ambigu parce que, là où il devrait simplement améliorer la loi, il introduit des novations qui ont un sens politique.

C’est le cas, par exemple, en matière de droit du travail. L’article 46 rend moins fréquente l’actualisation du document unique d’évaluation des risques professionnels dans les très petites entreprises. Comme le souligne Mme Procaccia dans son avis, « c’est un bien mauvais signal envoyé aux chefs d’entreprise alors que la prévention est plus que jamais primordiale ».

Un autre exemple d’ambiguïté, qui a été relevé par Martial Bourquin, concerne le Grenelle 2 de l’environnement. Cette loi a posé, après de longs débats, le principe de la transparence environnementale et sociale des entreprises. Et voilà que, dix-huit mois plus tard, l’article 10 du présent texte le remet en cause en prévoyant d’exonérer les filiales de toute publication de cette nature. Les citoyens et les associations auront désormais beaucoup plus de mal à accéder aux informations, surtout si la société mère réside à l’étranger.

Je pourrais multiplier les exemples. Ainsi, l’article 72 bis, va modifier le poids maximal autorisé pour les poids lourds. Sous son apparente technicité, il ouvre un débat de fond : quels types de transports voulons-nous dans ce pays ? Ce débat mériterait d’avoir toute sa place et de ne pas être expédié au détour d’un tel texte.

Il en va de même pour la dépénalisation du droit des affaires. Est-ce que cela relève de la simplification ? Sans doute pas ! Est-ce que cela doit donner lieu à un débat spécifique ? Certainement ! Alors, il faut avoir le courage de l’organiser, de façon que chacun puisse s’exprimer.

En conclusion, je dirai que, pour notre groupe, il ne s’agit évidemment pas, contrairement à ce que j’ai pu entendre, de fuir la discussion et de laisser tous les pouvoirs à l’Assemblée nationale. Notre position est déterminée par des considérations de principe, qui peuvent se résumer dans cette question que je formule une fois encore : comment fait-on une bonne loi ? Certainement pas avec des textes de cette nature !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Monsieur le président, M. le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous entendons tous nos concitoyens se plaindre de ce que les lois sont trop complexes, parfois illisibles, et qu’il y en a trop. Ce constat est certes basique, mais tellement vrai !

Et pourtant, nous sommes les premiers à déposer et à défendre des amendements visant à régler des situations dont nous font part les Français, qu’ils soient représentants associatifs, chefs d’entreprise, salariés, artisans ou professions libérales, afin de simplifier leur vie quotidienne, professionnelle ou personnelle. Il est donc peut-être de notre devoir, et c’est un questionnement permanent pour moi, d’éviter de légiférer sur l’exception, pour revenir à une législation globale qui rendra nos lois plus lisibles et compréhensibles.

Le Président de la République a souhaité très clairement une société de confiance, confiance envers les Français comme envers toutes nos entreprises. Bien sûr, cette confiance n’exclut pas le contrôle. Toutefois, la complexification croissante du droit ne contribue qu’à l’insécurité juridique, qui nous pénalise tous. Un vaste mouvement de simplification de notre droit, auquel notre commission des lois a largement contribué, a ainsi été engagé depuis le début de la législature.

En janvier 2009, Jean-Luc Warsmann remettait au Premier ministre un rapport relatif à la politique de simplification et à l’élaboration d’une stratégie pour une norme de meilleure qualité. Puis, le Parlement a adopté deux lois répondant à ces objectifs.

La loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures comporte cinq volets : elle oblige à prononcer l’abrogation des actes réglementaires illégaux ou sans objet ; elle propose des mesures de simplification pour les particuliers, les entreprises et les collectivités locales ; elle abroge diverses dispositions devenues sans intérêt.

La loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit améliore la qualité des normes et des relations des citoyens avec les administrations, et adopte des dispositions de simplification relatives au statut des groupements d’intérêt public ; elle traite aussi d’urbanisme, de défaut d’adoption des textes d’application prévus par certaines dispositions législatives, de droit pénal, du droit électoral applicable aux Français établis hors de France, du domaine sanitaire, social et médico-social ; elle habilite également le Gouvernement à modifier des dispositions législatives.

Le Gouvernement, et le groupe UMP l’en remercie, a proposé quatre-vingts mesures tendant à renforcer l’appui territorial aux PME, mais aussi à simplifier leur environnement administratif. Il est en effet important pour la cohésion de nos territoires de rapprocher deux mondes qui se connaissent mal, celui de l’entreprise et celui de l’administration. Le retour de la confiance commence là.

Parallèlement, le Président de la République avait confié, en janvier 2011, à Jean-Luc Warsmann une nouvelle mission, dont l’objectif était de « proposer des mesures de simplification, ambitieuses et concrètes, pour desserrer les contraintes excessives qui pèsent sur les entreprises, en particuliers les PME, mais aussi sur les artisans, les agriculteurs et les professions libérales ». Le Président ajoutait : « Ces propositions devront avoir pour objectif de rendre notre cadre juridique plus propice à l’initiative économique et à la création de richesses et d’emplois. »

Au terme d’un important travail d’analyse et de concertation, impliquant de nombreuses auditions, Jean-Luc Warsmann a remis, le 6 juillet dernier, son rapport sur la simplification du droit au service de la croissance et de l’emploi, qui préconise deux cent quatre-vingts mesures concrètes, d’ordre réglementaire, législatif ou européen.

Ce rapport a servi de base à la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, qui a été adoptée par l’Assemblée nationale et dont nous sommes aujourd’hui saisis.

Vous l’aurez compris, cette proposition de loi est tout à fait digne que nous nous y intéressions en tant que parlementaires. Notre devoir se situe bien à ce niveau, et non dans le tréfonds de guerres politiciennes abortives, telles que celle que vous proposerez de déclarer, monsieur le rapporteur, en défendant tout à l’heure une question préalable que nous savons d’avance arithmétiquement adoptée.

La nouvelle majorité de la commission des lois, comme elle l’explique dans un communiqué, a en effet contesté la méthode consistant à inscrire dans un texte un grand nombre de dispositions extrêmement diverses. Elle déplore également que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée sur ce texte, alors que, selon elle, ce n’était aucunement justifié.

Eh bien, vous avez tout faux, mes chers collègues !

Le principe même d’un texte de simplification n’est-il pas de balayer notre arsenal législatif afin d’en extraire ce qui est inutile et de le rendre cohérent ? N’est-il pas urgent de le faire alors même que les Français expriment leur incompréhension face à certains points de notre droit ? Et n’est-ce pas ce que vous réclamez, mes chers collègues ? Dès lors, votre démarche apparaît incompréhensible : vous semblez raisonner à l’envers du bon sens !

Nous devons au contraire sortir de ces postures dogmatiques et nous montrer enfin pragmatiques ! C’est pourquoi le groupe UMP soutient l’idée essentielle de ce texte.

Oui, monsieur Michel, la nature de ce texte est très composite ! Mais en quoi cela peut-il nuire à la clarté des débats parlementaires ?

Nous partageons, pour partie, l’analyse du président Sueur, qui rappelait récemment : « Nous avons souvent dit notre désaccord avec les lois “ fourre-tout ” ». En revanche, je m’inscris en faux contre ses propos suivants. Ce n’est pas en votant une question préalable que nous mettrons fin au caractère hétéroclite de certains textes. Il eût été plus judicieux, selon nous, de travailler sur le texte adopté par l’Assemblée nationale, de déterminer ce qui relevait réellement de l’essentiel pour les Français dans la période que nous affrontons. Nous aurions ainsi gardé un certain nombre de dispositions et supprimé les autres.

Comme le président Hyest le faisait remarquer en commission des lois, « lors des précédentes propositions de loi Warsmann, nous avions supprimé des cavaliers ou des mesures qui modifiaient toute une législation, au gré de la navette ».

Nous pouvons reconnaître que cette loi de simplification comporte de bonnes choses, et rejeter les novations et les cavaliers ; nous l’avons déjà fait précédemment. Nous pouvons aussi nous appuyer sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Nous pouvons amender tout ce qui simplifie réellement le droit et supprimer tout ce qui n’a rien à faire dans cette loi.

Ne sommes-nous pas élus pour légiférer? Oui, monsieur le président Sueur, comme vous le dites, « il est essentiel pour la démocratie que l’objet de chaque loi soit clairement énoncé, qu’elle donne lieu à un débat explicite et approfondi sur chaque sujet, ce que ce type de loi-omnibus ne permet pas ». Mais selon une méthode plus intelligible que la vôtre !

D’autant que la question préalable présente un inconvénient majeur : lorsque celle-ci aura été votée, l’Assemblée nationale reprendra, non amendées, les dispositions qu’elle a précédemment adoptées. Ainsi, nous n’aurons en rien progressé, et c’est fort dommage. Si le Sénat débattait de ces mesures, en validait certaines et en rejetait d’autres, il aurait beaucoup plus de poids et, surtout, il accomplirait sa mission législative !

Il n’est pas de texte de simplification qui ne soit hétéroclite ; c’est une donnée de départ. Si on la refuse a priori, on ne simplifie jamais ! On ne va pas examiner 153 projets de loi – puisque tel est le nombre d’articles contenus dans le texte adopté par l’Assemblée nationale – modifiant chacun un article d’une loi ou d’un code ! Le Sénat ne saurait, en tant qu’institution de la République, refuser a priori de débattre d’un texte.

Devons-nous conclure que vous avez décidé de dépouiller le Sénat de son rôle institutionnel et constitutionnel ?

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

J’en reviendrai donc au fond, qui nous intéresse beaucoup plus que des manœuvres procédurières.

Pour encourager l’activité des entrepreneurs, le Gouvernement, comme nous l’a annoncé le Premier ministre le 14 novembre dernier, a mis en place une série de mesures de simplification.

Il y avait un certain nombre de progrès à accomplir, notamment dans le domaine de la commande publique. C’est pourquoi a été signé un décret portant à 15 000 euros le seuil de dispense de formalités dans le cadre des marchés publics, qui est aujourd’hui de 4 000 euros. Cette mesure entraînera, pour les collectivités territoriales, une diminution des formalités administratives, et épargnera aux entreprises de devoir établir, comme c’est trop souvent le cas, des devis concernant des travaux de faible montant qui n’aboutissent pas, la plupart du temps, à l’obtention du marché.

De plus, afin d’améliorer les relations entre l’administration et ses fournisseurs, le Gouvernement a compris, et nous l’en félicitons, qu’il fallait inviter les acheteurs publics à ne plus exiger des entreprises la fourniture d’informations qui ont déjà été transmises dans le cadre d’une précédente consultation. Il ne sert en effet à rien que les entreprises qui répondent à des marchés publics transmettent de multiples fois au cours de la même année leur dossier de présentation, comme si les acheteurs publics ne les connaissaient pas.

Il s’agit d’inciter les acheteurs publics à désigner un interlocuteur unique, jouant un rôle de médiation dans la résolution des difficultés qui pourraient apparaître lors de l’exécution du marché. Les entreprises sauront donc à qui s’adresser en cas de problème.

