Il n’en résulte qu’un bricolage de dispositifs, sans aucune vision d’ensemble, avec tous les dangers que comporte pareille méthode.
Selon nous, cette façon de légiférer n’est ni efficace ni pertinente. Pis, elle contredit la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a évoqué l’objectif à valeur constitutionnelle « d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi » dans sa décision du 16 décembre 1999 et consacré le principe de « clarté de la loi » dans celle du 13 janvier 2005. Le Conseil constitutionnel, qui a pourtant interdit les lois « portant diverses dispositions », n’a manifestement pas été entendu : bien que l’intitulé du texte ait changé, le fond reste tout aussi incohérent.
Si certaines simplifications sont anodines, d’autres emportent de lourdes conséquences, dissimulées sous des arguments techniques, notamment en matière de droits des salariés ou de droit de la santé.
J’illustrerai mon propos par un exemple emprunté au droit du travail : l’article 46 du texte, qui prévoit que l’employeur rédige un document unique d’évaluation des risques à une fréquence inférieure à un an dans les entreprises de moins de onze salariés, est symptomatique de ce risque d’incohérence. En effet, les salariés des très petites entreprises doivent être aussi bien traités que ceux des grandes sociétés, d’autant que, nous le savons, leurs salaires ne sont pas toujours aussi élevés et que leurs conditions de travail sont souvent moins favorables. Or cette disposition, qui n’est qu’un exemple parmi d’autres, comporte des risques réels de rupture d’égalité dans la protection des travailleurs.
Enfin, et c’est la quatrième raison qui nous conduit à rejeter cette proposition de loi, il nous est demandé d’examiner ce texte dans la précipitation. Quelle que soit la qualité du rapport, qui est réelle, je déplore de telles conditions de travail, car elles ne sont pas dignes de nos fonctions et de notre responsabilité. Nous restons à la surface des choses, sans pouvoir mesurer les conséquences de dispositions adoptées à l’aveugle.
M. Maurey soulignait tout à l'heure que le Sénat devait demeurer un lieu de sagesse et de réflexion. C’est précisément parce que nous voulons le considérer comme tel que nous refusons cette manière de travailler, qui nous semble incompatible avec les exigences de la démocratie représentative !
Pour toutes ces raisons, nous avons considéré que ce texte méritait d’être rejeté. Ce faisant, nous rejoignons Portalis lorsqu’il affirmait que la loi « permet ou elle défend », qu’« elle ordonne, elle établit, elle punit ou elle récompense ». Rendons donc à la loi la force et la clarté qu’elle mérite et qu’elle exige !