Intervention de Antoine Lefèvre

Réunion du 10 janvier 2012 à 14h30
Simplification du droit et allègement des démarches administratives — Rejet d'une proposition de loi en procédure accélérée

Photo de Antoine LefèvreAntoine Lefèvre :

Monsieur le président, M. le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous entendons tous nos concitoyens se plaindre de ce que les lois sont trop complexes, parfois illisibles, et qu’il y en a trop. Ce constat est certes basique, mais tellement vrai !

Et pourtant, nous sommes les premiers à déposer et à défendre des amendements visant à régler des situations dont nous font part les Français, qu’ils soient représentants associatifs, chefs d’entreprise, salariés, artisans ou professions libérales, afin de simplifier leur vie quotidienne, professionnelle ou personnelle. Il est donc peut-être de notre devoir, et c’est un questionnement permanent pour moi, d’éviter de légiférer sur l’exception, pour revenir à une législation globale qui rendra nos lois plus lisibles et compréhensibles.

Le Président de la République a souhaité très clairement une société de confiance, confiance envers les Français comme envers toutes nos entreprises. Bien sûr, cette confiance n’exclut pas le contrôle. Toutefois, la complexification croissante du droit ne contribue qu’à l’insécurité juridique, qui nous pénalise tous. Un vaste mouvement de simplification de notre droit, auquel notre commission des lois a largement contribué, a ainsi été engagé depuis le début de la législature.

En janvier 2009, Jean-Luc Warsmann remettait au Premier ministre un rapport relatif à la politique de simplification et à l’élaboration d’une stratégie pour une norme de meilleure qualité. Puis, le Parlement a adopté deux lois répondant à ces objectifs.

La loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures comporte cinq volets : elle oblige à prononcer l’abrogation des actes réglementaires illégaux ou sans objet ; elle propose des mesures de simplification pour les particuliers, les entreprises et les collectivités locales ; elle abroge diverses dispositions devenues sans intérêt.

La loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit améliore la qualité des normes et des relations des citoyens avec les administrations, et adopte des dispositions de simplification relatives au statut des groupements d’intérêt public ; elle traite aussi d’urbanisme, de défaut d’adoption des textes d’application prévus par certaines dispositions législatives, de droit pénal, du droit électoral applicable aux Français établis hors de France, du domaine sanitaire, social et médico-social ; elle habilite également le Gouvernement à modifier des dispositions législatives.

Le Gouvernement, et le groupe UMP l’en remercie, a proposé quatre-vingts mesures tendant à renforcer l’appui territorial aux PME, mais aussi à simplifier leur environnement administratif. Il est en effet important pour la cohésion de nos territoires de rapprocher deux mondes qui se connaissent mal, celui de l’entreprise et celui de l’administration. Le retour de la confiance commence là.

Parallèlement, le Président de la République avait confié, en janvier 2011, à Jean-Luc Warsmann une nouvelle mission, dont l’objectif était de « proposer des mesures de simplification, ambitieuses et concrètes, pour desserrer les contraintes excessives qui pèsent sur les entreprises, en particuliers les PME, mais aussi sur les artisans, les agriculteurs et les professions libérales ». Le Président ajoutait : « Ces propositions devront avoir pour objectif de rendre notre cadre juridique plus propice à l’initiative économique et à la création de richesses et d’emplois. »

Au terme d’un important travail d’analyse et de concertation, impliquant de nombreuses auditions, Jean-Luc Warsmann a remis, le 6 juillet dernier, son rapport sur la simplification du droit au service de la croissance et de l’emploi, qui préconise deux cent quatre-vingts mesures concrètes, d’ordre réglementaire, législatif ou européen.

Ce rapport a servi de base à la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, qui a été adoptée par l’Assemblée nationale et dont nous sommes aujourd’hui saisis.

