Intervention de Charles Revet

Réunion du 1er mars 2012 à 9h30
Mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire — Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Charles RevetCharles Revet :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, en guise de préambule, je souhaiterais associer à mon propos mon collègue Patrice Gélard, sénateur de la Seine-Maritime, avec qui Catherine Morin-Desailly, qui va intervenir dans quelques instants, et moi-même avons suivi cet important dossier.

Chacun peut comprendre et partager, je crois, l’inquiétude des salariés que nous avons rencontrés sur le terrain, dont la démarche est toujours restée responsable et constructive.

L’annonce par M. le Président de la République, précédé sur le terrain par M. Eric Besson, ici présent, dont je salue l’engagement, d’une reprise temporaire pour six mois de l’activité de raffinage par le groupe Shell, précédent propriétaire de cette raffinerie, va permettre d’explorer les différents projets de redémarrage définitif.

En cette fin de législature, je me réjouis de la discussion de ce texte, assez consensuel, qui vise, selon l’exposé des motifs de la proposition de loi, à introduire dans le droit « des mesures permettant de faire obstacle à ce que des tiers prélèvent les actifs de l’entreprises défaillante, organisent leur protection face au risque de voir leur responsabilité engagée, ou privent cette entreprise de toute possibilité de répondre à ses obligations », notamment environnementales et sociales urgentes.

En effet, des exemples récents démontrent la nécessité d’introduire dans notre droit ce type de mesures pour mettre fin à une faiblesse juridique avérée.

Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, il existe déjà dans le code de commerce des dispositions permettant de déroger aux exigences de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution, sur le fondement desquelles, même en l’absence d’une créance paraissant fondée dans son principe, le juge peut ordonner des mesures conservatoires. Cependant, ces mesures nécessitent qu’une procédure de liquidation judiciaire soit en cours.

Or, même dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, la mise en cause de tiers est possible. C’est la raison pour laquelle deux nouvelles mesures nous sont proposées dans le cadre de ce texte.

Il s’agit, d’une part, d’étendre aux autres procédures collectives que la liquidation judiciaire la faculté pour les personnes pouvant exercer de telles actions d’obtenir du juge qu’il ordonne des mesures conservatoires permettant, notamment, d’éviter que tous ceux qui sont visés par ces actions ne fassent échapper à la procédure un certain nombre de biens.

Ainsi, si le responsable de l’affaire, véritable dirigeant de la société en difficulté, est propriétaire d’éléments que cette dernière détient pour son compte, il sera possible de saisir à titre conservatoire ces éléments d’actif dont il aurait pu exiger la restitution avant qu’une décision judiciaire ne retienne sa responsabilité dans la défaillance de la société. Il appartiendra au juge de veiller à ce que la mesure conservatoire soit adaptée à la nature et à l’objet des actions exercées à l’encontre du propriétaire.

Il s’agit, d’autre part, de permettre la cession, par décision de justice, des éléments d’actif, ou d’une partie d’entre eux, dans un certain nombre de cas. Par principe, les fonds provenant des opérations de la procédure sont versés à la Caisse des dépôts et consignations et ainsi protégés par la disposition suivante figurant dans le code de commerce : « Aucune opposition ou procédure d’exécution de quelque nature qu’elle soit sur les sommes versées à la Caisse des dépôts et consignations n’est recevable. »

Dès lors, si la cession est autorisée ou ordonnée, le propriétaire pourra éventuellement en percevoir le prix, notamment s’il est mis hors de cause. Cependant, les sommes perçues en paiement de la cession de ces éléments doivent pouvoir, en totalité ou en partie, être utilisées par les mandataires de justice, administrateur judiciaire ou liquidateur, pour faire face à un certain nombre de dépenses liées à la détention de ces biens. Il s’agira, par exemple, des dépenses de conservation ou de celles qui sont rendues nécessaires pour prévenir des risques imminents générés par ces éléments, comme les risques de pollution, ou encore pour assurer la mise en œuvre de mesures de sécurité urgentes les concernant.

Nous nous réjouissons que l’ensemble de ces dispositions soient applicables aux procédures collectives en cours.

Face à la crise, nous avons tous un rôle à jouer. Le Gouvernement, dont je tiens à saluer la persévérance sur ces dossiers économiques complexes, car de portée internationale, n’a cessé de tenter de trouver des solutions pour répondre aux situations les plus graves et éviter, en particulier, de voir disparaître des entreprises et des emplois.

Dans ce contexte, il est essentiel de prendre des mesures destinées à prévenir le risque que des tiers fassent échapper des biens à une procédure ou puissent éviter la mise en cause de leur propre responsabilité.

C’est dans le cadre de cette rare complexité des relations économiques, susceptible de favoriser des pratiques par lesquelles certains pourraient se constituer une garantie d’immunité, que la raffinerie de Petit-Couronne, appartenant au groupe suisse Petroplus, placée en redressement judiciaire le 24 janvier dernier, aurait vu ses comptes de trésorerie en France vidés en totalité par les banques de sa société mère quelques heures avant le dépôt de bilan.

Le groupe Petroplus, propriétaire des stocks de pétrole brut présents sur le site, qui s’élèveraient à 200 millions d’euros, ne semble prêt à assumer ni sa responsabilité sociale à l’égard des 550 personnes employées par sa filiale française ni sa responsabilité environnementale quant aux risques de pollution liés à la vétusté du site.

Ce type de multinationale met ainsi en cause la survie de ses filiales et d’entreprises, souvent performantes, comme celle de Petit-Couronne, parfois même bénéficiaires, et ce sans tenir compte de ses responsabilités.

L’État n’est pas impuissant face aux difficultés de ces entreprises et de leurs salariés ; il peut et doit agir, notamment en faisant évoluer le cadre législatif et réglementaire applicable afin de sanctionner les abus.

Je me réjouis, monsieur le garde des sceaux, que la proposition de loi fasse consensus et qu’elle puisse être adoptée conforme, car, la navette s’arrêtant là, elle sera opérationnelle dès la fin de la procédure législative.

C’est pourquoi le groupe UMP soutient cette proposition de loi pertinente et opportune. En tant qu’élu de la Seine-Maritime, comme mes collègues, de gauche ou de droite, j’y suis d’autant plus sensible.

Certains ont dit que la procédure législative était bâclée : certes, la discussion a été rapide ; mais comment ne pas saisir l’occasion que le calendrier législatif nous offre pour résoudre une faiblesse de notre droit et répondre ainsi à plusieurs difficultés récentes rencontrées par des entreprises françaises ?

Mes chers collègues, cette proposition de loi nous donne la possibilité d’apporter une protection efficace et concrète à un grand nombre d’entreprises en difficulté, tout particulièrement dans le cas de filiales de groupes étrangers défaillants ou sous-traitants dépendant d’un seul client.

C’est pourquoi, ainsi que je l’ai indiqué il y a quelques instants, le groupe UMP votera cette proposition de loi. §

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