« Pour aller chercher la croissance », il faut penser à agir à tous les niveaux. Il était donc urgent de faciliter, entre autres, la vie des entreprises au quotidien.

C’est pourquoi le groupe UMP trouve totalement dommageable que vous refusiez de discuter de ce texte.

Vous l’avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, « ce nouveau texte ressemble un peu moins que les précédents à un assemblage hétéroclite de cavaliers législatifs en déshérence, avec un ensemble de dispositions qui concernent en gros l’entreprise, qu’elles touchent au droit des sociétés, au droit du travail, au droit de la sécurité sociale ou à certains droits sectoriels ».

Ces sujets ne seraient-ils pas suffisamment importants à vos yeux pour mériter un débat au sein de notre Haute Assemblée ? Ces dispositions ne seraient-elles pas attendues par nos concitoyens au point qu’il soit urgent que nous légiférions ?

En cette période de crise – car nous ne pouvons nous offrir le luxe de l’oublier ! –, nous devons agir. La crise financière de 2008, puis la crise des dettes souveraines, et aujourd’hui ce qu’on pourrait appeler la « crise de l’Europe », se sont succédé et ont profondément touché nos économies. C’est pourquoi nous devons être plus compétitifs et plus créatifs ; à cet égard, le texte qui nous est soumis trouve toute sa justification.

Vous vous trompez lorsque vous dites que cette proposition de loi a été transformée par l’Assemblée nationale en « pavillon de complaisance pour des marchandises de toute nature ». Peut-on reprocher au législateur de se pencher sur les questions de la vie statutaire et sociale des entreprises, du soutien au développement des entreprises, de la lutte contre la fraude, du droit dans le secteur agricole, du droit des transports et du tourisme, du droit du logement, de l’aménagement et de la construction ?

Je crois surtout que vous avez peur d’affronter ces sujets et d’affirmer que beaucoup des mesures proposées vont dans le bon sens, celui de la simplification, de la lisibilité et de la compréhension pour nos concitoyens.

J’ai moi-même déposé des amendements sur ce texte, considérant que celui-ci sert aussi de véhicule législatif pour des propositions de bon sens visant soit à combler un vide juridique, soit à corriger des points de droit problématiques à l’usage. Mes propositions visent plus particulièrement le monde agricole, cher à nombre d’entre nous !

Je profite de cette tribune pour vous les exposer, monsieur le secrétaire d’État, puisque, si la question préalable est adoptée, mes collègues de la nouvelle majorité m’auront privé de la possibilité de les défendre.

L’une de mes propositions vise à perfectionner le cadre juridique de l’aide ponctuelle et bénévole apportée par les exploitants agricoles aux collectivités territoriales.

En effet, outre le soutien ponctuel et bénévole qu’ils apportent à leurs concitoyens, par exemple pour le déneigement et le salage des voies communales, ces agriculteurs contribuent également au bon déroulement d’un certain nombre d’activités festives, culturelles ou sportives.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

La jurisprudence leur reconnaît alors le statut de collaborateur occasionnel du service public.

Mon amendement tend, tout d’abord, à consacrer dans le droit positif la prise en compte de cette contribution bénévole des agriculteurs à l’animation de nos territoires, ensuite, à faciliter les modalités de l’application réglementaire de la loi en écartant l’exigence d’un décret en Conseil d’État prévue par le droit en vigueur.

Cet amendement, qui a été cosigné par de très nombreux collègues, reprend les termes d’une proposition de loi que j’avais déposée en mai dernier, elle aussi largement cosignée ; c’est la preuve qu’il est attendu dans nos territoires.

Une autre de mes propositions concerne la contribution due au titre de la formation professionnelle continue par les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole.

Enfin, mon dernier amendement concerne le Fonds national de gestion des risques en agriculture, le FNGRA.

Lors du débat sur la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, en juillet 2010, l’engagement a été pris de rendre ces fonds opérationnels au début de 2011. Des soutiens publics seront mobilisés pour abonder ces fonds, avec un cofinancement à hauteur de 65 % par des crédits de l’Union européenne.

Le texte que nous tentons d’examiner est donc bien un véhicule législatif propice à l’inscription de ces amendements qui tendent à une plus grande clarté de notre droit, et donc de notre quotidien. Certes, il s’agit parfois de mesures très spécifiques, mais, comme l’a dit une de nos collègues, la vie est aussi faite de ces détails, et le débat permet justement à chacun d’en apprécier le bien-fondé.

J’en veux pour preuve le récent débat sur le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, à l’occasion duquel j’ai présenté un amendement reprenant les termes d’une proposition de loi que j’avais déposée en 2011. Alors même que le rapporteur avait tout d’abord émis un avis défavorable, le débat qui s’est engagé a permis d’emporter l’accord, non seulement du rapporteur, qui a modifié son avis initial, mais aussi du Gouvernement, et s’est conclu par un vote positif unanime des collègues présents, ce dont je les remercie. Voilà bien l’illustration de la nécessité du débat.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

M. Antoine Lefèvre. C’est pourquoi, mes chers collègues, le groupe UMP votera tout à l’heure, comme il l’a déjà fait en commission des lois, contre la motion que vous allez présenter, monsieur le rapporteur. Pour nous, en effet, l’avenir se construit aussi par la simplification et la lisibilité de nos normes.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à ce stade de notre discussion générale, nous avons entendu un florilège d’expressions de toute sorte visant à qualifier cette proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives : « loi fourre-tout », « train à trois classes », « voiture-balai ».

Cela me conduit à formuler trois observations, qui ont déjà été formulées à cette tribune. Aussi, je me propose d’être brève sur les deux premières et de développer la troisième au travers d’un exemple.

La critique portant sur le caractère « fourre-tout » de cette proposition de loi est juste, mais aucunement nouvelle. Lors de l’examen de la précédente loi de simplification, nous avons été nombreux – en particulier les rapporteurs, M. Saugey, M. Maurey, Mme Henneron, ainsi que le président Hyest – à déplorer ce type de textes.

Cette critique est juste, mais aussi fort hypocrite, car nous avons tous contribué à surcharger les précédents textes de simplification.

Cette critique est juste, mais la solution proposée est mauvaise et, ajouterai-je, inopportune.

Si je m’en tiens aux articles soumis à l’avis de notre commission des affaires sociales, cette proposition de loi s’avère être principalement un texte technique, qui s’attache à résoudre de nombreux problèmes quotidiens des Français et qui répond aux attentes de nos entreprises, de nos administrations publiques, de nos organismes sociaux.

En ces temps de crise, de crainte de l’avenir, de questionnement, nos concitoyens n’attendent pas de nous que nous nous plaignions des textes brouillons qui nous sont soumis. Ils nous demandent simplement d’y travailler, afin de répondre à leurs préoccupations.

Je trouve inconcevable que la commission des affaires sociales ne puisse améliorer, comme elle l’a toujours fait, un texte où figurent tant de dispositions relevant de son domaine de compétence !

Catherine Procaccia, notre rapporteur pour avis, a bien défendu ce point de vue. Je m’attacherai donc à prendre, pour illustrer mon propos, un exemple significatif, celui de la déclaration sociale nominative. Il s’agit d’une véritable mesure de simplification qui est réclamée depuis plusieurs années tant par nos entreprises que par nos administrations publiques, et qui peut encore être encore améliorée à partir de la version du texte votée par les députés.

Le 28 octobre 2010, j’ai été conviée par l’Association pour la simplification et la dématérialisation des données sociales à une réunion de travail sur le thème de l’allégement de la charge administrative des entreprises, en particulier de leurs obligations sociales.

C’est un sujet sur lequel, je dois l’avouer, j’avais jusqu’alors peu travaillé. Cette invitation m’a permis de m’y intéresser très sérieusement.

L’enjeu est important : la simplification des procédures administratives est un puissant levier de compétitivité pour l’ensemble des entreprises françaises, …

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

C’est très juste !

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

… car elle permet aux dirigeants de consacrer leur temps et leurs ressources à leur cœur de métier, à savoir le développement de leurs entreprises.

Si l’on ne tient compte que des déclarations sociales les plus courantes, les entreprises françaises effectuent plus de 70 millions de démarches de ce type par an. Le temps consacré par les employeurs à la réalisation des déclarations sociales autres que la déclaration unique d’embauche par voie électronique varie entre quinze heures par mois en moyenne pour une entreprise de un ou deux salariés et mille heures par mois pour une société employant plus de 2 000 salariés.

À tout moment de son existence, une entreprise doit se plier à un certain nombre de formalités obligatoires, car la plupart des événements ponctuant sa vie entraînent des obligations administratives et déclaratives d’ordre social. Ainsi, j’ai répertorié pas moins de dix-sept déclarations sociales obligatoires par personne et par an.

L’entreprise est aussi encore trop souvent un « guichet d’information » pour l’ensemble des administrations et organismes sociaux, alors que ces derniers devraient échanger directement les données déjà en leur possession.

Ces pratiques reportent sur l’entreprise un poids administratif insupportable et injuste, quand le développement des bases de données et des systèmes informatiques pourrait permettre un transfert efficace d’informations d’un organisme à un autre.

Il faut reconnaître que la déclaration unique d’embauche et les déclarations annuelles de données sociales ont permis de regrouper un nombre significatif de déclarations et de limiter le nombre de leurs destinataires. Cependant, il faut évidemment aller beaucoup loin et être plus ambitieux en matière de simplification des démarches administratives.

Tel est l'objet de l’article 30 de ce texte, au travers de la mise en œuvre de la déclaration sociale nominative.

Aujourd’hui, près de 3 000 données sont demandées en moyenne chaque année à une entreprise, à l’occasion de ses diverses déclarations.

La déclaration sociale nominative, qui serait mise en place grâce à ce texte, a pour objectif de transmettre de façon dématérialisée des données sociales depuis l’entreprise vers les organismes de protection sociale, en se substituant aux nombreuses déclarations sociales ou statistiques.

À terme, elle sera directement issue des logiciels de paie des entreprises pour être déposée sur un site unique, ce qui permettra de simplifier les démarches relatives aux déclarations sociales. En outre, les employeurs n’auront plus à fournir plusieurs fois les mêmes données à l’administration.

Cet énorme bond en avant peut être encore plus important. Une telle simplification de forme doit, en effet, s’accompagner du même mouvement pour le fond, par l’harmonisation des technologies, des assiettes, des indicateurs, des échéances.

Ce sont là des demandes de simplification dont nous sommes saisis régulièrement et que notre commission des affaires sociales aurait pu porter.

Or, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous nous proposez une motion empêchant l’examen d’un texte positif, qui aurait pu être encore amélioré par des amendements constructifs. Une fois de plus, vous nous contraignez à l’abandon de notre capacité législative. Aussi, comme l’a indiqué notre collègue Yves Détraigne, les membres du groupe UCR voteront, dans leur grande majorité, contre la motion tendant à opposer la question préalable.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite avant tout saluer le travail de précision que Mme Procaccia, rapporteur pour avis de notre commission des affaires sociales, a mené à l’occasion de l’examen de ce texte.

