Séance en hémicycle du 21 février 2012 à 14h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à modifier le régime de responsabilité civile du fait des choses des pratiquants sportifs sur les lieux réservés à la pratique sportive et à mieux encadrer la vente des titres d’accès aux manifestations sportives, commerciales et culturelles et aux spectacles vivants (proposition de loi n° 333, texte de la commission n° 373, rapport n° 372).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre des sports

Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous exprimer le plaisir que j’éprouve à présenter ce texte devant la Haute Assemblée.

Je connais votre attachement au sport et à ses valeurs fondamentales. Le vote à l’unanimité de la proposition de loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, en mai dernier, en a apporté une preuve tout à fait éloquente.

Je vous engage à vous inscrire aujourd’hui dans le même état d’esprit de défense du sport français en votant cette proposition de loi, qui répond à une véritable difficulté éprouvée par le mouvement sportif.

Cette difficulté est simple : nous avons connu une évolution jurisprudentielle ayant des répercussions très fortes sur le montant des primes d’assurance qui s’imposent aux organisateurs d’événements sportifs. Par conséquent, un grand nombre de sports et de manifestations sportives sont menacés de disparition, faute de pouvoir acquitter lesdites primes.

Je souhaite évoquer plus en détail cette évolution jurisprudentielle.

Longtemps, on a considéré que les sportifs devaient assumer les risques auxquels ils s’exposaient dans le cadre de leur pratique sportive : c’était la théorie des risques acceptés, communément appliquée par les juges.

Toutefois, cette théorie présentait une certaine incohérence, dans la mesure où elle ne s’appliquait qu’aux compétitions et non aux entraînements. Ce constat a conduit la Cour de cassation, dans un arrêt du 4 novembre 2010, à harmoniser sa jurisprudence dans le sens le plus protecteur pour la victime d’un accident sportif.

Ainsi, la théorie de l’acceptation des risques a été abandonnée au profit du principe de la responsabilité sans faute du fait des choses, défini à l’article 1384 du code civil, pour l’entraînement comme pour la compétition. Avec la responsabilité sans faute du fait des choses, les victimes n’ont plus à établir la faute du sportif dont la « chose » a causé un dommage.

Cet arrêt vise bien évidemment à protéger les victimes. Cependant, la responsabilité sans faute a des répercussions financières très lourdes. De fait, quand le nombre de dommages à indemniser augmente considérablement, les primes d’assurance croissent elles aussi automatiquement.

À l’heure actuelle, de nombreux organisateurs d’événements sportifs ne sont déjà plus en mesure de payer ces primes, et de nombreux sports sont menacés.

Des sénateurs communistes ont déposé un amendement de suppression de cet article : à mes yeux, ils n’en mesurent sans doute pas les conséquences, à savoir la disparition d’événements sportifs emblématiques et fédérateurs, qui constitue un risque majeur dans l’ensemble de nos territoires.

Monsieur Le Scouarnec, dans le Morbihan, cela signifie la fin du Manche-Atlantique, ou celle de la Route bretonne qui débutera dimanche prochain à La Gacilly. J’ajoute, à l’intention de Mme Cukierman, que ce serait également la fin de la course automobile de Cacharat, dans la Loire !

La disparition de ces compétitions entraînerait, par ricochet, celle de tous les emplois associés à ce type d’événements – notamment la suppression des 4 500 emplois liés au Tour de France –, et la perte de 30 millions à 45 millions d’euros de retombées directes du rallye d’Alsace, pour ne citer que deux exemples.

Voilà pourquoi l’article 1er de la présente proposition de loi vise à exonérer de leur responsabilité civile sans faute les pratiquants à l’origine de dommages matériels causés à d’autres athlètes sur un lieu spécifiquement réservé à la pratique sportive. On considère que les sportifs connaissent les risques qu’ils courent : si cette proposition de loi est votée, il faudra à nouveau prouver l’existence d’une faute pour engager la responsabilité du sportif.

Pour ce qui concerne les dommages corporels, je souhaite créer un fonds d’indemnisation des victimes, afin de protéger au mieux les sportifs. En effet, ce dispositif visera à résoudre tous les problèmes d’indemnisation de dommages corporels graves, et non pas uniquement ceux causés par un objet appartenant à un autre sportif.

Comme je m’y étais engagé devant l’Assemblée nationale, nous avons d’ores et déjà organisé trois réunions de travail avec le Comité national olympique et sportif français, le CNOSF, le ministère des sports et l’ensemble des ministères concernés. Nous sommes en train de définir les conditions de mise en œuvre de ce fonds d’indemnisation.

Par ailleurs, la création de ce fonds permettra un versement plus rapide des indemnités que sont susceptibles de percevoir des sportifs très lourdement handicapés. Dans cet hémicycle, chacun sait que les compagnies d’assurance font souvent preuve d’une certaine inertie en la matière : le présent texte fournirait ainsi une réponse immédiate à la prise en charge de nos sportifs handicapés. Je rappelle que le versement des indemnités ne débute parfois que plusieurs dizaines d’années après l’accident !

J’en viens à l’article 2, proposé et adopté lors de la discussion de la proposition de loi par l’Assemblée nationale, le 6 février dernier. Il concerne la revente illicite de billets pour des manifestations sportives, culturelles et commerciales.

Les fédérations sportives et les acteurs culturels accomplissent de réels efforts pour démocratiser l’accès au sport et à la culture. Il s’agit d’éviter que le prix des billets ne s’envole par la suite sur le marché secondaire.

À cet égard, je précise que nous sommes parvenus à juguler certains types de tensions causées à l’intérieur des stades par le regroupement de différents supporters. Pour y parvenir, nous avons ventilé un certain nombre de billets sur une base nominative, les personnes considérées étant judicieusement réparties sur l’ensemble des gradins, afin de prévenir les regroupements qui pourraient causer des désagréments lors des matchs. Or, si ces billets sont proposés à la revente, lesdits groupes pourront se former de nouveau, annihilant le mouvement impulsé, notamment, par le comité du supportérisme.

De nombreuses personnalités issues du monde de la culture et du spectacle ont d’ailleurs fait part à Frédéric Mitterrand et à moi-même de leur grande satisfaction de voir cet article adopté par l’Assemblée nationale.

Enfin, l’article 3 de la proposition de loi concerne la mise en place du passeport biologique.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Je suis favorable à ce que soit conférée une véritable valeur juridique à ce dispositif, ce que prévoit le texte adopté par la commission, et sous réserve de la mention d’un décret en Conseil d’État.

J’ai toujours été extrêmement clair dans ma volonté de mener une lutte acharnée contre le dopage. À cette fin, nous avons tout intérêt à diversifier au maximum les moyens de contrôle. Il en existe déjà plusieurs : les contrôles inopinés, le système de localisation, les contrôles urinaires et sanguins.

Le passeport biologique n’a pas vocation à se substituer aux dispositifs existants. Il constitue un mode de détection supplémentaire, voire complémentaire, et représente, je vous l’assure, une avancée majeure. §De fait, c’est en multipliant les modes de détection que nous resserrerons les mailles du filet. Nos débats permettront, j’en suis certain, d’enrichir le texte sur ce point.

Je tiens à souligner que des échanges ont eu lieu entre l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD, l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, l’OCLAESP et le CNOSF.

C’est très important, car les contrôles doivent être vécus par les sportifs non pas comme une contrainte, mais comme un moyen de les protéger. Une réflexion en amont est nécessaire pour définir des modalités de contrôle précises et concertées : il faut avant tout que l’ensemble des acteurs et, en premier lieu, les représentants du mouvement sportif, se concertent de manière approfondie pour que cette évolution soit bien vécue.

Il me semble également essentiel que l’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif ne se traduise pas par un coût supplémentaire pour les fédérations sportives : il ne s’agit pas de grever le budget de ces dernières par de nouvelles mesures ! Aujourd’hui, nous disposons d’une garantie. Le président de l’AFLD, Bruno Genevois, m’a assuré par écrit que l’ensemble du dispositif serait financé sur les ressources propres de l’Agence. Il n’y a donc aucune inquiétude à avoir ! §

Il s’agit surtout de faire en sorte que les athlètes qui ne trichent pas et qui – j’en suis intimement persuadé – constituent la majorité des sportifs se sentent protégés.

Le mouvement sportif ne cesse de regretter les amalgames auxquels donnent lieu les affaires de tricherie. Il accueillera donc favorablement ce nouveau dispositif de protection. Toutefois, il convient d’en assurer la mise en œuvre avec beaucoup de précision, sans alourdir les procédures, sans contraindre les acteurs de manière excessive et sans laisser libre cours aux abus de ceux qui prennent part à la lutte contre le dopage, notamment de certains contrôleurs. Je vous donnerai des précisions sur ce point lors de la discussion des articles.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

M. David Douillet, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous sais très attachés au développement du sport dans notre pays. Je vous invite donc à adopter cette proposition de loi qui vise tout simplement à préserver les intérêts et l’intégrité du sport français.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette fin de législature, nous battons des records des vitesses lors de la discussion des textes législatifs : ainsi, nous examinons aujourd’hui un texte déposé il y a moins d’un mois à l’Assemblée nationale, et la commission mixte paritaire se réunira dès demain !

Ni les délais d’examen normalement prévus ni le Parlement n’ont donc été respectés dans cette affaire, et je ne suis pas certain que les meilleures garanties d’une bonne législation aient été préservées.

Toutefois, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat a souhaité travailler de manière constructive, afin d’élaborer un texte utile au monde sportif tout en préservant l’intérêt général.

À cet égard, j’invite chacun de nos collègues à prendre le temps d’écouter attentivement les arguments des uns et des autres, afin que le débat ne soit pas tronqué et que l’ensemble des problématiques puisse être abordé.

J’insiste plus particulièrement sur cette exigence s’agissant de l’article 1er, qui, sous des aspects techniques, a un impact réel et pose des questions de fond sur l’engagement des responsabilités de chacun dans des dommages liés à l’exercice d’une activité sportive.

Le dispositif prévu à l’article 1er est destiné à alléger le poids financier qui menace certaines fédérations sportives ou organisateurs d’événements depuis un revirement jurisprudentiel de novembre 2010. Il s’agit, dans la pratique, de diminuer le nombre de cas où la responsabilité civile des sportifs peut être mise en cause.

Je souligne d’emblée pour nos collègues que l’on ne parlera aujourd’hui que de l’application de l’article 1384 du code civil relatif à la responsabilité du fait des choses, et non des dispositions sur la responsabilité délictuelle personnelle prévues aux articles 1382 et 1383 du code civil. Nous parlerons donc concrètement des dommages causés dans les sports qui mettent en jeu des objets : des ballons, des raquettes, des véhicules de tous genres, etc. En revanche, on ne parlera pas des accidents liés à un contact physique direct entre sportifs, lesquels ne sont pas concernés par la proposition de loi.

Quelle était la situation en matière de responsabilité civile dans le domaine sportif avant la jurisprudence de 2010 ?

Le droit était relativement clair : s’il arrivait un accident du fait d’une chose à un pratiquant sportif, deux situations étaient distinguées.

Première situation : on était seulement à l’entraînement et le sportif n’avait donc pas accepté de risque particulier. Une victime éventuelle devait dans ce cas être indemnisée du dommage subi du fait d’une chose. La faute n’avait pas besoin d’être prouvée, la responsabilité du gardien de la chose était présumée. Il devait réparation des dommages subis, qu’ils soient matériels ou corporels. Le plus souvent, cette personne était assurée via l’existence d’une licence fédérale à laquelle est rattachée une assurance responsabilité civile, laquelle permet la prise en charge de l’indemnisation. Toutefois, toutes les personnes mises en cause n’étaient pas forcément détentrices d’une licence ni d’une assurance responsabilité civile, ce qui pouvait rendre l’indemnisation plus difficile.

Deuxième situation : on était en compétition, et le sportif avait donc accepté un risque lié à la pratique de son activité sportive. La responsabilité de plein droit du fait des choses n’était pas acceptée par le juge et aucune indemnisation n’était prévue en cas de dommage.

Cette situation était très compréhensible du point de vue théorique : la participation à un sport impose d’assumer certains risques, notamment celui de subir des dommages. L’idée qu’un tiers n’ayant commis aucune faute doive vous indemniser pouvait paraître étrange. Par ailleurs, il pouvait également sembler étonnant d’admettre qu’un sportif n’ayant commis aucune faute doive indemniser un dommage provoqué par une chose dont il a la garde, sans en revanche indemniser un dommage provoqué par un contact physique direct.

Du point de vue de l’indemnisation des victimes, les perspectives étaient cependant différentes : en effet, l’indemnisation des dommages corporels va dans le sens de l’histoire et le juge comme le législateur tendent en général à rechercher le plus possible des voies d’indemnisation.

C’est dans cette optique qu’est intervenue la Cour de cassation en 2010.

L’arrêt du 4 novembre 2010 n’a en rien modifié le droit applicable à la première situation, celui du sportif du dimanche. Un dommage du fait d’une chose signifie engagement de la responsabilité de son gardien, qui signifie indemnisation.

En revanche, il a aligné sur le droit commun le droit applicable au sportif participant à une manifestation sportive. Un dommage du fait d’une chose pendant un match organisé par une fédération signifie ainsi engagement de la responsabilité de son gardien, qui signifie indemnisation.

Il n’y a plus de spécificité sportive en matière de responsabilité civile du fait des choses. La Cour de cassation a opéré un revirement dans le but de répondre à une demande sociale d’indemnisation des dommages corporels. On peut le comprendre.

Toutefois, répondant à un souci légitime d’assurer une indemnisation des victimes, la décision de la Cour a aussi des conséquences pernicieuses. Je vous rappelle que les fédérations et organisateurs ont une obligation d’assurer les pratiquants sportifs pour les dommages qu’ils créent.

La jurisprudence aura donc pour effet un renchérissement de leurs polices d’assurance, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, les dommages matériels devront également être indemnisés, ce qui n’était pas forcément l’objectif recherché par la Cour.

Ensuite, les risques de fraude seront fortement augmentés, comme je l’ai expliqué dans mon rapport.

Les fédérations de sports mécaniques et de nautisme seront également confrontées à un risque « d’inassurabilité », dans la mesure où elles mettent en jeu du matériel onéreux.

Enfin, plus profondément, nous assistons là à un risque de judiciarisation croissante des rapports entre les pratiquants d’une activité sportive, au détriment des valeurs profondes du sport.

Que prévoit l’article 1er ?

Tout simplement de définir un nouvel équilibre permettant de maintenir des garanties pour les victimes tout en évitant une explosion des primes d’assurance des fédérations, grâce à l’exclusion de l’indemnisation des dommages matériels.

L’atteinte aux personnes serait donc indemnisée, mais la voiture abîmée pendant une course automobile ou les lunettes cassées pendant un match de football ne seraient pas indemnisées par l’auteur du dommage.

Les pratiquants exonérés de responsabilité seront ceux qui font du sport sur un terrain dédié, l’idée étant que la victime présente sur un terrain de jeu a accepté les risques matériels liés à l’exercice de son activité. Nous aurons un débat sur le sujet de ce qui doit caractériser l’acceptation des risques : est-ce le fait d’être sur un stade ou de participer à une manifestation sportive ?

La commission a adopté cet article. Toutefois, il ne règle pas tous les problèmes liés à l’application de la responsabilité civile de droit commun en matière sportive, loin s’en faut !

Ainsi, étrangement, rien n’a été prévu pour la responsabilité du fait des animaux, alors que les jurisprudences relatives aux articles 1384 et 1385 du code civil sont en général très proches. Le sport hippique pourrait donc être la prochaine victime de la Cour de cassation, la proposition de loi n’ayant pas abordé la question.

La fédération française de motocyclisme est par ailleurs menacée du fait des dommages corporels occasionnés par la pratique de la moto. Là encore, la proposition de loi ne traite pas la question.

La commission de la culture a donc introduit un article visant à ce que le Gouvernement mène une réflexion globale sur ce sujet, en y associant le mouvement sportif. Peut-être pourra-t-il cependant nous apporter des premières réponses dès aujourd’hui.

Si cette proposition de loi ne constitue pas une réponse vraiment satisfaisante à la question de la prise en charge des risques dans le sport, elle constitue en revanche un support utile afin de régler quelques problématiques ponctuelles, mais urgentes en cette fin de législature.

Un enjeu important a par ailleurs été identifié à l’Assemblée nationale, celui de la revente illicite de billets pour les manifestations culturelles.

La loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs a créé, sur l’initiative de la commission de la culture du Sénat, un délit pénal de revente de billets pour des manifestations sportives afin d’éviter à la fois les risques liés aux mouvements de supporters mal placés dans les stades du fait de l’achat illicite de billets et celui de la spéculation sur l’accès aux stades, avec l’intervention d’intermédiaires qui achètent et revendent des places au détriment des spectateurs et des organisateurs.

L’Assemblée nationale a repris la disposition quasiment dans les mêmes termes, en l’étendant aux billets pour les manifestations culturelles et commerciales, estimant que des agissements similaires étaient constatés, au détriment de l’accès de tous à la culture. Elle a ainsi supprimé la disposition introduite dans le code du sport, afin de proposer un dispositif global dans le code pénal applicable à tous les types de manifestations.

L’article 2, qui fait l’objet de cette disposition, pourrait certainement être encore amélioré. On pourrait débattre à l’infini des mots et terminologies utilisés. La commission a cependant estimé que cette question méritait d’être définitivement tranchée. La revente habituelle de billets a une visée forcément spéculative et nuit grandement à l’image du sport et de la culture. Cette nouvelle infraction pénale est claire et aura, à n’en point douter, son utilité. La commission a donc adopté l’article conforme.

L’un des autres enjeux qui retiennent l’attention de ceux que concernent les questions sportives est celui du dopage. Il n’est bien évidemment pas question d’insérer dans ce texte des dispositions qui modifieraient trop profondément le visage de la lutte antidopage.

Certains petits aménagements sont cependant importants, notamment celui qui concerne le passeport biologique. Le code mondial antidopage permet aujourd’hui aux laboratoires accrédités d’établir à des fins d’antidopage le profil des paramètres urinaires ou sanguins des sportifs. Concrètement, il s’agit de détecter la prise de produits dopants grâce au caractère anormal de l’évolution des paramètres suivis. Le dopage est ainsi démontré non par la détection d’un dépassement de limites standards applicables à tous les athlètes, mais par la détection d’un dépassement des limites individuelles de chacun.

L’Union cycliste internationale, l’UCI, a déjà sanctionné des sportifs sur cette base. Des pays comme l’Allemagne et la Suisse l’utilisent également, et le tribunal arbitral du sport a validé cette méthode. Il s’agit d’une des pistes les plus intéressantes pour améliorer l’efficacité de la lutte antidopage, et je crois que la France doit s’y engager. Sur ce point, je souscris pleinement aux propos de M. le ministre, notamment lorsqu’il a estimé que le passeport biologique constituait une « avancée majeure ».

C’est la raison pour laquelle la commission a introduit un article visant à autoriser l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD, à effectuer des prélèvements en vue d’établir le passeport biologique des sportifs de haut niveau, des sportifs espoirs et des sportifs professionnels.

Cela permettra, dans un premier temps, de réaliser les contrôles de manière mieux ciblée.

Je vous proposerai, à titre personnel, un amendement visant à tirer toutes les conséquences de cette possibilité, en permettant à l’AFLD de prendre des sanctions sur la base d’évolutions des paramètres ne laissant aucun doute sur l’utilisation de produits prohibés. Nous débattrons également d’un amendement relatif aux agents sportifs.

En conclusion, et parce qu’elle considère que ce texte fait avancer utilement un certain nombre de questions qui lui tiennent à cœur, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication vous propose d’adopter ce texte, mes chers collègues.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que seraient les 24 heures du Mans si Anthony Beltoise avait assigné Allan McNish en responsabilité civile lors du terrible crash survenu en juin dernier ? Que seraient l’ensemble des événements sportifs si les pratiquants se livraient des batailles judiciaires dès la survenance d’un dommage matériel ou d’un dommage corporel ?

Un contentieux permanent de la recherche de la responsabilité d’autrui, incompatible avec l’esprit qui doit prévaloir en matière sportive, ruinerait tout bonnement la pratique sportive, qui se fonde, me semble-t-il, sur les valeurs de respect, de loyauté et de fraternité.

Quelle explication logique peut-on trouver à la différence de régime de responsabilité selon que le dommage est causé directement par le pratiquant ou par le biais d’une chose ?

Quelle est la différence entre une blessure causée à un pratiquant par le corps de son adversaire ou par le vélo de celui-ci, si ce n’est la gravité de la blessure ?

La présente proposition de loi vise principalement à répondre à ces situations incohérentes. Elle est une réponse ponctuelle à un arrêt rendu le 4 novembre 2010 par la Cour de cassation, arrêt qui bouleverse profondément le régime de la responsabilité civile des pratiquants sportifs.

Avant ce revirement de jurisprudence, l’acceptation des risques par les pratiquants sportifs était une cause exonératoire de responsabilité du fait des choses. La victime devait alors prouver la faute caractérisée de l’auteur du dommage pour être indemnisée.

Cette cause exonératoire ne pouvait être invoquée que pour les risques normaux et prévisibles, dans le respect des règles du jeu. Si la faute était prouvée, les victimes étaient protégées car les fédérations, sociétés et associations organisant ces événements ont l’obligation de souscrire une assurance couvrant la responsabilité civile de leurs pratiquants.

L’œuvre créatrice du juge est tout à fait compréhensible, car on ne peut imaginer un pratiquant sportif qui méconnaîtrait les risques qu’il encourt lors d’une compétition où chacun cherche à atteindre, et même à dépasser ses limites. M. le ministre le sait bien !

On ne peut imaginer une compétition où chacun chercherait à mettre en cause la responsabilité de l’autre, non plus qu’une compétition où chacun aurait peur de blesser l’autre, entraînant ainsi des contentieux interminables. Ce serait contraire au dépassement de soi et à la recherche de l’effort maximal qu’implique toute pratique sportive.

Si l’on ne peut exiger des pratiquants sportifs qu’ils se comportent en « bons pères de famille », on peut au moins s’attendre à ce qu’ils se comportent en joueurs honnêtes par une pratique loyale et respectueuse des règles du jeu. C’est ce que la jurisprudence antérieure à 2010 permettait.

Une remise en cause trop facile de la responsabilité de l’adversaire irait à l’encontre de la volonté et du courage que la pratique sportive implique.

En outre, elle aurait comme conséquence non négligeable une augmentation des primes d’assurance à la suite de l’évolution du nombre des accidents, mettant en péril l’organisation d’événements sportifs, notamment pour les sports mécaniques où le risque de dommages matériels et corporels est particulièrement important. Cet enjeu financier concerne non pas seulement les fédérations, sociétés ou associations sportives, mais aussi les finances publiques qui subventionnement, nous le savons, une large partie des budgets.

En réalité, la théorie de l’acceptation des risques est fortement contestée. La responsabilité du fait de choses, spécificité française, est elle aussi contestée, ce qui explique ce revirement de jurisprudence. D’où l’appel de nombreux juristes à la création des régimes spéciaux que l’on possède déjà, nous le savons, en matière d’accidents de la circulation ou de produits défectueux.

L’article 1er de ce texte semble donc rétablir une pratique plus pacifique du sport. Les pratiquants ne pourront plus être tenus responsables des dommages matériels causés à un autre pratiquant par le fait d’une chose. Cet article ne concerne que les pratiques sportives qui se déroulent sur un lieu réservé à celles-ci, bien sûr, ce qui inclut les séances d’entraînement, contrairement à l’ancienne jurisprudence de la Cour de cassation. En effet, que ce soit en compétition ou à l’entraînement, les pratiquants sportifs encourent les mêmes risques, nous le savons, mais aussi les acceptent.

Pour une meilleure protection des victimes, les dommages corporels feront l’objet d’une responsabilité de plein droit et la faute de l’auteur n’aura pas à être prouvée. Reste à savoir dans quelles proportions aura lieu l’augmentation des primes d’assurance du fait de cette exclusion. Le rapport sur les enjeux et les perspectives d’évolution du régime de la responsabilité civile en matière sportive, prévu à l’article 1er bis, devrait permettre une réflexion plus approfondie de l’ensemble des conséquences que toute modification de ce régime peut engendrer. Ce régime de responsabilité ne peut donc être, me semble-t-il, qu’un régime temporaire.

En outre, ce texte répond à deux autres problèmes ponctuels auxquels une solution doit être apportée de toute urgence, me semble-t-il.

L’article 2 est un prolongement de la loi qui vient d’être promulguée le 1er février dernier, visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, texte déposé sur mon initiative et avec le soutien du RDSE – je salue à cette occasion le président de mon groupe, Jacques Mézard, ici présent –, texte déposé, disais-je, il y a moins d’un an avant d’être adopté à l’unanimité par le Sénat, puis par l’Assemblée nationale. Cet article 2 revient donc sur le délit de revente des titres d’accès aux manifestations sportives, qui avait été adopté afin de protéger les consommateurs des escroqueries et de l’envolée des prix. Certains revendeurs, nous le savons, achètent une partie des places afin d’entraîner une augmentation des prix, ce qui va à l’encontre de l’accès à tous aux événements sportifs. Sur l’initiative de l’Assemblée nationale, le présent texte étend cette sanction aux manifestations culturelles et commerciales ainsi qu’aux spectacles vivants qui rencontrent ce même problème.

Enfin, l’article 3 vise à renforcer la lutte contre le dopage en créant un passeport biologique dont l’efficacité a été démontrée par l’Union cycliste internationale. Il suffira donc de constater le caractère anormal de l’évolution des paramètres urinaires et sanguins des sportifs pour déceler plus facilement l’utilisation de substances ou de méthodes dopantes.

Ces trois articles répondent donc à trois problèmes très différents mais très concrets. Au demeurant, même si le RDSE apporte son soutien à ce texte pour les raisons évoquées, l’adoption de celui-ci ne devra pas éclipser le débat de fond et plus approfondi qui devra s’instaurer sur une réforme plus large de la responsabilité civile en matière sportive. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui a pour but essentiel de rétablir un régime juridique équilibré en matière de responsabilité civile des sportifs dans les lieux réservés à la pratique sportive. Au-delà de l’aspect technique de la question, il s’agit aussi, indirectement, de préserver l’organisation de nombreux événements sportifs et les milliers d’emplois qui dépendent de ce secteur d’activité.

