Intervention de Dominique Gillot

Réunion du 1er mars 2012 à 15h00
Organisation des manifestations sportives et culturelles — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Dominique GillotDominique Gillot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon un calendrier de débat un peu étonnant et tellement inattendu qu’il nous vaut l’absence du rapporteur de la commission mixte paritaire et de celui qui devait être le principal orateur, que je vais m’efforcer de remplacer, nous arrivons au terme de l’examen de cette proposition de loi.

Celle-ci a, contre toute attente, fait l’objet de discussions nourries et d’échanges d’arguments propices à l’amélioration du texte initial. Nous avons le sentiment que les débats, tant à l’Assemblée qu’au Sénat, ont permis de l’enrichir considérablement.

Partis du simple article initial sur la responsabilité civile des pratiquants sportifs, nous sommes parvenus à y inclure, de façon équilibrée et responsable, d’autres sujets d’importance. Ainsi, le passeport biologique et la revente de billets figurent dans le texte final. Ce sont des avancées très intéressantes, qui n’ont été possibles que grâce à un travail constructif entre le Gouvernement et les deux assemblées. Je salue à cet égard le travail opiniâtre et approfondi de Jean-Jacques Lozach, qui a rapporté ce texte au nom de la commission de la culture.

Bien que n’ayant pas participé à la commission mixte paritaire – du fait d’une autre incongruité du calendrier ! –, je me félicite que celle-ci ait pu aboutir, même si je regrette que les dispositions relatives aux agents sportifs aient dû être retirées. L’article 6 est en effet le seul article sur lequel la commission mixte paritaire n’a pu trouver de compromis. Sur ce point, nous nous en tiendrons donc à la législation de 2010, mais une nouvelle réflexion devra être engagée, car chacun s’accorde à dire que le système actuel de paiement des agents est loin d’être parfait.

D’ailleurs, plus globalement, comme ce texte traite de sujets très mouvants, nous devrons rester vigilants, de manière à faire évoluer cette législation, tout en en respectant l’esprit.

Quoi qu'il en soit, le désaccord sur l’article 6 ne doit pas masquer le travail constructif qui a été mené sur l’ensemble des autres articles.

L’article 1er porte sur la responsabilité du fait des choses dans le domaine sportif. Il vient répondre aux conséquences d’un revirement jurisprudentiel opéré par la Cour de cassation en novembre 2010. Cette jurisprudence permet une indemnisation plus facile de la victime d’un préjudice corporel ou matériel du fait d’une chose. En cela, elle revient complètement sur la théorie de l’acceptation des risques qui, depuis longtemps, voulait que le sportif mesure ceux-ci et en accepte les éventuelles conséquences, plus ou moins négatives.

Concrètement, depuis cette jurisprudence, ce sont les fédérations ou les organisateurs qui doivent recourir à leurs assurances pour dédommager les victimes.

S’agissant du dédommagement corporel, le Sénat a pensé que cela allait dans le bon sens, et nous en restons donc à la jurisprudence de 2010 qui est satisfaisante sur ce point.

En revanche, le dédommagement par les fédérations des dégâts matériels posait problème. Souvent et lourdement sollicitées, les assurances des fédérations ont bien évidemment augmenté leurs tarifs, d’où un surcoût pour les organisateurs d’événements sportifs. Il était donc devenu urgent d’agir. Il fallait exclure le matériel du champ de la responsabilité de plein droit, toutes les fédérations subissant les répercussions financières de la jurisprudence de 2010 et les juges eux-mêmes étant réticents à appliquer un tel droit.

La portée exacte de cet article aurait mérité une plus ample expertise. La procédure accélérée ne l’a pas permis et nous ne sommes pas à l’abri de devoir, demain, reprendre notre ouvrage.

En outre, reste en suspens la mise en place d’un fonds d’indemnisation des dommages corporels. Vous aviez, monsieur le ministre, évoqué ce sujet en première lecture, lors de la discussion générale, en indiquant que nous y reviendrions dans la discussion des articles. Mais il n’en a finalement plus été question et le flou subsiste donc.