Pour autant, en commission, au nom de la majorité, j’ai plaidé le rejet de ce texte, et je veux m’en expliquer maintenant devant vous tous.

Quatre raisons éclairent notre position.

La première est une raison de forme, qui a déjà été évoquée ici : cette proposition de loi, inscrite à notre ordre du jour au début du mois de janvier, au cours d’une semaine réservée par priorité au Gouvernement, n’est, à l’évidence, que le faux nez d’un projet de loi. Selon nous, un tel stratagème ne contribue ni à la clarté ni à l’efficacité de la démarche législative.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

La deuxième raison de notre opposition tient au caractère fourre-tout de ce texte, maintes fois souligné, qui ne permet de garantir ni la lisibilité ni la sécurité juridique.

Rendez-vous compte, mes chers collègues : cette proposition de loi de M. Warsmann est en fait le sixième texte du genre. Elle succède à deux lois adoptées sous la législature précédente et aux lois Warsmann promulguées respectivement en 2007, en 2009 et le 17 mai 2011.

Parmi les textes fourre-tout, il faut citer également la loi de modernisation de l’économie ou le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, voté au Sénat à la fin du mois de décembre dernier.

Cela ne fait-il pas beaucoup pour une seule législature ?

Au-delà de cet aspect, ce texte modifie une vingtaine de codes et une série de lois non codifiées. C’est dire la complexité et la variété des thèmes qu’il aborde. La commission des lois, compétente au fond, a dû saisir pas moins de quatre commissions pour avis !

Le résultat de ces pratiques est que les lois deviennent illisibles pour nos concitoyens. « Droit ésotérique », « droit à l’état gazeux » ou « droit obscur » : telles sont, vous le savez, mes chers collègues, les critiques formulées contre notre législation par de nombreux observateurs.

Lorsqu’il était président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré a eu souvent l’occasion de souligner les dangers et les lacunes de nos méthodes législatives. Soyons attentifs aux différents rapports du Conseil d’État, qui déplorent ponctuellement la « logorrhée législative » ou les « risques d’insécurité juridique », ces deux caractéristiques étant en général indissociables.

Il est loin, et sans doute définitivement révolu, le temps où Rousseau affirmait que « tout homme qui ne sait pas par cœur les lois de son pays n’est pas un bon citoyen ». Toutefois, comment garantir aujourd'hui que les citoyens, à tout le moins, n’ignorent pas la loi ?

La troisième raison de notre rejet de cette proposition de loi tient aux risques d’incohérence qu’elle comporte.

Les textes de ce type enflent démesurément, sous un triple effet.

Tout d'abord, l’administration s’en sert comme véhicules législatifs pour vider ses fonds de tiroirs ; je pense, et il ne s'agit que d’un exemple parmi d’autres, à la disposition de l’article 37 qui vise à étendre la télétransmission aux petites entreprises et dont le Conseil d’État a souligné la nature réglementaire.

Ensuite, le Gouvernement les utilise pour revenir sur des arrêts de la Cour de cassation qui lui déplaisent.

Enfin, les lobbies en profitent pour y inscrire leurs préoccupations, car tel est bien le risque inhérent à de telles pratiques.

On demande aux parlementaires de sauter d’un sujet à l’autre – transport, fiscalité, droit du travail ou de la sécurité sociale, dépénalisation du droit des affaires – comme on passe du coq à l’âne.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

C’est le quotidien des entreprises que de passer du coq à l’âne !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Il n’en résulte qu’un bricolage de dispositifs, sans aucune vision d’ensemble, avec tous les dangers que comporte pareille méthode.

Selon nous, cette façon de légiférer n’est ni efficace ni pertinente. Pis, elle contredit la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a évoqué l’objectif à valeur constitutionnelle « d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi » dans sa décision du 16 décembre 1999 et consacré le principe de « clarté de la loi » dans celle du 13 janvier 2005. Le Conseil constitutionnel, qui a pourtant interdit les lois « portant diverses dispositions », n’a manifestement pas été entendu : bien que l’intitulé du texte ait changé, le fond reste tout aussi incohérent.

Si certaines simplifications sont anodines, d’autres emportent de lourdes conséquences, dissimulées sous des arguments techniques, notamment en matière de droits des salariés ou de droit de la santé.

J’illustrerai mon propos par un exemple emprunté au droit du travail : l’article 46 du texte, qui prévoit que l’employeur rédige un document unique d’évaluation des risques à une fréquence inférieure à un an dans les entreprises de moins de onze salariés, est symptomatique de ce risque d’incohérence. En effet, les salariés des très petites entreprises doivent être aussi bien traités que ceux des grandes sociétés, d’autant que, nous le savons, leurs salaires ne sont pas toujours aussi élevés et que leurs conditions de travail sont souvent moins favorables. Or cette disposition, qui n’est qu’un exemple parmi d’autres, comporte des risques réels de rupture d’égalité dans la protection des travailleurs.

Enfin, et c’est la quatrième raison qui nous conduit à rejeter cette proposition de loi, il nous est demandé d’examiner ce texte dans la précipitation. Quelle que soit la qualité du rapport, qui est réelle, je déplore de telles conditions de travail, car elles ne sont pas dignes de nos fonctions et de notre responsabilité. Nous restons à la surface des choses, sans pouvoir mesurer les conséquences de dispositions adoptées à l’aveugle.

M. Maurey soulignait tout à l'heure que le Sénat devait demeurer un lieu de sagesse et de réflexion. C’est précisément parce que nous voulons le considérer comme tel que nous refusons cette manière de travailler, qui nous semble incompatible avec les exigences de la démocratie représentative !

Pour toutes ces raisons, nous avons considéré que ce texte méritait d’être rejeté. Ce faisant, nous rejoignons Portalis lorsqu’il affirmait que la loi « permet ou elle défend », qu’« elle ordonne, elle établit, elle punit ou elle récompense ». Rendons donc à la loi la force et la clarté qu’elle mérite et qu’elle exige !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, me voilà une nouvelle fois amenée à intervenir sur un texte dont j’aurais voulu qu’il fût autre, un texte dont mes prédécesseurs à cette tribune ont dit que, de simplification et d’allégement, il était devenu un texte de complexification et d’alourdissement de tous les dispositifs législatifs concernés.

Je ne saurais mieux dire que ceux qui sont intervenus avant moi combien la profusion des textes législatifs, souvent de pure opportunité ou utiles à la seule communication, nuit à l’image du Parlement tout entier et des parlementaires, qui perdent leur crédibilité aux yeux de leurs concitoyens quand ils adoptent des lois incompréhensibles, confuses et, plus grave encore, inapplicables.

M. Ronan Kerdraon applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

J’avais en d’autres temps, en d’autres lieux, alors que j’occupais d’autres fonctions, alerté qui de droit sur les raisons de la prolifération de ces mouvements dits « citoyens » qui, dans les faits, se substituent à la parole des élus, des parlementaires tellement décriés, moqués et mis chaque jour un peu plus devant leurs contradictions.

Aujourd’hui, parlementaire moi-même, je me refuse à être considérée comme œuvrant pour rien, à être tenue pour l’une de celles ou ceux qui ignorent tout de la réalité du terrain et s’ingénient à voter des lois inapplicables et inappliquées, certaines relevant d’ailleurs beaucoup plus du pouvoir réglementaire que du pouvoir législatif.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui appartient à cette catégorie de textes dont on perçoit mal l’objet ou dont, au contraire, on voit parfaitement que, derrière une apparente nécessité, ils cachent des desseins compliqués, voire peu avouables.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Je voudrais souligner le talent de nos excellents rapporteurs, au fond ou pour avis, qui ont tous cherché à justifier la part de texte qui leur revenait. Ils ont eu en cela un mérite que je tiens à saluer.

J’adresse tout naturellement mes compliments à Mme Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Avec un art consommé, elle a donné du sens aux dispositions du texte qui relèvent du champ de compétence de cette commission, en les regroupant par thèmes.

Je citerai la situation des salariés, qu’il s’agisse de ceux qui sont privés d’emploi pour inaptitude d’origine non professionnelle, de ceux qui peuvent bénéficier d’un salaire pendant les jours fériés chômés, de ceux qui sont soumis à des risques professionnels dans les très petites entreprises, ou encore de leur situation au regard du droit à congés payés.

Je prendrai aussi l’exemple de la négociation collective, comprenant les obligations de négocier dans différents cas, les accords de modulation du temps de travail, le mandatement dans les toutes petites entreprises de presse, la certification des comptes incombant aux partenaires sociaux et au comité d’entreprise.

Je n’oublierai pas les infractions à la législation du travail, non plus que la définition et l’encadrement du télétravail, les droits et obligations des employeurs agricoles et de leurs salariés en matière de régime de retraite.

Dans le domaine de la sécurité sociale, je citerai l’utilisation de la voie électronique, la déclaration sociale nominative, dont a parlé Muguette Dini, le rescrit social, les contrôles administratifs.

Dans le secteur de la politique de la famille et de l’enfance, je mentionnerai les unions régionales des associations familiales, les moniteurs de colonies de vacances.

J’ai volontairement repris tous les points qui, dans le rapport soumis à la commission des affaires sociales, ont fait l’objet d’un développement et de propositions dont le bien-fondé est incontestable. Mais, mes chers collègues, vous n’aurez pas manqué, d’une part, de relever le caractère disparate des mesures annoncées et, d’autre part, de noter que beaucoup de ces dispositions, de par la nature même des sujets abordés, nécessiteraient de vrais débats.

Mme le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales nous a bien assurés avoir pris langue avec les organisations et organismes représentatifs des salariés. Mais qui peut, dans cette enceinte, imaginer que, sans débat de fond, l’on traite, par exemple, du temps partiel ou encore du télétravail, de la déclaration sociale nominative, et cela dans le cadre de la procédure accélérée ? Ne serait-ce pas une faute de notre part d’accepter purement et simplement de voter des dispositions dont nous aurions été dans l’incapacité de mesurer la portée ? Nos concitoyens seraient en droit de nous reprocher un travail non réfléchi, bâclé.

Ne serait-ce pas trahir l’engagement qui est le nôtre, à savoir servir loyalement, avec rigueur, la République et de pouvoir, la tête haute, justifier auprès de nos électeurs nos prises de position ?

En aucun cas, je ne me sens autorisée à prendre pareille responsabilité dans ce contexte, face à un véritable patchwork, qui n’a rien d’artistique, mais qui présente certaines petites pièces utiles, voire indispensables. Je pense à la disposition relative aux moniteurs de colonies de vacances qui, bien qu’essentielle au bon fonctionnement de celles-ci, ne sera pas votée. Mais pourquoi avoir attendu cette proposition de loi chaotique, alors que cette disposition aurait certainement pu opportunément trouver sa place, et depuis longtemps, dans un autre texte ?