Il devient indispensable et urgent de remédier à une situation dangereuse pour la pérennité de nombreuses disciplines sportives, et je vous remercie, monsieur le ministre, du soutien que vous avez apporté à ce texte.

Le régime de responsabilité classiquement applicable aux sportifs était dérogatoire au droit commun : en vertu de la théorie jurisprudentielle dite de « l’acceptation des risques », les sportifs ne connaissaient pas le régime général de responsabilité sans faute du fait des choses prévu par l’article 1384 du code civil.

Concrètement, les sportifs victimes de dommages lors des entraînements ou des compétitions du fait de choses placées sous la responsabilité de leurs concurrents n’avaient pas systématiquement droit à réparation : ils ne pouvaient être indemnisés que dans les cas de faute avérée de leurs concurrents.

Comme son nom l’indique, cette théorie restrictive s’appuyait sur le caractère à la fois connu et assumé des risques encourus : elle permettait de se fonder sur l’attitude de la victime qui, du fait de son comportement, aurait accepté de courir les risques normalement liés à une activité pour lui refuser le bénéfice systématique de la responsabilité de plein droit.

Cela vient d’être rappelé, par un arrêt du 4 novembre 2010, la Cour de cassation a abandonné cette théorie et a placé les sportifs sous le régime général de responsabilité sans faute du fait des choses, le régime du code civil, beaucoup plus protecteur pour les victimes.

Ce revirement aux conséquences lourdes a pour causes principales l’incohérence constatée dans les conditions d’exonération de responsabilité : d’une part, les accidents survenus en compétition n’entraînaient pas de mise en cause de la responsabilité alors que les accidents survenus à l’entraînement engageaient cette responsabilité ; d’autre part, la détermination du caractère prévisible ou non du risque encouru s’avérait souvent délicate, voire parfois arbitraire.

La Cour assouplit ainsi considérablement les conditions de recevabilité et d’indemnisation des sportifs qui, pendant les compétitions, subiraient des accidents du fait de choses placées sous la garde de leurs concurrents.

Elle a non seulement mis fin à la nécessité d’une faute du responsable du dommage, mais elle a également instauré l’obligation de réparer tous les dommages causés par les choses dont un sportif a la garde.

Ce changement entraîne des risques de mise en cause bien plus systématique et plus fréquente pour les organisateurs d’événements sportifs à risques et pour les fédérations, qui sont les seuls acteurs soumis à une obligation d’assurance en responsabilité civile, aux termes de l’article L. 321-1 du code du sport.

En outre, alors qu’auparavant seuls les préjudices matériels et corporels pouvaient éventuellement entraîner une indemnisation, la nature des préjudices ouvrant droit à réparation est désormais étendue aux dommages moraux et immatériels, ce qui alourdira d’autant les frais mis à la charge des organisateurs et des fédérations.

Les conséquences de ce changement de régime sont considérables, notamment sur un plan financier : les primes d’assurance sont appelées à s’envoler. Cette augmentation se répercutera forcément sur les montants des licences payées par les sportifs, ce qui les découragera de les renouveler. Les assureurs pourraient aussi refuser de couvrir les risques étant donné l’ampleur potentielle des dommages à indemniser.

À la limite, certains organisateurs ou fédérations pourraient ne plus être en mesure d’honorer leurs échéances et être contraints de mettre un terme à leur activité.

La décision de la Cour de cassation entraîne donc un risque de déstabilisation juridique et financière qu’il est nécessaire de corriger.

Pour ce faire, la proposition de loi introduit un nouvel article L. 321-3 au code du sport, qui rétablit un régime proche du précédent : il exclut expressément du champ de la responsabilité civile sans faute les dommages causés, pendant l’exercice d’une activité sportive dans un lieu dédié, par une chose dont les pratiquants ont la garde.

Ce nouvel article écarte ainsi la responsabilité sans faute du fait des choses pour les dommages matériels, mais en limitant l’exonération aux seules activités effectuées dans des lieux spécifiquement consacrés, de façon permanente ou temporaire, à la pratique d’une activité sportive. Les accidents qui surviendraient entre sportifs en dehors de ces enceintes relèveraient du régime général du code civil.

Cette disposition de bon sens protège ainsi les organisateurs et les fédérations contre le risque excessif de voir leur responsabilité engagée, même, voire surtout, en l’absence de toute faute de leur part.

Les praticiens d’un sport connaissent et assument les risques qu’ils prennent et le législateur ne fait que transcrire juridiquement ce principe évident, d’ailleurs valable dans de nombreux autres pays.

Il ne pouvait être question de compromettre l’équilibre financier de nombreuses compétitions et fédérations sportives ni de décourager la pratique sportive auprès de millions de Français à cause de l’épée de Damoclès pesant sur tous les organisateurs d’événements sportifs.

J’en viens à l’article 2, motivé par un souci de moralisation et de régulation d’un autre volet, tout aussi important, de l’économie du spectacle et des manifestations sportives et culturelles : celui de la billetterie et des diverses pratiques qui s’y attachent.

En effet, les facilités offertes par internet pour la vente et la revente de billets de manifestations sportives et culturelles, jointes à la prolifération d’organisations aux contours incertains spécialisées dans la même activité, ont engendré, depuis plusieurs années, des dysfonctionnements et des abus manifestes dont tous les observateurs s’accordent à reconnaître l’ampleur et le caractère inquiétant.

Il s’agit pour l’essentiel de l’utilisation illégale des données personnelles recueillies à la faveur des transactions sur le Web, ainsi que d’escroqueries à la revente, avec des prix pouvant atteindre, voire excéder quatre à douze fois la valeur faciale du billet ! On pourrait ajouter aussi les éventuels troubles à l’ordre public, puisque c’est bien à de telles extrémités que l’on en arrive lorsque des clients floués ne peuvent accéder à la manifestation ou au spectacle pour lequel ils ont payé ou lorsque la prestation, notamment en fait de placement, ne correspond pas à ce qui leur avait été promis par l’intermédiaire.

Inutile de préciser qu’en termes d’image ces différentes dérives nuisent gravement aux organisateurs et intermédiaires légaux et licites, les spectateurs lésés n’ayant généralement pas le réflexe de les distinguer des canaux parallèles auxquels ils ont eu affaire.

En 2011, sur l’initiative du Sénat, l’article 53 de loi LOPPSI 2, ou loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, avait introduit dans le code de commerce une infraction de revente illicite de billets sur internet, mais le Conseil constitutionnel avait alors censuré cette disposition.

Aussi deux propositions de loi très voisines ont-elles été élaborées afin de lutter contre une dérive manifeste et de combler ce qui, en dépit de la décision du Conseil, s’apparentait bel et bien à un vide juridique : l’une déposée par ma collègue députée des Alpes-Maritimes, Muriel Marland-Militello, en juin 2011, visait à lutter « contre les escroqueries en matière de billetterie culturelle et sportive, en particulier sur internet », et l’autre, déposée par mes soins en juillet de la même année, conjointement avec notre collègue Jacques Legendre, alors président de la commission de la culture, était « relative à la vente illicite de billets pour les manifestations culturelles ou sportives ».

Parallèlement, l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté fin 2011, à l’article 8 bis A du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, des dispositions similaires visant, elles aussi, à remédier aux déviances que j’évoquais. Toutefois, ce texte étant toujours en navette entre les deux assemblées, son adoption définitive risque de ne pas intervenir avant la fin de la treizième législature, tout comme semble bien compromis, pour les mêmes raisons de calendrier législatif et politique, l’examen de nos deux propositions de loi...

C’est la raison pour laquelle nos collègues députés, en examinant dans le cadre de la procédure accélérée la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui, ont introduit à son article 2 des dispositions recoupant largement celles du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, et de nos propositions de loi respectives.

L’Assemblée nationale, amendant à cette fin le texte, a donc pour l’essentiel proposé de punir d’une peine de 15 000 euros la revente illicite de billets, sanction portée à 30 000 euros en cas de récidive.

Je me réjouis par ailleurs de voir la catégorie spécifique des spectacles vivants adjointe en tant que telle aux « manifestations culturelles » en général, spectacles vivants dont il est fait mention aussi bien dans la proposition de loi de Mme Marland-Militello que dans la mienne.

S’agissant de l’ensemble du dispositif proposé, je crois utile d’insister sur le fait que les dispositions soumises aujourd'hui à notre vote ont rencontré une adhésion totale des députés, qui, toutes tendances confondues, les ont adoptées le 6 février dernier. Des députés membres du parti socialiste aussi bien que de l’UMP se sont massivement ralliés à ces mesures, tant est évident leur bien-fondé, leur caractère fédérateur et « apolitique », au sens « non partisan » du terme.

De fait, l’objectif poursuivi est réellement primordial : il s’agit de protéger à la fois les consommateurs, victimes régulières d’abus et de tromperies caractérisées, et les détenteurs légaux de droits – artistes, sportifs, organisateurs, intermédiaires et autres –, naturellement lésés par le développement d’un marché noir de la billetterie, dont la recrudescence pourrait aller jusqu’à mettre en péril l’équilibre économique du secteur.

Bien entendu – et c’est aussi un point capital –, les dispositions prévues à l’article 2 sont le pendant naturel, pour les spectacles culturels, des protections déjà érigées en faveur des manifestations sportives par la loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, tout juste promulguée.

De ce point de vue, l’article 2 répond donc à une attente pressante du monde du spectacle et corrige une inégalité flagrante entre le monde du sport et celui de la culture.

En conséquence, le groupe UMP votera ce texte sans hésiter en espérant qu’il fera l’objet d’un large consensus au sein de notre assemblée. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Mon cher collègue, vous n’avez pas précisé la position des écologistes à l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les sénatrices et sénateurs écologistes jugent satisfaisantes les dispositions proposées dans ce texte.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs de l’Ump

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

L’article 1er de cette proposition de loi a pour objet de répondre à la jurisprudence de la Cour de cassation qui, dans deux arrêts rendus en 2006 et en 2010, a modifié les règles jurisprudentielles dans le domaine de la responsabilité civile du fait des choses.

Concrètement, il s’agit de rendre à celui qui prend le risque de pratiquer un sport dangereux la responsabilité de ses actes sur la dégradation de ses biens matériels, et non plus, comme c’est le cas actuellement, de conférer cette responsabilité à la fédération sportive ou à l’organisateur de la manifestation sportive.

En annulant le bénéfice de la théorie dite de l’acceptation des risques, la Cour de cassation avait œuvré dans un sens plus favorable aux victimes. Elle a de ce fait, en parallèle, placé certaines fédérations sportives dans une situation compliquée, en étendant à ces dernières le droit commun de la responsabilité civile. Les collectivités territoriales pourraient également être concernées lorsqu’elles sont organisatrices d’événements sportifs.

Ainsi, en application de l’article L. 312-1 du code du sport, c’est l’assurance couvrant la responsabilité civile des concurrents et souscrite par l’organisateur qui sera actionnée.

L’article 1er prévoit d’exclure la responsabilité sans faute pour les dommages uniquement matériels.

Cette solution est logique car elle valide que, lors de l’exercice d’une activité dangereuse, rien ne peut justifier de déplacer la charge du dommage sur une autre personne tant que ledit dommage est la conséquence du risque lui-même.

Le risque accepté par la victime doit lui être imputable, notamment dans le domaine des sports dits à risques.

Par ailleurs, pour m’en tenir au domaine purement sportif, j’évoquerai l’ajout, dans le cadre de la lutte contre le dopage, du passeport biologique pour les sportifs de haut niveau par la commission de la culture.

Le passeport biologique, déjà utilisé par l’Union cycliste internationale et également testé de manière concluante lors des derniers championnats du monde d’athlétisme en Corée du Sud, vise à collecter un maximum de paramètres endocriniens et stéroïdiens, afin de pouvoir les comparer et de mieux appréhender les athlètes en situation de dopage.

II est important de préciser qu’il s’agit non pas d’un passeport au titre d’un document d’identité, mais d’un moyen d’archiver, de manière chronologique, les différentes prises, afin d’établir un profil personnalisé. En cas d’enquête, les données resteront anonymes, et l’athlète y aura personnellement accès.

Monsieur le ministre, vous avez indiqué lors de votre propos liminaire que vous alliez nous donner des informations sur les abus liés à la lutte antidopage.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Je vais vous donner quelques exemples !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Si vous pouviez, par la même occasion, nous donner des garanties quant à la protection des données personnelles, je vous en serais reconnaissant.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Absolument ! Le Gouvernement a même déposé un amendement sur le sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Sont ici en ligne de mire des sites qui ont revendu, à maintes reprises, des places de spectacles à des prix exorbitants.

Cette revente à prix d’or, par deux fois sanctionnée au cours de ces dernières années, constitue un dommage d’autant plus grand qu’elle va, ainsi que l’ont souligné un certain nombre d’artistes, contre l’idée même de culture pour tous. « L’accès à la culture ne saurait être un luxe ! », avaient, en effet, proclamé une quarantaine d’artistes signataires d’une tribune dans la presse nationale demandant aux pouvoirs publics d’intervenir.

Comme vous le savez, certains sites internet n’hésitent pas à acheter un nombre important de billets pour les revendre au dernier moment à des prix prohibitifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cela a déjà été dit, on peut ainsi trouver à la revente des billets au prix de 200, 300, voire 400 euros, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… ou des billets proposés aux enchères, dont le montant peut facilement atteindre cinq fois le prix initial.

En outre, certaines des personnes qui avaient acheté des billets sur ces sites internet ne recevaient jamais les billets ou recevaient des billets qui ne leur permettaient pas d’accéder à la salle de spectacle.

Nous ne pouvons tolérer ces méthodes tout à la fois contraires aux valeurs de culture et de sport pour tous, et, parfois, frauduleuses : ni les artistes, ni les producteurs, ni les spectateurs n’ont à y gagner, bien au contraire !

Je tiens à préciser, pour m’en féliciter, que cet article ne vise en aucun cas les reventes que nous pourrions qualifier de « personnelles » entre deux amis, par exemple, car c’est le caractère répétitif de l’activité qui est ici visé.

Par ailleurs, les organisateurs de spectacles commencent à proposer des sites légaux de revente de billets entre spectateurs et se sont engagés à mieux informer les spectateurs de l’existence de cette possibilité.

Pour conclure, je dirai que ce texte comporte des avancées : les écologistes les soutiendront en votant pour la proposition de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours de l’actuelle campagne électorale, la politique peut nous diviser, mais le sport doit rester ce qu’il est et doit continuer à rassembler.

Partout, qu’il s’agisse d’épreuves internationales, nationales ou locales, le sport doit rester un élément de cohésion nationale mais aussi locale de notre société.

II y a certes les grands événements – et personne n’est mieux placé que vous, monsieur le ministre, pour en parler ! –, comme les jeux Olympiques, le Tour de France, Roland Garros, la Coupe d’Europe, qui nous rappellent la solidarité nationale, mais il y a aussi les milliers de compétitions locales, qui sont les animatrices incontournables de la vie d’un grand pays comme la France.

Oui, nous ne devons pas oublier l’étendard qui s’élève le long du mât, parallèlement au son de la Marseillaise. Et vous avez, pour votre part, monsieur le ministre, dignement porté les couleurs de la France ! Mais, il y a aussi dans toutes les disciplines les matchs de districts qui permettent à la France rurale d’apprécier les valeurs du sport.

Au bord de la touche, tout le monde connaît les joueurs de l’aire de jeu, et c’est ce qui fait que le sport rural est une grande famille. Bref, l’organisation par les fédérations sportives d’événements fait des heureux, tant chez les sportifs, qui pratiquent leur discipline, que dans le public, très nombreux à suivre les sportifs et à les encourager à se surpasser pour la victoire, mais aussi pour la beauté du jeu.

Mais, dans le sport comme ailleurs, la pratique de disciplines spécifiques comporte des risques.

Alors qu’il était établi de longue date, et selon une jurisprudence constante, que les sportifs assument, pour une large part, les risques qu’ils prennent dans le cadre de la pratique de leur discipline – c’est la théorie de l’acceptation des risques –, la Cour de cassation a opéré un revirement d’ampleur.

Récemment, la haute juridiction a opéré un passage d’un régime de responsabilité pour faute à un régime de responsabilité sans faute pour les dommages causés du fait des choses sous la garde des pratiquants, tels qu’un ballon, un véhicule ou encore une raquette.

Ainsi, dans son arrêt rendu le 4 novembre 2010, le juge a-t-il fait rentrer la responsabilité des sportifs dans le champ de la responsabilité de droit commun. Le cycliste au milieu du peloton, dont le vélo a été abîmé par un concurrent, dont la chaîne a déraillé, pouvait alors demander réparation du dommage causé. Mais, en courant le Tour de France, celui-ci n’a-t-il pas accepté d’emblée ce type de désagrément ?

En ne distinguant plus l’engagement de la responsabilité avec ou sans faute, n’enlève-t-on pas au sport ce qui lui donne de l’intérêt, à savoir le dépassement de soi, la prise de risque ?

Au-delà de la volonté affichée de garantir une meilleure protection aux victimes de dommages corporels, le juge a également ouvert la voie à des demandes d’indemnisation de tous les dommages matériels – pertes de revenus, destruction d’un véhicule, etc. –, mais aussi des dommages moraux et immatériels, comme la perte de chance d’obtenir un prix.

Dans une société où l’on accepte de moins en moins le risque et où l’on considère, surtout, que tout dommage, même sans faute, doit être réparé, il n’y aura plus de place pour le risque, pour le surpassement, bref pour le sport et ses aléas.

Les propos d’Aimé Jacquet, l’ancien sélectionneur de l’équipe de France de football, celle qui a gagné la Coupe du monde en 1998, symbolisent parfaitement cet état d’esprit : « Donner, recevoir, partager : ces vertus fondamentales du sportif sont de toutes les modes, de toutes les époques. Elles sont le sport. Le sport est dépassement de soi. Le sport est école de vie. »

Si cette jurisprudence perdurait, les montants des assurances pour les fédérations sportives seraient telles qu’elles seraient difficilement supportables financièrement. En conséquence, ces augmentations seraient répercutées sur le prix des billets, enlevant de fait à de nombreuses manifestations leur caractère populaire.

C’est pourquoi je salue et soutiens, à l’instar de la plupart de mes collègues, le dispositif prévu à l’article 1er de la proposition de loi, qui dispose que les pratiquants sportifs ne peuvent être tenus pour responsables des dommages autres que corporels, c'est-à-dire des dommages matériels causés par une chose dont ils ont la garde à l’encontre d’un autre pratiquant, à l’occasion de l’exercice d’une pratique sportive sur un lieu réservé de manière permanente ou temporaire à cette pratique.

Cette règle, qui me paraît juste et équilibrée, évitera une explosion des primes d’assurance des fédérations, grâce à l’exclusion de l’indemnisation des dommages matériels.

En outre, lors de son examen à l’Assemblée nationale, les députés ont profité de la navette pour insérer une disposition dont nous avions déjà parlé dans le cadre de la loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs. Elle a pour objet de durcir les dispositions relatives à la revente illégale de billets pour des manifestations sportives qui ont été étendues aux manifestations culturelles et commerciales, ainsi qu’aux spectacles vivants. Il faut travailler avec bon sens, et cette mesure me semble bien fondée.

En revanche, il ne faut pas, me semble-t-il, inquiéter ceux qui, parce qu’ils ont un empêchement de dernière minute, un empêchement familial par exemple, sont contraints de revendre leurs billets de spectacle sur internet, en toute bonne foi et en dehors de toute intention spéculative.

Enfin, et j’en terminerai par là, si la navette à l’Assemblée nationale a permis de faire monter un passager supplémentaire – la revente des billets –, un deuxième est monté en commission au Sénat. Vous l’avez deviné, il s’agit du dopage.

On pourrait le voir comme un passager clandestin, puisqu’il n’est pas directement lié au sujet principal du régime de responsabilité. Pourtant, quand on parle de sport, il est difficile d’éviter ce sujet capital, ce fléau qui enlève au sport, notamment au Tour de France, ses lettres de noblesse. L’annulation de la victoire du Tour 2010 vient nous rappeler qu’il n’est pas question qu’un sportif dopé vole la victoire à ceux qui respectent les règles du jeu.

Voilà pourquoi, chers amis, et ce sera ma conclusion, je soutiens avec mon groupe la disposition introduite en commission visant à ficher les profils biologiques des sportifs. Cela permettra de déceler plus facilement l’utilisation d’une substance illicite par un sportif professionnel.

Pour ces différentes raisons, mon groupe votera cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP. – M. Jean Desessard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne vais pas tenir les mêmes propos ! « S’il n’en reste qu’un, je serai celui-là », comme le chante Eddy Mitchell !

Je vais briser l’unanimité qui s’est exprimée jusqu’à maintenant.

À l’origine, ce texte ne comportait qu’un article et concernait uniquement le régime de responsabilité sans faute du fait des choses dans le cas de la pratique normale d’une activité sportive sur un lieu spécialement dédié. Sont donc concernés les sports pour lesquels un instrument est nécessaire – ski, moto, automobile ou autres – et lorsque c’est l’instrument qui est la cause des dégâts.

Ce sujet, aussi technique soit-il, revêt toutefois un caractère politique. Auparavant, la jurisprudence précisait les règles des responsabilités en matière sportive de la manière suivante.

Lors des entraînements, les sportifs étaient réputés avoir conscience des risques inhérents à l’entraînement de dommages qu’ils pouvaient causer et étaient soumis au régime du code civil : ce sont donc eux qui indemnisaient les victimes.

Lors des compétitions, en revanche, les fédérations sportives et les clubs délégataires d’un service public, étaient pour des raisons tenant à l’ordre public, estimés responsables sans faute des dommages causés à un sportif par un autre : ce sont alors les fédérations qui indemnisaient les victimes.

Un arrêt de la Cour de cassation du 4 novembre 2010 a modifié ces règles qui étaient par ailleurs assez fluctuantes. Elle a ainsi étendu la responsabilité sans faute des fédérations aux entraînements. Ce n’est plus le sportif gardien de la chose, en l’espèce le conducteur de la moto, qui doit indemniser la victime, mais la fédération, que le dommage soit corporel ou matériel.

La conséquence directe est donc une augmentation des primes d’assurance des fédérations, celles-ci devant désormais prendre en compte l’indemnisation des risques matériels. Il est donc prévu, par cette proposition de loi, de revenir sur l’arrêt de la Cour de cassation.

Dans son article 1er, elle dispose que la responsabilité sans faute est réservée aux seuls dommages corporels. Autrement dit, les fédérations sont responsables et leurs assurances indemnisent les éventuels préjudices corporels causés aux victimes, mais pas ceux qui sont causés sur des objets matériels ; la victime en a alors la responsabilité, et son assurance la charge.

L’enjeu est donc quasi exclusivement financier et se résume en une question : qui a la charge du paiement assurantiel ?

Fruit du lobby des sports mécaniques, cette loi a pour objet l’exonération des fédérations de sport du surcroît de prime d’assurance causé par la Cour de cassation. Mais, pour nous, il n’y a aucune justification juridique ou théorique valable de nature à dégager les fédérations de leur responsabilité pour les seuls cas de dégâts matériels.

Si la victime est présumée ne pas avoir accepté le risque lié au sport quand elle subit des dommages corporels, pourquoi aurait-elle davantage accepté le risque dans le cas d’un dommage matériel ?

La seule justification est financière : cela coûte trop cher à certaines fédérations qui ont un fort pouvoir de lobbying, ce qui n’est pas un argument recevable pour légiférer.

Au contraire, les fédérations disposent d’un rapport de force plus favorable face aux assurances que les individus isolés, ce qui pourrait améliorer l’indemnisation des victimes. Nous pensons à protéger l’ensemble des sportifs.

De plus, si l’impact financier est particulièrement important pour les fédérations de sport mécanique, les dégâts matériels y étant coûteux, ces fédérations ont les moyens d’en supporter le coût.

Nous voterons donc contre cet article et proposerons d’ailleurs un amendement de suppression.

Quant à l’article 2 introduit à l’Assemblée nationale et portant sur la revente illicite de billets, en dehors du fait qu’il constitue un cavalier législatif, il permettra peut-être de clore un long débat commencé voilà plus d’un an et repris par pas moins de trois projets et propositions de loi.

La vente et la revente illicite de billets de manifestations sportives, culturelles ou commerciales seraient ainsi sanctionnées pénalement au nom de deux arguments : la lutte contre les troubles à l’ordre public causés par cette revente aux abords des stades et salles de représentation, et la lutte contre la prolifération de sociétés commerciales basées sur internet qui mettent en revente ou proposent à des individus de revendre des billets et qui en tirent profit de manière habituelle en opérant ces ventes à des prix dépassant largement la valeur initiale du titre d’accès.

Il ne s’agit pas de condamner les personnes qui, de manière exceptionnelle, revendent leurs billets pour des empêchements divers, mais bien de condamner ceux qui font commerce de l’achat et de la revente de manière régulière, spéculant sur la valeur du billet en créant une pénurie factice au détriment du consommateur et nuisant à l’accès du plus grand nombre à la culture.

Cette disposition a été pour la première fois intégrée dans la LOPSSI 2.

L’argument invoqué était alors principalement d’éviter les troubles à l’ordre public. Mais il n’est pas recevable, car les atteintes à l’ordre public sont déjà sanctionnées en tant que telles par le code pénal, et il n’est nul besoin de créer de dispositions spécifiques. Le texte a d’ailleurs été invalidé par le Conseil constitutionnel comme méconnaissant le principe de nécessité des délits et des peines.

Une nouvelle version de cet article a donc été présentée dans le projet de loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs adopté en février 2012 ne visant alors que les manifestations sportives quand, dans un même temps, le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs l’envisageait de manière plus large : culture et manifestations commerciales comprises.

C’est le deuxième argument qui a alors été valorisé : celui de l’enrichissement des sociétés et des personnes facilité par internet sur le dos des producteurs, organisateurs et consommateurs, sans création de valeur et par simple effet de spéculation.