Vous l’aurez compris, cette proposition de loi est tout à fait digne que nous nous y intéressions en tant que parlementaires. Notre devoir se situe bien à ce niveau, et non dans le tréfonds de guerres politiciennes abortives, telles que celle que vous proposerez de déclarer, monsieur le rapporteur, en défendant tout à l’heure une question préalable que nous savons d’avance arithmétiquement adoptée.

La nouvelle majorité de la commission des lois, comme elle l’explique dans un communiqué, a en effet contesté la méthode consistant à inscrire dans un texte un grand nombre de dispositions extrêmement diverses. Elle déplore également que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée sur ce texte, alors que, selon elle, ce n’était aucunement justifié.

Eh bien, vous avez tout faux, mes chers collègues !

Le principe même d’un texte de simplification n’est-il pas de balayer notre arsenal législatif afin d’en extraire ce qui est inutile et de le rendre cohérent ? N’est-il pas urgent de le faire alors même que les Français expriment leur incompréhension face à certains points de notre droit ? Et n’est-ce pas ce que vous réclamez, mes chers collègues ? Dès lors, votre démarche apparaît incompréhensible : vous semblez raisonner à l’envers du bon sens !

Nous devons au contraire sortir de ces postures dogmatiques et nous montrer enfin pragmatiques ! C’est pourquoi le groupe UMP soutient l’idée essentielle de ce texte.

Oui, monsieur Michel, la nature de ce texte est très composite ! Mais en quoi cela peut-il nuire à la clarté des débats parlementaires ?

Nous partageons, pour partie, l’analyse du président Sueur, qui rappelait récemment : « Nous avons souvent dit notre désaccord avec les lois “ fourre-tout ” ». En revanche, je m’inscris en faux contre ses propos suivants. Ce n’est pas en votant une question préalable que nous mettrons fin au caractère hétéroclite de certains textes. Il eût été plus judicieux, selon nous, de travailler sur le texte adopté par l’Assemblée nationale, de déterminer ce qui relevait réellement de l’essentiel pour les Français dans la période que nous affrontons. Nous aurions ainsi gardé un certain nombre de dispositions et supprimé les autres.

Comme le président Hyest le faisait remarquer en commission des lois, « lors des précédentes propositions de loi Warsmann, nous avions supprimé des cavaliers ou des mesures qui modifiaient toute une législation, au gré de la navette ».

Nous pouvons reconnaître que cette loi de simplification comporte de bonnes choses, et rejeter les novations et les cavaliers ; nous l’avons déjà fait précédemment. Nous pouvons aussi nous appuyer sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Nous pouvons amender tout ce qui simplifie réellement le droit et supprimer tout ce qui n’a rien à faire dans cette loi.

Ne sommes-nous pas élus pour légiférer? Oui, monsieur le président Sueur, comme vous le dites, « il est essentiel pour la démocratie que l’objet de chaque loi soit clairement énoncé, qu’elle donne lieu à un débat explicite et approfondi sur chaque sujet, ce que ce type de loi-omnibus ne permet pas ». Mais selon une méthode plus intelligible que la vôtre !

D’autant que la question préalable présente un inconvénient majeur : lorsque celle-ci aura été votée, l’Assemblée nationale reprendra, non amendées, les dispositions qu’elle a précédemment adoptées. Ainsi, nous n’aurons en rien progressé, et c’est fort dommage. Si le Sénat débattait de ces mesures, en validait certaines et en rejetait d’autres, il aurait beaucoup plus de poids et, surtout, il accomplirait sa mission législative !

Il n’est pas de texte de simplification qui ne soit hétéroclite ; c’est une donnée de départ. Si on la refuse a priori, on ne simplifie jamais ! On ne va pas examiner 153 projets de loi – puisque tel est le nombre d’articles contenus dans le texte adopté par l’Assemblée nationale – modifiant chacun un article d’une loi ou d’un code ! Le Sénat ne saurait, en tant qu’institution de la République, refuser a priori de débattre d’un texte.

Devons-nous conclure que vous avez décidé de dépouiller le Sénat de son rôle institutionnel et constitutionnel ?

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