Mme Sylvie Goy-Chavent approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Dans ces conditions, je ne peux que joindre ma voix au concert de ceux et de celles de mes collègues qui ont refusé d’examiner, dans les conditions qui ont été rappelées, cette proposition de loi.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE et de l’UCR, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous étions censés commencer aujourd’hui l’examen de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives. À mon tour, je regretterais vivement que nous ne puissions nous y atteler, dès lors que le Sénat adopterait la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Tout n’est pas perdu : peut-être va-t-il éviter de commettre cette erreur !

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Certes, comme cela a été indiqué, ce texte n’est pas parfait ; il est jugé trop disparate par certains, trop régressif par d’autres. Mais tout l’intérêt est d’en discuter afin de l’améliorer !

J’en suis moi aussi certain, ce texte est utile à la simplification de notre droit. Il s’inscrit dans la démarche de simplification de l’ordonnancement juridique national engagée depuis plusieurs années et vise les normes qui pèsent sur les forces économiques de notre pays.

On le sait, et M. le secrétaire d’État en a fourni tout à l'heure des illustrations, la complexité administrative affecte durement le dynamisme, la compétitivité et l’efficacité de nos entreprises. La simplification des normes se révèle donc être un enjeu majeur pour l’avenir de celles-ci. Nous ne sommes pas sans savoir que les PME représentent un grand potentiel d’emploi.

Pour respecter l’objectif de compétitivité de nos entreprises, de croissance et d’emploi dans notre pays, il est de notre devoir, mes chers collègues, de dépasser les querelles partisanes, de faire abstraction un instant des échéances électorales à venir et de nous mettre d’accord sur des mesures nécessaires et jugées comme telles par les acteurs des différents secteurs économiques.

Quel que soit le côté de l’hémicycle où nous siégeons, nous sommes tous convaincus de la nécessité d’aider les PME et de trouver les meilleurs outils juridiques possibles.

Dans ces conditions, le choix de la commission des lois de déposer une motion tendant à opposer la question préalable afin de ne pas examiner cette proposition de loi est, à mon sens, éminemment regrettable.

En commission, l’opposition sénatoriale a proposé d’éluder les articles à caractère politique et de n’aborder que les points techniques répondant aux attentes de nos concitoyens. Je déplore vivement que la majorité sénatoriale ait rejeté cette proposition.

Si je prends la parole en cet instant, à la fin de la discussion générale, c’est parce que, malgré tout, chers collègues siégeant sur la gauche de cet hémicycle, je ne désespère pas de vous amener à changer d’avis.

Pour monter à quel point la présente proposition de loi est utile, je voudrais revenir sur des amendements que j’ai déposés sur ce texte et qui répondent à des attentes fortes de certains secteurs d’activité.

Le premier thème que je souhaite aborder est celui de la qualification professionnelle dans l’artisanat. Comme a bien voulu le rappeler M. le secrétaire d’État, c’est un secteur que je connais bien.

La loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat confie au décret le soin de déterminer les diplômes, les titres ou la durée de l’expérience professionnelle qui justifient la qualification à établir. Or la validation des acquis de l’expérience fait désormais l’objet d’une réglementation spécifique et applicable à tous les métiers sanctionnés par un diplôme ou un titre. Le diplôme pouvant être acquis par l’expérience, la disposition relative à la durée de l’expérience professionnelle est devenue inutile. Par conséquent, il semble souhaitable d’en faire une simple disposition complémentaire, de telle sorte que le décret puisse imposer une telle expérience, si cela s’avère nécessaire, en plus du diplôme ou du titre requis, et non à leur place.

Par ailleurs, la liste fixée à l’article 16 de cette même loi vise tantôt une activité définie de façon très large – telle que « le bâtiment » –, tantôt une activité réduite à un seul métier. Si, dans ce dernier cas, l’application de la loi ne pose pas de difficulté, il n’en est pas de même lorsque l’activité est définie de façon très large. La doctrine administrative considère, en effet, qu’un diplôme ou une expérience suffisante dans l’un des métiers faisant partie de cette activité qualifie son détenteur dans tous les autres. Un peintre serait ainsi qualifié pour effectuer des travaux de charpente, un poissonnier pourrait ouvrir une pâtisserie…

Cette application littérale de la loi, que personne ne comprend, pourrait aisément être corrigée par une simple modification qui préciserait que le décret déterminant le niveau des qualifications requises doit le faire métier par métier.

Mes chers collègues, ces simples modifications à caractère strictement technique sont très attendues par les organisations professionnelles et nous pourrions aujourd'hui leur donner satisfaction.

Le deuxième point que je souhaite développer concerne une forte attente des artisans et commerçants de ma région, l’Alsace-Moselle : il s’agit de clarifier la situation des anciens commerçants et artisans au regard de la faillite civile d’Alsace-Moselle.

Mes chers collègues, c’est bête comme chou ! À compter de la cessation de leur activité professionnelle, ces personnes n’ont plus la qualité de commerçant ni d’artisan. Pour autant, elles sont soumises au droit commun des procédures collectives. Or le passif des personnes retirées de la vie des affaires est très souvent composé d’anciennes dettes professionnelles et de dettes de la vie privée.

De ce fait, le traitement du passif relève de deux types de procédures, à savoir la procédure de surendettement des particuliers pour les dettes non professionnelles et les procédures collectives commerciales pour les dettes professionnelles.

Une telle situation n’est pas heureuse au regard de la lisibilité ; elle l’est encore moins du point de vue de la simplicité de la règle de droit. Pour le débiteur, elle complexifie l’exercice du droit à bénéficier d’une procédure d’apurement de son passif. Il serait donc nécessaire de traiter globalement, par le biais de la procédure de faillite civile, toutes les dettes du débiteur, professionnelles et non professionnelles.

Une telle mesure pourrait être votée aujourd'hui, si tant est, chers collègues des travées de gauche, que vous vouliez bien renoncer à opposer la question préalable.

J’espère vous avoir prouvé à partir de ces exemples strictement techniques que la présente proposition de loi a véritablement pour objet de simplifier le droit et présente une réelle utilité pour nos concitoyens et pour de nombreux secteurs d’activité.

Dans le texte que nous propose notre collègue député Jean-Luc Warsmann, figurent beaucoup d’autres dispositions tout aussi bonnes que celles que je viens d’évoquer. Je pense au coffre-fort numérique, qui vous est cher, monsieur le secrétaire d'État, à la simplification du bulletin de salaire, à la déclaration sociale unique, dont même un âne verrait l’utilité, ou à l’extension du rescrit dans le champ social.

Dès lors, je vous en conjure, mes chers collègues, vous pouvez encore changer d’avis et permettre que le débat se prolonge. Je suis persuadé que M. le président de la commission des lois est, lui aussi, convaincu de l’intérêt de cette proposition de loi, mais qu’il n’ose le reconnaître.

Je vous engage donc tous et toutes à suivre ma position et à ne pas adopter la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les dispositions de cette proposition de loi sont pour le moins disparates, comme nombre d’orateurs l’ont indiqué cet après-midi.

Nous avons bien compris l’activisme du Gouvernement en cette période politiquement difficile, activisme qui ne s’embarrasse guère du strict respect du droit, use et abuse des cavaliers législatifs. Nombre de mes collègues ont dénoncé avant moi cette véritable cavalerie.

Finalement, nous sommes presque étonnés de ne pas trouver dans ce texte des dispositions sur la TVA sociale ou sur le projet d’instaurer une sorte de taxe Tobin à visée non plus internationale, mais nationale.

Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Monsieur le secrétaire d'État, c’était une belle occasion, je le reconnais. Je suis donc un peu déçu que vous nous priviez d’un tel débat dans l’hémicycle cet après-midi, mais nous comptons sur votre frénésie législative pour revenir rapidement sur ces deux points.

Mêmes mouvements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

On trouve néanmoins, dans ce texte fourre-tout, bien des indications sur vos objectifs politiques, à commencer par les limitations apportées à la publication du bilan social et environnemental des entreprises. L’idée d’exonérer les filiales des grands groupes de l’obligation de publier ce rapport est significative de votre approche des enjeux du développement durable : un monde où de grands groupes pourraient dissimuler dans des filiales peu surveillées leur manque d’ambition en la matière, voire leurs atteintes aux droits sociaux et environnementaux, pendant que leurs maisons mères brilleraient en société en vantant leurs réalisations exemplaires.

À travers cet amendement de soutien à un greenwashing institutionnalisé, vous nous dépeignez un monde – votre monde – où une communication volontariste aurait constamment pour fonction de dissimuler la réalité de faits bien moins glorieux. Ce texte est finalement assez représentatif d’une époque, bientôt révolue nous l’espérons, où le dire et le faire auront souvent été en opposition, cette dernière étant même érigée en système de gouvernance.

Il faut encore souligner, s'agissant toujours de la responsabilité sociale des entreprises, la RSE, que cette séquence parlementaire aura été placée par le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur Lefebvre, sous le signe du détricotage systématique des engagements du Grenelle de l’environnement, du point de vue tant financier que réglementaire. Mais, comme l’a dit l’actuel Président de la République, « l’environnement, ça suffit » !

Je prendrai un second exemple, celui de l’article 72 bis, qui, faisant suite à un décret du 17 janvier 2011, vise à inscrire dans la loi le relèvement de la norme maximale du poids total autorisé des véhicules sur nos routes à 44 tonnes pour cinq essieux.

Cette disposition est évidemment un exemple type de cavalier législatif : on peut légitimement se demander ce que l’augmentation du tonnage vient faire dans une proposition de loi dite de « simplification du droit ».

En outre, cette disposition constitue une aberration économique, compte tenu des implications de la circulation des poids lourds de 44 tonnes à cinq essieux sur l’état des routes. Comme l’a souligné Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, le surcoût d’entretien des chaussées pourrait représenter entre 400 et 500 millions d’euros par an ! Voilà une somme conséquente qui ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval, même mené par un cavalier législatif…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Le décret du 17 janvier 2011 a été adopté avant même la publication des rapports prévus par la loi Grenelle 1. Selon le Gouvernement, le fait de porter « la limite du poids total autorisé en charge des poids lourds de 40 à 44 tonnes » permettrait « d’améliorer la compétitivité du secteur des transports et de réduire le nombre des poids lourds utilisés pour le transport de marchandises pondéreuses et, par voie de conséquence, les émissions de CO2 ».

L’intention est louable sur le papier, mais, en réalité, elle se situe bien loin des engagements du Grenelle de l’environnement, qui visait notamment à soutenir les modes de transport alternatifs à la route ! Avec ce décret, il s’agit encore et toujours de privilégier le transport routier au détriment du fret ferroviaire, fluvial et maritime. De manière significative, la part du fret ferroviaire a été divisée par deux en dix ans en France, alors qu’elle doublait en Allemagne sur la même période.

Cet article est en totale contradiction avec les récentes déclarations du Gouvernement et les engagements, nourris par ce même « volontarisme du dire », pris lors des Assises du ferroviaire sur le nécessaire rééquilibrage des modes de transport au profit du fret. Il s’agit là d’une nouvelle atteinte à l’esprit du Grenelle, mais nous savons que cet esprit n’anime plus le Gouvernement depuis longtemps, monsieur le secrétaire d’État !

