Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, il est de la responsabilité des pouvoirs publics de veiller à toujours répondre aux situations qui, concrètement, fragilisent nos entreprises. Cette priorité est d’autant plus forte que nous traversons une crise économique et financière.
Le Président de la République et le Gouvernement se mobilisent pleinement pour défendre et pour préserver notre tissu économique et les emplois de nos concitoyens. À ce titre, notre engagement pour accroître les perspectives de reprise des sites industriels est total. Nous aurons largement l’occasion d’aborder ce sujet ce matin.
Chacun de nous sait parfaitement que le soutien à la compétitivité économique va de pair avec la capacité de nos entreprises à maîtriser les risques juridiques. La proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui apporte à cet égard de nouvelles garanties.
Ce texte permet de répondre très concrètement aux comportements de certains dirigeants, de fait ou de droit, qui parviennent à organiser leur protection en vue d’échapper à la mise en jeu de leur responsabilité ou qui privent l’entreprise de toute possibilité de répondre à ses obligations en organisant son insolvabilité. Une société mère installée à l’étranger qui impose à sa filiale ses choix de gestion ou un donneur d’ordre qui exerce sur l’entreprise une influence déterminante la plaçant en situation caractérisée de dépendance ne doivent pas pouvoir échapper à leurs responsabilités.
Le vote conforme du texte de l’Assemblée nationale par la commission des lois du Sénat est une excellente chose au regard de l’importance qui s’attache à l’adoption définitive de celui-ci avant la fin, imminente, de la législature. Je veux vous remercier, monsieur le président de la commission des lois, d’avoir su prendre pleinement la mesure des responsabilités qui nous incombent à tous, quels que soient par ailleurs nos engagements politiques, pour essayer de nous armer face aux comportements que je viens de décrire.
Ce vote conforme est, me semble-t-il, le résultat d’un travail fructueux qui s’est instauré entre vous-même, monsieur Sueur, et Mme Guégot, travail auquel l’ancien Premier ministre, M. Fabius, a également été associé. Je tiens, monsieur le président de la commission, à vous remercier de la bonne ambiance de travail que, dès le départ, vous avez su établir avec le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale.
La proposition de loi qui vous est soumise, mesdames, messieurs les sénateurs, n’a pas pour objectif de traiter l’ensemble des situations délicates que connaissent nos entreprises ; elle vise à répondre à la nécessité de se doter d’outils cohérents de prévention des fuites d’actifs.
En l’état du droit, le juge ne peut autoriser de mesures conservatoires que dans le seul cadre de la liquidation judiciaire : des saisies conservatoires peuvent alors être ordonnées afin d’empêcher les dirigeants de mettre leurs actifs hors de portée.
L’extension de cette possibilité au stade du redressement ou de la sauvegarde, comme le prévoit la présente proposition de loi, est une réponse utile et nécessaire, qui permettra d’agir vite : les mesures conservatoires paralyseront l’organisation de l’abandon d’entreprises, évitant que les véritables maîtres de l’entreprise en difficulté ne puissent faire échapper à la procédure un certain nombre de biens.
Ces mesures préventives seront nécessairement, j’y insiste, l’accessoire d’une action en responsabilité au fond, qu’il s’agisse d’une action en extension, en insuffisance d’actifs ou au titre d’une faute ayant provoqué l’état de cessation des paiements.
Concrètement, la mesure permettra, dans l’attente de la décision au fond sur la responsabilité, de saisir provisoirement les biens de tout dirigeant qui sont entre les mains de l’entreprise en difficulté.
L’intervention de l’autorité judiciaire garantira la mise en balance de l’ensemble des intérêts en cause.
La proposition de loi innove plus encore en ce qu’elle autorise, dans un second temps, la cession de tout ou partie des éléments saisis, afin d’éviter soit qu’ils ne dépérissent, soit qu’ils n’engendrent des frais supplémentaires, ce qui aurait pour effet d’aggraver encore les difficultés de l’entreprise.
Cette cession a été assortie d’importantes garanties et, là encore, placée sous le contrôle du juge, qui devra en déterminer les modalités.
Les sommes résultant de la cession seront sécurisées sur un compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations afin d’en garantir la représentation une fois l’action au fond achevée.
Cependant, et dans les limites du respect du droit de propriété constitutionnellement garanti, le texte prévoit – et ce point est extrêmement important – que ces sommes pourront, sur autorisation du juge, être utilisées par les mandataires judiciaires pour faire face aux obligations, y compris sociales et environnementales, liées à la propriété de ces biens.
L’Assemblée nationale a par ailleurs adopté, avec le soutien du Gouvernement, un amendement, porté par M. Fabius, permettant de renforcer l’information des représentants des salariés sur la mise en œuvre et le déroulement de ces mesures dérogatoires. Je m’en félicite. Il paraît en effet important de favoriser la transparence au sein de l’entreprise, s’agissant de telles mesures dérogatoires.
Je voudrais m’arrêter maintenant sur un second amendement adopté avec le soutien du Gouvernement par l’Assemblée nationale, puisque j’avais pris l’engagement, notamment devant le groupe socialiste de l’Assemblée nationale, de préciser lors de la discussion au Sénat le sens que nous donnions à ce texte présenté par Mme Guégot, sur lequel M. Besson s’arrêtera très certainement aussi puisqu’il a été au cœur des négociations avec les représentants des salariés.