Intervention de Martial Bourquin

Réunion du 10 janvier 2012 à 14h30
Simplification du droit et allègement des démarches administratives — Rejet d'une proposition de loi en procédure accélérée

Photo de Martial BourquinMartial Bourquin, rapporteur pour avis :

Si ce rythme devait être soutenu à l’avenir, on aboutirait à une situation dans laquelle le Parlement serait saisi de manière quasi permanente d’un texte de simplification du droit, qui deviendrait le réceptacle naturel de toutes les dispositions législatives isolées ne trouvant pas à s’insérer dans d’autres supports législatifs.

Bref, loin de lutter contre le phénomène d’inflation législative, les lois de simplification, par leur caractère « attrape-tout » et leur succession rapprochée, contribuent à l’alimenter.

Troisièmement, il nous faut regretter la confidentialité de l’avis que le Conseil d’État a rendu sur cette proposition de loi, à la demande du président de l’Assemblée nationale, en application du dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution. En effet, l’article 4 bis de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qui précise les conditions de mise en œuvre de l’article 39, prévoit seulement que « l’avis du Conseil d’État est adressé au président de l’assemblée qui l’a saisi, qui le communique à l’auteur de la proposition ».

De ce fait, nous n’avons pas pu avoir connaissance de cet avis et devons nous contenter des extraits que le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale a jugé opportun de citer occasionnellement. Je déplore le manque de transparence, sur ce point, des relations entre les deux chambres du Parlement et estime que l’article 4 bis de l’ordonnance du 17 novembre 1958 devrait être modifié pour assurer une publicité plus large des avis du Conseil d’État sur les propositions de lois.

Quatrièmement, mes chers collègues, je voudrais vous montrer que ce texte « fourre-tout » abrite des dispositions tantôt parfaitement anodines, comme celles des articles 68 quater ou 87 bis, qui corrigent des erreurs de référence ou assurent des coordinations entre codes législatifs, tantôt, au contraire, lourdes de conséquences et allant bien au-delà de la seule simplification du droit. Ainsi, trois articles soumis à l’examen de notre commission pour avis apparaissent particulièrement contestables.

L’article 10 vise à exonérer les filiales ou les sociétés contrôlées de l’obligation de publier des informations relatives à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises si ces informations sont publiées par la société mère ou la société qui les contrôle. Or ce principe d’une transparence des entreprises de plus de 500 salariés en matière sociale et environnementale a été adopté ici, après de longues concertations, dans le cadre de la loi portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle 2 ». On nous propose donc de revenir de manière subreptice, au détour d’une loi de simplification, sur une avancée déjà acquise. Cette stratégie, qui entend prendre le Parlement à revers et lui forcer la main, n’est pas acceptable.

Autre disposition inacceptable, l’article 72 bis introduit par les députés vise à élever au niveau législatif la définition du poids maximal autorisé pour les poids lourds, fixé à 44 tonnes pour 5 essieux, sauf exceptions prévues par voie réglementaire.

Sur la forme, cet article pose problème car il s’agit clairement d’un cavalier législatif qui ne présente pas de lien avec les dispositions de la proposition de loi initiale, ce qui est contraire à la Constitution comme le rappelle constamment le Conseil constitutionnel.

Sur le fond, il ouvre un débat technique et difficile. Il va en effet beaucoup plus loin que le décret du 17 janvier 2011, qui autorisait progressivement les 44 tonnes, mais en imposant un sixième essieu pour ne pas détruire nos routes. Je rappellerai un seul chiffre tiré d’un récent rapport du Gouvernement : les camions de 44 tonnes à 5 essieux induisent un surcoût dans l’entretien des routes, pour les départements, estimé entre 400 millions et 500 millions d’euros par an environ.

On ne peut pas, au détour d’une loi de simplification, trancher le débat autour du sixième essieu : ce n’est ni sérieux ni digne du Parlement !

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