Sur la forme comme sur le fond, ce texte est donc « indigne » – le mot a été employé dans cet hémicycle – d’un travail parlementaire sérieux. Par conséquent, mes chers collègues, je ne puis répondre favorablement à la demande que vient de formuler André Reichardt : vous l’aurez compris, les écologistes voteront cette motion tendant à opposer la question préalable. De fait, nous sommes convaincus que le Sénat ne devrait plus avoir à discuter de ce type de textes.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de remercier l’ensemble des sénatrices et sénateurs qui se sont exprimés dans ce débat. Chacun a pu préciser les points de la proposition de loi auxquels il était favorable ou défavorable.

Après vous avoir écouté les uns et les autres – j’ai également lu les rapports, comme je l’ai précisé dans mon intervention liminaire –, je pense que ce débat est absolument essentiel. En effet, beaucoup de sujets ont été ouverts par les rapporteurs et par un certain nombre de sénateurs appartenant tant à la majorité qu’à l’opposition sénatoriales. Nous pouvons nous retrouver sur un certain nombre de points, nous expliquer sur d’autres. Dans tous les cas, nous devons engager un débat de fond.

De fait, j’ai bien noté que chacun d’entre vous souhaitait engager ce débat, soit parce qu’il regrettait telle ou telle disposition, soit parce qu’il soutenait telle ou telle autre. C'est la raison pour laquelle j’ai bon espoir que la motion soit finalement rejetée.

Monsieur Michel, je vous remercie du travail que vous avez accompli. En tant que rapporteur, vous avez conduit quatre-vingt-dix auditions, me semble-t-il. Votre soutien à la motion tendant à opposer la question préalable me paraît en décalage avec ce travail effectué minutieusement au nom de la commission des lois.

Je voudrais souligner combien j’ai apprécié la mention, dans votre rapport, de votre attachement à la « nécessaire » simplification du droit. Je pense comme vous que cette simplification est nécessaire.

Vous considérez également que certaines mesures de cette proposition de loi sont « de bonnes choses », notamment la création, prévue par l’article 57, d’un fichier national automatisé des interdits de gérer. Permettez-moi de vous inviter, monsieur le rapporteur, à mesurer l’importance d’aller au fond du débat : les entrepreneurs n’attendent pas de nous que nous exprimions des points de vue ; ils attendent des faits, des décisions. Tel est précisément l’objectif de cette proposition de loi.

À mon sens, l’argument selon lequel certaines dispositions de ce texte constitueraient des cavaliers législatifs ne devrait pas empêcher le débat d’avoir lieu.

Vous critiquez la volonté du Gouvernement de mettre en œuvre une armoire sécurisée numérique, mais cette initiative est attendue par les acteurs économiques, qui doivent produire jusqu’à soixante-dix fois les mêmes informations. J’espère que vous mesurez à quel point le débat est essentiel.

Mme Nicole Bricq, rapporteur pour avis de la commission des finances sur cette proposition de loi, a indiqué qu’elle soutenait la motion. Pourtant, étant donné l’importance des enjeux de simplification du droit pour nos entrepreneurs, il me semble que cette proposition de loi aurait mérité plus d’intérêt.

Mme Bricq dit regretter la dynamique que le Gouvernement souhaite enclencher à travers ce texte. Je me permets au contraire d’insister sur le fait que le temps politique doit rejoindre le temps économique.

J’ai entendu beaucoup de critiques sur la méthode : le choix d’une loi de simplification, l’insuffisance du temps pour discuter, le passage d’un sujet à l’autre, d’un code à l’autre, d’une loi à l’autre… Vous avez déclaré que cela compliquait le travail des parlementaires. Cependant, imaginez à quel point il est compliqué pour les acteurs économiques de devoir quotidiennement passer d’un texte à l’autre, d’une disposition à l’autre !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

C'est la raison pour laquelle nous vous proposons, à travers ce texte, de simplifier et d’alléger les charges des entreprises.

Je me joins aux membres de la commission des affaires sociales pour saluer l’excellent travail que vous avez accompli, madame Procaccia. La reconnaissance de la qualité de votre rapport constitue d’ailleurs mon seul point d'accord avec l’intervention de Mme Escoffier, qui n’est visiblement pas convaincue de la nécessité de simplifier le droit.

Comme vous, Madame Procaccia, je suis déterminé à faire en sorte que le pragmatisme – c’est le mot que vous avez employé – puisse triompher. Vous avez cité nombre de dispositions utiles souhaitées tant par les syndicats que par les entrepreneurs. Vous avez également insisté sur l’extrême difficulté dans laquelle se trouveraient un certain nombre d’acteurs économiques ou de citoyens – vous avez notamment mentionné le cas des organisateurs de colonies de vacances – si la proposition de loi n’était pas adoptée. J’en appelle donc à la responsabilité de chacun.

En tout cas, madame Procaccia, vous avez démontré votre détermination à aller au fond des dossiers, et je tiens à vous en remercier.

M. Claude Domeizel, rapporteur pour avis de la commission de la culture, soutient également la motion tendant à opposer la question préalable. Il a déclaré être prêt à empêcher la discussion d’avoir lieu sur ce texte, tout en souhaitant que celui-ci soit amélioré… Mais le meilleur moyen d’amender un texte est encore d’en discuter !

Monsieur Bourquin, vous avez dit regretter, en tant que rapporteur pour avis de la commission de l'économie, le dépôt de cette proposition de loi, et vous avez évoqué un certain nombre de dispositifs. Pour ma part, je regrette votre choix de soutenir la motion. Vous avez dit très justement qu’il fallait mettre un coup d’arrêt à la complexité du droit et à la dérive des lois de simplification. Je comprends votre position, mais ce que veulent les entrepreneurs de notre pays, c’est avant tout que l’on porte un coup d’arrêt à l’opacité du droit. Je pense que vous vous trompez de combat, et ce au détriment des entreprises.

Lorsque j’ai entendu votre dernière phrase, je n’ai pu m’empêcher de sourire, car elle sonnait comme un aveu. Ainsi, il serait « politiquement nécessaire » de rejeter cette proposition de loi.

M. Martial Bourquin proteste.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Cela résume parfaitement la position adoptée par une partie des sénateurs.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Bien évidemment, je regrette cette position et je répète ce que j’ai dit au début de mon intervention : à situation exceptionnelle, attitude exceptionnelle.

Nous faisons face à une crise mondiale qui touche les acteurs économiques. J’ai évoqué les questions de compétitivité en ouverture de mon propos. J’ai bien compris que, s'agissant du nucléaire, qui est pourtant l’un de nos atouts, vous n’aviez pas l’intention de revenir sur les propositions que vous avez faites, alors même que leur application nuirait à nos entreprises. J’ai compris également que, pour ce qui est de l’allègement des charges sociales, dont le niveau est l’un de nos points faibles, vous ne vouliez pas que nous ouvrions le débat. Toutefois, permettez-moi de regretter que vous ne souhaitiez pas davantage ouvrir le débat sur la complexité du droit, car l’objectif de simplification devrait rassembler la gauche et la droite.

Je voudrais dire à Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, que je suis entièrement d'accord avec lui : cette motion tendant à opposer la question préalable est une erreur.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Certes, mais il est resté longtemps, et je me permets donc de lui répondre, comme je réponds, du reste, à chacun de ceux qui sont intervenus ; cela me semble la moindre des choses.

Comme M. Maurey l’a parfaitement expliqué, le Sénat aurait pu enrichir la proposition de loi par ses débats. Je me félicite en outre qu’il ait souligné, dans son rapport, la qualité de cette proposition de loi de simplification.

D’aucuns ont affirmé qu’il s’agissait d’une énième proposition de loi de simplification, semblable à toutes celles qui l’ont précédée. En réalité, comme l’a noté Hervé Maurey, cette proposition est différente parce qu’elle est ciblée sur les acteurs économiques.

J’ai bien entendu les remarques portant sur telle ou telle difficulté ayant pu se glisser dans telle ou telle loi de simplification, mais ce n’est pas une raison pour refuser le débat.

Madame Borvo Cohen-Seat, vous considérez, je le sais, que le travail parlementaire ne peut être de qualité du fait du recours à la procédure accélérée. Je ne partage pas votre analyse : comme je l’ai dit tout à l’heure, j’estime que le temps politique doit rattraper le temps économique.

Le travail parlementaire de l’Assemblée nationale a été riche, et je ne doute pas que, si la motion était rejetée, le travail du Sénat le serait tout autant.

Ce n’est pas, permettez-moi de vous le dire, en refusant le débat que vous aurez la moindre chance d’enrichir le texte !

Je vous reconnais cependant un mérite, madame la sénatrice, celui de la cohérence, puisque vous vous êtes opposée à toutes les lois de simplification.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Ne croyez-vous pas cependant que la situation de crise que vit actuellement notre pays mériterait un changement d’attitude ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Des emplois sont en jeu !

Monsieur Mézard, vous avez souligné que la proposition de loi contenait des mesures de bon sens acceptées par tout le monde. Dès lors, je regrette que vous n’ayez pas pris le parti de capitaliser sur ce constat et d’améliorer ou de supprimer les dispositions qui vous conviennent moins, ou qui ne vous conviennent pas du tout, comme vous l’avez dit de certaines. La bonne méthode parlementaire, pour reprendre une fois encore vos termes, ne serait-elle pas de tenter de faire le tri ?

La différence, c’est que nous voulons aller vite, pour répondre non seulement à la demande des entreprises, mais aussi aux exigences qu’imposent les réalités économiques de la période.

M. Marini a dit que la simplification du droit était un sujet à la fois très sérieux et très complexe. Il m’avait prévenu qu’il ne pourrait être présent pour entendre ma réponse puisqu’il participe à une réunion de travail avec l’un de mes collègues du Gouvernement, mais je tiens à souligner devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que je suis parfaitement d’accord avec le président de votre commission des finances. La meilleure preuve en est que les députés ont finalement rejoint en grande partie dans cette proposition de loi la position qu’il défend de longue date, comme il l’a d’ailleurs lui-même relevé.

Je partage son souci de protéger les entreprises d’une certaine forme de prédation et j’aimerais pouvoir débattre de ce sujet à l’occasion de l’examen de ce texte.

Monsieur Détraigne, je suis parfaitement d’accord également sur le fait que ce texte ne justifie pas de prises de position idéologiques et que les dispositifs qu’il prévoit, lesquels sont attendus par les acteurs économiques, doivent être discutés. J’engagerais avec beaucoup d’intérêt le débat sur les sujets environnementaux que vous abordez dans vos amendements : ce serait utile pour notre démocratie, car ces thèmes suscitent des inquiétudes, légitimes, du côté tant des acteurs économiques que des associations. Si la motion n’était pas adoptée ou, mieux, si elle était retirée, nous pourrions aller au bout de ces discussions.

Je dis la même chose à M. Anziani, qui a reconnu que la proposition de loi contenait de bonnes choses, notamment dans le domaine de la copropriété. La dépénalisation du droit des affaires mérite un débat, je vous en donne acte, monsieur le sénateur.