Sur ce point, y a-t-il un vide juridique ? Y a-t-il nécessité de légiférer ? On peut le penser car la loi de 1919 ne permet d’interdire que la revente des seuls billets subventionnés par l’État à un prix supérieur à la valeur initialement fixée. La loi, qui ne vise normalement que les spectacles de théâtre, a été utilisée par les tribunaux en juillet 2011 et en janvier 2012 dans un sens plus large pour condamner des sociétés ayant revendu à prix fort des spectacles musicaux et des places de festivals.

Il existe donc aujourd’hui un vide juridique, non pas en termes de protection de l’ordre public, mais sur la revente des places de spectacles culturels et d’événements commerciaux non subventionnées par l’État, les manifestations sportives étant déjà encadrées.

Nous voterons donc en faveur de cet article, comme pour les dispositions insérées par le Sénat visant à lutter contre le dopage, véritable cancer du sport.

Toutefois, mes chers collègues, ne perdons pas de vue l’objet initial de cette proposition de loi, laquelle, avant d’être « enrichie », ne concernait que le régime de responsabilité civile sans faute du fait des choses.

Nous nous abstiendrons donc lors du vote sur l’ensemble, tout en réaffirmant notre ferme opposition à l’article 1er, fondement de cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Bailly

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier notre rapporteur, Jean-Jacques Lozach, pour le travail qu’il a fourni en un temps très limité du fait de l’engagement de la procédure accélérée, un travail d’autant plus intéressant qu’il balaie plusieurs domaines.

Le texte que nous examinons aujourd’hui vient, en effet, parfaire des dispositifs précis, mais jusqu’ici insatisfaisants. Il s’est enrichi de réformes essentielles à travers de nouveaux articles ajoutés au texte initial, tant à l’Assemblée nationale que lors de son examen en commission dans notre assemblée.

Je suis convaincu que ce texte apporte de réelles améliorations. Toutefois, monsieur le ministre, et j’aurai l’occasion d’y revenir, il s’attaque à des problématiques très mouvantes qui demanderont au législateur une réactivité et un pouvoir d’ajustement dans les années à venir.

Le premier article porte sur la responsabilité du fait des choses dans le domaine sportif. Il vient répondre aux conséquences non souhaitées ou non souhaitables, devrais-je dire, d’un revirement de jurisprudence amorcé par la Cour de cassation en novembre 2010.

Cette jurisprudence permet une indemnisation plus aisée pour celui qui subit un préjudice corporel ou matériel du fait d’une chose. En cela, cette jurisprudence revient complètement sur la théorie de l’acceptation du risque qui voulait que le sportif mesurait celui-ci et en acceptait les éventuelles conséquences négatives.

Concrètement, ce sont désormais les fédérations ou les organisateurs qui recourent à leur assurance pour dédommager les victimes. S’agissant du dédommagement corporel, nous pensons que cela va dans le bon sens et nous trouvons la jurisprudence de 2010 satisfaisante sur ce point précis.

En revanche, nous restons persuadés que la prise en compte par les fédérations du dédommagement sur les dommages matériels pose problème. En effet, plus souvent et plus lourdement sollicitées, les assurances des fédérations ont bien évidemment augmenté leur prix, ce qui entraîne un fort surcoût pour les organisateurs d’événements sportifs.

Oui, nous pensons qu’il y a urgence à agir, car les budgets se trouvent menacés et la tenue de certaines compétitions pourrait être remise en cause. Il faut donc exclure le matériel du champ de la responsabilité de plein droit. Toutes les fédérations subissent les répercussions financières de la jurisprudence de 2010 et les juges eux-mêmes ont été réticents à appliquer un tel droit. En conséquence, nous soutenons cet article 1er, qui rééquilibre les responsabilités.

De plus, sur l’initiative du rapporteur, la commission a souhaité insérer un article 1er bis, qui assure un suivi des enjeux liés à la responsabilité civile en matière sportive. Ainsi, en lien avec le mouvement sportif, monsieur le ministre, le Gouvernement pourra mettre en place un suivi du dispositif et produire un rapport d’ici au mois de juillet 2013.

Ce sont, à notre avis, deux conditions indispensables, qui sont autant de garanties d’avoir le meilleur dispositif possible. Nous soutiendrons bien évidemment cet article 1er bis.

Je voudrais maintenant en venir au deuxième sujet qui nous intéresse : la revente de billets.

Lorsqu’elle est dévoyée, cette pratique est un fléau, vous le savez tous. Elle assure des profits importants à des personnes ou des entreprises qui n’ont ni organisé ni produit les manifestations dont ils revendent les titres d’accès. C’est donc le consommateur, le passionné, qui se voit contraint de payer, souvent au prix fort, un titre d’accès ou, parfois même, d’y renoncer à cause d’une flambée illégale des prix.

Pour faire face à ce phénomène, nous nous sommes déjà attelés à légiférer sans trouver de réponse globale. Lors de l’examen de la loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, nous avions trouvé ici-même un dispositif adapté aux manifestations sportives. Forte de cette avancée, l’Assemblée nationale a proposé un dispositif analogue étendu à toutes les manifestations, qu’elles soient culturelles, sportives ou commerciales. C’est une très bonne chose. Maintenant, ceux qui revendront des billets pour en tirer de larges profits se frotteront à une juridiction pénale avec, en premier lieu, une possible amende de 15 000 euros et davantage en cas de récidive.

Le groupe socialiste est très favorable à un tel dispositif. Nous adopterons donc l’article conforme.

L’unanimité est aussi de mise lorsqu’on parle de dopage, unanimité pour le condamner et le combattre, bien sûr. C’est un sujet lourd de sens, car il touche à l’esprit même du sport. Il est peut-être aussi, malheureusement, le symbole d’un monde où certains sont prêts à passer au-dessus de toute règle, de tout principe, pour sortir vainqueur. Cela n’est évidemment pas notre conception du sport.

Nous avons toujours été en pointe dans la lutte contre le dopage, comme en attestent les décisions prises et les réformes courageuses réalisées par le gouvernement de Lionel Jospin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Bailly

Mais il s’agit d’un combat que l’on doit sans cesse renouveler, face à un adversaire cherchant toujours à avoir un temps d’avance.

Ce qui nous intéresse tout particulièrement aujourd’hui, c’est le passeport biologique, moyen très dissuasif, car fondé non pas sur un contrôle ponctuel, mais sur un suivi longitudinal. Ainsi, il est beaucoup plus difficile de tricher, notamment lors des phases de préparation.

Force est de constater qu’en France, monsieur le ministre, nous sommes en retard sur ce sujet, par manque de volonté gouvernementale d’avancer. Lors de la discussion de la loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, vous avez argué du fait que le passeport biologique n’était ni techniquement ni scientifiquement au point. À l’écoute de votre intervention, aujourd’hui, il me semble que vous avez évolué sur le sujet.

D’ailleurs, des pays comme l’Allemagne ou la Suisse, des fédérations telles que l’Union cycliste internationale l’ont adopté, et le tribunal arbitral du sport, instance sportive de référence, en a fait une preuve reconnue pour le prononcé de sanctions contre le sportif dopé.

En tout état de cause, cette proposition de loi vient combler une partie du retard français, vous en conviendrez, en consacrant le passeport biologique. Nous souhaitons d’ailleurs que des sanctions puissent être prises sur la base de celui-ci.

Le groupe socialiste est donc favorable à l’article 3, ainsi qu’à l’amendement portant article additionnel après l’article 3. Mais j’ai encore en tête le budget 2012 et les moyens, malheureusement en baisse, qui y sont prévus pour l’Agence française de lutte contre le dopage.

Si nous ne sommes pas à la hauteur de l’enjeu, nous ferons toujours la course derrière les tricheurs, comme vous-même l’avez dit lors de votre intervention.

La question du dopage renvoie à une certaine éthique du sport, tout comme celle des agents sportifs. Cette profession a fait l’objet d’une loi de 2010 comportant des qualités, mais également bien des défauts.

Vous le savez, monsieur le ministre, vous qui vous êtes publiquement prononcé pour que les agents ne puissent plus être payés par les clubs, il est clair qu’une telle disposition, que nous sommes sur le point de voter, éviterait bien des conflits d’intérêts. Nous aurons l’occasion d’en rediscuter lors de l’examen des articles, mais, dès à présent, je tiens à affirmer la position du groupe socialiste, lequel souhaite mieux encadrer une profession qui gagnera à être moins opaque et moins dépendante des clubs.

Debut de section - PermalienPhoto de Ambroise Dupont

Monsieur le rapporteur, je voudrais tout d’abord saluer le travail qui a été accompli en commission, dans un temps trop court même si ces dispositions répondent à une certaine urgence.

Pour brève qu’elle soit – deux articles initiaux et deux articles ajoutés en commission -, cette proposition de loi soulève d’importantes questions, comme la responsabilité des sportifs ou encore la lutte contre le dopage. C’est dire si elle concerne tous nos concitoyens, à l’heure où l’on prône la pratique sportive comme une règle de bonne santé.

Je n’aborderai que la question de la responsabilité des sportifs en cas de dommages causés lors de l’exercice de leurs activités. Il s’agit d’un domaine suffisamment vaste et – nos débats en commission l’ont montré - qui soulève beaucoup de questions.

Sans revenir entièrement sur la genèse de ce texte – M. le ministre et M. le rapporteur l’ont déjà fait -, je rappellerai qu’au nom d’une certaine spécificité sportive, destinée à « faire vivre le jeu », la responsabilité du fait des choses, fondée sur le premier alinéa de l’article 1384 du code civil, était traditionnellement écartée. En clair, il n’était pas retenu de responsabilité sans faute prouvée. Les risques inhérents à la pratique étaient supposés acceptés.

L’arrêt de la Cour de cassation du 4 novembre 2010, qui n’est pas un arrêt d’assemblée plénière, a consacré le principe de la responsabilité sans faute d’un sportif gardien de la chose instrument d’un dommage, afin de mieux prendre en compte la demande sociale d’indemnisation des victimes.

Ce changement a entraîné des conséquences lourdes pour les organisateurs d’événements et les fédérations sportives utilisant notamment des véhicules, puisqu’il ouvre un droit à indemnisation, sans avoir de faute à prouver, dès lors qu’un dommage causé par une chose, dont le sportif est gardien, est avéré.

En outre, l’impact financier est non négligeable, puisque ce nouveau régime de responsabilité démultiplie les possibilités de mise en cause des organisateurs et des fédérations, pour les sports ou activités physiques faisant intervenir une chose. J’ai lu des documents évoquant, par exemple, un doublement des primes d’assurance pour les sports mécaniques, dont je rappelle qu’ils sont majoritairement loin de l’opulence dans laquelle se trouve le monde de la Formule 1.

Cette proposition de loi vise donc à revenir à une situation plus équilibrée, en permettant de soustraire au régime de la responsabilité sans faute les dommages matériels causés à l’occasion de l’exercice d’une pratique sportive, sur un lieu dévolu à celle-ci, par une chose dont les pratiquants ont la garde, à l’encontre d’autres pratiquants. J’en suis d’accord.

Pourtant, tout n’est pas résolu. En effet, à mon sens, le texte est perfectible. La commission l’a enrichi et j’ai moi-même déposé plusieurs amendements, dont un a été repris dans le texte de la commission. Il demeure cependant trop large, car, à bien le lire, il s’appliquerait aux enfants ou aux adultes s’adonnant à un loisir sportif de manière occasionnelle.

Aussi, il m’apparaît important de préciser l’exclusion de responsabilité des dommages matériels aux seuls pratiquants titulaires d’une licence. Selon les chiffres officiels, il y aurait environ 16 millions de licenciés sportifs, ce qui est déjà considérable.

Ceux-ci, rattachés à une fédération déterminée, sont supposés mieux connaître leur sport et les risques qu’ils encourent en l’exerçant. Une telle solution permettra de revenir à une situation proche de celle qui prévalait antérieurement à l’arrêt de la Cour de cassation de novembre 2010. Les pratiquants licenciés, qui sont des pratiquants habituels, sont présumés mieux connaître leur sport et donc avoir une pleine conscience des dangers « normaux » de celui-ci.

De toute évidence, les pratiquants occasionnels ne le sont pas et il ne m’apparaît donc pas justifié de mettre sur un même plan les sportifs « du dimanche » et les sportifs licenciés.

D’autre part, le texte prévoit l’exclusion de la présomption de responsabilité des pratiquants du fait des dommages causés par les choses dont ils ont la garde à « l’occasion de l’exercice d’une pratique sportive ».

Je crois utile de préciser qu’il doit s’agir d’une pratique sportive « au cours d’une manifestation sportive ou d’un entraînement, sur un lieu spécifiquement réservé à cette pratique », afin de ne pas exclure de l’indemnisation dans le cadre d’une responsabilité sans faute, les dommages causés par des pratiques sportives occasionnelles, pour lesquelles ces pratiquants, notamment les enfants, ne sont jamais assurés pour leurs biens matériels.

Cette nouvelle rédaction permettra aussi de revenir à une situation proche de celle qui prévalait avant l’arrêt de la Cour de cassation de novembre 2010. Je rappelle que le juge vérifiait si le sportif en cause participait bien à un entraînement ou une compétition pour déterminer son acceptation des risques et, le cas échéant, son exonération de responsabilité. En outre, le critère unique du lieu aurait abouti à ce que la seule présence d’un pratiquant dans cet espace entraîne exemption de responsabilité et non-indemnisation du dommage.

Comme je l’ai dit en introduction, le texte aborde un sujet vaste et complexe. Je regrette que, compte tenu des délais, nous n’ayons pas pris le temps de mesurer, comme une étude d’impact aurait pu le faire, toutes les conséquences qu’il entraîne pour les responsables, pour les victimes et pour les assureurs. L’avis de quelques juristes spécialistes du droit de la responsabilité nous aurait ainsi éclairés davantage.

Il aurait également été intéressant de mieux en mesurer l’impact sur les compagnies d’assurance, qui, je l’espère, ne seront pas amenées, avec le dispositif envisagé par la proposition de loi, à engranger des recettes considérables via les primes d’assurance responsabilité civile des pratiquants occasionnels non licenciés, pour des cas d’indemnisation qui seraient réduits. Il conviendrait ainsi de mieux informer, dans le cadre des contrats « multirisques habitation, les assurés pratiquant un sport des nouvelles limites d’indemnisation ».

Si le texte restait en l’état, il aurait de lourdes conséquences dans la vie de nos familles. Selon moi, un juste milieu est à trouver entre deux grands principes : celui du « tout assuré » et celui de la responsabilité personnelle. Je crains que nous n’allions trop loin, au détriment des victimes.

L’examen de ce texte aura permis de porter un éclairage particulier sur la judiciarisation des rapports entre sportifs, dans un contexte global de judiciarisation croissante de la société. La réflexion sur la responsabilité en matière sportive doit donc se poursuivre et c’est d’ailleurs tout le sens de l’article 1er bis, adopté en commission, qui prévoit un rapport au Parlement sur ce sujet. J’y suis tout à fait favorable. §

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la culture, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, plusieurs orateurs viennent d’intervenir sur cette proposition de loi, dont une des ambitions est de mieux encadrer la vente des titres d’accès aux manifestations sportives, commerciales et culturelles, ainsi qu’aux spectacles vivants.

Tel est le sens de l’article 2, issu d’un amendement voté à l’Assemblée nationale, adopté sans modification par notre commission, sur lequel je vais concentrer mon propos.

Il vient compléter le code pénal par un article punissant d’une amende de 15 000 euros les pratiques de revente massive et répétée, considérées comme habituelles, des titres d’accès à ces événements, et ce quels qu’en soient le support et la forme.

Mes chers collègues, pourquoi prévoir un tel dispositif aujourd’hui et dans ce texte en particulier ?

À mes yeux, deux raisons principales le justifient. Cet article 2 tend, d’une part, à répondre à des pratiques recrudescentes, lesquelles perturbent l’organisation de certaines manifestations depuis plusieurs années et menacent, au final, l’accès à la culture pour tous. Il vise, d’autre part, à combler un vide juridique, parachevant les travaux législatifs entrepris au cours des derniers mois sur cette problématique.

Le législateur a donc constaté que la revente des billets s’est amplifiée de manière incontrôlée et spéculative, aux abords des stades, des salles de concert, à l’entrée des festivals et, surtout, sur les sites internet de revente. Cette économie souterraine crée une situation préjudiciable, tant pour les spectateurs que pour les producteurs et organisateurs des spectacles.

En effet, lors de la mise en vente des droits d’accès à un événement sportif ou culturel très couru, si une personne physique ou morale achète massivement des tickets d’entrée en vue de réaliser un bénéfice, le prix nouvellement fixé devient le plus souvent prohibitif. Cette augmentation artificielle de la demande exclut donc une partie importante du public, ce qui n’est pas acceptable.

Par ailleurs, il est anormal que l’intermédiaire autoproclamé, alors qu’il n’a pas été autorisé par le producteur, l’organisateur ou le propriétaire d’exploitation, avec qui il n’entretient aucun rapport contractuel, puisse s’enrichir.

De plus, ces reventes sont susceptibles de créer des troubles à l’ordre public. C’est le cas lorsque des personnes ont acquis des titres non valables sur ce second marché.

Ensuite, force est de constater que, face à ces réalités, le dispositif juridique est actuellement insuffisant, même s’il a été partiellement renforcé dans le cadre de la loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’était alors prononcée en faveur de la création d’une infraction constituée par la revente de billets lors des manifestations sportives. Le vote du texte a permis de combler en partie ce vide juridique, mais en partie seulement puisque le champ d’application reste très restreint.

Certes, la loi de 1919 portant répression du trafic de billets de théâtre s’applique encore et prévoit l’interdiction de reventes de billets à des prix supérieurs à ceux qui ont été fixés initialement, mais son champ d’application, celui des « théâtres et concerts subventionnés », reste très limité. Aussi, pour cette raison, les députés ont choisi de reprendre la disposition concernant les manifestations sportives, en l’étendant à la revente des billets d’entrée à une manifestation culturelle, commerciale et au spectacle vivant. Cette extension est pertinente en ce qu’elle offre un dispositif global plus protecteur dans le code pénal.

Au Sénat, une initiative prise dans le cadre de la loi dite lLOPPSI 2 avait été censurée par le Conseil constitutionnel, notamment parce que la disposition en cause n’autorisait pas la revente occasionnelle faite par des particuliers. Ce n’est plus le cas dans ce texte.

D’autres textes de loi ont prévu des dispositifs élargis. Une proposition de loi, déposée en juillet 2011 par certains de nos collègues, visait à inclure les manifestations culturelles et le spectacle vivant, mais elle n’a toujours pas été inscrite à l’ordre du jour.

La procédure accélérée étant engagée sur le présent texte, l’adoption de l’article 2 permettrait une avancée législative qui fait globalement consensus, à droite comme à gauche, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.

Parce que l’accès à la culture pour tous doit être défendu et que le lien entre le public et l’artiste se fait essentiellement sur scène, il nous faut lutter efficacement contre ce phénomène pernicieux qu’est la revente spéculative des tickets d’entrée. Il s’agit d’une pratique préjudiciable pour tous ceux qui se voient ainsi privés de la possibilité de vivre des moments culturels, sportifs, festifs. De tels moments de partage doivent rester accessibles à tous.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les artistes se sont manifestés pour dénoncer, eux aussi, une telle pratique : aussi est-il nécessaire de voter cet article 2 en particulier. Au demeurant, le groupe socialiste soutiendra la proposition de loi dans son ensemble. §

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera également sur l’article 2, relatif à l’élargissement de l’encadrement de la vente de billets. Cette disposition rejoint la proposition émanant du groupe de travail sur le spectacle vivant, que je copréside avec notre collègue Jean-Pierre Leleux.

Après diverses tentatives du législateur, la formulation législative à laquelle nous aboutissons finalement semble satisfaire le plus grand nombre.

Il est en effet urgent d’instaurer des mesures permettant de protéger non seulement les spectateurs, les artistes, mais aussi les producteurs des abus constatés sur le second marché de la billetterie. Les risques d’escroquerie sont d’autant plus élevés à l’ère d’internet et de ses transactions dématérialisées.

Du fait des choses déjà dites, je me contenterai d’illustrer les dérives constatées en la matière en relatant un événement survenu dans mon département, en juillet 2011, qui a causé beaucoup d’émoi dans le milieu du spectacle et des festivals, très nombreux en Finistère.

Cela s’est passé dans le cadre du festival des Vieilles Charrues à Carhaix, …

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Ses organisateurs, associatifs pour la plupart, ont découvert l’existence d’un second marché sur le site de la compagnie Viagogo Limited.

Saisi de cette affaire, le juge des référés du tribunal de grande instance de Brest a ordonné aux responsables du site, sous astreinte de mille euros par jour, de retirer toutes les annonces de vente et d’achat de billets dont le prix ne serait pas indiqué ou se révélerait supérieur à la valeur faciale. Pour mémoire, je rappelle qu’un pass 4 jours, vendu 137 euros sur le site officiel, était proposé à partir de 440 euros sur celui de Viagogo et pouvait aller jusqu’à 600 euros !

M. Jean Desessard s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Or tous les pass 4 jours avaient été vendus en quelques heures sur le site officiel, et ce dès l’ouverture de la billetterie en ligne en avril dernier. Je rappelle que le festival a lieu en juillet.

Le juge s’est appuyé sur la loi du 27 juin 1919, laquelle interdit la revente de places à un prix supérieur pour les événements subventionnés. Il a également pris en compte le préjudice d’image, du fait, selon les termes employés, de l’« objectif social » du festival, qui pratique des tarifs permettant l’accès au plus grand nombre.

C’est maintenant l’Opéra de Paris qui menace de porter plainte contre le site de Viagogo, ayant appris que, lors d’une tournée du Bolchoï en mars-avril 2011, une famille suisse y avait acheté quatre places pour 650 euros, alors que celles-ci, situées en loges « semi-aveugles », se vendaient 10 euros au guichet.

Il était donc urgent d’élargir un tel encadrement à toutes les manifestations. Tel est l’objet de l’article 2. Rappelons néanmoins, car c’est important, que le fait de cibler les pratiques spéculatives réalisées de manière habituelle n’empêche aucunement, ce qui contreviendrait, bien sûr, aux libertés individuelles, la revente occasionnelle de billets intervenant entre des particuliers, a fortiori des proches.

Ce sont bien les canaux de vente parallèles qu’il apparaît nécessaire d’encadrer, afin de protéger les spectateurs d’un préjudice non seulement financier, mais aussi moral, à la mesure de la déception ressentie à l’idée de ne pouvoir assister à la manifestation tant attendue. Il était temps d’agir, surtout quand on pense au discrédit jeté sur l’organisateur ou à l’image ternie d’un festival ou d’un artiste, du fait de tous ces déboires et des prix excessifs payés par les spectateurs.

Voilà un point sur lequel je souhaite mettre l’accent : il s’agit, au travers de ces mesures, de favoriser l’accès à la culture pour tous, de créer les conditions nécessaires à la rencontre entre l’artiste et son public, via une démocratisation de l’offre culturelle et des politiques tarifaires raisonnables.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, espérons donc que, grâce à ce texte, l’intérêt des spectateurs, des artistes, des producteurs et diffuseurs de spectacle sera efficacement préservé !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Jean Boyer applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Après l’article L. 321-3 du code du sport, il est inséré un article L. 321-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 321 -3 -1. – Les pratiquants ne peuvent être tenus pour responsables des dommages matériels causés à un autre pratiquant par le fait d’une chose qu’ils ont sous leur garde, au sens du premier alinéa de l’article 1384 du code civil, à l’occasion de l’exercice d’une pratique sportive sur un lieu réservé de manière permanente ou temporaire à cette pratique. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’amendement n° 1, présenté par M. Le Scouarnec, Mmes Cukierman, Gonthier-Maurin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

L’article 1er vise à revenir sur la position, pourtant favorable aux victimes, exprimée par la Cour de cassation dans son arrêt de 2010. Cette jurisprudence permet, dans le domaine de la pratique sportive, de faire systématiquement porter la responsabilité sans faute du fait des choses sur les fédérations, non sur les victimes.

Je rappellerai les deux principales raisons de notre opposition à cet article.

D’une part, il est le fruit du lobby de certaines fédérations sportives, notamment la fédération française du sport automobile et la fédération française de motocyclisme, qui n’acceptent pas d’assumer la responsabilité financière de dommages causés sur des objets matériels. Dans ces disciplines, les dégâts sur des voitures ou motos sont extrêmement coûteux et les assurances en tiennent compte dans leur tarification.

Nous ne voulons cautionner aucun lobby : la loi doit servir l’intérêt général et non résoudre des problèmes particuliers, qui plus est lorsqu’ils ne visent qu’à dégager d’une charge financière des institutions ayant vraisemblablement les moyens d’en supporter le coût.

D’autre part, notre réaction première est confortée par l’absence évidente de fondements juridiques ou philosophiques quant à la distinction instaurée à l’article 1er. En effet, sur quel élément s’appuie-t-on pour rétablir la responsabilité de la victime pour les dommages matériels, tout en affirmant que, dans le cas d’un dommage corporel, c’est la fédération qui assume le risque ?

Nous préférons nous en tenir à la position exprimée par la Cour de cassation dans son arrêt de 2010, position plus favorable aux victimes. Nous proposons donc de supprimer cet article, afin de pouvoir adopter les autres dispositions, que nous soutenons, contenues dans la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

L’exonération de responsabilité du fait des choses pour les dommages matériels présente effectivement un réel intérêt pour un certain nombre de fédérations, notamment celles qui traitent de sports mécaniques ou nautiques.

L’idée qu’une seule jurisprudence puisse conduire à l’extinction d’activités aussi anciennes et populaires que la course automobile ou les régates est perturbante. Rien n’empêche d’avoir une réflexion sur les dégâts que causent ces activités sur l’environnement ou la santé de chacun et de les mettre en balance avec le plaisir qu’elles apportent et le rôle très important de cohésion sociale qu’elles jouent sur certains de nos territoires.

Toutefois, il ne faudrait pas aller jusqu’à la remise en cause totale de telles activités. L’article 1er, en permettant une indemnisation des dommages corporels tout en évitant un engagement trop systématique de la responsabilité pour l’indemnisation des dommages aux biens, me paraît équilibré.