Malgré tout, la commission mixte paritaire a choisi de retenir la rédaction du Sénat pour l’article 1er, suivant en cela la recommandation des rapporteurs des deux assemblées.

Par l’article 1er bis, introduit sur l’initiative de Jean-Jacques Lozach, il est demandé au Gouvernement de rédiger un rapport sur les enjeux et perspectives d’évolution du régime de responsabilité civile en matière sportive, avec l’appui du Comité national olympique et sportif français.

Les deux rapporteurs ont proposé en CMP de préciser les modalités de la concertation devant être menée par le Gouvernement pour l’écriture de ce rapport, de manière qu’y soit associé plus largement le mouvement sportif.

L’article 2 ayant été voté conforme par le Sénat, il n’a pas été examiné par la CMP.

La revente illégale de billets avait déjà fait l’objet de nombreuses tentatives législatives infructueuses. Cette fois, elle a abouti, sur l’initiative de l’Assemblée nationale. Claude Domeizel évoquera ce sujet tout à l’heure.

L’article 3 s’attaque à un domaine qui fait, lui aussi, l’unanimité, à savoir la lutte contre dopage.

C’est un sujet grave, car il touche à l’esprit même du sport et il est chargé d’enjeux de santé publique. Le dopage est aussi le symbole d’un monde où certains sont prêts à passer au-dessus de toute règle, de tout principe, de toute prudence pour sortir vainqueur et être, de manière généralement très éphémère, le meilleur.

Cela ne correspond évidemment pas à notre conception du sport. Nous avons toujours été en pointe contre le dopage. C’est un combat qui n’est jamais fini, qui doit se renouveler sans cesse, contre un adversaire qui cherche toujours à avoir un temps d’avance.

Suivant une suggestion fort judicieuse de notre rapporteur, le Sénat a introduit des dispositions sur le passeport biologique, permettant sa mise en place à compter du 1er juillet 2013.

Le passeport biologique est un moyen très dissuasif et, en même temps, très respectueux des athlètes, car il est fondé non sur un contrôle ponctuel, mais sur un suivi de long terme. Avec des indications biologiques, il est beaucoup plus difficile pour les tricheurs de recourir au dopage, notamment lors des phases de préparation.

Nous avons, en France, un vrai retard sur ce sujet, alors même que les connaissances scientifiques sont disponibles. Il faut dire qu’il n’y avait pas eu, jusqu’ici, de volonté gouvernementale forte de faire avancer ce dossier.

D’ailleurs, monsieur le ministre, les parlementaires socialistes ont rappelé en CMP que, récemment encore, vous n’étiez pas favorable au passeport biologique. Lors de la discussion de la proposition de loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, vous aviez prétendu que le passeport biologique n’était techniquement et scientifiquement pas au point. Pourtant, des pays comme l’Allemagne ou la Suisse, des fédérations comme l’Union cycliste internationale l’avaient déjà adopté. J’ajoute que le tribunal arbitral du sport, instance sportive de référence, en a fait une preuve reconnue pour l’établissement de sanctions contre le sportif dopé.

Vous vous êtes donc converti à la mise en place du profilage de paramètres biologiques des sportifs, et nous saluons votre évolution sur le sujet.

En tout état de cause, en instituant le passeport biologique, cette proposition de loi vient combler une partie du retard de la France. La CMP a donc logiquement adopté cet article dans le texte du Sénat.

Dans un échange constructif avec vous, monsieur le ministre, le Sénat a souhaité l’instauration d’un comité de préfiguration du passeport biologique, qui devra remettre un rapport au Gouvernement et au Parlement sur les modalités de mise en place du profil biologique des sportifs. Ce comité de préfiguration permettra de procéder à la concertation qui est apparue nécessaire pour ne pas laisser subsister des failles dans lesquelles pourraient s’engouffrer les tricheurs.