Bien légiférer, est-ce refuser de débattre ? Je ne le crois pas. Vous estimez que quatre-vingt-douze articles d’un code modifiés par un seul article – l’article 39 – de la proposition de loi, c’est trop. Je veux simplement relever que, en l’occurrence, il s’agit d’harmoniser, à quatre-vingt-douze reprises, la rédaction relative aux seuils des effectifs salariés dans le code du travail.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Je ne veux pas dire que l’argument est facile, mais il me semble tout de même un peu simpliste et, à vrai dire, pas parfaitement honnête de l’utiliser pour prétendument démontrer que l’on balaye tout le code du travail ! Pour ma part, je serais ravi de débattre avec vous de tous les points sur lesquels vous avez des désaccords, mais encore faudrait-il qu’il y ait un débat…

Monsieur Lefèvre, je vous remercie de vos propos. Il faut en effet ériger en principe la démarche de simplification du droit pour restaurer la transparence et la lisibilité de notre système juridique.

Vous avez d’ailleurs été nombreux, mesdames, messieurs les sénateurs, à évoquer le principe selon lequel nul n’est censé ignorer la loi. Eh bien, pour que la loi ne soit pas ignorée, commençons par la simplifier ! Aujourd'hui, elle est trop souvent une jungle pour nos concitoyens comme pour les acteurs économiques, qui ont des difficultés tant à la connaître qu’à la comprendre.

Je tiens à vous dire, monsieur Lefèvre, que le Gouvernement vous rejoint sur un certain nombre de vos propositions, notamment sur la possibilité d’appels fractionnés des cotisations agricoles, et j’espère que la question préalable ne sera pas adoptée afin que nous puissions en débattre.

Madame Dini, vous soulignez que la voie de la responsabilité est non pas de rejeter en bloc un texte mais de l’améliorer. J’apprécie votre honnêteté…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Est-ce à dire que les autres orateurs ne sont pas honnêtes ? Ils le sont aussi !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Je parle d’honnêteté intellectuelle, monsieur Sueur ! Je crois en effet qu’il est honnête intellectuellement, face à un texte dont certaines dispositions ne vous plaisent pas, de dire que le mieux pour séparer ce que vous jugez positif de ce que vous jugez négatif est de commencer par en débattre. Le refus du débat n’est, me semble-t-il, jamais la bonne solution en démocratie !

Madame Dini, j’approuve votre analyse sur l’importance de la déclaration sociale nominative, à propos de laquelle j’aurais souhaité que nous puissions avoir des échanges, car les acteurs économiques attendent.

J’ai dit que le cabinet Ernst & Young avait évalué les quatre-vingts décisions que j’ai été amené à prendre – beaucoup d’entre elles figurent dans ce texte – à 1 milliard d’euros rendus, par le biais des simplifications, aux acteurs économiques. Chaque déclaration supprimée représente ainsi l’équivalent de 30 millions d’euros rendus aux acteurs économiques. Or il y a aujourd'hui trente déclarations sociales…

J’estime donc que la déclaration sociale unique serait un bon moyen de renforcer la compétitivité des entreprises et je regrette que le Sénat ou, plus exactement, un certain nombre de sénateurs aient exprimé le refus d’en débattre.

Monsieur Jeannerot, préconiser le rejet de l’ensemble du texte sans entrer dans la discussion n’est pas une bonne façon de légiférer, et je le répète en me tournant également vers Mme Escoffier.

Monsieur Reichardt, vous avez raison de dire que, si la question préalable était adoptée, tout le travail accompli jusqu’ici, y compris par les commissions de votre assemblée, serait réduit à néant et, avec lui, nombre de mesures de bon sens répondant à de vraies attentes, comme celles, que vous avez bien fait de citer, de l’article 27, qui s’adressent aux artisans.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Mais je ne désespère pas que nous puissions tout de même en discuter !

Quant à l’intervention de M. Dantec, j’espère simplement qu’elle n’est pas le reflet de la motion tendant à opposer la question préalable qui va maintenant nous être présentée, car ce serait de mauvais augure pour la suite de nos débats, mesdames, messieurs les sénateurs !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l’Ump

Nous voulons débattre !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le secrétaire d'État, puisque vous avez bien voulu m’interpeller, et je vous en remercie, je me permets d’intervenir au terme de cet après-midi de débats.

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l’Ump

De monologue !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ayant été élu député voilà trente ans, j’ai depuis rapporté nombre de textes…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

M. Jean-Claude Lenoir. Sur les pompes funèbres !

Sourires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… avec des intitulés tels que « loi portant diverses dispositions d’ordre social ».

Les textes de cette nature n’ont pas fleuri dans les années quatre-vingt-dix. Commençons par dire qu’ils existaient déjà dans les années quatre-vingt, et même auparavant, mais reconnaissons aussi que le moteur s’est ensuite emballé et que, avec les quatre « paquets » Warsmann, il y a eu une accélération, une amplification considérable du procédé.

Chaque fois, nous avons tenu les mêmes discours. Nous les connaissons par cœur : l’on regrettait de devoir légiférer de cette manière, … mais, bon, toutefois, néanmoins… Là, en revanche, face à une telle masse d’articles, nous sommes arrivés à quelque chose d’inacceptable, qui met tout simplement en cause notre façon de légiférer et le droit du Parlement.

Je rappelle que personne, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, n’avait vu que l’une des dispositions de la loi de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures adoptée le 12 mai 2009 privilégiait l’Église de scientologie. Pour éviter que ne se reproduise un tel précédent, ce que personne ne voudrait, le Conseil d'État a chargé toutes ses sections d’expertiser chaque article de ce monstre. En revanche, il n’a pas examiné les nombreux articles qui sont venus s’y agréger.

De la sorte, on parvient à un texte protéiforme qui n’a plus aucun sens ni aucune lisibilité. Vous dites, monsieur le secrétaire d'État, qu’il faut simplifier le droit pour les entreprises, mais vous pouviez – et vous pouvez toujours – présenter un projet de loi sur les dispositions relatives aux entreprises au lieu de procéder à tel dévoiement du droit.

C’est pourquoi nous avons décidé, dans la majorité sénatoriale, de mettre un coup d’arrêt à cette pratique. Finis les regrets assortis de « toutefois » et de « néanmoins » : il faut, une bonne fois pour toutes, dire « non », car nous ne pouvons plus légiférer de cette manière.

J’ajoute, mes chers collègues, quitte à être idéaliste – mais ne faut-il pas l’être pour faire de la politique ? –, que ce coup d’arrêt est un message envoyé aux gouvernants d’aujourd'hui et de demain, quels qu’ils soient. Si le Sénat de la République décide de ne plus accepter ce type de méthodes, on reviendra à une législation plus saine.

Lorsque le sujet sur lequel porte un projet de loi ou une proposition de loi en préparation est affiché, l’opinion s’en saisit. Il y a des articles, des débats. Nous, parlementaires, pouvons auditionner les partenaires et acteurs sociaux. Un véritable débat républicain, dans le pays puis au Parlement, peut alors avoir lieu.

Au contraire, nous sommes parvenus avec ce texte à une situation insupportable, qu’aggrave encore le recours à la procédure accélérée, alors que nul n’a répondu – vous pas plus que quiconque, monsieur le secrétaire d'État – à la question de savoir pourquoi il y a urgence.

M. Marini nous a dit que nous avions finalement tort, puisque, sur une telle proposition de loi, nous pouvions en définitive déposer tous les amendements que nous voulions. En effet, mes chers collègues, avec une loi qui ne porte sur rien, on peut faire des amendements sur tout ! C’est magnifique… sauf que le Parlement y perd sa lisibilité et sa force, et que la loi cesse d’être la chose des citoyens lorsqu’il légifère ainsi.

C’est pour alerter nos concitoyens et mettre un coup d’arrêt à cette façon de légiférer à leur égard, et non pas parce que nous refusons de débattre de certains sujets, que nous avons décidé, avec Jean-Pierre Michel, le rapporteur de la commission des lois, et les rapporteurs pour avis qui ont bien voulu s’associer à cette décision, de déposer une motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je suis saisi, par M. Jean-Pierre Michel, au nom de la commission des lois, d'une motion n°1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives (33, 2011-2012).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. le rapporteur, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je serai bref, tout ayant déjà été dit sur ce texte. Deux motions tendant à opposer la question préalable ont été déposées en commission, l’une par Nicole Borvo Cohen-Seat pour le groupe CRC, l’autre par Jacques Mézard pour le groupe RDSE. Les arguments qui les sous-tendent sont ceux qui ont été exposés au cours de la discussion générale. Je ne m’y attarderai donc pas.

Tout d’abord, il s’agit d’une proposition de loi fourre-tout et hétéroclite. En outre, pour la première fois, la procédure accélérée a été engagée sur un texte de cette nature. Ce n’était pas le cas auparavant ; je pense notamment à la précédente proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit dont notre collègue Bernard Saugey était le rapporteur.

Monsieur le secrétaire d'État, nous vous avons écouté avec attention. Vous prétendez qu’il y a urgence à légiférer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Pourtant, sur l’armoire numérique sécurisée, vous disposiez de tous les instruments juridiques pour agir ; mais, comme vous n’avez pas eu le temps de le faire, vous nous demandez aujourd’hui de vous laisser légiférer par voie d’ordonnances, ce qui revient à vous déléguer notre pouvoir législatif. Bien entendu, nous y sommes opposés ! Si nous nous retrouvons dans cette situation, la faute en incombe au Gouvernement plutôt qu’au Parlement.

Jean-Pierre Sueur l’a souligné, cette question préalable apparaissait déjà en filigrane lors de l’examen de la précédente loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, auquel j’ai participé en commission et en séance publique. Le sentiment général qui ressortait de ces travaux peut se traduire ainsi : cela suffit !

Aujourd'hui, la majorité sénatoriale considère qu’il est temps de donner un coup d’arrêt à ces pratiques. Et je partage la position du président de la commission des lois : quels qu’ils soient, les gouvernements qui succéderont à l’exécutif en place devront tenir compte de ce message.

Le Conseil constitutionnel ayant déclaré inconstitutionnels les textes portant diverses dispositions d’ordre économique ou social – lorsque je siégeais à l’Assemblée nationale, j’ai moi-même eu l’occasion d’en rapporter un certain nombre –, on nous soumet désormais des lois de simplification, ce qui revient strictement au même. Le Conseil constitutionnel statue totalement en dehors de sa saisine

M. Jean-Jacques Hyest s’exclame

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, au nom de la commission des lois, je vous demande d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Antoine Lefèvre, contre la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme je l’ai exprimé au cours de la discussion générale, le groupe UMP votera contre cette motion.

Nous nous y opposons non pas pour une question de principe, mais parce que la méthode nous prive d’un débat d’idées et de décisions utiles pour les Français.

Alors que la nouvelle année aurait pu laisser augurer un peu plus d’innovations méthodologiques de la part de la majorité sénatoriale élue en septembre dernier, nous nous retrouvons une fois de plus face à un « front anti-discussion ».

