Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette fin de session parlementaire laisse à nos concitoyens l’étrange sensation que la majorité ne cesse de découvrir à quel point l’urgence sociale est criante dans notre pays.
Hier, le hasardeux projet de loi relatif à la majoration des droits à construire se voulait la réponse percutante du Président de la République à la crise du logement.
Aujourd’hui, cette proposition de loi nous est présentée comme la solution devant mettre un terme aux agissements scandaleux de certaines entreprises. Faut-il donc que la campagne électorale ouvre enfin les yeux du Gouvernement sur les désastres sociaux qui frappent jour après jour nos concitoyens…
La désindustrialisation de notre pays est une réalité et ses conséquences sont particulièrement dramatiques pour nos compatriotes les plus modestes. Non seulement les politiques appliquées depuis près de dix ans ont été inefficaces à l’enrayer, mais on pourrait même dire qu’elles ont été contre-productives. À l’évidence, le dernier subterfuge que constitue la TVA sociale, censée lutter contre les délocalisations, sera le baroud d’honneur de ces choix erratiques.
Sur la forme, la majorité des membres de mon groupe, le RDSE, ne peuvent que s’étonner du calendrier de la discussion de cette proposition de loi, qui intervient quelques jours à peine avant la suspension de nos travaux. Certes, le problème traité est lié à une circonstance particulière : le redressement judiciaire de la raffinerie de Petit-Couronne, en Seine-Maritime, dans les conditions qui ont déjà été rappelées.
Pour autant, de tels agissements ne sont, hélas ! pas une nouveauté. Les cas des sociétés Sodimedical, Ethicon ou Viveo, sanctionnées en appel pour mise en faillite frauduleuse, font figure de tristes précédents. Encore faut-il souligner que la Cour de cassation se prononcera prochainement sur ces trois affaires différentes et que, dans la dernière d’entre elles, les conclusions de l’avocat général ne sont pas favorables aux salariés.
Mes chers collègues, nous savons que le cœur du problème est d’arriver à garantir la survie d’entreprises défaillantes et des emplois qui leur sont liés lorsque certains de leurs dirigeants détournent sciemment les actifs pour échapper à leur responsabilité. Or le rapporteur a rappelé que, sur cette question, le droit est encore très parcellaire.
Aujourd’hui, en effet, le juge ne peut pas mettre en œuvre le droit commun des procédures civiles d’exécution ; il peut décider de mesures conservatoires dans le cadre d’une action en comblement de passif contre les dirigeants de l’entreprise uniquement au stade de la liquidation judiciaire et non au moment de la sauvegarde ou du redressement. Pourtant, en toute logique, les mesures à même de permettre la préservation d’un maximum d’emplois devraient pouvoir être prises dans toutes les procédures, et ce le plus en amont possible.
De même, il est indispensable d’empêcher au plus tôt les manœuvres qui aboutiraient à déprécier de façon dolosive l’actif net d’une société ou d’un groupe.
Tel est le sens de la présente proposition de loi. Pour notre part, nous la voterons, afin d’apporter aux salariés aujourd’hui confrontés à ces problématiques une réponse rapide et adaptée. Reste que notre soutien à ce texte n’est pas naïf. Il est circonscrit à une actualité brûlante, mais lourde de sens, sur l’avenir de l’emploi dans notre pays si toutes les choses restent en l’état. Rappelons que, pour la Cour de cassation, il n’appartient au juge ni de vérifier ou d’apprécier les motifs économiques invoqués par un employeur ni d’opérer le choix économique qui revient à ce dernier.
Pour la majorité des membres du RDSE, il est urgent d’élargir le débat à deux questions : le droit des représentants du personnel à prendre davantage part aux choix de gestion et la situation des entreprises réduisant leurs activités bien qu’elles soient bénéficiaires.
Nous estimons que le tribunal de commerce devrait pouvoir non seulement se prononcer sur les offres de reprise, mais aussi sur une obligation de cession afin de préserver l’emploi. Un tel dispositif permettrait en outre d’inciter les entreprises à investir pour développer leur appareil productif.
Alors que nos collègues députés ont débattu dans cet esprit, nous regrettons que l’urgence sociale n’ait pas constitué un argument suffisant aux yeux du Gouvernement. Aussi la présente proposition de loi reste-t-elle finalement centrée sur la seule question des mesures conservatoires.
Le groupe du RDSE votera ce texte avec responsabilité, afin qu’il entre en vigueur dans les meilleurs délais. Mais nous attendons surtout que soient enfin opérés des choix politiques volontaires et volontaristes pour maintenir l’emploi industriel dans notre pays !