Il a été observé en CMP que ce comité, dans sa composition, ne saurait en aucun cas porter atteinte à l’indépendance de l’Agence française de lutte contre le dopage. Son indépendance est en effet la garantie de sa crédibilité. Sous le bénéfice de cette remarque, l’article 4 a été adopté dans la rédaction du Sénat.

Si ce passeport est mis en place, c’est pour permettre d’aller plus loin dans la lutte contre le dopage. Il doit protéger les sportifs, garantir que ceux-ci restent sains et mieux cibler les tricheurs, avec, à terme, un effet dissuasif et préventif. Aussi, il nous est apparu indispensable de lier le passeport à la possibilité d’engager une procédure disciplinaire en cas d’anomalies avérées, détectées dans les paramètres biologiques. Nous avons voulu encadrer solidement cette procédure disciplinaire.

Ainsi, au-delà du juste avertissement sur les conséquences légales, mais aussi éthiques et sanitaires du dopage, un comité d’experts se réunira et son unanimité sera requise pour engager la procédure.

C’est un dispositif responsable, unanimement demandé. L’article 5 a donc été adopté en CMP dans une rédaction élaborée par les deux rapporteurs.

Tout comme la question du dopage, celle des agents sportifs renvoie à une éthique sportive. Cette profession a fait l’objet, en 2010, d’une loi qui présente certes des qualités, mais également bien des défauts. Le Sénat a donc voulu revenir sur cette loi imparfaite en introduisant un nouvel article – l’article 6 – dans la proposition de loi. Celui-ci visait à mettre fin à la possibilité pour les clubs de rémunérer eux-mêmes les agents de leurs sportifs et entraîneurs. Vous vous étiez, monsieur le ministre, publiquement prononcé en faveur de cette disposition. Mais, jugeant que le dispositif était incomplet, c’est « à contrecœur », nous avez-vous dit, que vous avez appelé à rejeter l’article. Pourtant, il est clair qu’il permettrait d’éviter bien des conflits d’intérêts.

Sur ce point, la CMP a révélé un vrai clivage, certains craignant peut-être qu’une plus grande transparence ne nuise aux clubs et n’encourage la fuite des talents. Ce raisonnement ne nous paraît pas juste. Nous sommes persuadés qu’une transparence accrue servira toutes les parties prenantes. En tout cas, le milieu sportif en sortirait grandi.

La commission mixte paritaire dans son ensemble a néanmoins pointé le besoin de rouvrir la réflexion sur les agents de sportifs et leur mode de rémunération. Nous pourrons ainsi appréhender le sujet de manière globale et proposer, à l’avenir, un texte qui prévoie bien tous les cas de figures, puisqu’il est patent que les intervenants prennent des formes diverses pour jouer le rôle d’agent. Il ne s’agit pas de stigmatiser la profession ; il s’agit simplement de repérer les dérives et de les limiter.

Le consensus n’ayant pu se faire en CMP, nous avons sagement écarté l’article 6, avec l’idée d’y revenir bientôt.

Malgré cette renonciation, le texte conserve une grande portée et améliore, comme nous le souhaitions, des aspects spécifiques de la vie sportive et culturelle auxquels nous sommes attachés : reconnaissance des droits des victimes, sécurisation des dédommagements et indemnités, encadrement de la responsabilité civile, moralisation de la vente de billets, éthique et sécurité sanitaire des sportifs grâce à une nouvelle étape de contrôle et de lutte contre le dopage.

La commission mixte paritaire a d’ailleurs adopté le nouvel intitulé proposé par le Sénat pour mieux englober ces aspects et donner sens à cet acte législatif auquel nous avons affecté notre détermination et nos valeurs.

En conclusion, je pense que nous pouvons largement nous réjouir des résultats de la commission mixte paritaire et adopter ses conclusions, comme l’a fait l’Assemblée nationale. §

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