Notre méthode, à nous, sénateurs de droite, est tout autre : nous proposons, nous discutons, nous concertons, puis nous décidons.

Nous aurions par exemple souhaité dire que nous étions favorables à toute mesure permettant de restaurer la confiance entre les entrepreneurs et l’État.

Nous saluons à cet égard plusieurs dispositions, notamment celles qui sont prévues à l’article 44 et qui permettent la simplification du bulletin de paie. Il en est de même pour le déploiement de la déclaration sociale nominative ; là encore, il s’agit d’une réponse concrète à un sujet majeur, cette mesure devant permettre de dématérialiser et de fusionner en une seule transmission près de trente déclarations sociales différentes.

De la même façon, tandis que l’article 28 du code des marchés publics n’impose ni mise en concurrence ni publicité préalables pour les marchés inférieurs à 4 000 euros, l’article 88 de la proposition de loi pose le principe selon lequel un marché public ou un accord-cadre peut être passé sans publicité ni mise en concurrence préalables en deçà d’un montant de 15 000 euros. Un tel relèvement du seuil permettra d’assouplir les contraintes pesant sur les acteurs publics, en particulier les petites communes. Il permettra également d’élargir le recours aux TPE et PME, car le formalisme lié aux procédures de passation des marchés publics est souvent rédhibitoire pour elles.

Je veux aussi mentionner l’armoire numérique sécurisée, dite « coffre-fort numérique ». Là encore, il s’agit d’une avancée considérable qui permettra aux chefs d’entreprise, lesquels remplissent aujourd’hui soixante-dix déclarations en moyenne, de fournir une fois pour toutes les informations qu’ils doivent transmettre à l’ensemble des administrations concernées. Cela constituera un gain de temps et d’argent pour tous ces entrepreneurs.

Ce texte modernise également le code de commerce, ce qui facilitera la vie de millions d’artisans et commerçants. Je pense par exemple à l’assouplissement des conditions de cession d’un fonds de commerce. Qui pourrait s’opposer à ce que les formalités consécutives à une vente soient plus aisées et plus fluides ?

Cette proposition de loi contient également des dispositions qui répondent à de véritables attentes du monde artisanal, notamment dans son article 27. La loi dite « Raffarin » du 5 juillet 1996 a fixé des exigences de qualification minimale pour s’établir à son compte. Cette proposition de loi instaure un contrôle sur ces déclarations de diplôme et d’expérience, qui était inexistant jusqu’à présent.

Vous le voyez, mes chers collègues, la liste est longue... De nombreux autres points ont été évoqués lors de nos débats.

Mes chers collègues, je m’interroge sur votre choix de nier l’intérêt et l’utilité de ces mesures.

Notre volonté affirmée et affichée de simplifier le quotidien des entrepreneurs ne doit ni ne peut rester un vœu pieux. Nous devions agir. Cette proposition de loi était, malgré toutes les critiques, un vecteur intéressant.

Parce que nous sommes favorables à la discussion, nous voterons contre cette motion, qui nous empêche de débattre de ce texte.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Mesdames, messieurs les sénateurs, avant que vous ne vous prononciez sur cette motion, je souhaite apporter quelques précisions.

Étant donné la situation dans laquelle nous nous trouvons, je redis à quel point il est utile pour tous les acteurs économiques de ce pays que le débat ait lieu. Je me souviens du travail constructif que nous avons mené ensemble voilà quelques semaines, notamment lors de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs. Nous avons pu, avec le président de la commission des lois, avancer et améliorer notre droit sur un sujet très attendu, les contrats obsèques.

M. le président de la commission des lois acquiesce.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Sur les soixante-sept amendements qui ont été déposés, le Gouvernement est disposé à émettre un avis favorable sur une vingtaine d’entre eux. Encore faut-il, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette motion ne soit pas adoptée...

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Cet argument vous fera peut-être changer d’avis. On ne sait jamais, je tente ma chance !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Je veux également évoquer deux amendements du Gouvernement.

L'amendement n° 68 tend à mettre en valeur les artisans titulaires d’une qualification correspondant précisément à l’activité exercée, afin de rendre les métiers de l’artisanat plus attractifs et de donner aux consommateurs une meilleure information sur les professionnels avec lesquels ils sont en relation. Il s’agit là d’une disposition chère à André Reichardt.

Il est proposé que toute personne immatriculée au répertoire des métiers ait la qualité d’artisan. Les chefs d’entreprise qui seront personnellement titulaires de la qualification professionnelle requise pour exercer leur activité bénéficieront en outre de la qualité d’« artisan qualifié ». Ainsi, il existera quatre catégories au sein du répertoire des métiers : artisan, artisan qualifié, artisan d’art et maître artisan.

Enfin, afin de simplifier et de sécuriser le cadre juridique du monde artisanal, il est proposé d’élaborer, sur la base de la nouvelle organisation du secteur ainsi définie, un code de l’artisanat. Il s’agit là d’un sujet extrêmement attendu.

L'amendement n° 63 aborde également une question extrêmement importante, en prévoyant d’inscrire dans le droit une définition positive des professions libérales.

En effet, ce secteur d’activités économiques tout à fait significatif de près de 700 000 entreprises, qui emploie au total environ 1, 5 million de personnes, ne fait pour l’instant l’objet que d’une définition négative dans notre droit. Le code de la sécurité sociale prévoit que sont réputés libéraux les indépendants qui ne sont ni commerçants, ni artisans, ni agriculteurs.

Les professions libérales et leurs organisations professionnelles et ordinales demandent unanimement depuis maintenant plusieurs années qu’une définition positive, qui permettrait de bien identifier et de caractériser ces professions, soit inscrite dans notre droit.

Nous avons abouti, après une longue concertation avec tous les professionnels et les ordres, à l’élaboration d’une définition que le Gouvernement vous propose dans ce texte.

Monsieur le président de la commission des lois, il est important que nous puissions évoquer ces deux questions dans cet hémicycle.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je nourris encore l’espoir...

Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. ... que ces deux sujets, qui concernent tant d’acteurs économiques dans notre pays, pourront conduire un certain nombre d’entre vous à ne pas soutenir cette motion.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur le secrétaire d'État, je vous donne acte de votre ténacité. Sur les deux sujets que vous venez d’évoquer, nous sommes tout à fait disposés à continuer à travailler utilement. Vous le savez, l’histoire ne s’arrête jamais !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous pouvons tous nous accorder ici sur le fait que les lois doivent être des actes de justice et de raison qui embrassent la volonté générale. Elles ne sont pas des actes de puissance ! Or, à voir cet amas de dispositions fourre-tout et disparates qui nous sont imposées en procédure accélérée, nous en venons parfois à douter...

L’opposition sénatoriale et le Gouvernement nous ont maintes fois reproché d’empêcher toute discussion sur des dispositions nécessaires et importantes, parce que nous opposions la question préalable. Je veux leur demander à mon tour : est-il de bon sens d’avoir juxtaposé dans ce texte des dispositions qui touchent quasiment à la totalité de nos codes ? Est-il bien sérieux de recourir à de telles techniques législatives, dont le seul objectif est de faire passer un maximum de dispositions en un minimum de temps, qui plus est en engageant la procédure accélérée ?

C’est justement parce que nous défendons l’idée que l’élaboration des réformes, importantes ou non d’ailleurs, doit se faire dans la plus grande transparence, par des débats dignes de ce nom, que ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat a déposé cette motion en commission au nom du groupe CRC, à l’instar de Jacques Mézard pour le groupe RDSE.

Nous devons garder à l’esprit que la pertinence d’une réforme implique qu’une réflexion soit menée sur la nécessité d’une nouvelle législation, au regard non seulement de l’objectif visé, mais aussi de l’impact potentiel de cette nouvelle législation. La qualité d’une loi implique un débat qui soit à la hauteur !

Disparates par essence, les lois de simplification ne peuvent avoir de cohérence globale. De multiples acteurs contribuent à leur rédaction. Surtout, elles opèrent souvent des modifications partielles, ce qui pose des problèmes de sécurité juridique. Enfin, n’oublions pas que, sous l’influence des groupes corporatistes, se glissent, dans cet amas, des dispositions pour le moins contestables et dangereuses. À chaque texte de ce type, nous vous mettons en garde contre les effets pervers de dispositions qui ne sont pas toujours parfaitement maîtrisées. Je ne reviens pas sur l’exemple déjà cité de la scientologie, sauf pour dire qu’il illustre bien le fait que les réformes législatives demandent maîtrise et évaluation pour éviter des effets dommageables.

Ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat a pertinemment démontré de façon plus détaillée, et en prenant d’autres exemples, que la proposition de loi de M. Warsmann visait un tout autre objectif que la simplification du droit.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous voterons cette motion, parce que nous refusons ce mode d’élaboration des lois dont l’utilisation abusive contribue au désordre normatif.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à une très large majorité, notre groupe votera cette motion.

Monsieur le secrétaire d'État, à constater votre insistance, tout à fait respectable au demeurant, nous avons bien compris que cette proposition de loi était en fait un projet de loi masqué.

M. le secrétaire d'État fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Vous affirmez qu’il y a urgence et que les entreprises attendent ce texte. Pourtant, votre sensibilité est au pouvoir depuis dix ans et l’actuel Président de la République a été élu en 2007 ! Est-il donc bien raisonnable de prétendre que nous ne pouvons attendre ? Vous évoquez la crise, mais elle est là depuis 2008 !

Vous nous avez reproché de porter un message politique. Mais nous ne sommes pas dupes : une fois de plus, c’est bien ce texte qui a pour objet d’adresser un message politique à certains de nos concitoyens, lequel semble d’ailleurs particulièrement trouble et opaque au regard des véritables finalités de ce texte fourre-tout.

Au contraire, notre but est éminemment respectable. Il s’agit non pas pour nous de mettre systématiquement en cause les intentions du Gouvernement, mais de signifier que l’on n’utilise pas une loi de simplification pour faire passer des éléments de fond, qui mériteraient d’autres discussions que celles autorisées par la procédure accélérée.

Il suffit de reprendre les arguments avancés aujourd’hui, comme ceux qui ont été développés à l’occasion de la discussion des autres lois de simplification, notamment par des représentants de l’opposition sénatoriale actuelle, pour se rendre compte que tout le monde est opposé à ces méthodes de travail. À l’évidence, ces dernières ne constituent pas un bon mode de fonctionnement législatif.

Nous le savons tous, vous avez voulu introduire des dispositions extrêmement disparates en nous assurant qu’elles allaient profondément modifier la vie des affaires et des entreprises. Vous disposiez pourtant d’autres moyens pour faire adopter ces dispositions que vous jugez importantes, mais vous avez refusé de les utiliser.

À travers un effet d’aubaine législatif que nous avons tous dénoncé, cette loi fourre-tout s’est transformée en un véhicule législatif de contrebande prêt à accueillir toutes les dispositions rejetées par le législateur ou censurées par le Conseil constitutionnel.