C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1 de suppression de ce qui constitue la colonne vertébrale de la proposition de loi.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Monsieur Le Scouarnec, je fais évidemment mien l’avis défavorable émis par M. le rapporteur. In fine, c’est bien de la pérennité de certaines fédérations et activités sportives qu’il s’agit. Je pense, bien sûr, au sport automobile et au motocyclisme, mais pas seulement, puisque peuvent être également concernés le cyclisme, la voile, voire le ski, dont la pratique requiert aussi un matériel très coûteux. Tout cela n’est pas simple.

Je dois à la vérité de le dire, dès lors qu’une fédération devient inassurable, elle est malheureusement condamnée à la mort, purement et simplement.

Pour ce qui est des dommages corporels, que j’aurais peut-être l’occasion d’évoquer de nouveau tout à l’heure, nous travaillons sur un fonds d’indemnisation en vue d’accélérer le processus et d’assurer un soutien financier significatif. L'ensemble des pratiquants concernés, licenciés ou non, et ce à tous les niveaux, doivent pouvoir, dans l’attente d’une réponse des compagnies d’assurance, être pris en charge le plus tôt possible et dans de bonnes conditions.

À l’évidence, les auteurs de la proposition de loi entendent eux aussi protéger les victimes au maximum. Mon action au sens large, celle du mouvement sportif s’inscrivent dans ce même état d’esprit, partagé par tous les acteurs de la société civile.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par MM. A. Dupont et B. Fournier, Mme Mélot et M. Savin, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

pratiquants

insérer le mot :

licenciés

et après le mot :

pratiquant

insérer le mot :

licencié

La parole est à M. Ambroise Dupont.

Debut de section - PermalienPhoto de Ambroise Dupont

Selon moi, il convient de faire une distinction entre les pratiquants occasionnels et les pratiquants licenciés. Le degré de connaissance du risque encouru, sur laquelle s’est fondée toute la jurisprudence en la matière, est un critère à prendre totalement en compte pour déterminer le niveau de responsabilité à assumer.

Or il ne faudrait pas que, à l’occasion de cette proposition de loi, à laquelle, je l’ai dit, je souscris, on passe de ce « tout » qu’a créé la Cour de cassation à « rien », du fait du retour de balancier proposé.

Nul ne peut contester qu’il y ait une distinction à opérer entre le licencié, qui appartient à une fédération et pratique son sport avec une totale connaissance du risque, et le pratiquant occasionnel. Selon que l’accident est causé par l’un ou l’autre, le traitement de la victime me semble devoir être différent. Je propose donc d’ajouter l’adjectif « licencié » au terme « pratiquant » chaque fois que celui-ci apparaît dans le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Si la notion de « pratiquants » est bien sûr beaucoup plus large que celle de « licenciés », les premiers participent souvent aux activités sportives dans les mêmes conditions que les seconds.

Par exemple, parmi les concurrents d’une course à pied, rares sont ceux qui se trouvent détenteurs d’une licence. Pourtant, tous doivent assumer les mêmes risques potentiels. Les organisateurs de ce type de manifestations se voient d’ailleurs dans l’obligation d’assurer, en matière de responsabilité civile, les pratiquants occasionnels exactement comme les licenciés.

Il n’y a donc pas de raison de les distinguer, d’autant que le champ d’activité concerné par l’exonération de responsabilité est limité. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Monsieur Dupont, la mise en pratique de votre idée aboutirait à créer une réelle rupture d’égalité entre les sportifs, entre les licenciés et les pratiquants occasionnels. Deux cas de figure me viennent à l’esprit.

Premièrement, il peut arriver qu’un pratiquant ait un problème avec un licencié. Dès lors, comment cela se passerait-il ?

Deuxièmement, un sportif peut se croire licencié alors qu’il ne l’est pas. Pareille situation m’est personnellement arrivée, alors que j’étais athlète de haut niveau, et je n’ai pas été le seul dans ce cas. En raison de dysfonctionnements informatiques, la reconduction automatique de ma licence ne s’est tout bêtement pas faite. Or il a fallu quelques mois avant que mon président de fédération s’en aperçoive. Et pourtant, je le dis en toute humilité, la Fédération de judo est l’une des mieux tenues. Vous imaginez ce qui peut arriver dans d’autres fédérations ! Ce genre d’incident peut poser bien des problèmes. C’est avec pragmatisme et bon sens que j’évoque ces exemples extrêmement pratiques qui, je vous l’assure, ne sont pas rarissimes.

Je vous demanderai donc, monsieur le sénateur, de retirer votre amendement qui, je regrette de vous le dire, n’est pas du tout dans l’esprit de la loi. À force de saucissonner un peu partout, plus personne ne va s’y retrouver ! Pour le coup, cette loi n’aura plus de sens face aux problèmes qui vont se multiplier. Certains seront amenés à abuser, trafiquer leur licence, dire qu’ils ne l’ont pas eue en temps et en heure ou encore à ne pas prendre leur licence justement pour fausser les données. Tout cela risque d’être très compliqué !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Je crois que notre collègue serait bien inspiré de retirer son amendement qui ne ferait que compliquer les choses.

Aux arguments développés tant par M. le rapporteur que par M. le ministre, j’en ajouterai un. Il arrive qu’après avoir été titulaire d’une licence et d’avoir eu une connaissance parfaite des risques encourus dans l’exercice d’une discipline, un sportif décide d’arrêter sa pratique en tant que licencié, tout en continuant à pratiquer à titre occasionnel. L’abandon de sa licence fait-elle perdre à l’intéressé sa connaissance des dangers liés à la pratique de cette discipline ? Je ne le pense pas.

Si cet amendement était adopté, il nous ferait entrer dans un juridisme flou, qui ne manquerait pas d’être à l’origine de complications. Sans doute certains avocats y trouveraient-ils l’occasion de faire fortune mais le règlement des problèmes de sécurité que peuvent connaître les amateurs de sport qui pratiquent soit avec une licence, soit à titre occasionnel ne s’en trouverait absolument pas facilité.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. A. Dupont, Dufaut, B. Fournier et Legendre, Mme Mélot et M. Savin, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

pratique sportive

insérer les mots :

au cours d’une manifestation sportive ou d’un entraînement en vue de cette manifestation sportive

La parole est à M. Ambroise Dupont.

Debut de section - PermalienPhoto de Ambroise Dupont

Il s’agit toujours de préciser les conditions dans lesquelles devrait s’appliquer la loi.

Le présent amendement permettrait de réduire l’exonération de responsabilité des dommages matériels aux seuls pratiquants, dans le cadre d’une manifestation sportive ou d’un entraînement, sur un lieu spécifiquement réservé à cette pratique, ces critères étant cumulatifs.

Le critère géographique tel qu’il est prévu dans la proposition de loi est insuffisant. La seule présence d’un pratiquant dans cet espace géographique entraîne exemption de responsabilité et non-indemnisation du dommage. Par exemple, le simple fait qu’un skieur ou un lugeur se trouve sur une piste de ski ou qu’un footballeur soit sur un terrain de football impliquerait qu’il a pleine conscience des risques et les accepte en connaissance de cause.

La rédaction issue du présent amendement permettra, par le biais du régime de présomption de responsabilité du fait de la chose, la prise en charge des dommages matériels causés lors de pratiques sportives occasionnelles pour lesquels les pratiquants occasionnels, notamment les enfants, ne sont jamais spécifiquement assurés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Cet amendement tend à prévoir qu’il ne suffira pas que le dommage matériel ait lieu sur un terrain de jeu pour que l’exonération de responsabilité joue automatiquement. Il faudra aussi que le dommage matériel ait lieu au cours d’une manifestation sportive ou d’un entraînement en vue de cette manifestation sportive.

L’intérêt de cet amendement serait de régler un certain nombre de situations très circonscrites et, à cet égard, l’exemple du ski me semble judicieux. Comme cette adjonction nous semble opportune, la commission a émis un avis favorable.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Le Gouvernement a voulu faire une loi claire et précise. Il s’agit de définir un champ d’application par l’introduction de la notion de lieu dédié à la pratique sportive. Même un non-pratiquant est capable de comprendre cela. Dans la mesure où un lieu de pratique sportive est clairement identifié, cet amendement me paraît inopportun.

En réalité, il complexifierait le dispositif sans raison et ne ferait que multiplier les possibilités de non-application de la loi. C'est la raison pour laquelle j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.

L'amendement est adopté.

L'article 1 er est adopté.

Avant le 1er juillet 2013, le Gouvernement remet au Parlement un rapport, élaboré en concertation avec le comité national olympique et sportif français, relatif aux enjeux et perspectives d’évolution du régime de responsabilité civile en matière sportive. –

Adopté.

(Non modifié)

I. – Le chapitre III du titre Ier du livre III du code pénal est ainsi modifié :

1° La section 2 est complétée par un article 313-6-2 ainsi rédigé :

« Art. 313 -6 -2. – Le fait de vendre, d’offrir à la vente ou d’exposer en vue de la vente ou de la cession ou de fournir les moyens en vue de la vente ou de la cession des titres d’accès à une manifestation sportive, culturelle ou commerciale ou à un spectacle vivant, de manière habituelle et sans l’autorisation du producteur, de l’organisateur ou du propriétaire des droits d’exploitation de cette manifestation ou de ce spectacle, est puni de 15 000 € d’amende. Cette peine est portée à 30 000 € d’amende en cas de récidive.

« Pour l’application du premier alinéa, est considéré comme titre d’accès tout billet, document, message ou code, quels qu’en soient la forme et le support, attestant de l’obtention auprès du producteur, de l’organisateur ou du propriétaire des droits d’exploitation du droit d’assister à la manifestation ou au spectacle. » ;

2° Au premier alinéa de l’article 313-9, la référence : « et à l’article 313-6-1 » est remplacée par les références : «, aux articles 313-6-1 et 313-6-2 ».

II. – L’article L. 332-22 du code du sport est abrogé. –

Adopté.

Après l’article L. 232-12 du code du sport, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 232 -12 -1. – S’agissant des sportifs mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 232-15, les prélèvements biologiques mentionnés au premier alinéa de l’article L. 232-12 peuvent avoir pour objet d’établir le profil des paramètres pertinents dans l’urine ou le sang de ces sportifs aux fins de mettre en évidence l’utilisation d’une substance ou méthode interdite en vertu de l’article L.232-9.

« Les renseignements ainsi recueillis font l’objet d’un traitement informatisé par l’Agence française de lutte contre le dopage dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’information, aux fichiers et aux libertés. »

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Bailly

Sur l’initiative de notre rapporteur, Jean-Jacques Lozach, nous nous apprêtons à donner une base légale au principe du « passeport biologique ». Notre assemblée s’honore d’être à l’initiative d’une telle avancée dans la lutte contre le dopage. Nous avons tous conscience qu’en cette matière nous sommes engagés dans une course contre la montre : les trafiquants et les dopés ont souvent une longueur d’avance sur les contrôles et le législateur.

C’est pourquoi les sénateurs socialistes se félicitent qu’une fois de plus la France figure parmi les pays précurseurs et aux avant-postes de la lutte contre le dopage. En effet, actuellement seules la Suisse et l’Allemagne appliquent déjà le profilage des paramètres biologiques des sportifs.

D’aucuns estimeront que cette autorisation donnée à l’AFLD nuit à la « compétitivité internationale » des sportifs français. Pour nous, cet argument n’est pas recevable.

D’abord, parce qu’il s’agit, avant tout, de protéger la santé de nos sportifs. C’est un objectif de santé publique.

Ensuite, parce que la préservation de l’éthique de notre mouvement sportif nous paraît un principe supérieur. Quelle gloire la France pourrait-elle tirer d’un haut rang sportif entaché d’une suspicion de violation des règles du jeu, pour ne pas dire de tricherie et de non-respect des valeurs éthiques du sport ?

Enfin, parce que notre pays ne peut que se féliciter de figurer parmi ceux qui sont à la pointe de la lutte contre le dopage. À nous d’œuvrer sur la scène internationale pour la généralisation du profilage biologique dans la lutte contre le dopage, puisque le code mondial antidopage le permet déjà !

Bien sûr, nous en sommes convaincus, son application nécessite des ajustements, notamment au regard du protocole à suivre, mais nous aurons l’occasion d’en reparler.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

font l’objet

par les mots :

peuvent faire l’objet, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État,

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Cet amendement vise à élaborer un rapport sur les modalités d’instauration du profil biologique. Il sera remis au Gouvernement et au Parlement dans un délai d’un an.

Un comité dont la composition est fixée par arrêté du ministre des sports sera chargé de sa rédaction. Compte tenu de l’importance et de la sensibilité du sujet, il convient de poursuivre la consultation que j’ai engagée sur la création du passeport biologique. Cette concertation de tous les acteurs – AFLD, Comité national olympique et sportif français, fédérations… – est totalement primordiale afin d’expertiser tous les tenants et aboutissants d’une telle mesure.

Il s’agit, en fait, de travailler dans la précision, de manière chirurgicale, si j’ose m’exprimer ainsi, sur un sujet extrêmement lourd et grave pour les athlètes. Il est pour nous extrêmement important de connaître le sentiment réel de l’ensemble des intervenants et, surtout, du mouvement sportif.

Comme je le disais au cours de la discussion générale, il ne s’agit pas de créer une disposition et de découvrir, chemin faisant, qu’elle est mal, peu ou pas acceptée par le mouvement sportif. Ce que nous voulons, c’est bien organiser les choses pour que tout le monde soit d’accord. D’où l’intérêt de ce rapport.

Tout à l’heure, j’ai évoqué des événements qui se sont déroulés à l’occasion de localisations de prélèvements. Si nous sommes obligés de revenir sur certains points, c’est notamment en raison de l’attitude de préleveurs qui a été à l’origine de problèmes pour plusieurs athlètes. Le cas n’est pas unique, il s’est arrivé quatre ou cinq fois en France. Vous imaginez ce qu’il peut en être partout ailleurs !

Vous le savez, les préleveurs ont le droit d’arriver à l’aube, à partir de six heures du matin, et de manifester leur présence à trois reprises. Dans la pratique, ils tapent trois fois à la porte ou ils appuient trois fois sur la sonnette. Et puis, si personne ne répond, ils peuvent partir.

Il s’agit de constater un no show, une non-présentation de la personne au lieu qu’elle a indiqué et dans la tranche horaire précisée.

Il se trouve que, dans certains cas, des préleveurs sont arrivés à la porte des athlètes, ont sonné trois fois de suite à six heures du matin précises. Après quoi, ils sont repartis. Quand, après avoir pris le temps de se réveiller, de se lever et de s’habiller, l’athlète a ouvert la porte, il a constaté que quelqu’un était au bout du couloir. Et ce quelqu’un était un préleveur qui lui disait avoir sonné trois fois sans réponse, ce qui constituait, selon lui, un no show.

C’est pour éviter ce genre de petits incidents que nous avons besoin de temps pour expliquer, faire comprendre, former tout le monde au nouveau dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

discussion, et non l'amendement n° 8.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Les amendements n° 8 et 7 et le sous-amendement n° 6 ayant été soumis à notre assemblée voilà seulement quelques minutes, la commission n’a pas pu les examiner. Le rapporteur pourra certes nous donner des éclaircissements sur ces textes, mais son avis n’engagera pas la commission de la culture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

En effet, la commission n’a pas eu le temps d’examiner l’amendement n° 8. Au demeurant, la consultation du Conseil d’État qui est envisagée ne nous pose pas de difficultés particulières. À titre personnel, j’émets donc un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Dominique Bailly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Bailly

Nous ne sommes pas défavorables a priori à l’instauration d’un comité de préfiguration chargé d’étudier les conditions d’application de ce passeport biologique, surtout s’il institutionnalise une consultation du mouvement sportif telle que vous l’avez définie.

Néanmoins, nous sommes soucieux du délai d’entrée en vigueur du passeport biologique. Nous souhaitons ne prendre aucun retard dans la lutte contre le dopage, objectif unanimement partagé, me semble-t-il. Nous pouvons souscrire au principe de la concertation avec l’ensemble des acteurs concernés proposée par le Gouvernement si celui-ci ne diffère pas l’entrée en application du passeport biologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

La France peut s’honorer d’être pionnière en matière de contrôle anti-dopage et, plus généralement, de lutte contre le dopage.

Il faut le dire, le dopage est un véritable fléau non seulement parce qu’il constitue une tricherie, mais aussi parce qu’il remet en cause l’intégrité physique et la santé des sportifs. C’est souvent dans un but lucratif qu’on y a recours, mais pas toujours : il ne s’explique parfois que par un désir de gloriole, la simple volonté d’arriver devant l’autre…

On s’est aperçu que, pour lutter efficacement contre le dopage, il fallait améliorer le dispositif de contrôle.

J’ai été, à l’Assemblée nationale, rapporteur du texte présenté à l’époque par le ministre Roger Bambuck, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

... qui prévoyait un contrôle sanguin. Le Conseil d’État, en particulier par la voix de Guy Braibant, l’avait refusé, considérant que le sang, contrairement à l’urine, était partie intégrante de la personne. Depuis, bien sûr, on a beaucoup avancé, et le dépistage passe maintenant par des techniques plus « sophistiquées ».

Je me réjouis que l’on s’oriente vers l’instauration du passeport biologique, qui a d’ailleurs été d’ores et déjà mis en place dans certaines équipes afin de surveiller l’évolution du profil des sportifs, de manière à détecter d’emblée la prise de médicaments ou de produits interdits. Par exemple, si le taux d’hématocrite d’un sportif varie de façon anormale, on saura à quoi s’en tenir et on pourra dès lors s’y référer pour déclencher un contrôle.

Le passeport biologique a le mérite de s’inscrire dans la durée, à la différence d’un contrôle effectué à l’instant t. Il est donc plus efficace en ce qu’il permet de mieux prendre en charge la santé des sportifs.

Monsieur le ministre, il convient certes de consulter le mouvement sportif sur ce sujet, mais je sais que celui-ci est favorable, tout autant que nous, à la lutte contre le dopage et à la restauration de l’intégrité du sport. Il faut cependant éviter tout retard. Certes, nous pouvons attendre encore quelques mois, mais la mesure que vous nous proposez ne doit pas avoir un caractère dilatoire : j’aimerais que vous nous rassuriez sur ce point. Les choses vont toujours mieux en les disant !

Par ailleurs, il faudra bien que, un jour ou l’autre, nous fassions progresser la réflexion sur la question de l’autorisation des médicaments à usage thérapeutique. C’est une question qui me tient à cœur depuis des années ; du reste, elle avait déjà été soulevée lorsque j’étais rapporteur du texte de Mme Marie-George Buffet. En tout cas, nous devons être, là aussi, très vigilants.

L’état de santé de certains sportifs nécessite la prise de médicaments, mais d’autres se servent de ce prétexte pour tricher. Ainsi trouve-t-on, dans certaines disciplines olympiques, 70 % de sportifs asthmatiques ! Faut-il en conclure que l’asthme constitue un atout si l’on veut devenir un sportif de haut niveau ? §

En résumé, le passeport biologique représente une avancée, mais il nous faudra aussi mener ultérieurement, en concertation avec le monde sportif, une réflexion sur l’autorisation à usage thérapeutique de produits souvent utilisés dans un but de tricherie.

Nous devons permettre à tous de faire du sport, y compris aux personnes atteintes de certaines affections, mais, en même temps, nous devons prendre garde à ne pas aider les tricheurs.

Je voterai donc l’amendement du Gouvernement, à condition que le passeport biologique entre rapidement en vigueur et qu’une concertation s’engage dès les prochains jours.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Il va de soi que nous respecterons le calendrier prévu et essaierons d’aller le plus vite possible : le passeport biologique doit être mis en place dès juillet 2013, comme le prévoit la proposition de la loi.

Toutefois, il nous faut auparavant informer tous les acteurs concernés de cette innovation et recueillir l’avis de chacun sur la problématique propre à chaque discipline. Tout doit être bien en place pour le jour où cette nouvelle disposition sera effectivement mise en œuvre. Il est nécessaire d’anticiper d’éventuels problèmes, comme ceux qui se posent en matière de localisation, même s’il s’agit de points de détail. Je rappelle que, au terme de trois no show, le sportif est déclaré positif...

Par ailleurs, le passeport biologique permet d’affiner les contrôles classiques, qui se font aujourd’hui de manière inopinée et tous azimuts, même s’il existe des listes dédiées. Il faut actuellement réaliser de nombreux contrôles pour obtenir un certain nombre de résultats. Grâce au passeport biologique, seuls les cas suspects seront traités. Le coût des contrôles en sera réduit d’autant, et l’AFLD, rassurée sur ce point, le prendra en charge. Ainsi le curseur baissera d’un côté et montera de l’autre.

En affinant les contrôles, nous pourrons trancher un plus grand nombre de cas litigieux, notamment dans les sports de fond, qui comptent, comme par hasard, beaucoup plus d’asthmatiques qu’ailleurs. C’est effectivement un très bon exemple, monsieur Néri !

Le passeport biologique nous permettra aussi d’étudier certaines évolutions physiologiques liées à la pratique sportive. Peut-être le fait de ventiler beaucoup, depuis la plus tendre enfance, prédispose-t-il un individu à devenir asthmatique ? Il est certain que l’apparition soudaine d’un asthme à l’occasion d’une sélection aux jeux Olympiques peut sembler étrange… Ce document fournira donc des informations précieuses sur de telles situations.

Il est important, sur des sujets aussi graves, de travailler de manière sérieuse, méthodique et concertée, car la tricherie par le dopage – vous avez eu raison de le rappeler – porte atteinte à ceux qui ne trichent pas et dégrade la santé de celui qui se livre à cette tricherie. Il s’agit de protéger de jeunes sportifs, qui n’imaginent pas les conséquences sur leur vie future de ces pratiques malhonnêtes, car ils n’ont pas de vision à long terme. Et, dans certains cas, le dopage peut même entraîner la mort à un très jeune âge !

Enfin, le passeport biologique nous permettra de restreindre l’influence des mafias qui gagnent beaucoup d’argent avec les produits dopants. Selon l’OCLAESP et Interpol, ce sont les mêmes truands qui sévissent dans le monde du dopage et dans celui de la corruption sportive. En luttant contre le dopage, nous lutterons aussi contre ces mafias du sport, qui, si elles prospèrent moins dans ce secteur, auront tendance à s’en éloigner.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

J’ai beaucoup d’admiration pour le sportif que vous avez été, monsieur le ministre, mais j’ai du mal à comprendre vos propos !

Vous nous avez dit tout à l’heure que vous n’étiez plus licencié « à l’insu de votre plein gré ». (D’un côté, vous dites qu’il faut combattre le dopage, pour toutes les bonnes raisons que vous avez évoquées, et, de l’autre, vous mettez en place un comité, ce qui va nécessairement repousser la solution du problème.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Non, au contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Vous êtes favorable à la publication d’un rapport, ce qui est très rare pour un ministre, et vous préconisez la création d’un comité chargé de préfigurer la création du profil biologique des sportifs. Tout cela donne l’impression qu’on cherche à gagner du temps !

Selon vous, il s’agit d’y voir plus clair. Peut-être ai-je mal compris le sens de votre intervention, mais je ne peux m’empêcher de penser qu’on gagne du temps pour retarder l’instauration du passeport biologique.

Y a-t-il des accords européens qui incitent à agir en ce sens ? Des fédérations sportives vous ont-elles demandé de leur accorder un délai ? Pour quelles raisons objectives essayez-vous de gagner du temps ? Quelles résistances ce délai supplémentaire vous permettra-t-il de vaincre ?

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Rassurez-vous, monsieur le sénateur, si je pouvais mettre en œuvre cette mesure demain, je le ferais !

Debut de section - Permalien
David Douillet, inistre

Depuis que nous travaillons sur ce sujet, le Comité national olympique et sportif français nous a posé seize questions, alors que tout semblait plutôt clair au départ ! Dès que l’on commence à étudier une question de manière précise, c’est tout un processus de réflexion qui s’enclenche. Voilà pourquoi il faut du temps...

Rien n’est pire que de régler les curseurs avant de mettre la machine en route, puis de pédaler dans le vide sans que l’ensemble des parties prenantes aient saisi les tenants et les aboutissants du problème.

Sur ce sujet grave et précis, prenons le temps de la concertation pour que la machine soit bien rodée et fonctionne à plein régime le jour de son lancement ! Telle est ma préoccupation.

Par ailleurs, j’ai vu trop souvent des tricheurs biaiser et invoquer des vices de procédure pour échapper à la règle commune. Lorsque l’un d’eux parvient à s’échapper, pour un simple vice de forme, cela me fend le cœur : alors qu’on sait pertinemment qu’il triche, tout le dossier s’effondre du fait d’un vice de procédure et le tricheur vous glisse entre les doigts ! C’est l’horreur !

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

C’est pourquoi il nous faut prendre le temps de mettre ce dispositif correctement en place. Nous devons éviter que les mailles du filet ne s’élargissent et ne laissent passer de gros poissons, qui n’hésiteront pas à manger les plus petits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Alain Dufaut, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

Je souhaite mettre l’accent sur un point qui n’a pas été évoqué lors de ce débat.

M’intéressant depuis des décennies aux problématiques du dopage et ayant été le rapporteur de nombreux textes législatifs sur ce sujet au sein de cette assemblée, je suis convaincu que la généralisation du passeport biologique sera l’un des moyens les plus performants de lutter contre le dopage. L’AFLD a tout à fait raison de souhaiter la mise en place de ce dispositif, mais j’ai eu l’occasion de dire en commission combien ce procédé gagnerait en efficacité s’il était généralisé à tous les pays et à toutes les fédérations sportives, ce qui n’est hélas pas le cas.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Pour l’instant !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

Lors de compétitions internationales se déroulant sur notre territoire, des sportifs étrangers ou, en tout cas, non licenciés en France n’auront pas affaire à l’AFLD et ne seront pas soumis au même régime que les Français, ce qui rompra l’égalité devant la loi. Nous devons donc tous nous mobiliser, et en particulier le Gouvernement, pour que l’Agence mondiale antidopage généralise rapidement à tous les États et à toutes les fédérations sportives la pratique du passeport biologique des sportifs, qui est le meilleur moyen de lutter contre les excès du dopage.

