Intervention de Yvon Collin

Réunion du 21 février 2012 à 14h30
Responsabilité civile des pratiquants sportifs et encadrement de la vente des titres d'accès — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que seraient les 24 heures du Mans si Anthony Beltoise avait assigné Allan McNish en responsabilité civile lors du terrible crash survenu en juin dernier ? Que seraient l’ensemble des événements sportifs si les pratiquants se livraient des batailles judiciaires dès la survenance d’un dommage matériel ou d’un dommage corporel ?

Un contentieux permanent de la recherche de la responsabilité d’autrui, incompatible avec l’esprit qui doit prévaloir en matière sportive, ruinerait tout bonnement la pratique sportive, qui se fonde, me semble-t-il, sur les valeurs de respect, de loyauté et de fraternité.

Quelle explication logique peut-on trouver à la différence de régime de responsabilité selon que le dommage est causé directement par le pratiquant ou par le biais d’une chose ?

Quelle est la différence entre une blessure causée à un pratiquant par le corps de son adversaire ou par le vélo de celui-ci, si ce n’est la gravité de la blessure ?

La présente proposition de loi vise principalement à répondre à ces situations incohérentes. Elle est une réponse ponctuelle à un arrêt rendu le 4 novembre 2010 par la Cour de cassation, arrêt qui bouleverse profondément le régime de la responsabilité civile des pratiquants sportifs.

Avant ce revirement de jurisprudence, l’acceptation des risques par les pratiquants sportifs était une cause exonératoire de responsabilité du fait des choses. La victime devait alors prouver la faute caractérisée de l’auteur du dommage pour être indemnisée.

Cette cause exonératoire ne pouvait être invoquée que pour les risques normaux et prévisibles, dans le respect des règles du jeu. Si la faute était prouvée, les victimes étaient protégées car les fédérations, sociétés et associations organisant ces événements ont l’obligation de souscrire une assurance couvrant la responsabilité civile de leurs pratiquants.

L’œuvre créatrice du juge est tout à fait compréhensible, car on ne peut imaginer un pratiquant sportif qui méconnaîtrait les risques qu’il encourt lors d’une compétition où chacun cherche à atteindre, et même à dépasser ses limites. M. le ministre le sait bien !

On ne peut imaginer une compétition où chacun chercherait à mettre en cause la responsabilité de l’autre, non plus qu’une compétition où chacun aurait peur de blesser l’autre, entraînant ainsi des contentieux interminables. Ce serait contraire au dépassement de soi et à la recherche de l’effort maximal qu’implique toute pratique sportive.

Si l’on ne peut exiger des pratiquants sportifs qu’ils se comportent en « bons pères de famille », on peut au moins s’attendre à ce qu’ils se comportent en joueurs honnêtes par une pratique loyale et respectueuse des règles du jeu. C’est ce que la jurisprudence antérieure à 2010 permettait.

Une remise en cause trop facile de la responsabilité de l’adversaire irait à l’encontre de la volonté et du courage que la pratique sportive implique.

En outre, elle aurait comme conséquence non négligeable une augmentation des primes d’assurance à la suite de l’évolution du nombre des accidents, mettant en péril l’organisation d’événements sportifs, notamment pour les sports mécaniques où le risque de dommages matériels et corporels est particulièrement important. Cet enjeu financier concerne non pas seulement les fédérations, sociétés ou associations sportives, mais aussi les finances publiques qui subventionnement, nous le savons, une large partie des budgets.

En réalité, la théorie de l’acceptation des risques est fortement contestée. La responsabilité du fait de choses, spécificité française, est elle aussi contestée, ce qui explique ce revirement de jurisprudence. D’où l’appel de nombreux juristes à la création des régimes spéciaux que l’on possède déjà, nous le savons, en matière d’accidents de la circulation ou de produits défectueux.

L’article 1er de ce texte semble donc rétablir une pratique plus pacifique du sport. Les pratiquants ne pourront plus être tenus responsables des dommages matériels causés à un autre pratiquant par le fait d’une chose. Cet article ne concerne que les pratiques sportives qui se déroulent sur un lieu réservé à celles-ci, bien sûr, ce qui inclut les séances d’entraînement, contrairement à l’ancienne jurisprudence de la Cour de cassation. En effet, que ce soit en compétition ou à l’entraînement, les pratiquants sportifs encourent les mêmes risques, nous le savons, mais aussi les acceptent.

Pour une meilleure protection des victimes, les dommages corporels feront l’objet d’une responsabilité de plein droit et la faute de l’auteur n’aura pas à être prouvée. Reste à savoir dans quelles proportions aura lieu l’augmentation des primes d’assurance du fait de cette exclusion. Le rapport sur les enjeux et les perspectives d’évolution du régime de la responsabilité civile en matière sportive, prévu à l’article 1er bis, devrait permettre une réflexion plus approfondie de l’ensemble des conséquences que toute modification de ce régime peut engendrer. Ce régime de responsabilité ne peut donc être, me semble-t-il, qu’un régime temporaire.

En outre, ce texte répond à deux autres problèmes ponctuels auxquels une solution doit être apportée de toute urgence, me semble-t-il.

L’article 2 est un prolongement de la loi qui vient d’être promulguée le 1er février dernier, visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, texte déposé sur mon initiative et avec le soutien du RDSE – je salue à cette occasion le président de mon groupe, Jacques Mézard, ici présent –, texte déposé, disais-je, il y a moins d’un an avant d’être adopté à l’unanimité par le Sénat, puis par l’Assemblée nationale. Cet article 2 revient donc sur le délit de revente des titres d’accès aux manifestations sportives, qui avait été adopté afin de protéger les consommateurs des escroqueries et de l’envolée des prix. Certains revendeurs, nous le savons, achètent une partie des places afin d’entraîner une augmentation des prix, ce qui va à l’encontre de l’accès à tous aux événements sportifs. Sur l’initiative de l’Assemblée nationale, le présent texte étend cette sanction aux manifestations culturelles et commerciales ainsi qu’aux spectacles vivants qui rencontrent ce même problème.

Enfin, l’article 3 vise à renforcer la lutte contre le dopage en créant un passeport biologique dont l’efficacité a été démontrée par l’Union cycliste internationale. Il suffira donc de constater le caractère anormal de l’évolution des paramètres urinaires et sanguins des sportifs pour déceler plus facilement l’utilisation de substances ou de méthodes dopantes.

Ces trois articles répondent donc à trois problèmes très différents mais très concrets. Au demeurant, même si le RDSE apporte son soutien à ce texte pour les raisons évoquées, l’adoption de celui-ci ne devra pas éclipser le débat de fond et plus approfondi qui devra s’instaurer sur une réforme plus large de la responsabilité civile en matière sportive. §

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