Intervention de David Douillet

Réunion du 21 février 2012 à 14h30
Responsabilité civile des pratiquants sportifs et encadrement de la vente des titres d'accès — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

David Douillet, ministre des sports :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous exprimer le plaisir que j’éprouve à présenter ce texte devant la Haute Assemblée.

Je connais votre attachement au sport et à ses valeurs fondamentales. Le vote à l’unanimité de la proposition de loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, en mai dernier, en a apporté une preuve tout à fait éloquente.

Je vous engage à vous inscrire aujourd’hui dans le même état d’esprit de défense du sport français en votant cette proposition de loi, qui répond à une véritable difficulté éprouvée par le mouvement sportif.

Cette difficulté est simple : nous avons connu une évolution jurisprudentielle ayant des répercussions très fortes sur le montant des primes d’assurance qui s’imposent aux organisateurs d’événements sportifs. Par conséquent, un grand nombre de sports et de manifestations sportives sont menacés de disparition, faute de pouvoir acquitter lesdites primes.

Je souhaite évoquer plus en détail cette évolution jurisprudentielle.

Longtemps, on a considéré que les sportifs devaient assumer les risques auxquels ils s’exposaient dans le cadre de leur pratique sportive : c’était la théorie des risques acceptés, communément appliquée par les juges.

Toutefois, cette théorie présentait une certaine incohérence, dans la mesure où elle ne s’appliquait qu’aux compétitions et non aux entraînements. Ce constat a conduit la Cour de cassation, dans un arrêt du 4 novembre 2010, à harmoniser sa jurisprudence dans le sens le plus protecteur pour la victime d’un accident sportif.

Ainsi, la théorie de l’acceptation des risques a été abandonnée au profit du principe de la responsabilité sans faute du fait des choses, défini à l’article 1384 du code civil, pour l’entraînement comme pour la compétition. Avec la responsabilité sans faute du fait des choses, les victimes n’ont plus à établir la faute du sportif dont la « chose » a causé un dommage.

Cet arrêt vise bien évidemment à protéger les victimes. Cependant, la responsabilité sans faute a des répercussions financières très lourdes. De fait, quand le nombre de dommages à indemniser augmente considérablement, les primes d’assurance croissent elles aussi automatiquement.

À l’heure actuelle, de nombreux organisateurs d’événements sportifs ne sont déjà plus en mesure de payer ces primes, et de nombreux sports sont menacés.

Des sénateurs communistes ont déposé un amendement de suppression de cet article : à mes yeux, ils n’en mesurent sans doute pas les conséquences, à savoir la disparition d’événements sportifs emblématiques et fédérateurs, qui constitue un risque majeur dans l’ensemble de nos territoires.

Monsieur Le Scouarnec, dans le Morbihan, cela signifie la fin du Manche-Atlantique, ou celle de la Route bretonne qui débutera dimanche prochain à La Gacilly. J’ajoute, à l’intention de Mme Cukierman, que ce serait également la fin de la course automobile de Cacharat, dans la Loire !

La disparition de ces compétitions entraînerait, par ricochet, celle de tous les emplois associés à ce type d’événements – notamment la suppression des 4 500 emplois liés au Tour de France –, et la perte de 30 millions à 45 millions d’euros de retombées directes du rallye d’Alsace, pour ne citer que deux exemples.

Voilà pourquoi l’article 1er de la présente proposition de loi vise à exonérer de leur responsabilité civile sans faute les pratiquants à l’origine de dommages matériels causés à d’autres athlètes sur un lieu spécifiquement réservé à la pratique sportive. On considère que les sportifs connaissent les risques qu’ils courent : si cette proposition de loi est votée, il faudra à nouveau prouver l’existence d’une faute pour engager la responsabilité du sportif.

Pour ce qui concerne les dommages corporels, je souhaite créer un fonds d’indemnisation des victimes, afin de protéger au mieux les sportifs. En effet, ce dispositif visera à résoudre tous les problèmes d’indemnisation de dommages corporels graves, et non pas uniquement ceux causés par un objet appartenant à un autre sportif.

Comme je m’y étais engagé devant l’Assemblée nationale, nous avons d’ores et déjà organisé trois réunions de travail avec le Comité national olympique et sportif français, le CNOSF, le ministère des sports et l’ensemble des ministères concernés. Nous sommes en train de définir les conditions de mise en œuvre de ce fonds d’indemnisation.

Par ailleurs, la création de ce fonds permettra un versement plus rapide des indemnités que sont susceptibles de percevoir des sportifs très lourdement handicapés. Dans cet hémicycle, chacun sait que les compagnies d’assurance font souvent preuve d’une certaine inertie en la matière : le présent texte fournirait ainsi une réponse immédiate à la prise en charge de nos sportifs handicapés. Je rappelle que le versement des indemnités ne débute parfois que plusieurs dizaines d’années après l’accident !

J’en viens à l’article 2, proposé et adopté lors de la discussion de la proposition de loi par l’Assemblée nationale, le 6 février dernier. Il concerne la revente illicite de billets pour des manifestations sportives, culturelles et commerciales.

Les fédérations sportives et les acteurs culturels accomplissent de réels efforts pour démocratiser l’accès au sport et à la culture. Il s’agit d’éviter que le prix des billets ne s’envole par la suite sur le marché secondaire.

À cet égard, je précise que nous sommes parvenus à juguler certains types de tensions causées à l’intérieur des stades par le regroupement de différents supporters. Pour y parvenir, nous avons ventilé un certain nombre de billets sur une base nominative, les personnes considérées étant judicieusement réparties sur l’ensemble des gradins, afin de prévenir les regroupements qui pourraient causer des désagréments lors des matchs. Or, si ces billets sont proposés à la revente, lesdits groupes pourront se former de nouveau, annihilant le mouvement impulsé, notamment, par le comité du supportérisme.

De nombreuses personnalités issues du monde de la culture et du spectacle ont d’ailleurs fait part à Frédéric Mitterrand et à moi-même de leur grande satisfaction de voir cet article adopté par l’Assemblée nationale.

Enfin, l’article 3 de la proposition de loi concerne la mise en place du passeport biologique.

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