Je voterai cet amendement, car il vise à permettre à la France de donner l’exemple, encore une fois, dans la lutte contre le fléau du dopage. Il faut absolument généraliser ce dispositif ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Nous parlons d’un dispositif permettant de protéger la santé des sportifs, qui pourrait être très rapidement appliqué mais dont on différerait la mise en œuvre au motif que d’autres pays ne l’appliqueraient pas et que l’on risquerait de se faire voler des victoires ! On nous parle aussi de sportifs autorisés à utiliser des produits dopants qui passeraient à travers les mailles du filet pour aller « manger » les sportifs français, protégés quant à eux par un dispositif de santé publique !

Je ne supporte pas d’entendre ces propos ! Je rappelle que nous avons connu des scandales de santé publique qui nous ont amenés à regretter de ne pas avoir pris les bonnes décisions dès que nous avions eu connaissance du problème.

Si les sénateurs sont aujourd'hui convaincus que le passeport biologique permet de protéger la santé de nos athlètes, il ne faut pas en différer la mise en œuvre !

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Madame la sénatrice, je vous conjure de comprendre que la concertation prévue ne prendra pas un temps considérable et qu’en précipitant les choses nous risquerions de créer des situations où certains tricheurs s’échapperaient. Je vous assure que nous le regretterions ensuite !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Les scandales de santé publique, on les regrette aussi, après !

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Ici, il ne s’agit pas d’un scandale de santé publique. Nous ne sommes pas dans l’urgence d’une épidémie !

De nombreuses dispositions existent déjà. Il s’agit de continuer à les renforcer pour construire un château fort encore mieux défendu, une citadelle de lutte contre le dopage munie de murs supplémentaires !

Aujourd’hui, les nombreux dispositifs qui existent fonctionnent bien ; les affaires de dopage révélées ces dernières semaines l’ont prouvé.

Monsieur Dufaut, sachez que l’Union cycliste internationale a déjà accepté la mise en place du passeport biologique.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Sachez aussi que, le 2 février dernier, j’ai évoqué ces questions avec Jacques Rogge, président du CIO, ainsi qu’avec le président de l’Agence mondiale antidopage.

Bien évidemment, lorsqu’on adopte une disposition nouvelle, on essaie de la faire adopter dans les autres pays. Mais il est extrêmement compliqué de convaincre tous les autres pays d’adopter une disposition identique ou de modifier leur législation pour embrasser la même philosophie !

Pour ce qui est du dopage et du passeport biologique, Jacques Rogge se servira de la Charte olympique, laquelle est communiquée à chaque pays désireux de participer aux Jeux olympiques, de manière à inciter l’ensemble des pays à prendre des dispositions de ce type. Cela n’est pas simple, vous pouvez me croire, car je connais bien ces sujets !

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Mais on a déjà beaucoup avancé, et c’est heureux pour la sécurité du sport.

J’observe que la problématique du dopage est exactement la même que celle de la corruption sportive.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

La France a créé un délit de corruption sportive. Seuls dix pays ont adopté cette disposition, alors que, pour avoir une véritable efficacité, elle devrait l’être par tous les pays ! Reste que l’adoption de cette mesure constitue une étape de plus dans la lutte contre la tricherie au sens large.

Grâce à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, une fois de plus, aujourd'hui, notre pays sera en avance sur les autres. Il montrera l’exemple et sera cité comme tel au niveau international, comme il l’est constamment depuis que le dopage est pris en considération par les ministres des sports successifs, à quelque parti qu’ils appartiennent. Nous pouvons tous nous en réjouir !

Aujourd’hui, ces dispositions représentent une nouvelle avancée. Simplement, je vous répète que l’ensemble des acteurs ont besoin d’être consultés pour pouvoir s’organiser. Et qu’ils s’organisent est important, d’autant qu’il n’y a pas du tout l’urgence qu’impose une épidémie, madame Gillot : la population ne va pas se trouver décimée demain parce que nous aurons un peu tardé à appliquer ces dispositions !

Pour faire en sorte que le filet que nous mettons en place soit parfaitement efficace, il faut l’expliquer à l’ensemble des acteurs, de façon que ceux-ci puissent ensuite en faire une bonne application.

C’est pour assurer l’information parfaite de ces acteurs que je demande l’élaboration d’un rapport par un comité. Ainsi, nous serons irréprochables et, pour le coup, on ne pourra pas nous railler !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Mais, monsieur le ministre, le passeport biologique sera forcément évolutif…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Nous sommes tous soucieux de l’efficacité de la lutte contre le dopage et nous refusons tout renoncement.

Cela étant, je vous rappelle que, pour le moment, nous en sommes à l’amendement n° 8, qui tend à modifier l’article 3, où il s’agit simplement de mettre le dispositif que nous instaurons en conformité avec la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Et c’est d’autant plus important que, un peu plus tard dans l’après-midi, notre assemblée va examiner une proposition de loi relative à la protection de l’identité dans laquelle il est question de croisements de fichiers.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je constate que l’amendement n° 8 a été adopté à l’unanimité des présents.

L'amendement n° 9, présenté par M. Lozach, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du I s'appliquent à compter du 1er juillet 2013.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Il s’agit de repousser l’entrée en vigueur du passeport biologique afin de laisser à l’Agence française de lutte contre le dopage et au mouvement sportif le temps de s’accorder sur les modalités de sa mise en place.

En matière de lutte contre le dopage, nous voulons être exigeants, ce qui a deux conséquences.

Être exigeants signifie d’abord voter l’article 3 de la proposition de loi, qui tend à instaurer le principe du passeport biologique, dont la création est presque un acte fondateur.

Ensuite, nous devons être exigeants dès aujourd’hui sur le plan du calendrier, afin de ne pas laisser les choses traîner en longueur pendant des années et de tirer les enseignements de certaines expériences très douloureuses, notamment en matière de santé publique.

C’est pourquoi nous proposons de prévoir que le passeport biologique sera mis en place en France à partir du 1er juillet 2013.

Mais il faudra aussi mettre à profit la période qui nous sépare de cette échéance pour procéder à une véritable concertation avec toutes les parties prenantes : le mouvement sportif et l’Agence française de lutte contre le dopage, que j’ai déjà cités, mais aussi l’État et même les collectivités territoriales ; bref, l’ensemble des acteurs du modèle sportif français.

Cette concertation devra également avoir une dimension internationale, notamment en matière d’expertise scientifique.

En définitive, même si, aujourd’hui ou demain, la commission mixte paritaire parvient à un accord sur la mise en place du passeport biologique, de très nombreux problèmes resteront en suspens : des problèmes administratifs, des problèmes de localisation géographique et des problèmes technologiques et scientifiques – qui tous sont de dimension nationale, mais sans doute aussi européenne.

Parce que la question du passeport biologique est complexe, il faut l’aborder avec une grande détermination, en ayant à l’esprit une échéance précise. Nous vous proposons celle du 1er juillet 2013.

Je crois qu’en adoptant cet objectif, nous répondrons à l’attente de toutes celles et de tous ceux qui essaient de promouvoir une vision saine, éducative et morale de la pratique sportive dans notre pays.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

J’aurais préféré une date plus proche, mais je suis favorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je ne comprends pas pourquoi on repousse la date d’entrée en application du passeport biologique.

Il n’est pas compréhensible qu’il faille un an et demi pour mettre en place des systèmes informatiques !

On prétend que ce délai serait nécessaire pour organiser les prélèvements. Mais les contrôles seront forcément évolutifs ! Comment peut-on penser qu’une fois pour toutes les problèmes seront tous résolus ?

Le passeport biologique sera toujours évolutif. On peut donc le mettre en place maintenant, dans six mois ou dans un an : il faudra toujours le réactualiser !

Monsieur le rapporteur, j’ai vraiment du mal à comprendre l’amendement que la commission a adopté. Sachant qu’il s’agit de lutter contre le dopage, on aurait très bien pu retenir la date du 1er janvier 2013 !

Je voterai donc contre l’amendement n° 9.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Dominique Bailly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Bailly

Nous sommes tout à fait d’accord pour mettre en place le passeport biologique. Toutefois, pour que son entrée en application puisse se dérouler dans la sérénité, un temps de concertation est nécessaire, qui permettra l’élaboration d’un protocole spécifique.

C’est pourquoi, monsieur Desessard, la date que M. le rapporteur a proposée me paraît vraiment raisonnable. Au terme de ce délai, qui permettra d’identifier tous les partenaires responsables, le passeport biologique, avancée essentielle, sera mis en place, assorti d’un protocole spécifique.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

J’ajoute à ce que vient de dire M. Dominique Bailly qu’il est préférable de respecter le calendrier des saisons sportives. En effet, une saison sportive s’étend du mois de septembre au mois de juin : la date du 1er janvier tombe donc en plein milieu. Au contraire, celle du 1er juillet permet une entrée en application du dispositif juste avant le début d’une nouvelle saison.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

La mise en place du dispositif peut ne pas correspondre à son entrée en application pour les sportifs !

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Monsieur Desessard, il est bien question de la date de son entrée en application.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

On peut mettre en place le dispositif avant qu’il soit appliqué aux sportifs !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

M. le président. La saison sportive coïncide avec la session parlementaire… Les parlementaires sont donc des sportifs !

Sourires.

L'amendement est adopté.

L'article 3 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les modalités d’instauration du profil biologique des sportifs mentionné à l’article 3, dont la réalisation est placée sous la responsabilité de l’Agence française de lutte contre le dopage, font l’objet d’un rapport remis au Gouvernement et au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, élaboré par un comité chargé de préfigurer la création du profil biologique des sportifs et dont la composition est fixée par arrêté du ministre chargé des sports.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, de manière un peu anticipée, je souhaite qu’un rapport soit remis au Gouvernement et au Parlement au terme du processus d’information, de sensibilisation et de consultation des acteurs concernés par la mise en place du passeport biologique.

Nous voulons que ce dispositif soit irréprochable et d’une efficacité totale, afin que la lutte contre le dopage continue d’être toujours plus affinée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Comme l’amendement n° 8, l’amendement n° 7 n’a pas été examiné par la commission. J’observe qu’il tend plutôt à alourdir les procédures. Néanmoins, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’ordre du jour appelle la désignation des membres de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique.

Conformément à l’article 8 du règlement, les listes des candidats remises par les bureaux des groupes et le délégué des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe ont été affichées.

Elles seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 8 du règlement.

Je m’étonne de la procédure qui a été retenue pour désigner les membres de la commission du développement durable. En effet, ceux-ci ont été simplement prélevés sur l’effectif de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Cela revient à priver ceux d’entre nous qui ne sont pas membres de l’ancienne commission de l’économie, mais qui, comme moi, auraient souhaité devenir membres de la nouvelle commission du développement durable, de toute possibilité d’être désignés pour siéger au sein de cette dernière.

La logique démocratique aurait voulu que l’on procède, dans le respect des règles de proportionnalité entre les différentes sensibilités politiques et en fonction de l’effectif fixé pour chaque commission, à une redistribution des membres de l’ensemble des commissions.

À titre d’exemple, outre moi-même, qui, membre de la commission des affaires sociales, n’ai pas pu rejoindre la commission du développement durable, Philippe Darniche, qui souhaitait siéger au sein de la nouvelle commission des affaires économiques, n’a pas obtenu satisfaction.

Alors que tous les élus ont la même légitimité, cette procédure témoigne, pour le moins, d’un manque de considération pour le fonctionnement démocratique de notre assemblée. J’en appelle à la sagesse de chacune et de chacun pour essayer de trouver, si c’est encore possible, une solution à ce problème. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

Je vous rappelle que la situation que vous avez décrite est le résultat d’un vote du Sénat intervenu au mois de décembre. Cela étant, il me paraît extrêmement difficile de remettre en cause la composition de l’ensemble des commissions plus de quatre mois après qu’elles ont été constituées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à modifier le régime de responsabilité civile du fait des choses des pratiquants sportifs sur les lieux réservés à la pratique sportive et à mieux encadrer la vente des titres d’accès aux manifestations sportives, commerciales et culturelles et aux spectacles vivants.

Nous poursuivons l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 2 rectifié ter, présenté par MM. Lozach et D. Bailly, Mme Blandin et MM. Collin, Martin et Todeschini, est ainsi libellé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le code du sport est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 232-23-3, il est inséré un article L. 232-23-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 232-23-3-1. - Les renseignements recueillis sur le fondement de l'article L. 232-12-1 conduisent à l’engagement d'une procédure disciplinaire dans les conditions prévues aux articles L. 232-21 à L. 232-23 si, de l'avis d'un comité composé de trois experts, l'évolution des paramètres pertinents du sportif fait apparaître l'utilisation d'une substance ou méthode interdite en vertu du dernier alinéa de l'article L. 232-9 et si, après avoir mis l'intéressé à même de présenter ses observations, le comité réitère sa prise de position à l'unanimité de ses membres. » ;

2° Le b du 2° de l'article L. 232-9 est abrogé.

II. - Le 1° du I s'applique à compter du 1er juillet 2013.

La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

En créant l'article 3, la commission de la culture a fait le choix d'ouvrir à l'AFLD la possibilité d'effectuer des prélèvements destinés à établir le profil des paramètres pertinents des sportifs aux fins de mettre en évidence l'utilisation de substances ou de méthodes dopantes. Ainsi l'Agence pourra établir le « passeport biologique » de certains sportifs et mieux cibler les contrôles.

Toutefois, certaines fédérations internationales se sont engagées dans une démarche plus opérationnelle, tendant à prendre des sanctions sur la base des variations constatées des paramètres pertinents. Le tribunal arbitral du sport a validé ces sanctions, pleinement conformes au code mondial antidopage et prises sur la base d’éléments scientifiquement probants.

Pour des raisons à la fois éthiques et sanitaires, la France devrait se doter rapidement de tels moyens d'action. Tel est l'objet du présent amendement.

Après avoir pris acte du principe de la création du « passeport biologique », il s’agit de s’interroger sur l’utilisation, notamment à des fins de sanction, de ce document : quelle en est la destination ? Comment sera-t-il exploité ? Quelle est sa faisabilité ?

Le présent amendement a pour objet de rendre opérationnel, dès le 1er juillet 2013, le dispositif en cause. C’est cela qu’attendent tous les amoureux d’un sport : un dispositif évitant tout un ensemble de dérives auxquelles nous avons trop souvent pu assister, notamment au cours de ces dernières années.

À l’évidence, une telle mesure permettra à notre pays de rester dans le peloton de tête de ceux qui luttent contre le dopage. Cela a été rappelé tout à l’heure, cette question de société transcende les clivages politiques. Marie-George Buffet et Jean-François Lamour s’y sont antérieurement intéressés. Cette priorité, cette cause nationale doit faire l’objet d’un large consensus.

L’instauration du « passeport biologique » est un acte de portée européenne. Je suis intimement convaincu que les autres fédérations nationales et internationales la suivront avec beaucoup d’intérêt. Nous serons évidemment très attentifs à la suite qui sera donnée à ce que nous allons décider cette après-midi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Le sous-amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement 2 rectifié bis

Alinéa 5

Remplacer le mot :

conduisent

par les mots :

sont susceptibles de conduire

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Sur le principe, j’approuve l’amendement n° 2 rectifié ter, mais je souhaite qu’il soit légèrement modifié, car, dans sa rédaction actuelle, il aboutit à instaurer de façon automatique, dès la mise en place du « passeport biologique », une procédure disciplinaire. Je propose donc que les renseignements recueillis dans le cadre de ce document ne conduisent qu’éventuellement au déclenchement d’une telle procédure. Il faut laisser le soin aux fédérations concernées, en particulier, de détecter une anomalie et de décider, le cas échéant, d’ouvrir une procédure disciplinaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

La commission est favorable à l’amendement n° 2 rectifié ter. En revanche, elle ne s’est pas prononcée sur le sous-amendement du Gouvernement.

À titre personnel, je trouve que la formulation souhaitée par M. le ministre affaiblirait notre résolution. Nous ne sommes pas des vengeurs aveugles puisque la rédaction proposée par M. Lozach pose déjà des conditions. Ce n’est qu’après l’avis d’un comité composé de trois experts, après recours possible de la personne concernée et après confirmation de leur prise de position par les experts que sera entamée une procédure disciplinaire. Par conséquent, la sanction ne tombera pas automatiquement, un constat de non-lieu pouvant être établi. Le sportif est donc d’ores et déjà très protégé.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Je comprends la démarche des auteurs de l’amendement, mais le caractère d’automaticité de la procédure disciplinaire que ce dernier tend à introduire me gêne. Le couperet tomberait tout de suite.

Dans un esprit de consensus, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose de prévoir une instruction et non une procédure disciplinaire.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Dans ces conditions, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. René Garrec, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René Garrec

N’étant pas membre de la commission de la culture, je n’ai pas pu en suivre les travaux. Mais les vieilles habitudes que j’ai acquises alors que j’étais président de la commission des lois me font penser que la présomption d’innocence joue avant toute prise de décision. C’est pourquoi le sous-amendement présenté par le Gouvernement me paraît tout à fait idoine.

Le sous-amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 3.

L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. D. Bailly, Lozach, Assouline et Todeschini, Mmes Blondin, Cartron, D. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’avant-dernier alinéa de l’article L. 222-17 du code du sport est supprimé.

La parole est à M. Dominique Bailly.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Bailly

Si la loi n° 2010-626 encadrant la profession d’agent sportif a effectivement permis de réaliser une avancée au regard de l’objectif affiché, les membres du groupe socialiste ont toujours soutenu que la transparence et l’éthique exigeaient d’aller plus loin dans l’encadrement de cette profession.

Cette loi n’ayant envisagé le rôle de l’agent sportif que dans sa dimension mercantile et financière – un intermédiaire dans le cadre de la conclusion d’un contrat –, la mission première d’un tel agent, à savoir la mission de conseil et d’assistance au sportif, a été complètement laissée de côté. C’est une des raisons pour lesquelles la loi a autorisé le paiement de la rémunération de l’agent sportif par les clubs.

Je rappelle que ce texte a légalisé une pratique jusque-là illégale, au motif que la législation n’était pas respectée et que certains sportifs – en l’occurrence, des joueurs de football – ne souhaitaient pas acquitter eux-mêmes les honoraires de leur agent.

Or nous estimons que, pour remplir pleinement sa mission de conseil dans la carrière d’un sportif, y compris un joueur de football, l’agent sportif doit être le plus indépendant possible des clubs, ce qui est antinomique avec son paiement par ces derniers. L’agent doit défendre les intérêts des footballeurs, en particulier lorsqu’ils sont jeunes, face aux dirigeants du club, notamment de son président.

Nous sommes bien conscients que tout le monde trouve son compte à la pratique qui a cours : l’agent, qui est sûr d’être payé à temps par le club, le joueur, qui n’a plus à gérer cette démarche, et le club, qui peut disposer par ce biais d’un moyen de pression supplémentaire, voire d’un moyen de chantage.

Obliger les joueurs à prendre en charge eux-mêmes le paiement de leur agent contribuerait à rééquilibrer les relations de pouvoir et à limiter les conflits d’intérêts. Cela supprimerait également la pratique des « rémunérations chantage » payées par les clubs à des agents…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Et celle des rétro-commissions, par-dessus le marché !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Bailly

Absolument !

… des agents qui n’ont fait aucune démarche, mais qui détiennent suffisamment de joueurs importants dans leur portefeuille pour ensuite négocier avec les dirigeants de clubs.

Au titre du rééquilibrage, interdire à un agent d’agir pour le compte d’un joueur et d’un entraîneur d’un même club serait également nécessaire. Mais il ne me semble pas, monsieur le ministre, que vous vous soyez clairement exprimé sur ce dernier point, alors que vous l’avez fait publiquement au sujet du non-paiement de l’agent par les clubs.

Malheureusement, votre bref passage au ministère et les échéances électorales imminentes ne vous permettent pas de présenter un nouveau texte sur le statut des agents sportifs, que, je le sais, vous estimez pourtant nécessaire. Néanmoins, l’occasion vous est donnée aujourd’hui de mettre vos dires en phase avec la pratique, sur au moins un sujet : celui du paiement des agents sportifs. Je ne doute donc pas que vous exprimerez un avis favorable sur le présent amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

La commission se félicite de ce que se déroule aujourd'hui dans cette enceinte un débat sur la moralisation de la pratique sportive, en particulier face à certaines dérives qui affectent le sport de haut niveau.

L’amendement n° 3 rectifié a pour objet de revenir sur le texte relatif aux agents sportifs qui a été adopté voilà un peu plus d’un an et demi. La question qui était au cœur de ce texte était la suivante : qui rémunère l’agent sportif ? Nous avons toujours estimé qu’il était malsain que ce soit les clubs, et non les sportifs eux-mêmes, qui rémunèrent les agents. L’amendement n° 3 rectifié tend à remettre en cause cette pratique malsaine.

Au-delà des arguments très bien développés par Dominique Bailly, on ne peut que juger étonnant qu’un joueur puisse se sentir bien défendu par un agent rémunéré par son club, dans la mesure où les intérêts de ce dernier peuvent être différents des siens.

C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

M. David Douillet, ministre. Que c’est difficile pour moi !

Rires

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Vous ne pouvez pas savoir !

Malheureusement, cet amendement est bien trop succinct pour que j’y sois favorable.

Pourtant, je puis vous assurer que, sur le fond – je travaille actuellement avec ardeur sur le sujet ! –, je suis d'accord avec vous ; je l’ai d'ailleurs dit publiquement.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

J’ai dit que cet amendement était incomplet : laissez-moi vous le montrer à travers quelques exemples tout simples.

Les avocats mandataires sont, eux aussi, des agents, déguisés certes, mais des agents tout de même. Or ils ne sont pas mentionnés dans l’amendement.

Nous avons parlé des clubs. Évidemment, il existe des rétro-commissions, monsieur Néri, je le sais bien ; malheureusement !

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Toutefois, d’autres structures peuvent intervenir, et pas nécessairement de manière publique ; il faut parfois faire des recherches très minutieuses dans l’environnement d’un club pour remonter aux sources de financement. Inutile d’insister : vous voyez de quoi je veux parler…

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

J’aimerais être favorable à cet amendement, mais il ne répond pas à la problématique, et les pratiques que l’on veut bannir perdureraient.

Debut de section - Permalien
David Douillet, ministre

Je sais bien que vous êtes sérieux ! D'ailleurs, je le répète, je suis d'accord avec vous sur le fond. Cependant, je dois affronter la problématique dans sa globalité, avec toute la précision que cela requiert.

Nous avons déjà réalisé de belles avancées dans le cadre de la proposition de loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs. Nous avons ainsi réduit les niveaux des salaires, en permettant aux fédérations de fixer, pour la rémunération des agents sportifs, un montant inférieur à 10 % du contrat conclu par les parties ; nous avons également introduit la notion de salary cap dans notre droit du sport ; je pourrais encore citer d’autres mesures.

Dieu sait qu’il nous reste du travail si nous voulons que notre monde sportif professionnel arrête de scier la branche sur laquelle il est assis ! En effet, si les dérives que nous observons actuellement perdurent, il finira par se casser la figure… Michel Platini, qui préside l’UEFA, lutte comme nous sur tous les plans.

Le sujet des agents est un vrai sujet ; je suis mille fois d'accord avec vous. Mais, malheureusement, je le répète, le texte de cet amendement est trop court et ne répond pas à la problématique réelle. Dès lors, je ne peux que me résigner à émettre un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Finalement, il s'agit d’un moment de bonheur pour nous ! Il est dommage que vous n’ayez pas été nommé plus tôt, monsieur le ministre : cela aurait évité à vos prédécesseurs – cinq ministres des sports se sont succédé en peu de temps – de dire et faire plusieurs sottises !

Vous le savez, nous nous sommes opposés à un certain nombre de mesures sur lesquelles vous avez été obligé de revenir. Je pense, par exemple, à la reconnaissance du droit à l’image collective, dont M. Jean-François Lamour, qui l’avait défendue – avec quelle fougue, avec quelle véhémence ! –, a été obligé de reconnaître qu’il s’agissait d’une erreur magistrale. Errare humanum est, perseverare diabolicum !

Rires et exclamations sur les travées socialistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Monsieur le ministre, je crois que vous avez une chance quasi historique de mettre fin à une injustice, et même à un illogisme total. En effet, tout le monde conviendra que, si vous devez demander à votre adversaire, dans un débat quelconque, de rémunérer votre défenseur, cela signifie que vous êtes en état de subordination, que vous n’êtes plus libre.

Et n’oublions pas que les sportifs concernés sont souvent jeunes, n’ayant généralement aucune formation juridique… Dès lors, ils se trouvent dans une situation de dépendance qui n’est pas acceptable dans un régime démocratique et d’égalité des droits.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas reculer : comme au judo, vous allez vous servir de notre impulsion pour renverser la montagne !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Nous avons déjà mis beaucoup de temps avant de nous apercevoir de la situation. Lorsque j’étais député, nous avions demandé la constitution d’une commission d’enquête sur le sujet. Finalement, nous n’avions obtenu que la création d’une mission d’information sur les conditions de transfert des joueurs professionnels de football et le rôle des agents sportifs. Dans le cadre de cette mission, présidée par Dominique Juillot, nous avions constaté que le rôle des agents – de certains, en tout cas – posait un véritable problème. Cela ne peut pas durer !

Imaginons qu’un conflit apparaisse entre vous et moi, monsieur le ministre. Je ne le souhaite évidemment pas, surtout s’il devait se régler de manière physique ! §Mais admettons que nous soyons en conflit sur le plan intellectuel et que vous me proposiez de rémunérer mon avocat pour qu’il défende mes intérêts contre les vôtres : cela serait-il cohérent ? Assurément non !

Je pense que notre collègue René Garrec, qui s’est exprimé tout à l'heure en tant que membre de la commission des lois, ne peut qu’être de mon avis.

Debut de section - PermalienPhoto de René Garrec

J’ai seulement dit que je ne connaissais pas vos travaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Personne ne peut accepter que son défenseur soit rémunéré par son adversaire ! Je le répète, c’est totalement absurde et, de surcroît, c’est antidémocratique.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré que, avec le passeport biologique, nous avions posé les fondements d’une nouvelle méthode de lutte contre le dopage.