Rires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE – Protestations sur les travées du groupe UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Si ce n’est pas une formule destinée à la presse, je ne m’y connais pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je n’adhère pas à cette conception du véhicule législatif auquel on ajouterait sans cesse des compartiments.

Ce n’est pas une bonne façon de légiférer et, pour simplifier le droit, il est temps de revenir à des méthodes plus raisonnables. À cet égard, le vote de cette question préalable permettra d’adresser un message très clair.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Le groupe UMP ne votera pas cette question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Cette explication de vote est pour moi l’occasion de revenir sur les propos que j’ai entendus voilà quelques instants, notamment de la part de M. le président de la commission des lois.

M. Sueur a nié l’intérêt de ce type de véhicule législatif.

Monsieur le président Sueur, j’ai appartenu à une autre assemblée parlementaire, dans laquelle vous avez également siégé, qui, depuis 2007, est à l’origine d’une initiative législative annuelle de simplification du droit.

Vous avancez un argument – une loi pour chaque sujet à traiter –, qui, d’un point de vue pragmatique, ne tient pas.

J’illustrerai ma démonstration avec une mesure contenue dans la première proposition de loi de simplification du droit déposée par Jean-Luc Warsmann en 2007. Il s’agissait d’une simplification législative, souhaitée par de nombreux maires depuis longtemps, qui visait à dispenser les personnes désirant se marier de l’obligation de produire un certificat prénuptial.

Selon l’argument avancé par M. Sueur, il aurait fallu mobiliser toute la lourde machine parlementaire, et nous aurions pris des heures et des heures pour adopter une mesure sur laquelle nous étions tous d’accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Force est de constater que la plupart des mesures contenues dans les propositions de loi rédigées par Jean-Luc Warsmann, qui aura fait un travail considérable à l’Assemblée nationale, sont extrêmement pragmatiques et d’une très grande utilité.

J’entendais, à l’instant, les soupçons exprimés par certains sur des intentions cachées, le Gouvernement étant accusé, entre autres, de tenir la plume des parlementaires pour parvenir à adopter des mesures qu’il n’ose pas présenter lui-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Non, non et non ! Ce sont des mesures utiles, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

… souvent même très opportunes. Il suffit simplement de lire ces textes, adoptés au rythme d’un par an, pour se rendre compte que la plupart des mesures qu’ils contiennent étaient très attendues.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Par qui ? Montrez-donc ce texte à nos concitoyens : je ne suis pas sûre qu’ils y voient de la simplification !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Combien de fois entendons-nous, dans l’exercice de nos fonctions, des exhortations à simplifier les lois ? Mais s’il faut un projet de loi par mesure, nous passerons un temps fou à légiférer. La technique utilisée depuis 2007 me paraît donc opportune.

Monsieur Sueur, pour conclure, et sans aucune ironie, je rappellerai que vous avez, en tant que parlementaire, produit un travail législatif conséquent, notamment sur les pompes funèbres. Je déplore donc vivement que vous ayez aujourd’hui choisi d’enterrer en première classe cette excellente initiative !

Sourires et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui est certes perfectible, chacun en convient. Certaines de ses dispositions sont inopportunes sur le fond, d’autres sur la forme, car elles n’ont pas leur place dans un texte de simplification du droit.

Nous pourrions donc être assez proches de l’analyse présentée par M. le rapporteur.

Pour autant, ce n’est pas parce que le texte présente des imperfections qu’il nous faut voter une question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Ce n’est vraiment pas la bonne solution !

Je pense que notre devoir était de poursuivre en séance le travail important engagé en commission, ce qui nous aurait sans doute conduits à supprimer un certain nombre de dispositions, mais, surtout, à en modifier et à en améliorer d’autres.

Aujourd’hui, je vois mal comment un parlementaire pourrait considérer qu’il n’est pas nécessaire de simplifier notre droit.

Je vous rappelle l’article 44 de notre règlement, qui prévoit que l’objet de la question préalable est précisément de « faire décider soit que le Sénat s’oppose à l’ensemble du texte, soit qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération ».

Que la majorité actuelle du Sénat soit opposée à certaines dispositions du texte me paraît parfaitement légitime. En revanche, qu’elle s’oppose à toutes les mesures de simplification et d’allégement des procédures administratives contenues dans ce texte me semble vraiment incohérent.

Ce faisant, vous laissez penser à nos concitoyens que le Sénat n’est pas concerné par la simplification du droit.

Approbations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous avez bien déjà déposé des questions préalables !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je suis convaincu – et je voudrais bien convaincre les membres de la majorité sénatoriale – que cette attitude ne sera pas comprise par nos concitoyens, qui subissent chaque jour les désagréments d’un droit souvent peu intelligible, parfois obsolète, avec des procédures administratives qui sont fréquemment des facteurs de ralentissement de l’activité économique.

Faciliter la vie des entreprises était précisément l’objet de ce texte, qui, par rapport aux précédentes propositions de loi dites « Warsmann », présente l’avantage d’être plus ciblé et moins fourre-tout.

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Signalons également la qualité, la densité et la quasi-exhaustivité du rapport de Jean-Pierre Michel, la pertinence des remarques des rapporteurs pour avis ainsi que l’opportunité des nombreuses interventions de nos collègues, que ce soit en commission des lois ou dans les autres commissions permanentes.

La richesse des débats que nous avons eus jusqu’à présent montre bien que ce texte répond à un réel intérêt.

En conclusion, je constate que nous éprouvons, en tant que parlementaires, quelques difficultés à nous positionner sur ce type de textes.

Approbations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Lorsque nous sommes en campagne électorale ou que nous allons à la rencontre de nos concitoyens, en particulier des élus locaux, nous compatissons à l’excès de normes, de législation inadaptée, de réglementations obsolètes, et nous promettons de changer la situation.

Mais lorsqu’un de nos collègues – certes, il n’est pas sénateur ! – s’attèle à ce travail, peut-être de façon malhabile, parfois de manière excessive, nous refusons d’en discuter. Pouvons-nous continuer à nous plaindre et, en même temps, renoncer à changer les choses ?

La démarche consistant à faire le tri entre les problèmes de fond, comme la dépénalisation du droit des affaires, qui mérite sans doute un texte spécifique, et toutes les questions techniques, de détail, qui empoisonnent la vie de nos concitoyens et sur lesquelles nous pouvons nous mettre assez vite d’accord, au travers d’un texte de simplification, me semblait facile à suivre.

Vous aurez donc compris, mes chers collègues, que le groupe UCR n’est pas favorable à la question préalable. J’ajouterai même, au risque de vous faire réagir, que, lorsque l’on fait partie de la majorité, on ne devrait pas utiliser les motions à tort et à travers. Celles-ci seront logiquement adoptées et risquent donc de se banaliser. Il faut, me semble-t-il, les réserver aux questions de principe, que sont, par exemple, les inconstitutionnalités avérées.

Sur un texte susceptible d’être amendé, comme celui qui nous est soumis aujourd’hui, la question préalable n’a pas lieu d’être.

Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Monsieur le secrétaire d'État, nous allons vous décevoir. En effet, nous voterons bien évidemment cette motion. Si nous le pouvions, nous la voterions même trois fois !

Nous la voterions en premier lieu pour marquer un principe. À cet égard, je ne comprends pas les arguments qui viennent d’être avancés. Nous ne sommes pas là pour rejeter la simplification, à laquelle personne d’ailleurs ne s’oppose ! Nous ne sommes pas là non plus pour rejeter l’allégement, car personne ne veut alourdir la loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

M. Alain Anziani. Nous sommes là pour faire un travail parlementaire clair, pour aller au fond des choses, et non pour tenir une discussion de café du commerce au cours de laquelle nous parlerions à quatorze heures du droit du travail, à quinze heures de l’environnement, à seize heures d’un autre sujet et, à dix-sept heures, du droit de l’entreprise !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Nous souhaitons faire un véritable travail parlementaire, ce qui suppose que certaines conditions soient réunies, à commencer par l’exigence de concertation. Or ce texte n’a pas suffisamment fait l’objet de concertation. D’ailleurs, vous le constatez vous-mêmes !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

M. Alain Anziani. Ainsi, François Zocchetto s’inquiétait des remarques qu’on lui ferait sur le terrain. Mais il doit aussi s’attendre à ce genre de réactions : « Nous n’étions même pas au courant. Vous vouliez faire cela tout seul dans votre coin, mais jamais vous nous avez demandé notre avis ! »

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

La deuxième condition, dont parlait justement Jacques Mézard et qui est une exigence constitutionnelle, c’est de disposer d’une étude d’impact. Voilà tant et tant d’années que nous réclamons sur tous les sujets des études d’impact pour ne pas faire de bêtises, si vous me permettez cette expression familière.

En l’occurrence, aucune n’a été faite. Mais qu’importe ! Nous pouvons bien légiférer sans y voir clair, sans connaître les tenants et les aboutissants de ce que nous allons voter. Pourtant, je l’ai dit tout à l’heure, quelques exemples du passé devraient nous conduire à réfléchir un peu plus !

Bien évidemment, nous ne sommes pas opposés à la simplification. Mais nous sommes surtout favorables à un travail de clarification et de réflexion, car réfléchir, c’est notre devoir de parlementaires !

Nous souhaitons dire une nouvelle fois que nous ne pouvons accepter toute cette précipitation.

Enfin, quels que soient tous vos arguments – je les ai bien entendus ! –, pas un ne résiste à cette idée que deux lectures auraient été mieux qu’une seule.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Personne n’a jamais expliqué pourquoi il faudrait engager la procédure accélérée, pourquoi, tout à coup, il y aurait urgence à légiférer sur des matières aussi importantes ! Justement, je ne crois pas que travailler dans la précipitation soit pour le Parlement un mode de fonctionnement !

J’en viens à un dernier point qui n’est pas mineur et que, selon moi, on ne souligne pas assez : comme je l’ai dit tout à l’heure, il y a de la confusion dans ce texte ! Sous couvert de simplification, on nous glisse de temps en temps une petite innovation – pourquoi pas ? Mais, parfois, on nous glisse aussi, avec beaucoup de discrétion, une régression !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Nous en avons donné des exemples : une régression en matière sociale, une régression en matière environnementale, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

... tout cela présenté sous l’étiquette « simplification, allégement et rapidité des procédures » !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

On nous fait un portrait « Bisounours », mais ce n’est pas du tout cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

M. Alain Anziani. Bien évidemment, nous ne pouvons que voter cette motion.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je mets aux voix la motion n° 1 tendant à opposer la question préalable, motion dont l'adoption entraînerait le rejet de la proposition de loi.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici le résultat du scrutin n° 85 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la proposition de loi est rejetée.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi relatif à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, déposé le 7 septembre 2011 sur le Bureau de notre assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la protection de l’identité est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire est également parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 11 janvier 2012, à quatorze heures trente et le soir :

- Projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à Voies navigables de France (206, 2011-2012).

Rapport de M. Francis Grignon, fait au nom de la commission des affaires économiques (221, 2011-2012).

Texte de la commission (n° 222, 2011-2012).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à dix-neuf heures cinq.