Intervention de Claude Jeannerot

Réunion du 10 janvier 2012 à 14h30
Simplification du droit et allègement des démarches administratives — Rejet d'une proposition de loi en procédure accélérée

Photo de Claude JeannerotClaude Jeannerot :

La deuxième raison de notre opposition tient au caractère fourre-tout de ce texte, maintes fois souligné, qui ne permet de garantir ni la lisibilité ni la sécurité juridique.

Rendez-vous compte, mes chers collègues : cette proposition de loi de M. Warsmann est en fait le sixième texte du genre. Elle succède à deux lois adoptées sous la législature précédente et aux lois Warsmann promulguées respectivement en 2007, en 2009 et le 17 mai 2011.

Parmi les textes fourre-tout, il faut citer également la loi de modernisation de l’économie ou le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, voté au Sénat à la fin du mois de décembre dernier.

Cela ne fait-il pas beaucoup pour une seule législature ?

Au-delà de cet aspect, ce texte modifie une vingtaine de codes et une série de lois non codifiées. C’est dire la complexité et la variété des thèmes qu’il aborde. La commission des lois, compétente au fond, a dû saisir pas moins de quatre commissions pour avis !

Le résultat de ces pratiques est que les lois deviennent illisibles pour nos concitoyens. « Droit ésotérique », « droit à l’état gazeux » ou « droit obscur » : telles sont, vous le savez, mes chers collègues, les critiques formulées contre notre législation par de nombreux observateurs.

Lorsqu’il était président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré a eu souvent l’occasion de souligner les dangers et les lacunes de nos méthodes législatives. Soyons attentifs aux différents rapports du Conseil d’État, qui déplorent ponctuellement la « logorrhée législative » ou les « risques d’insécurité juridique », ces deux caractéristiques étant en général indissociables.

Il est loin, et sans doute définitivement révolu, le temps où Rousseau affirmait que « tout homme qui ne sait pas par cœur les lois de son pays n’est pas un bon citoyen ». Toutefois, comment garantir aujourd'hui que les citoyens, à tout le moins, n’ignorent pas la loi ?

La troisième raison de notre rejet de cette proposition de loi tient aux risques d’incohérence qu’elle comporte.

Les textes de ce type enflent démesurément, sous un triple effet.

Tout d'abord, l’administration s’en sert comme véhicules législatifs pour vider ses fonds de tiroirs ; je pense, et il ne s'agit que d’un exemple parmi d’autres, à la disposition de l’article 37 qui vise à étendre la télétransmission aux petites entreprises et dont le Conseil d’État a souligné la nature réglementaire.

Ensuite, le Gouvernement les utilise pour revenir sur des arrêts de la Cour de cassation qui lui déplaisent.

Enfin, les lobbies en profitent pour y inscrire leurs préoccupations, car tel est bien le risque inhérent à de telles pratiques.

On demande aux parlementaires de sauter d’un sujet à l’autre – transport, fiscalité, droit du travail ou de la sécurité sociale, dépénalisation du droit des affaires – comme on passe du coq à l’âne.

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