Vous dites que cet amendement n’est pas suffisamment explicite, mais il me semble pourtant très clair. Je viens d'ailleurs d’une région où l’on ne comprend que les choses simples, où l’on règle les problèmes sur le marché en se tapant dans la main. Topons donc là, monsieur le ministre !

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Monsieur le ministre, il ne reste que quelques jours avant la fin de cette législature. Qu’elle s’achève sur un acte positif, fondateur ! Nous devons ramener l’intégrité dans le sport en luttant contre la corruption. Je sais que vous êtes d'accord avec moi : il y a trop d’argent dans le sport, et pas assez pour le sport ! Eh bien, nous avons aujourd'hui l’occasion de démontrer notre volonté d’instaurer davantage de clarté dans le domaine du sport.

Émettez donc un avis favorable, monsieur le ministre, et je suis convaincu que vos amis de la minorité sénatoriale, qui est majoritaire à l’Assemblée nationale, voteront cet amendement. Nous pourrons ainsi « emporter le morceau » en commission mixte paritaire et faire en sorte que la justice règne enfin dans ce pays en modifiant le statut des agents sportifs afin de donner à chacun le droit de pouvoir se défendre. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Pierre Martin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Martin

Nous avons déjà évoqué le problème des agents sportifs par le passé ; la question de la morale dans le sport a donc déjà pénétré dans cet hémicycle.

L’amendement de Dominique Bailly vise à supprimer la possibilité pour le cocontractant du sportif ou de l’entraîneur d’acquitter tout ou partie de la rémunération de l’agent sportif ayant mis en rapport les parties au contrat. Est-ce que cela réglerait le problème ? J’aimerais savoir comment… Car qui paiera, au bout du compte ? Ce n’est pas précisé.

Le mot « défenseur » a été employé. L’agent est parfois le défenseur du sportif, mais pas toujours. On voit parfois, et même souvent, des divorces entre les défenseurs et les agents.

Il faut aussi tenir compte de l’intérêt du club pour le joueur, car c’est bien le club qui décide de faire venir ou non le joueur. Nous sommes donc convaincus que le club devrait payer la rémunération de l’agent ; ce serait beaucoup plus clair et transparent ! C'est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 3.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du mardi 21 février 2012, une décision du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité (n° 2012-233 QPC).

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la protection de l’identité (proposition de loi n° 332, texte de la commission n° 340, rapport n° 339).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous examinons à nouveau une proposition de loi qui a déjà fait l’objet de nombreux débats à la fois constructifs et approfondis. Ces débats ont abouti, à l’issue de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, à une version équilibrée, qui permettait de lutter efficacement contre l’usurpation d’identité et fixait de solides garanties au regard des libertés publiques.

Votre commission des lois a souhaité modifier cette version : elle est revenue sur ces équilibres en rétablissant le concept de « lien faible ». Ce choix remet en cause le lien univoque, c’est-à-dire un « lien fort » entre les données enregistrées dans la base des « titres électroniques sécurisés », la base TES.

Je rappelle la totale opposition du Gouvernement à la fausse solution que constitue le lien faible. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement visant à rétablir la version adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. En effet, cette version, qui prévoit un « lien fort » entre les données, est la seule qui soit opérationnelle et permette d’atteindre l’objectif, partagé par tous, de la proposition de loi, à savoir la lutte contre l’usurpation d’identité. Cette version se situe dans la droite ligne de la proposition initialement déposée par les sénateurs Jean-René Lecerf et Michel Houel, qui s’appuyait sur le rapport adopté par la Haute Assemblée en 2005.

Protéger nos concitoyens contre l’usurpation d’identité est l’objectif qui ne doit jamais être perdu de vue. Nous estimons tous que l’usurpation d’identité est un véritable fléau contre lequel il faut agir. Ses conséquences provoquent de profonds traumatismes pour les victimes, et ses effets sont grandissants.

Ce fléau traumatise les victimes parce qu’il dure longtemps et atteint bien souvent une part de leur intimité. Qui pis est, il entraîne parfois une remise en cause de leur honnêteté ou de leur réputation. À ce préjudice moral s’ajoutent des préjudices matériels et financiers, qui peuvent durablement priver les victimes de certains de leurs droits fondamentaux. Il nous faut donc réduire ces effets néfastes par une action efficace contre l’usurpation d’identité.

Une bonne corrélation entre les éléments d’état civil et les données biométriques au sein de la base TES constitue l’unique moyen d’atteindre l’objectif de lutte contre l’usurpation d’identité

Le concept de lien faible constitue une dégradation technique de la base TES plutôt qu’une garantie pour les libertés publiques. Les promoteurs du lien faible considèrent que, la loi ou le droit ne permettant pas de garantir les libertés fondamentales, il faut des garanties matérielles. Je ne partage pas cette vision, qui revient à désespérer du rôle de la loi !

Par principe, la protection des libertés fondamentales mérite d’être gravée dans la loi, et non subordonnée à un dispositif technique. C’est d’autant plus vrai, en l’espèce, que le lien faible est loin de permettre ce qu’il promet en théorie, car il comporte de vraies fragilités, qu’il convient de connaître

En premier lieu, l’entreprise qui a déposé le brevet du lien faible indique clairement que ce concept n’est pas opérationnel et qu’il nécessite encore du temps et des investissements pour être au point. Il serait pour le moins hasardeux de bâtir le nouveau système national sécurisé pour l’identité de nos concitoyens sur la base d’un concept dont la mise en œuvre n’est pas acquise.

Le lien faible est ainsi techniquement disqualifié.

Ensuite, le lien faible est un concept protégé par un brevet. Si le cahier des charges du projet en fait mention, il y a un réel risque de contentieux porté par des entreprises concurrentes.

Enfin, sur le principe, le lien faible permet seulement de constater qu’il existe une usurpation d’identité, mais pas de remonter à l’identité du fraudeur ; c’est une limitation sérieuse au regard de l’objectif visé par les auteurs du texte. Le lien fort, au contraire, permet de remonter, via ses empreintes, jusqu’à l’usurpateur.

Ainsi, seul le lien fort répond aux objectifs de la proposition de loi.

Concernant les prétendues atteintes aux libertés fondamentales, la version du texte que je vous propose de rétablir comporte toutes les garanties juridiques recherchées. Le lien fort, complété par ces garanties très claires, permet ainsi de préserver les libertés fondamentales reconnues à chacun de nos concitoyens.

Il y a d’abord ce que le Conseil d’État et la CNIL ont recommandé en matière d’enregistrement de données, c’est-à-dire une limitation à deux empreintes digitales et l’absence de reconnaissance faciale, garantie qui est clairement inscrite dans la proposition de loi.

Il y a ensuite ce que la CNIL impose comme garantie en matière d’utilisation des fichiers : un accès à la base restreint aux seuls agents de l’Agence nationale des titres sécurisés avec une traçabilité de ces accès ; des données segmentées pour une meilleure protection ; une sécurité des transmissions et contre les intrusions.

Il y a enfin ce que la proposition de loi impose dans la restriction de l’usage de .la base et qui constitue des garanties complémentaires pour les libertés publiques. Ainsi, comme le recommande la CNIL, toute interconnexion de la base TES avec d’autres fichiers publics sera interdite. Cela signifie que l’usage de la base TES sera clairement limité à la protection de l’identité, à l’exclusion de tout autre objectif.

Par ailleurs, la proposition de loi limite à trois cas, et à trois cas seulement, la possibilité d’utilisation du traitement permettant de remonter à une identité à partir d’une empreinte : premièrement, très logiquement, au moment de la délivrance ou du renouvellement du titre, afin d’en garantir la bonne fabrication et la remise à la bonne personne ; deuxièmement, sous le contrôle du procureur, dans le seul cadre des infractions liées à usurpation d’identité, ce qui garantit de fait la conformité aux objectifs de la loi ; troisièmement, toujours sous contrôle du procureur, pour permettre l’identification de victimes d’accidents collectifs ou de catastrophes naturelles.

Ces garanties inscrites dans le texte sont très fortes et permettent d’atteindre l’équilibre que nous recherchons tous entre lutte contre l’usurpation d’identité et protection des libertés publiques ; elles constituent en même temps des garanties très claires en comparaison de celles qu’apporte un lien faible dont la configuration technique et les limites restent floues.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la version de la proposition de loi à laquelle l’Assemblée nationale est parvenue à l’issue de sa dernière lecture permettait d’inscrire dans notre droit les moyens de protéger véritablement l’identité de nos concitoyens sans porter atteinte à leurs libertés fondamentales. Le texte proposé par votre commission des lois modifie profondément cet équilibre, au détriment de la lutte contre l’usurpation d’identité.

Dans l’intérêt de nos compatriotes et au nom du Gouvernement, je vous demande donc de revenir, en adoptant l’amendement que je vous présenterai à l’article 5, à la version retenue par l’Assemblée nationale. §

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Mes chers collègues, après l’absence d’adoption conforme par les deux chambres des conclusions de la commission mixte paritaire, notre assemblée examine en nouvelle lecture la proposition de loi de nos collègues Jean-René Lecerf et Michel Houel relative à la protection de l’identité.

La commission mixte paritaire avait établi un texte commun sur l’unique article restant en discussion, à savoir l’article 5, en reprenant le dispositif que le Sénat avait adopté à la quasi-unanimité de ses membres. La poursuite du débat porte non pas sur la création d’un fichier biométrique, dont il a été admis qu’il pouvait permettre une très efficace protection de l’identité, mais sur les garanties qui devaient présider à sa constitution pour qu’aucun risque, aussi minime soit-il, ne puisse être encouru au regard des libertés publiques qui constituent le socle fondamental de notre société.

L’Assemblée nationale a parfaitement mesuré les enjeux du problème à résoudre par le pouvoir législatif. Elle s’est rapprochée, en ajoutant un certain nombre de restrictions à l’utilisation du fichier central biométrique, de la position de principe affirmée par le Sénat.

Pour autant, notre commission des lois estime que ce texte, même ainsi amendé, reste inconciliable avec les principes défendus par le Sénat.

L’énoncé du problème est simple : comment peut-on protéger un fichier comprenant les données personnelles et biométriques de 60 millions de Français d’un détournement de l’usage auquel il est destiné ?

L’Assemblée nationale pense avoir apporté une solution suffisante en mettant en place différentes garanties juridiques censées réserver l’usage de la base centrale à la seule lutte contre l’usurpation d’identité. Dans son texte, elle a ainsi énuméré un certain nombre d’hypothèses dans lesquelles l’identification d’un individu à partir des empreintes digitales contenues dans la base serait possible et organisé les différentes procédures de consultation.

Prenant en compte l’annulation par le Conseil d’État des dispositions du décret relatif au passeport électronique qui prévoyaient l’enregistrement et la conservation dans la base centrale de huit empreintes, les députés ont, sur l’initiative du Gouvernement, précisé que seules les deux empreintes inscrites sur la carte d’identité biométrique devraient être conservées dans la nouvelle base centrale.

Pour autant, ces aménagements ne dissipent pas toutes les inquiétudes qui avaient suscité notre prise de position ; ils sont même, à mon sens, de nature à en faire surgir de nouvelles.

Dans un premier temps, force est de constater que le texte de l’Assemblée nationale déborde le strict cadre de la protection de l’identité, ce qui est en soi la démonstration qu’à l’avenir d’autres empiètements législatifs peuvent survenir avec pour effet d’étendre le périmètre de l’utilisation du fichier concernant l’ensemble de la population française.

C’est ainsi que, dans la liste des infractions relatives à l’usurpation d’identité pour lesquelles la consultation de la base serait autorisée, certaines ne présentent pas de lien direct avec l’unique délit d’usurpation d’identité. Y figurent notamment : le faux en écriture publique, qui ne porte pas toujours, loin de là, sur l’identité d’une personne ; l’escroquerie, lorsque le délinquant ne se présente pas sous une fausse identité, mais commet des manœuvres frauduleuses sous sa véritable identité ; le délit de révélation de l’identité d’agents des services spécialisés de renseignement, dans lequel l’identité de l’auteur de l’infraction n’est absolument pas en cause.

Le rapporteur de l’Assemblée nationale a, d’ailleurs, lui-même proposé une exception notable à l’objectif affiché par le texte en autorisant l’utilisation de la base pour l’identification d’un cadavre par ses empreintes digitales.

Ces exemples, issus du texte transmis par l’Assemblée nationale, démontrent que, une fois le fichier créé et à défaut d’une garantie technique qui rende impossible son utilisation dans un autre but que la lutte contre l’usurpation d’identité, il suffira d’une modification législative pour en étendre l’usage à d’autres fins.

Sur un autre plan, l’articulation entre les pouvoirs limités d’accès à la base centrale, définis aux articles 5 du texte qui nous est soumis ainsi que dans la nouvelle rédaction proposée pour l’article 55-1 du code de procédure pénale, avec les pouvoirs généraux que les magistrats chargés de l’enquête tiennent de différents articles du même code, n’est pas suffisamment clarifiée pour permettre d’affirmer que l’accès à la base centrale biométrique par les magistrats chargés de l’enquête est interdit comme l’est l’accès aux fichiers nominatifs.

Enfin, sans entrer dans la technique juridique, je souligne que le problème de l’utilisation, hors de tout contrôle judiciaire, de la base par les services spécialisés comme ceux qui sont chargés de la lutte contre le terrorisme n’est pas résolu.

Les derniers points que je viens d’énoncer, qu’il s’agisse de l’accès au fichier dans les cas non prévus par le texte ou de l’accès ouvert aux services chargés de la lutte contre le terrorisme, démontrent que les garanties prévues par l’Assemblée nationale sont incomplètes et frappées d’une imprécision telle que se poserait inévitablement la question de la constitutionnalité du dispositif dès lors qu’il appartient au législateur de définir avec précision les garanties légales nécessaires à l’exercice ou à la protection des libertés publiques.

Pour en terminer avec le texte de l’Assemblée nationale, je relèverai que les députés ont, certes, exclu que l’image numérisée du visage enregistrée dans la base biométrique puisse être utilisée par l’autorité de délivrance des titres d’identité ou de voyage pour identifier le demandeur d’un titre, mais qu’ils n’ont apporté aucune précision sur les autres utilisations qui peuvent être faites de la base et, en particulier, celles que j’ai précédemment évoquées, laissées à l’initiative des magistrats chargés de l’enquête. On peut craindre que, dans le silence de la loi, un juge d’instruction ne demande qu’une personne dont le visage a été enregistré par une caméra de surveillance soit identifiée à partir des images numérisées dans le fichier central biométrique, ce qui revient à valider ponctuellement les dispositifs de reconnaissance faciale.

Sur un plan plus général, un fichier portant sur l’ensemble des données biométriques du peuple français constitué selon la méthode retenue par l’Assemblée nationale serait évidemment on ne peut plus sensible. On ne saurait, hélas ! écarter toute tentative d’intrusion ou de piratage.

Face à cette situation, il apparaît légitime que le Sénat, suivant en cela l’avis constant de la commission des lois, rétablisse, dans l’architecture de ce fichier, des garanties techniques définitives et irréversibles, interdisant, dès sa constitution et, surtout, à l’avenir, toute utilisation autre que celle qui est strictement nécessaire à la protection de l’identité.

Lors des précédentes lectures du texte, il a été admis que le système du « lien faible » apportait la solution technologique conforme à notre thèse. L’argument énoncé selon lequel une seule entreprise serait titulaire de cette technologie doit être écarté : on peut mettre en place le « lien faible » de multiples façons.

Le système du « lien faible » apporte une protection contre l’usurpation de l’identité parce qu’il repose sur une dissuasion si efficace qu’il existe quasiment 99, 9 % de chances de détecter la fraude lorsqu’elle sera tentée.

Pour répondre enfin au dernier argument des défenseurs du système du « lien fort », je tiens à souligner que, si aucune démocratie européenne n’a mis en place un fichier à « lien faible », c’est parce qu’aucune n’a souhaité créer un fichier central biométrique de sa population.

Ainsi l’Allemagne, pour des raisons explicitement historiques, refuse tout fichier central biométrique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Le Royaume-Uni a récemment refusé de le mettre en place, comme la Belgique, qui est très avancée en matière de carte d’identité électronique.

Les Pays-Bas ont même annoncé en avril dernier, par la voix de leur ministre de l’intérieur, que les 6 millions d’empreintes digitales enregistrées dans une base centrale pour l’établissement des passeports biométriques seraient toutes effacées.

Seul Israël a récemment décidé de mettre en place, après d’ailleurs une contestation très forte et un débat nourri, un fichier aux utilisations multiples. Il est toutefois compréhensible que la situation sécuritaire de cet État puisse justifier un choix…

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

… qui ne saurait l’être en Europe.

Je ne peux trouver à notre débat de conclusion plus excellemment précise que les propos qu’a tenus Mme la présidente de la CNIL à la suite d’une interrogation de notre collègue Jean-René Lecerf : « Sur la carte d’identité biométrique, nous avions considéré que la création d’une base centrale était disproportionnée au regard de l’objectif de sécurisation des titres. Si toutefois la base centrale est constituée, la meilleure garantie contre des utilisations détournées serait la garantie technique, celle du lien faible. L’Assemblée nationale et le Gouvernement semblent s’orienter vers une autre garantie, celle qui consiste à réduire, par la loi, les finalités d’accès à la base. Cependant, nous savons qu’une fois un fichier constitué il est toujours possible d’étendre ses finalités de consultation. C’est pourquoi la CNIL est inquiète : les restrictions juridiques seront toujours moins efficaces que les restrictions techniques qui rendent impossible l’utilisation de la base à des fins détournées. »

Vous rappelant la précision, la profondeur et la hauteur de vue de nos précédents débats, au nom de la commission des lois je vous invite, mes chers collègues, à adopter l’article 5 dans la rédaction que nous avions adopté en deuxième lecture, en y intégrant toutefois la limitation à deux du nombre d’empreintes digitales prévues par nos collègues députés. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s’agit là d’un débat essentiel, dans lequel il y a clairement deux positions en présence, celle de la majorité du Sénat, d’une part, et, d’autre part, celle du Gouvernement et de la majorité de l’Assemblée nationale.

Le sujet est extrêmement important puisqu’il touche aux libertés publiques, aux libertés individuelles, au respect de la vie privée.

Notre rapporteur, M. François Pillet, vient d’expliquer éloquemment qu’il existait une procédure permettant de répondre strictement au problème de l’usurpation d’identité : le « lien faible » permet effectivement de déjouer l'usurpation d'identité avec un taux de réussite de 99, 9 %. Par conséquent, il est possible de parer au problème posé sans avoir recours à un gigantesque fichier qui présenterait beaucoup de risques et auquel, comme M. le rapporteur vient de l’expliquer, la plupart des États européens ont renoncé.

Ainsi, mes chers collègues, nous sommes devant un choix très important. Sur ce sujet, on constate la constance de la commission des lois du Sénat pour défendre le respect des libertés publiques, des libertés individuelles et de la vie privée.

Ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, « la CNIL est inquiète : les restrictions juridiques seront toujours moins efficaces que les restrictions techniques, qui rendent impossible l'utilisation de la base à des fins détournée ». Je cite encore la CNIL : « À la différence de toute autre donnée d’identité, et à plus forte raison de toute autre donnée à caractère personnel, la donnée biométrique n’est pas attribuée par un tiers ou choisie par la personne : elle est produite par le corps lui-même et le désigne ou le représente, lui et nul autre, de façon immuable. Elle appartient donc à la personne qui l’a générée. On comprend dès lors que toute possibilité de détournement ou de mauvais usage de cette donnée fait peser un risque majeur sur son identité. Confier ses données biométriques à un tiers, lui permettre de les enregistrer et de les conserver n’est donc jamais un acte anodin : cela doit répondre à une nécessité a priori exceptionnelle, justifiée, et être entouré de garanties sérieuses. »

C'est pour cette raison que nous avons retenu le dispositif technique existant : il rend impossible l'identification d'une personne à partir de ses seules empreintes digitales, mais il est efficace pour la détection des fraudes à l'identité.

Je sais que le Gouvernement a modifié quelque peu sa position à la suite des remarques formulées par la CNIL. Pour autant, les garanties qu'il offre – qu'il prétend offrir, faudrait-il dire – pourront toujours être levées dans une loi ultérieure, comme cela a été le cas pour les extensions répétées du champ et des utilisations des fichiers de police : il n’est que de voir ce qui s'est passé au cours des dix dernières années.

Sur ce sujet, nous devons faire preuve d'un grand scrupule.

Monsieur le ministre, si une raison, ne serait-ce qu’une seule, avait pu justifier d’aller au-delà de la seule lutte contre l'usurpation d'identité, vous l'auriez sans aucun doute invoquée. Dans ces conditions, pourquoi aller plus loin alors que ce n'est pas nécessaire ?

De façon très éclairante, monsieur le rapporteur, vous faites valoir qu'il s'agit d'une question de principe : « Permettre [l’]usage [de ce fichier de 60 millions de Français] à d’autres fins que celle de la lutte contre l’usurpation d’identité présente des risques pour les libertés publiques. La commission a souhaité supprimer ces risques en doublant les garanties juridiques par une garantie matérielle, qui assure que l’identification d’une personne par ses seules empreintes soit impossible. Les garanties juridiques peuvent changer, la garantie matérielle, elle, restera. »

Dans la lutte contre l’usurpation d’identité, M. Guéant souhaite le « zéro défaut ». Autrement dit, il veut passer de 99, 9 % à 100 %. Pour notre part, nous sommes très attachés au principe du « zéro risque » pour les libertés publiques. Avec la solution du fichier à « lien faible » que nous défendons, nous parvenons à 99, 9 % de fiabilité dans la lutte contre l'usurpation d'identité et au « zéro risque » pour les libertés publiques et les libertés individuelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Avec le système soutenu par le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale, rien ne change en matière de lutte contre l'usurpation d'identité. En revanche, tout change au regard des risques pour les libertés individuelles et les libertés publiques.

Il s'agit là d'un problème grave. Nous légiférons pour l'Histoire et il n'est pas du tout anodin de s'engager dans la voie de Big Brother, avec la création de ce gigantesque fichier auquel rien ne pourra échapper et qui pourra être interconnecté avec d'innombrables autres fichiers.

Mes chers collègues, nous devrons nous prononcer sur ce texte tout à l’heure. J'appelle l'attention de chacune et de chacun d'entre vous. D'éminents juristes se sont exprimés sur ce sujet : « L'ensemble de la population verra donc ses données biographiques et biométriques d'identité fichées au ministère de l'intérieur. C'est une disposition démesurée et dangereuse pour les libertés publiques. »

Nous souhaitons prendre toutes les garanties pour défendre les libertés publiques, car nous avons conscience qu’il s’agit là de l'une des fonctions éminentes du Sénat de la République. §

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le ministre, permettez-moi tout d'abord de déplorer le choix du Gouvernement pour cette nouvelle lecture : il a préféré confier à l'Assemblée nationale le soin d'examiner en premier le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. Or elle avait pourtant été saisie en second de cette proposition de loi d’origine sénatoriale.

Cette stratégie consistant à amender à l’Assemblée nationale le texte de compromis issu de la commission mixte paritaire fait sans doute le jeu du Gouvernement, mais me semble peu respectueuse du travail parlementaire.

Cette remarque sur la méthode étant faite, j’en viens au fond.

L’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, l’ONDRP, estime qu’en 2010 la police aux frontières n’a relevé que 651 cas d’usage frauduleux de cartes d’identité. Les services de police et de gendarmerie, quant à eux, ont constaté la même année l’existence de 6 342 documents d’identité frauduleux. On est bien loin du chiffre de 200 000 annoncé dans l’exposé des motifs de la proposition de loi. On en vient donc à se demander si le jeu en vaut la chandelle et si ce texte n’a pas plutôt pour but de créer à long terme un immense fichier des gens honnêtes, placé sous l’autorité du ministère de l’intérieur, dont on ne saurait prévoir les possibles usages ultérieurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Nous savons l’effet traumatisant sur les individus de l’usurpation de leur identité. Pourtant, la disproportion entre la fraude et son remède est flagrante. L’intitulé même du texte, qui évoque la « protection » de l’identité, cache mal la réalité de son contenu, qui, lui, n’a rien de protecteur, bien au contraire.

Le fichier prévu viendrait-il s’ajouter un jour aux dizaines de fichiers déjà existants et pourrait-il être à terme utilisé régulièrement par la police ? L’objectif de ficher tous les Français a, me semble-t-il, un lien plutôt faible, si je puis dire en l’occurrence, avec la protection de leur identité.

Pour parer au risque d’usurpation, il existe des modalités de lutte contre la fraude bien plus efficaces et plus respectueuses de la vie privée, dont la CNIL préconise d’ailleurs l’usage. L’une d’elles consisterait à sécuriser les documents sources à produire pour la délivrance de titre d’identité, et ce sans donner d’aucune façon accès à d’autres informations dont l’usage abusif pourrait, à divers degrés, se révéler bien plus préjudiciable pour l’individu que l’usurpation de son identité.

George Orwell, dans 1984, écrivait : « Big Brother est infaillible et tout-puissant. […] Personne n’a jamais vu Big Brother. [...] Nous pouvons, en toute lucidité, être sûrs qu’il ne mourra jamais et, déjà, il y a une grande incertitude au sujet de la date de sa naissance. » Si nous acceptons le principe de ce fichier, même sous sa forme révisée par le Sénat, nous consignons à terme la date de naissance de Big Brother et nous enfermons nos identités dans des cages informatiques, que l’on ouvrira non seulement pour des échanges commerciaux et administratifs, mais pour nous suivre et nous poursuivre, et ce sans que nous soyons consultés. Et cela sans compter l’action éminemment probable de hackers s’emparant de toutes les données rassemblées sur l’identité des Français. La prochaine guerre ne sera pas atomique, elle sera informatique. Devons-nous en fourbir les armes ?

De même, par ces données rassemblées, nous offrirons la possibilité aux nouveaux totalitarismes de se mettre en place, des totalitarismes fondés sur une domination de l’information pour un meilleur contrôle des citoyens.

