… avec des intitulés tels que « loi portant diverses dispositions d’ordre social ».
Les textes de cette nature n’ont pas fleuri dans les années quatre-vingt-dix. Commençons par dire qu’ils existaient déjà dans les années quatre-vingt, et même auparavant, mais reconnaissons aussi que le moteur s’est ensuite emballé et que, avec les quatre « paquets » Warsmann, il y a eu une accélération, une amplification considérable du procédé.
Chaque fois, nous avons tenu les mêmes discours. Nous les connaissons par cœur : l’on regrettait de devoir légiférer de cette manière, … mais, bon, toutefois, néanmoins… Là, en revanche, face à une telle masse d’articles, nous sommes arrivés à quelque chose d’inacceptable, qui met tout simplement en cause notre façon de légiférer et le droit du Parlement.
Je rappelle que personne, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, n’avait vu que l’une des dispositions de la loi de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures adoptée le 12 mai 2009 privilégiait l’Église de scientologie. Pour éviter que ne se reproduise un tel précédent, ce que personne ne voudrait, le Conseil d'État a chargé toutes ses sections d’expertiser chaque article de ce monstre. En revanche, il n’a pas examiné les nombreux articles qui sont venus s’y agréger.
De la sorte, on parvient à un texte protéiforme qui n’a plus aucun sens ni aucune lisibilité. Vous dites, monsieur le secrétaire d'État, qu’il faut simplifier le droit pour les entreprises, mais vous pouviez – et vous pouvez toujours – présenter un projet de loi sur les dispositions relatives aux entreprises au lieu de procéder à tel dévoiement du droit.
C’est pourquoi nous avons décidé, dans la majorité sénatoriale, de mettre un coup d’arrêt à cette pratique. Finis les regrets assortis de « toutefois » et de « néanmoins » : il faut, une bonne fois pour toutes, dire « non », car nous ne pouvons plus légiférer de cette manière.
J’ajoute, mes chers collègues, quitte à être idéaliste – mais ne faut-il pas l’être pour faire de la politique ? –, que ce coup d’arrêt est un message envoyé aux gouvernants d’aujourd'hui et de demain, quels qu’ils soient. Si le Sénat de la République décide de ne plus accepter ce type de méthodes, on reviendra à une législation plus saine.
Lorsque le sujet sur lequel porte un projet de loi ou une proposition de loi en préparation est affiché, l’opinion s’en saisit. Il y a des articles, des débats. Nous, parlementaires, pouvons auditionner les partenaires et acteurs sociaux. Un véritable débat républicain, dans le pays puis au Parlement, peut alors avoir lieu.
Au contraire, nous sommes parvenus avec ce texte à une situation insupportable, qu’aggrave encore le recours à la procédure accélérée, alors que nul n’a répondu – vous pas plus que quiconque, monsieur le secrétaire d'État – à la question de savoir pourquoi il y a urgence.
M. Marini nous a dit que nous avions finalement tort, puisque, sur une telle proposition de loi, nous pouvions en définitive déposer tous les amendements que nous voulions. En effet, mes chers collègues, avec une loi qui ne porte sur rien, on peut faire des amendements sur tout ! C’est magnifique… sauf que le Parlement y perd sa lisibilité et sa force, et que la loi cesse d’être la chose des citoyens lorsqu’il légifère ainsi.
C’est pour alerter nos concitoyens et mettre un coup d’arrêt à cette façon de légiférer à leur égard, et non pas parce que nous refusons de débattre de certains sujets, que nous avons décidé, avec Jean-Pierre Michel, le rapporteur de la commission des lois, et les rapporteurs pour avis qui ont bien voulu s’associer à cette décision, de déposer une motion tendant à opposer la question préalable.