Le dossier Petroplus, cela a été rappelé à plusieurs reprises, est hautement symbolique d’une lutte courageuse non seulement pour l’emploi et pour l’indépendance énergétique de notre pays, mais également pour mettre un terme au déficit abyssal de notre balance commerciale.
Mes chers collègues, j’ai ici un document qui a été rédigé par l’intersyndicale de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne ; il mérite que vous le lisiez. On y apprend que nous consommons environ 85 millions de tonnes de produits raffinés, que nos capacités de production s’élèvent à 67 millions de tonnes et, surtout, que nous importons 41 millions de tonnes.
Pour moi, France ouverte ne doit pas signifier France offerte. J’estime que, telle qu’elle a été réalisée, l’ouverture du marché est discutable ; en tout cas, il faut en discuter.
Je tiens à saluer les représentants syndicaux et les salariés du site de Petit-Couronne, qui ont eu le courage, alors que les financiers quittaient la place, d’affirmer que la France, ce n’est pas la désertion industrielle et que l’énergie et l’emploi, ce sont des combats très importants. Ils n’ont pas lâché prise et, heureusement, des élus les ont entendus et ont défendu ce dossier avec conviction. Reconnaissons que la proximité des élections a donné davantage d’écho à leur combat.
Je voudrais également dire, puisque Thierry Foucaud a soulevé la question de l’abstention, que notre groupe, le président du Sénat en tête, votera cette proposition de loi. Nous voulons qu’il n’existe aucun obstacle à la reprise de l’entreprise. C'est pourquoi aucune de nos voix ne manquera.
Pour autant, tout restera à faire pour trouver un repreneur. Quel rôle l’État jouera-t-il dans l’élaboration d’un plan de reprise offensif, pour redonner enfin à la politique du raffinage toute sa place en France ? Quels plans d’investissement seront-ils conçus en matière énergétique ? Il a été déclaré tout à l'heure qu’il suffirait de quelques mois pour amortir 5, 5 millions d'euros. Or le groupe Petroplus n’a même pas consenti ces investissements. En tant qu’ancien syndicaliste, je regarde toujours le niveau d’investissement d’une entreprise, car, quand une société n’investit plus, cela signifie qu’elle s’apprête à fermer.
Tout à l'heure, nous avons évoqué l’innovation. De fait, c’est bien le remède aux délocalisations. L’intersyndicale de Petit-Couronne propose d’ailleurs un plan d’investissement audacieux.
On résume souvent l’investissement à sa dimension matérielle, aux machines, au site industriel. Or il faut aussi prendre en compte le capital humain. À cet égard, la fermeture du site de Petit-Couronne aurait constitué un véritable gâchis. Il faut investir dans ces hommes et ces femmes et préserver leurs acquis sociaux. Il ne faudrait pas que, lors de la reprise de l’usine, des financiers sans scrupule mettent ces acquis sociaux de côté ; ces derniers doivent donc être au cœur des négociations avec les éventuels repreneurs.
La réindustrialisation est une grande cause nationale. Si près de cinq millions de personnes recourent aux services de Pôle Emploi, si certains évoquent une France sans usines, c’est parce que des chefs d’entreprise et des grands groupes décident, discrètement ou ouvertement, en utilisant le coût du travail comme alibi, d’investir ailleurs qu’en France.
Or, selon une étude de l’INSEE qui vient de paraître, la productivité horaire est aussi importante que le coût du travail. Lorsque des entreprises – j’en vois dans le Jura – reviennent en France, elles s’aperçoivent que, si l’on tient compte des coûts logistiques, cela n’est pas toujours plus rentable de s’installer hors de France, dans les pays émergents par exemple.
Voilà pourquoi nous devons promouvoir une culture de l’industrie. Il faut une volonté politique farouche, pour que chaque emploi industriel soit préservé et même pour que de nouveaux emplois soient créés. C’est seulement à ce prix que la France sera forte ; c’est seulement à ce prix que nous mettrons fin au désastre social, humain et économique que représente le chômage de masse.