Aldous Huxley, dans la préface de 1946 à son livre Le Meilleur des Mondes, écrivait pour sa part : « Il n’y a, bien entendu, aucune raison pour que les totalitarismes nouveaux ressemblent aux anciens. Le gouvernement, au moyen de triques et de pelotons d’exécution, de famines artificielles, d’emprisonnements et de déportations en masse, est non seulement inhumain […] ; il est – on peut le démontrer – inefficace : et dans une ère de technologie avancée, l’inefficacité est le péché contre le Saint-Esprit. »

Nous entrons donc dans l’âge, redoutable, de l’efficacité, celle que ce genre de fichiers assurerait à nos dirigeants.

L’utopie catastrophiste que dessine mon exposé n’est pas si utopique que cela, les utopies aujourd’hui étant plus réalisables qu’autrefois. Souvenons-nous de cette « carte d’identité de Français » qu’on rendit obligatoire en 1940 et qui permit au gouvernement de Vichy d’accomplir ses funestes desseins.

Je tiens à rendre hommage au travail de la commission des lois, qui a su rester vigilante face aux dérives du texte adopté par l’Assemblée nationale et aux velléités liberticides du Gouvernement. Je reconnais et salue la détermination de la Haute Assemblée et son souci de ne pas laisser sans garde-fou un outil qui pourrait se révéler redoutable. Il n’est qu’à prendre l’exemple du fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG, initialement créé pour ficher les criminels sexuels et élargi depuis aux simples suspects dans la majorité des crimes et délits : 1, 8 million de profils génétiques y sont déjà consignés.

Mais c’est le principe même du fichage de la quasi-totalité de la population qui pose un problème aux sénatrices et sénateurs écologistes, malgré le lien faible avec les données biométriques. Rien n’oblige à la création d’un tel fichier. L’Allemagne, que le président-candidat se plaît tant à prendre en modèle, s’y est ainsi refusée lors de la mise en place des cartes d’identité biométriques ; il en est de même pour d'autres pays cités par le rapporteur.

Pour toutes ces raisons et s’inspirant de cet exemple, le groupe écologiste votera contre la création d’un quelconque « fichier des gens honnêtes » et donc contre la présente proposition de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la quatrième fois, nous débattons de cette proposition de loi. Le ping-pong qui s'est instauré entre l'Assemblée nationale et le Sénat depuis maintenant un an nous a quelque peu étourdis !

Le désaccord entre nos deux assemblées porte sur la nature du lien qui est institué au sein du fichier adossé à la création de la carte d’identité biométrique.

Pour l'Assemblée nationale et le Gouvernement, comme le démontre l'amendement que le Gouvernement a déposé sur ce texte, il doit s’agir d’un lien fort entre données biométriques et civiles. À l’inverse, le Sénat souhaite instaurer un lien faible, qui ne permette pas que ce fichier soit utilisé à des fins judiciaires, mais qui le rende suffisamment exploitable pour la lutte contre l’usurpation d’identité.

Certes, l’Assemblée nationale a revu sa copie au fil des différentes lectures et des avis de la CNIL et du Conseil d’État, en apportant à l’utilisation du fichier central biométrique un certain nombre de restrictions.

Pourtant, les nouvelles garanties ne sont pas suffisantes : au lieu de travailler aux qualités intrinsèques de ce fichier, l’Assemblée nationale a fait le choix de limiter simplement les possibilités de consultation de celui-ci. Force est alors de constater que les finalités du fichier pourront être élargies à l’occasion d’une nouvelle loi, en conservant intactes ses potentialités.

De plus, en l’état de la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, les limitations apportées restent incomplètes, permettant la recherche d’une identité à des fins judiciaires et non pas simplement de vérification. Pour cette raison, la commission des lois propose de rétablir un lien dit faible, plus respectueux de l’avis rendu par la CNIL le 25 octobre dernier, selon lequel la constitution d’un fichier biométrique aussi puissant et large que celui qui est prévu par la proposition de loi « doit s’accompagner de garanties solides et pérennes, qui interdisent l’utilisation de la base centrale pour un autre objet que celui pour lequel elle a été créée ».

Cependant, le fond du problème reste intact. Lien fort ou lien faible, nous estimons que c’est la création même d’un fichier permettant le fichage de l’ensemble de la population française qui pose problème. En effet, nous sommes particulièrement échaudés par la volonté de ce gouvernement de multiplier des fichiers dont les finalités sont souvent contestables puisqu’il s’agit d’instaurer un véritable contrôle social de la population.

En outre, nous n’approuvons pas que les services spécialisés, en particulier dans la lutte contre le terrorisme, soient autorisés à utiliser ce fichier. C’est en effet au nom d’une telle cause que ce gouvernement a engagé depuis plusieurs années une politique sécuritaire particulièrement attentatoire aux libertés individuelles et au respect de la vie privée de nos concitoyens.

Nous préconisons en la matière, une fois n’est pas coutume, de nous inspirer de la législation de nos voisins d’outre-Rhin, en ne constituant pas de fichier centralisé. Il s’agit à nos yeux de la solution juridique la plus équilibrée et la plus solide.

Je vous invite, à ce titre, à relire l’avis de la CNIL, selon lequel la création d’une base centrale était disproportionnée au regard de l’objectif de sécurisation des titres. La CNIL va même plus loin puisqu’elle considère comme légitime « le recours à des dispositifs de reconnaissance biométrique pour s’assurer de l’identité d’une personne, dès lors que les données biométriques sont conservées dans un support individuel exclusivement détenu par la personne concernée ».

Cela signifie bien que, a contrario, elle juge illégitime le recours à des données biométriques si celles-ci sont conservées dans un support qui ne serait pas détenu exclusivement par la personne concernée, ce qui est bien le cas en l’espèce, puisqu’un fichier centralisé est créé.

De plus, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé à plusieurs reprises que la création de fichiers contenant des données biométriques pour des citoyens ne faisant l’objet d’aucunes poursuites constituait une violation manifeste des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Pourquoi, dès lors, s’obstiner dans une voie juridiquement contestable et politiquement inadmissible ?

Les querelles liées à la nature de ce fichier centralisé ne doivent pas nous faire oublier que la création même, par cette proposition de loi, d’une carte nationale d’identité biométrique pose problème, une puce dite « e-service » devant y être intégrée, certes de manière consultative.

À ce sujet, la CNIL a également émis de sérieuses réserves, soulignant la possibilité ainsi créée de « la constitution d’un identifiant unique pour tous les citoyens français, ainsi que la constitution d’un savoir public sur les agissements privés ». Elle conclut son avis ainsi : « De telles fonctionnalités ne devraient pas permettre le suivi des personnes sur internet ou l’exploitation par l’État d’informations sur les transactions privées effectuées par les citoyens. »

Nous partageons cette analyse et ne cautionnons pas un tel mélange des finalités entre intérêt régalien et intérêt commercial. La carte nationale d’identité doit rester un titre d’identité et non un outil au service d’intérêts commerciaux privés.

Par ailleurs, nous pouvons nous interroger sur le coût d’un tel titre pour nos concitoyens. Sera-t-il fourni gratuitement ou sera-t-il payant ? Bien que n’ayant cessé de poser cette question simple, nous n’avons jamais eu de réponse !

Une nouvelle fois, nous alertons nos collègues sur les risques de charges supplémentaires que ces nouvelles dispositions font peser sur les collectivités, à l’image de ce qui s’est passé lors de la création du passeport biométrique. Or les collectivités sont déjà malmenées par la politique fiscale de ce gouvernement, nous sommes ici bien placés pour le savoir !

En outre, sur les 36 000 communes, seules 2 000 seront habilitées à délivrer la carte nationale d’identité électronique, ce qui laisse augurer, nous semble-t-il, de fortes disparités géographiques et renforcer l’inégalité d’accès aux services publics.

Pour finir, nous n’acceptons pas que le Gouvernement utilise une nouvelle fois une proposition de loi pour faire passer un projet gouvernemental. L’inscription de ce texte à l’ordre du jour gouvernemental apparaît ainsi comme un aveu de ce que nous n’avons eu de cesse de dénoncer. Une telle instrumentalisation du Parlement est intolérable.

Pour toutes ces raisons, nous voterons de nouveau contre cette proposition de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, errare humanum est, perseverare diabolicum : cette sentence, qui a déjà été rappelée lors du précédent débat, s’applique parfaitement au présent texte. En effet, celui-ci a bénéficié de deux lectures tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale et de la réunion d’une commission mixte paritaire, qui n’a été que le reflet des positions divergentes des deux assemblées, sur un seul point, mais un point majeur.

Monsieur le ministre, comment ne pas regretter que, sur un thème essentiel, puisqu’il s’agit de combattre les auteurs d’usurpation d’identité, dont le nombre est évalué chaque année à plusieurs milliers, la sagesse et la mesure n’aient pas eu raison d’une tentation excessive, celle d’aller plus loin dans le durcissement d’une mesure sécuritaire ?

Je sais, comme beaucoup d’entre nous ici, quels ont été les avatars successifs des titres d’identité, qui ont permis de créer à l’envi et de diffuser par milliers des « vrais faux », malgré les mesures prises. Je sais quels efforts et quelles compétences ont mobilisé, mais aussi quelles contraintes ont imposées les différentes politiques mises en place pour contrer la propension de certains à déjouer les mesures sécuritaires, à peine celles-ci étaient-elles pensées et définies. Mais n’est-ce pas là une constante du jeu du gendarme et du voleur ?

Aussi n’avais-je pu, avec mes collègues du RDSE, que me réjouir de l’examen de cette proposition de loi, dont l’heureuse initiative, que je veux saluer, revient à nos collègues Jean-René Lecerf et Michel Houel. Le texte initial, enrichi, il faut l’admettre, au cours des différentes lectures du Sénat et de l’Assemblée nationale, devait permettre à tout un chacun d’apporter par tout moyen la preuve de son identité. La nouvelle carte d’identité, qui reste au demeurant un titre non obligatoire, pouvait être utilisée comme un instrument non seulement d’authentification lors de démarches administratives, mais aussi de transaction commerciale sur Internet, si son propriétaire le souhaitait.

Alors que la proposition de loi initiale s’en tenait à un dispositif simple et efficace, prolongé, ce qui est bien naturel, par la création d’un fichier contenant les seules données fournies par les demandeurs de titres et figurant dans le premier compartiment du composant électronique, l’Assemblée nationale, avec l’accord du ministère de l’intérieur, pour ne pas dire sous son impulsion, a proposé la création d’une base informatique de données, pouvant être utilisée dans le cadre de vérifications d’identité, mais aussi à des fins de recherches criminelles.

Le Sénat a refusé, en toute logique, de donner à cette proposition de loi une autre finalité que celle qui était la sienne. Aujourd’hui, le tout-sécuritaire nous enserre, nous étouffe !

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Il tue petit à petit les espaces de liberté, dont le ministère de l’intérieur, en tant que garant des libertés publiques, devrait pourtant être le premier gardien !

À ce titre, la Haute Assemblée a refusé à deux reprises, et encore en commission mixte paritaire, le principe d’un fichier visant à recenser les données de l’ensemble de la population sur le territoire national ; il a refusé l’utilisation de procédés de reconnaissance faciale ; il a rétabli le principe du lien faible et limité à deux, au lieu de huit, le nombre des empreintes digitales enregistrées dans la base centrale, suivant en cela l’avis rendu par le Conseil d’État dans son arrêt du 26 octobre 2011.

Je ne reviendrai pas ici sur les puissants arguments techniques développés avec éloquence par M. le rapporteur. Ils ne peuvent que nous conduire, en tant que défenseurs des libertés publiques, à refuser un système qui nous enfermerait.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de rappeler ici que mon collègue Yves Détraigne et moi-même avions déposé une proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique, dont Christian Cointat était le rapporteur. Ce texte, destiné à protéger nos citoyens de la diffusion intempestive de leurs données personnelles, et sur lequel le groupe RDSE voulait s’appuyer pour rouvrir le débat, avait été adopté dans cet hémicycle à l’unanimité. Pourtant, il n’a été jamais été examiné par l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mme Nathalie Goulet. Quel dommage !Quel gâchis !

Mme Sylvie Goy-Chavent approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

C’est un sujet essentiel, grave, auquel nous sommes trop peu nombreux à nous intéresser, alors qu’il requiert toute notre vigilance.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Je peux vous assurer que je mettrai toutes mes forces à lutter contre toutes les formes d’insécurité qui se développent, mais sans jamais entraver la liberté fondamentale du citoyen, notre bien le plus précieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Mes chers collègues, je vous rappelle que les groupes et la réunion des sénateurs non inscrits ont présenté leurs candidats pour siéger au sein de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, ces listes sont ratifiées, et sont donc nommés :

M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Claude Bérit-Débat, Martial Bourquin, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Gérard César, Alain Chatillon, Roland Courteau, Claude Dilain, Daniel Dubois, Alain Fauconnier, Didier Guillaume, Pierre Hérisson, Michel Houel, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, MM. Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Gérard Le Cam, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Jean-Jacques Mirassou, Mme Renée Nicoux, MM. Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Thierry Repentin, Bruno Retailleau, Mme Mireille Schurch, MM. Bruno Sido, Robert Tropeano, Yannick Vaugrenard, François Vendasi.

MM. Joël Billard, Jean Bizet, Pierre Camani, Vincent Capo-Canellas, Yves Chastan, Jacques Cornano, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Philippe Darniche, Marc Daunis, Marcel Deneux, Mme Evelyne Didier, M. Michel Doublet, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Philippe Esnol, Jean-Luc Fichet, Jean-Jacques Filleul, Alain Fouché, Francis Grignon, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Houpert, Benoît Huré, Daniel Laurent, Alain Le Vern, Hervé Maurey, Jean-François Mayet, Robert Navarro, Louis Nègre, Rémy Pointereau, Charles Revet, Roland Ries, Yves Rome, Mmes Laurence Rossignol, Esther Sittler, MM. Henri Tandonnet, Michel Teston, Raymond Vall, Paul Vergès, René Vestri.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mardi 21 février 2012, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (n° 2012-238 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Nous reprenons la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la protection de l’identité.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-René Lecerf.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il est un reproche qu’on ne pourra pas faire à la discussion de cette proposition de loi, c’est de ne pas avoir laissé libre cours à l’expression des opinions et des convictions de chacun ! Nous avons largement sacrifié – je ne dis pas succombé – aux délices du bicamérisme puisque c’est la quatrième fois, et sans doute la dernière, que notre assemblée est saisie de cette proposition de loi, seule l’Assemblée nationale devant ensuite avoir l’occasion d’un ultime examen.

Peut-être l’alternance sénatoriale de septembre dernier et la proximité d’échéances nationales essentielles ne sont-elles pas totalement étrangères à la longueur de la procédure législative et à la redécouverte des dispositions de l’article 45 de notre Constitution...

Je consacre beaucoup de temps, avant même d’aborder les problèmes de fond, à expliquer aux médias que, après la tentative manquée d’approbation par les deux assemblées du texte élaboré par la commission mixte paritaire, une nouvelle lecture par l’Assemblée nationale et le Sénat demeure nécessaire, avant que le Gouvernement n’ait la possibilité de demander à la chambre élue au suffrage universel direct de statuer définitivement.

Je me garderai bien d’évoquer ici la querelle, certes courtoise, qui oppose les présidents des deux commissions des lois quant à la lettre et l’esprit des dispositions concernant le rôle de la commission mixte paritaire. Pour avoir été membre de la CMP réunie sur la proposition de loi relative à la protection de l’identité que de celle qui a examiné les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines, j’incline aujourd’hui à penser que l’adoption d’un texte commun ou l’échec d’une CMP sont étroitement liés à l’autorité qui exerce la présidence de celle-ci et n’ont pour conséquence que l’ouverture ou non d’une lecture supplémentaire devant chaque chambre.

Tout cela ne présente d’ailleurs guère d’inconvénient, même si seul le « microcosme », comme aurait dit Raymond Barre, peut apprécier la saveur de la répétition de nos débats. §

Coauteur de cette proposition de loi avec mon collègue Michel Houel, j’ai eu la satisfaction de voir les points de vue de nos deux assemblées, ceux des oppositions et des majorités, se rapprocher considérablement lors des deux premières lectures. Gardons-nous de l’oublier, même si nous sommes désormais confrontés aux limites de cette convergence.

Nous partageons tous la volonté, comme le disait notre collègue Serge Blisko le 1er février dernier à l’Assemblée nationale, de « lutter contre une délinquance qui peut être particulièrement destructrice pour les victimes – l’usurpation de leur identité –, qui a des effets ravageurs et dont les conséquences économiques, sociales, fiscales voire judiciaires, peuvent se poursuivre durant des années ».

Nous partageons tous, aussi, le souci de concilier la lutte contre l’usurpation d’identité, c’est-à-dire, tout de même, la sécurité élémentaire que l’État doit à ses citoyens, avec la défense des libertés individuelles et publiques comme avec le respect de la vie privée.

C’est ainsi que l’Assemblée nationale, si elle a opté pour l’établissement d’un lien fort, univoque, entre données biométriques et données d’état civil au sein de la base TES a accompagné ce choix de garanties légales incontournables, qui vont bien au-delà des garanties demandées par la CNIL en matière d’utilisation des fichiers. Je pense à l’interdiction de croiser la base TES avec d’autres fichiers publics ; à l’exclusion explicite de la reconnaissance faciale ; à la limitation à deux du nombre d’empreintes enregistrées ; à la limitation de l’accès à la base sur réquisition judiciaire aux infractions liées à l’usurpation d’identité et à l’identification des victimes de catastrophe, dernière hypothèse qui n’est pas simplement une hypothèse d’école, le naufrage récent du Costa Concordia vient de nous le rappeler cruellement.

Nous sommes également, dans notre grande majorité, convaincus de la nécessité de créer une base de données biométriques. Nous aurions pu envisager la mise en place d’une carte à puce biométrique sans fichier central, qui aurait déjà permis d’authentifier le porteur par comparaison avec les données biométriques contenues dans la puce. Mais cette technologie n’aurait pas permis d’assurer l’unicité de l’identité lors de la délivrance du titre.

Or, en parcourant le volumineux rapport de l’Observateur national de la délinquance et des réponses pénales pour 2011, on peut lire, en ce qui concerne les identités multiples : « En 2010, 100 757 personnes ont été signalées pour l’utilisation d’au moins deux états civils différents. Depuis 2005, on constate que les données de la police technique et scientifique sur ce type de signalement ne cessent d’augmenter, en hausse de 109, 9 % en cinq ans. »

Le seul véritable différend qui persiste – je concède à la fois qu’il est important et que les débats du législateur sur ce point sont loin d’être médiocres – porte sur l’architecture du fichier. Pour les uns, partisans du lien faible, la base ne peut en aucun cas avoir un lien univoque et permettre, par exemple, la connaissance de l’identité à partir des empreintes digitales. Pour les autres, seul le lien fort présente la précision technique opérationnelle, l’efficacité qui permettra non seulement de protéger ponctuellement le citoyen de l’usurpation d’identité, mais aussi de confondre les délinquants et les fraudeurs.

Dans sa grande majorité, le groupe UMP s’est rallié à la technologie du lien fort et votera donc l’amendement du Gouvernement, et cela pour plusieurs raisons.

D’une part, les garanties juridiques qui se sont multipliées au cours de la procédure législative ont retiré à cette option la dangerosité qu’elle pouvait initialement présenter et n’impose donc plus de dégrader volontairement l’outil mis en place par le recours au lien faible.

D’autre part, l’importance de la fraude à l’identité impose à l’État de réagir avec vigueur. Toujours dans le rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, on peut lire que 13 141 faits de fraude documentaire et à l’identité ont été enregistrés par les services de police et de gendarmerie en 2009 et qu’en 2010 les services de la police aux frontières ont réalisé 12 097 interceptions de documents frauduleux. Et encore tout cela ne constitue-t-il, mes chers collègues, que la partie émergée de l’iceberg !

Je conclurai en évoquant la seconde puce facultative permettant de s’identifier sur les réseaux de communication électronique et de mettre en œuvre sa signature électronique.

D’une part, il ne me paraît en rien choquant que ce soit l’État qui sanctuarise, dans tous les domaines, l’identité de ses citoyens.

D’autre part, je constate la complémentarité du projet de label privé d’identité numérique IDENUM et de la carte d’identité électronique. Je cite une dernière fois le rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales : « Avec ces deux projets, la France pourra combler le retard qu’elle a pris sur ses voisins européens et voir la constitution d’une industrie de la confiance numérique. La généralisation de l’utilisation de tels outils de preuve d’identité permettra enfin de lutter plus efficacement contre les usurpations d’identités ». §

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites sur ce sujet, ce soir ou lors des lectures précédentes. Certains propos reçoivent mon plein accord, d’autres ma réprobation. C’est le cas de votre intervention, monsieur le ministre, et de celle de notre excellent collègue M. Lecerf.

Monsieur le ministre, vous avez indiqué que la base de données à lien faible constituait une fausse solution. Je considère au contraire qu’elle représente la vraie solution, alors que la base à lien fort n’a rien de nécessaire pour faire face au problème qui nous occupe.

Vous avez également évoqué l’éventuelle défaillance du brevet du lien faible. Je vous répondrai que le lien faible implique une technique statistique, un concept mathématique qui ne dépend pas que d’un seul brevet. Peut-être une technologie s’est-elle révélée défaillante, mais cela ne signifie pas pour autant que le concept soit à jeter.

La question est de savoir s’il faut, ou non, une base de données centralisée. On peut considérer que la simple comparaison des empreintes du titulaire d’une carte d’identité numérisée avec celles de la personne qui présente la carte pouvait suffire à contrôler les identités. Le Sénat a estimé que cette comparaison n’était pas suffisante pour mener une lutte efficace contre l’usurpation d’identité. La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui en nouvelle lecture a prévu d’autres mesures que l’on mentionne peu dans nos débats, mais qui permettent de limiter le nombre de fraudeurs potentiels par la sécurisation de l’obtention des documents d’état civil nécessaires à la délivrance d’un titre d’identité. Il ne faut pas oublier cette première barrière, qui a montré son efficacité dans la lutte contre l’usurpation d’identité.

Bien que d’autres pays européens, d’autres démocraties, n’aient pas fait ce choix, le Sénat veut doter la France d’une base de données centralisée pour lutter contre l’usurpation d’identité. Toutefois, il a prévu des limites afin de préserver la première des sécurités – sur ce point, je suis en désaccord avec M. Lecerf – que constitue, dans une démocratie, le fait de pouvoir aller et venir en toute liberté et en tout anonymat tant que l’on ne fait rien de répréhensible. Et ce n’est pas la même chose que de dire que l’on peut être filmé, surveillé, espionné ou tracé alors que l’on ne fait rien de répréhensible !

Or cette liberté d’aller et de venir en tout anonymat est menacée par la création d’une base de données à lien fort. Si vous allez consulter votre médecin avant de vous rendre dans une pharmacie, vous ne faites rien de répréhensible ! Si vous êtes haut fonctionnaire ou militaire et que vous assistez à une réunion publique, politique ou associative engagée, vous ne faites rien répréhensible ! Pour autant, vous n’avez pas forcément envie de laisser des traces de cette activité particulière.

Aujourd’hui, seules les empreintes digitales permettent de retracer vos activités. Certes, mais la loi est susceptible d’évoluer et, demain, de la même façon, on pourra retracer vos activités, vous reconnaître et vous identifier avec les images faciales numérisées. On y arrivera ! C’est le Big Brother que nombre d’entre nous ont déjà évoqué ici. Le droit d’aller et venir en toute liberté, en tout anonymat, est donc bien menacé par une base de données à lien fort.

La finalité de la base de données centralisée que nous avons acceptée, c’est de lutter contre l’usurpation d’identité. Je réfute l’argument selon lequel le lien faible ne permettrait pas de remonter à l’origine de la fraude, de retrouver le fraudeur. Certes, cela peut arriver mais, je le répète, il existe, en amont du lien faible, des mécanismes qui permettent de limiter ce risque.

Ensuite, le fraudeur ne pourra pas y « revenir deux fois ». S’il n’a pas été identifié la première fois, il le sera la seconde fois. Le seul cas dans lequel le fraudeur pourrait ne pas être identifié serait l’hypothèse où la personne dont l’identité a été usurpée ne figure pas dans la base de données centralisée. Avouez que ce serait vraiment de la malchance ! Dans cinq ou dix ans, ce risque aura disparu et tous les fraudeurs pourront être détectés. De la même façon, seront repérés tous ceux qui se promènent avec au moins deux identités.

La finalité est donc parfaitement respectée avec la base de données à lien faible.

J’en viens à la notion de proportionnalité. On relève, nous dit-on, 100 000 usurpations d’identité, mais on compte 60 millions de Français. Il y aura donc une base contenant 60 millions de personnes identifiables d’un simple clic, au vu des empreintes digitales qu’elles auront laissées quelque part ou au vu, demain, d’une image numérisée. Pour moi, en l’occurrence, la proportionnalité est clairement en défaveur des libertés, donc de cette sécurité élémentaire qui consiste à pouvoir aller et venir en tout anonymat.

La proportionnalité est aussi mise à mal avec le concept d’irréversibilité qui prévaut pour la base de données à lien fort. Monsieur le ministre, le risque zéro que vous prônez n’existera pas avant au moins cinq ou dix ans, c’est-à-dire le temps nécessaire à la constitution d’une base de données centralisée suffisamment renseignée.

Comme je l’ai indiqué en commission des lois, dans cinq à dix ans, la base de données centralisée à lien faible permettra de réaliser exactement le même travail qu’une base à lien fort parce que, alors, même les enfants seront enregistrés. On ne pourra donc plus usurper l’identité d’une personne sans être démasqué. M. Lecerf l’a admis en déclarant que, si la situation d’aujourd’hui était celle qui prévaudra dans dix ans, il aurait aussi été favorable au lien faible.

Alors, aujourd’hui, pour se doter d’un outil qui ne va pas être efficace à 100 % dans l’immédiat, on prend le risque de construire une bombe à retardement, uniquement parce qu’on ne veut pas attendre dix ans ! C’est aussi au regard de son caractère d’irréversibilité que cet outil me paraît complètement disproportionné par rapport aux objectifs visés.

Par ailleurs, quelles garanties pouvons-nous aujourd’hui donner aux citoyens français quant à la sécurité des données qui figureront dans ce fichier de 60 millions d’honnêtes gens ? Qui peut mettre sa main à couper qu’aucun hacker ne pénétrera dans ce fichier, que personne n’en utilisera les données ? Et l’on est tellement persuadé de l’infaillibilité de ce fichier que, si quelqu’un, un jour, forcément animé d’intentions malveillantes, parvient à forcer ce fichier pour y inscrire que vos empreintes digitales ont été relevées dans un lieu donné, vous serez inévitablement accusé et vous aurez les plus grandes peines du monde à faire admettre que vous n’étiez pas présent dans ce lieu. On oublie simplement que l’infaillibilité de la technologie, ça n’existe pas !

Cet outil, hyperpuissant, éveillera nécessairement l’intérêt des hackers. Or il ne sera pas inviolable. Les seules sécurités posées sont de nature juridique et, de même que la loi ne suffit pas à empêcher les mauvaises actions – nos prisons sont suffisamment remplies pour nous le démontrer, hélas ! –, la loi ne suffira pas à empêcher les utilisations malveillantes, les fraudes, le vol de données.

La loi n’empêchera pas non plus, on le sait bien, le mélange de genres et de casquettes comme on a pu en voir récemment, entre juillet et novembre derniers. On nous dit que le ministère de l’intérieur sera responsable de la constitution de ce fichier, cependant que le ministère de la justice contrôlera sa consultation. Or, très récemment, par échanges de circulaires et de dépêches entre ces deux ministères – avec des mots pas toujours très doux… –, le premier a voulu prendre la main sur des compétences qui relevaient du second.

Qu’est-ce qui empêchera, demain, avec ce fichier de tous les Français honnêtes, que des faits similaires se produisent ? On a déjà vu invoquer la sécurité nationale pour justifier des usages, ou plutôt des mésusages comme les « fadettes » ou les écoutes. Qu’est-ce qui empêchera, demain, n’importe quel gouvernement de brandir ce même impératif pour consulter ces fichiers, qui n’ont d’autre objet que de combattre l’usurpation d’identité, et donc d’en faire une mauvaise utilisation, ce précisément contre quoi nous luttons aujourd’hui ?

L’obstination du Gouvernement sur ce texte m’étonne ; il n’avance aucune bonne raison, il n’en a que des mauvaises ! Dans ces conditions, comment établir un climat de confiance ?

Pour l’ensemble de ces motifs, nous ne sommes évidemment pas favorables à l’amendement du Gouvernement, sauf si tous les Français, consultés par voie de référendum, acceptent, dans les conditions et avec les risques que nous venons d’expliciter, de faire figurer leurs coordonnées ainsi que leurs données biométriques et biographiques dans un tel fichier. Je ne crois pas que ce soit le cas !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur la protection de l’identité n’en finit pas de diviser la majorité de l’Assemblée nationale et celle du Sénat. Nous voici donc à la quatrième lecture de ce texte.

C’est non pas sur l’existence d’un fichier central biométrique de la population que porte notre désaccord, mais bien sur son utilisation à travers la base de données que crée cette proposition de loi. En effet, la base TES – titres électroniques sécurisés – regroupera l’ensemble des données, y compris biométriques, de tous les porteurs d’une carte d’identité, constituant un gigantesque fichier.

Le lien faible que nous proposons s’oppose au lien fort pour une raison simple : nous pouvons avoir accès aux données biométriques d’une personne ou vérifier ces données à partir de son identité, mais il est impossible d’établir son identité à partir de ses données biométriques.

Le lien fort permet les deux : confronter l’identité de la personne à ses données biométriques, ce qui permet de vérifier son identité, et le contraire, à partir de données biométriques, retrouver son identité.

Ces deux conceptions de l’exploitation d’une base centrale des données s’opposent, et c’est la raison pour laquelle, compte tenu de l’objet de ce texte, qui est de lutter contre l’usurpation d’identité, le lien faible est tout à fait suffisant.

En effet, en ayant connaissance de l’identité, nous sommes en mesure de retrouver les empreintes biométriques. Bref, nous pouvons permettre l’identification des victimes de toute usurpation d’identité, contre laquelle nous luttons ainsi de manière totalement sûre et complète.

Par conséquent, le lien faible permet de constater l’usurpation d’identité et d’établir quelle est la victime de cette usurpation.

Le lien fort permettrait quant à lui l’identification du coupable. Mais vouloir le lien fort, ce n’est plus vouloir lutter contre l’usurpation d’identité, c’est en réalité créer un fichier de police afin d’être capable de remonter à l’usurpateur. La démarche n’est plus du tout la même.

En outre, lorsqu’on envisage les perspectives de détournement – tous les fichiers sont détournés un jour ou l’autre – qui sont possibles avec de tels fichiers à lien fort entre l’identité et toutes les données biométriques, dont les visages – au moyen des caméras de surveillance –, cette évolution de la société telle que vous nous la proposez fait froid dans le dos !

C’est la raison pour laquelle le lien faible semble être la seule solution permettant de garantir les libertés individuelles.

Je voudrais formuler quelques remarques sur les déclarations du ministre de l’intérieur lors du dernier débat à l’Assemblée nationale.

Tout d’abord, précisons-le, le lien fort et le lien faible sont deux concepts mathématiques de gestion des fichiers ; cela n’a rien à voir avec un brevet spécifique qui serait attribué à une entreprise.

Ensuite, M. Guéant qualifie le lien faible d’« illusion ». En réalité, il s’agit d’une confusion dans son esprit. La lutte contre l’usurpation d’identité, c’est une chose ; la mise en place d’un fichier de police permettant de remonter vers les usurpateurs, c’en est une autre. Ces deux manières d’appréhender ce débat sous-tendent deux conceptions différentes de la société.

En l’espèce, notre mobilisation est totale, car il y va de la liberté individuelle, du respect de la vie de nos concitoyens.

Il s’agit en fait de tourner la page sur toute une période de notre pays, qui a commencé avec le scandale SAFARI en 1974 – j’étais assez jeune à l’époque –, quand le gouvernement d’alors avait voulu créer un fichier croisant l’ensemble des données de plusieurs fichiers différents. Ce projet ayant suscité une telle révolte de l’ensemble de la population, y compris de la presse, le Premier ministre de l’époque n’avait pu le mettre en œuvre. C’est ainsi qu’est née, en 1978, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, créée par la loi Informatique et libertés.

En allant dans le sens de ce que nous propose le Gouvernement aujourd’hui, nous tournerions la page sur cette époque, au cours de laquelle la CNIL a veillé sur l’évolution de l’informatique. La même CNIL, d’ailleurs, conteste aujourd’hui totalement le lien fort défendu par le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale.

Il est particulièrement inquiétant que nous soyons incités à passer outre ces trente années : la CNIL nous a protégés, un certain nombre de principes tendant au respect des libertés ont favorisé la mise en place progressive d’une société plus informatisée, mais soucieuse de garantir les libertés.

Pourtant, vous nous proposez une nouvelle société que nous ne pouvons accepter. Le passeport biométrique, qui a été en partie sanctionné par le Conseil d’État, le suivi des étrangers par prise d’ADN ou d’empreintes biométriques, la commercialisation, par le Gouvernement, des données des fichiers des immatriculations, le scandale des « fadettes », bref, tout cela invite à la méfiance et nous ne pouvons pas, au-delà même de ce que j’ai dit tout à l’heure sur les risques du lien fort, a fortiori dans les circonstances actuelles, accepter ce type de démarche.

À mon sens, le seul pays, hormis Israël, qui s’est engagé dans cette démarche en faveur du lien fort, c’est l’Inde, qui utilise lui aussi un argument tout à fait étonnant. En France, on nous parle d’usurpation d’identité ; là-bas, on évoque la protection des pauvres, qui, ne sachant lire mais pouvant être identifiés par l’iris de l’œil, n’auraient pas besoin de papiers pour prouver leur identité. Il est tout de même assez étonnant de voir un gouvernement, qui, plutôt que de s’appliquer à développer une politique d’éducation, veut créer un lien fort pour identifier l’ensemble de sa population !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Enfin, si vous souhaitez lutter contre l’usurpation d’identité dans l’ensemble de notre espace de liberté, qui est l’espace Schengen, il faut convaincre tous nos partenaires ; or ils sont tellement férus de libertés individuelles qu’ils ne souhaitent pas aujourd’hui créer la base de données qu’il est aujourd’hui proposé au Sénat d’instaurer.

Par conséquent, la première étape, l’étape indispensable, celle qui respecte les libertés, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

… c’est de reconnaître le lien faible, qui respectera la liberté et permettra d’assurer la continuité de la vie de l’ensemble de nos concitoyens dans une société de libertés, de responsabilités.

Tel est le choix que nous confirmerons aujourd’hui aux côtés de notre rapporteur, M. Pillet.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Je rappelle que, aux termes de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les articles votés conformes et les amendements portant article additionnel sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.

[Pour coordination]

La carte nationale d’identité et le passeport comportent un composant électronique sécurisé contenant les données suivantes :

1° Le nom de famille, le ou les prénoms, le sexe, la date et le lieu de naissance du demandeur ;

2° Le nom dont l’usage est autorisé par la loi, si l’intéressé en a fait la demande ;

3° Son domicile ;

4° Sa taille et la couleur de ses yeux ;

5° Deux de ses empreintes digitales ;

6° Sa photographie.

Le présent article ne s’applique pas au passeport délivré selon une procédure d’urgence.

L'article 2 est adopté.

Afin de préserver l’intégrité des données requises pour la délivrance du passeport français et de la carte nationale d’identité, l’État crée, dans les conditions prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, un traitement de données à caractère personnel facilitant leur recueil et leur conservation.

Ce traitement de données, mis en œuvre par le ministère de l’intérieur, permet l’établissement et la vérification des titres d’identité ou de voyage dans des conditions garantissant l’intégrité et la confidentialité des données à caractère personnel ainsi que la traçabilité des consultations et des modifications effectuées par les personnes y ayant accès.

L’enregistrement des deux empreintes digitales et de l’image numérisée du visage du demandeur est réalisé de manière telle qu’aucun lien univoque ne soit établi entre elles, ni avec les données mentionnées aux 1° à 4° de l’article 2, et que l’identification de l’intéressé à partir de l’un ou l’autre de ces éléments biométriques ne soit pas possible.

La vérification de l’identité du demandeur s’opère par la mise en relation de l’identité alléguée et des autres données mentionnées aux 1° à 6° de l’article 2.

Le traitement ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir des images numérisées du visage qui y sont enregistrées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Afin de préserver l’intégrité des données requises pour la délivrance du passeport français et de la carte nationale d’identité, l’État crée, dans les conditions prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, un traitement de données à caractère personnel facilitant leur recueil et leur conservation.

Ce traitement de données, mis en œuvre par le ministère de l’intérieur, permet l’établissement et la vérification des titres d’identité ou de voyage dans des conditions garantissant l’intégrité et la confidentialité des données à caractère personnel ainsi que la traçabilité des consultations et des modifications effectuées par les personnes y ayant accès.

L’identification du demandeur d’un titre d’identité ou de voyage ne peut s’y effectuer qu’au moyen des données énumérées aux 1° à 5° de l’article 2.

Il ne peut y être procédé au moyen des deux empreintes digitales recueillies dans le traitement de données que dans les cas suivants :

1° Lors de l’établissement des titres d’identité ou de voyage ;

2° Dans les conditions prévues aux articles 55-1, 76-2 et 154-1 du code de procédure pénale ;

3° Sur réquisition du procureur de la République, aux fins d’établir, lorsqu’elle est inconnue, l’identité d’une personne décédée, victime d’une catastrophe naturelle ou d’un accident collectif.

Aucune interconnexion au sens de l’article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée ne peut être effectuée entre les données mentionnées aux 5° et 6° de l’article 2 de la présente loi contenues dans le traitement prévu par le présent article et tout autre fichier ou recueil de données nominatives.

II. – L’article 55-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si les nécessités de l’enquête relative aux infractions prévues aux articles 226-4-1, 313-1, 313-2, 413-13, 433-19, 434-23, 441-1 à 441-4, 441-6 et 441-7 du code pénal, aux articles L. 225-7, L. 225-8 et L. 330-7 du code de la route, à l’article L. 2242-5 du code des transports et à l’article 781 du présent code l’exigent, le traitement de données créé par l’article 5 de la loi n° …du … relative à la protection de l’identité peut être utilisé pour identifier, sur autorisation du procureur de la République, à partir de ses empreintes digitales, la personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une de ces infractions. La personne en est informée. Cette utilisation des données incluses au traitement susvisé doit être, à peine de nullité, mentionnée et spécialement motivée au procès-verbal. Les traces issues de personnes inconnues, y compris celles relatives à l’une des infractions susvisées, ne peuvent être rapprochées avec lesdites données. »

III. – Le second alinéa de l’article 76-2 du même code est ainsi rédigé :

« Les trois derniers alinéas de l’article 55-1 sont applicables. »

IV. – Le second alinéa de l’article 154-1 du même code est ainsi rédigé :

« Les trois derniers alinéas de l’article 55-1 sont applicables. »

V. – La sous-section 1 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du même code est complétée par un article 99-5 ainsi rédigé :

« Art. 99-5. – Si les nécessités de l’information relative à l’une des infractions mentionnées au dernier alinéa de l’article 55-1 l’exigent, l’officier de police judiciaire peut, avec l’autorisation expresse du juge d’instruction, utiliser le traitement de données créé par l’article 5 de la loi n° …du … relative à la protection de l’identité pour identifier une personne à partir de ses empreintes digitales sans l’assentiment de la personne dont les empreintes sont recueillies. »

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales

J’ai déjà exposé les raisons pour lesquelles le Gouvernement présente cet amendement tendant à rétablir le texte dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.

Permettez-moi juste quelques réflexions complémentaires.

Nous voyons bien que nous sommes en présence de deux conceptions : celle du lien faible et celle du lien fort.

Jean-René Lecerf a développé avec brio les arguments en faveur du lien fort, et je les présenterai au nom du Gouvernement.

Il ne me viendrait pas à l’idée de reprocher aux « adeptes » du lien faible de ne pas être sensibles à la détresse de tous ceux dont l’identité a été usurpée. Alors pourquoi, lorsque nous développons la thèse du lien fort, vient-on nous suspecter de vouloir créer des fichiers et d’être liberticides ? Nous essayons juste de trouver des solutions face à une situation difficile.

Il ne me viendrait pas non plus à l’idée d’incriminer ceux qui défendent le lien faible en leur disant qu’ils ne tiennent aucun compte de la situation de dizaines de milliers de victimes par an dont on a usurpé l’identité.

De la même façon, je souhaiterais que, lorsque nous défendons la thèse du lien fort, vous adoptiez la même attitude à notre égard. Il est faux de dire que le seul souci des partisans du lien fort est de « fliquer », de contrôler. Nous voulons juste répondre à un vrai problème.

Ceux qui tentent d’apporter des solutions dans un sens ou dans l’autre seront toujours critiqués par d’autres qui veulent aller plus loin. La preuve en est qu’un certain nombre d’entre vous sont intervenus pour dire qu’ils étaient opposés à l’existence même d’un fichier et qu’ils ne voulaient ni lien fort ni lien faible. Nous l’avons clairement entendu.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

La situation n’est donc pas aussi binaire qu’il y paraît ; elle est beaucoup plus compliquée !

Chaque année, un nombre important d’identités sont détournées.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Le présent amendement vise à dénouer, comme cela a été précisé, les situations dans lesquelles des identités ont été détournées afin de faire en sorte que les auteurs de ces détournements puissent être retrouvés.

Je voudrais ensuite préciser que, au cours de la navette parlementaire entre l’Assemblée nationale et le Sénat – cela a été dit par plusieurs intervenants –, le Gouvernement et les députés ont tenu compte des remarques judicieuses formulées par les uns et les autres, notamment la CNIL, et ont modifié le texte en conséquence. Je pense à cet égard au nombre de prises d’empreintes, qui est passé de huit à deux, et à l’intervention du juge dans l’accès aux données, et non plus simplement de la police, comme vous le disiez, monsieur le rapporteur, et ce en vue de garantir les libertés.

Grâce à ces précautions, nous sommes en mesure, je le crois, à la fois d’enrayer ce phénomène qui prend une ampleur toujours plus grande, d’apporter des réponses concrètes à celles et ceux qui sont dans la détresse parce qu’on a usurpé leur identité, et de faire en sorte que, dans le même temps, ce qui fait l’identité de chacun, son espace, ce qu’il est, soit respecté.

C’est la raison pour laquelle l’ensemble de ces restrictions figurent dans le texte tel qu’il vous est soumis, afin d’éviter tous les dérapages, toutes les dérives.

J’ai bien compris que je n’arriverai pas à convaincre, à ce stade de la quatrième lecture de ce texte au Sénat, et autant à l’Assemblée nationale. J’ai le sentiment que les idées sont déjà plus ou moins forgées et que nous nous réunissons plus pour la forme que pour faire évoluer les positions des uns et des autres.

Enfin, j’ai expliqué les raisons pour lesquelles le Gouvernement a déposé cet amendement, qui tend à rétablir ce que l’on appelle « le lien fort ».

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Klès et M. J.P. Michel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les personnes concernées par le traitement de données à caractère personnel prévu aux alinéas précédents doivent obligatoirement avoir donné leur consentement pour figurer sur ce fichier. Ce consentement est reçu par les agents de l’état civil.

La parole est à Mme Virginie Klès.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Cet amendement est un dernier appel au Gouvernement.

Si la base centralisée à lien fort est vraiment la solution voulue par les Français, puisqu’on nous dit qu’il ne s’agit pas d’un fichier de police, eh bien, appliquons la loi jusqu’au bout et demandons le consentement éclairé de chaque Français pour que ses données figurent dans ce fichier !

Manifestement, le référendum est à la mode aujourd’hui §; on demande aux Français leur avis sur tout, y compris sur ce qui ne les concerne pas. Là, ils sont directement visés, puisqu’il s’agit de l’obtention de leur carte d’identité.

On nous dit aussi que la carte d’identité n’est pas obligatoire, ce qui est vrai sur le plan légal ; dans la pratique, elle l’est. Posons la question à chaque Français lors de la délivrance de sa carte d’identité, en lui expliquant que ses données figureront dans une base à lien fort.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Monsieur le ministre, cet amendement déposé par le Gouvernement tend à rétablir le système du lien fort, adopté par l’Assemblée nationale.

À titre liminaire, je précise qu’aucun sénateur – au sein de la commission des lois ou dans cet hémicycle – n’a mis en doute la bonne foi ou la légitimité des propos de qui que ce soit

M. le ministre manifeste sa circonspection.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Certes, je comprends votre pragmatisme face au besoin social d’élucidation des infractions, et j’en conviens tout à fait. Toutefois, ce n’est ni le sujet de ce texte ni l’objectif visé !

Ainsi, en dépit des avancées notables consenties par le Gouvernement et les députés depuis l’examen en première lecture de la présente proposition de loi, les garanties juridiques apportées au dispositif du lien fort ne présentent ni la solidité ni le niveau d’irréversibilité qu’assure le lien faible. De plus, elles ne répondent pas à l’immense questionnement qu’engendre la constitution d’un fichier regroupant toutes les données biométriques de 60 millions de Français. Je le répète, ce dispositif ne résout pas ce problème.

Je passe sur toutes les imperfections juridiques auxquelles aboutirait l’adoption de l’amendement présenté par le Gouvernement, qui reprend la position de l’Assemblée nationale. De fait, j’ai déjà développé ce point voilà quelques instants.

Je ne citerai qu’un argument : pour que le fichier central biométrique de la population française soit détourné de son but premier, et exploité à des fins criminelles, il suffirait de supprimer la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 55-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction proposée par l’Assemblée nationale, ou encore d’ajouter de nouveaux articles à la longue énumération déjà présente au même alinéa.

Dès lors, on s’expose au risque que j’ai évoqué lors de mon intervention à la tribune.

Certes, des garanties ont été accordées, mais – pardonnez-moi de le préciser – elles sont aussi minces que le papier sur lesquelles elles sont inscrites !

Mme Anne-Marie Escoffier acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Enfin – je conclurai ainsi – le débat est clos : cette nouvelle lecture s’achève. Dans quelques jours, les députés diront leur vérité, ils auront constitutionnellement raison et c’est leur vision qui prévaudra.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Néanmoins, ce même jour, on constatera que deux voies existent : celle du lien fort et celle du lien faible. La première est certes aussi légitime que la seconde, mais ces deux voies sont parallèles, et en vertu d’un postulat bien connu, elles ne peuvent pas se croiser ! Dès lors, il convient d’opérer un choix, dont nous connaissons à la fois les termes et les conséquences.

Je suis intimement persuadé que le Sénat doit rester fidèle à ce principe : assurer à 100 % le respect des libertés publiques.

J’ajoute un argument fragile, bassement matériel et pragmatique : je conçois que certains de nos collègues soient tentés de s’aligner sur la position adoptée par les députés. Mais, mes chers collègues, sans vous, ce texte entrera tout de même en vigueur quoi qu’il en soit ! Par conséquent, votons en bloc, de manière monolithique, préservons la cohérence globale et massive du Sénat, et assurons nos concitoyens qu’ils peuvent trouver en nous un défenseur des libertés publiques !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et de l’UCR, ainsi que sur certaines travées du RDSE – M. le président de la commission des lois applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Monsieur le ministre, c’est la raison pour laquelle j’ai le regret de vous confirmer l’avis défavorable de la commission dont je suis le porte-parole, même si chacun, dans cet hémicycle, a compris que j’exprimais également ma conviction personnelle.

Concernant l’amendement n° 1 rectifié, je formulerai la même remarque : il ne faut pas affaiblir cette position forte du Sénat en modifiant ainsi le présent texte, en opérant un choix qui, du reste, pourrait fragiliser des dispositions que nous-mêmes proposons. De fait, si l’inscription sur ce fichier devient uniquement facultative, tous ceux qui préméditent une usurpation d’identité pourront aisément accomplir leurs desseins. Il s’agit certes d’un argument technique, qui a ses faiblesses et que vous pouvez réfuter.

Mais surtout, l’adoption d’un semblable amendement affaiblirait la position de principe du Sénat, que je viens de rappeler. C’est donc avec beaucoup de conviction que je demande à nos deux collègues de bien vouloir retirer leur amendement.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Défavorable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l'amendement n° 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Les membres du groupe UCR voteront contre l’amendement du Gouvernement, suivant ainsi l’avis de la commission.

Je précise qu’en écoutant à l’instant M. le rapporteur, j’imaginais une énième loi de simplification du droit qui, parmi de multiples dispositions, supprimerait l’article 55-1 du code de procédure pénale sans qu’on évalue les effets d’une telle mesure. §Cette perspective est assez effrayante !

À nos yeux, la commission des lois du Sénat est donc bien inspirée, et nous la suivrons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Monsieur le ministre, comme tous mes collègues, je vous ai écouté avec la plus grande attention, et je dois vous avouer que je suis d’accord avec l’ensemble de vos propos, à une réserve près : vous occultez le fait qu’en la matière deux champs se superposent, à savoir, d’une part, la protection de l’identité – nous avons souhaité légiférer sur ce point, via la proposition de loi de Jean-René Lecerf et de Michel Houel – et, de l’autre, la lutte contre la criminalité, dans le cadre d’un second dispositif ajouté par le Gouvernement et par l’Assemblée nationale, et qui n’a aucun rapport avec le premier.

De surcroît, la recherche criminelle figure dans d’autres dispositifs législatifs et, aujourd’hui, il n’y a pas lieu de cumuler ces deux objectifs dans un même texte, de manière détournée – passez-moi l’expression. Voilà qui reviendrait à dévoyer la proposition de loi initiale.

Je le répète, je partage votre analyse, monsieur le ministre, et je l’ai d’ailleurs souligné au cours de mon intervention : à l’avenir, je me battrai encore et toujours contre la fraude et les fraudeurs ! J’ai déjà lutté contre ce fléau dans le cadre de mon activité professionnelle, et je continuerai avec conviction et détermination. Cependant, je ne confondrai pas pour autant les deux domaines de la protection de l’identité et de la recherche criminelle.

Monsieur le ministre, à mes yeux, un tel choix sèmerait une confusion dommageable, car les sénateurs qui n’ont peut-être pas pris toute la mesure de l’écart entre ces deux domaines distincts pourraient être conduits à accepter l’amendement que vous avez présenté et, partant, à voter ce dispositif dans son ensemble.

Pour ma part, j’abonde dans le sens de M. le rapporteur, et je l’accompagnerai pleinement, ainsi que les membres du groupe RDSE.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Étant donné que l’amendement du Gouvernement vient d’être rejeté, je le retire, monsieur le président.

L'article 5 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste votera le texte tel quel, c'est-à-dire tel qu’il résulte des travaux de la commission des lois et de la volonté de M. le rapporteur.

Toutefois, sachant ce que l’Assemblée nationale fera de ce texte, je ne peux que regretter un tel vote : de fait, si l’intention initiale était peut-être bonne – protéger l’identité de chacun, éviter les usurpations d’identité qui suscitent un certain trouble et causent quelques ennuis –, nous aboutirons cependant, au final, à un texte liberticide pour tout le monde.

Nous voterons certes en faveur de ce texte, mais je reste convaincu que la sagesse commande de le repousser, car il conduit à une très mauvaise solution.

Monsieur le ministre, nous ne sommes pas dupes : on crée un fichier regroupant l’ensemble des Français, du moins tous ceux qui possèdent une carte d’identité, et donc, au total, tout le monde, car, de fait, chacun doit disposer d’un tel document, sauf à risquer de passer quelques heures au commissariat de police en cas de contrôle, afin de prouver son identité. Et que fera-t-on de cette base de données ? Eh bien, tout ce que l’on veut ! Le Gouvernement a beau affirmer qu’on ne répertoriera pas les empreintes, il sera toujours possible de revenir en arrière, donc de déterminer l’identité des individus !

À mon sens, les mauvaises intentions ne peuvent être exclues de la gestion de ces fichiers. §C’est la raison pour laquelle, concernant ce texte, je regrette profondément, et par avance, que l’Assemblée nationale aboutisse, dans les jours à venir, au résultat que l’on peut aisément prévoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

J’informe le Sénat que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a fait connaître qu’elle a d’ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu’elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d’une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles que nous venons d’adopter.

Ces candidatures ont été affichées pour assurer le respect du délai réglementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente.