La proposition de loi relative à la protection de l’identité a été déposée en juillet 2010 par nos collègues Jean-René Lecerf et Michel Houel. Elle est une lointaine traduction de travaux menés au sein de notre commission en 2005-2006 par nos collègues Jean-René Lecerf et Charles Guené.
Examinée en séance publique le 31 mai 2011 par le Sénat, elle est inscrite dès le 7 juillet pour sa première lecture à l’Assemblée nationale. Dès la rentrée sénatoriale, le 19 octobre 2011, la commission des lois examine le rapport en deuxième lecture de notre collègue François Pillet, confirmé rapporteur après le changement de majorité au Sénat.
Le texte est adopté en séance publique par le Sénat le 3 novembre, avec un vote conforté par une forte majorité – 340 voix contre 4 – sur la seule disposition qui demeurait en navette à l’issue de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale effectuée le 13 décembre.
La commission mixte paritaire s’est réunie le 10 janvier 2012, c’est-à-dire le jour même de la reprise des travaux du Parlement en janvier. On ne pouvait pas faire mieux ! Elle n’avait à se prononcer que sur un seul article, signe que des convergences ont été trouvées sur le reste du texte au cours de la navette, exemplaire.
Que demande la Constitution aux sept députés et aux sept sénateurs titulaires, ainsi qu’à leurs suppléants participant au débat en tout état de cause, et le cas échéant au vote si un titulaire manque à l’appel, comme ce fut le cas en l’espèce pour François Pillet, rapporteur, qui ne put être parmi nous, ce qui vaudra à Virginie Klès de vous rendre compte du fond du sujet dans un instant ?
La Constitution, dans son article 45, prévoit que la commission mixte paritaire est « chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion ». C’est l’un des libellés les plus simples et les plus limpides qui soit.
On ne demande pas aux membres de la commission mixte paritaire de faire preuve de prescience et d’aboutir à tout coup, comme le voudraient certains députés et comme l’a déclaré Jean-Luc Warsmann, « à une version susceptible de rassembler une majorité dans chacune des deux assemblées ».
On ne leur demande pas non plus, contre la majorité présente en leur sein, de faire plaisir à l’Assemblée nationale parce que celle-ci est impatiente d’avoir le dernier mot et – je cite les propos tenus en séance par un député – d’« aboutir à l’adoption du texte de compromis issu des travaux de l’Assemblée nationale en deuxième lecture, dans la mesure où celui-ci répondait véritablement aux principales inquiétudes exprimées par le Sénat ».
Cette citation du député Philippe Goujon, rapporteur pour l’Assemblée nationale de la commission mixte paritaire, montre qu’il considère qu’une assemblée est subordonnée à une autre, qu’elle est subsidiaire en quelque sorte, ce qui est contraire à la lettre et à l’esprit de notre Constitution.
Cette curieuse conception réductrice, qui imposerait à la commission mixte paritaire de s’autocensurer pour rechercher une majorité en son sein en vue de « proposer un texte sur les dispositions restant en discussion », a conduit mon homologue de l’Assemblée nationale, le président Jean-Luc Warsmann, à parler de « majorité de circonstance » et de « dévoiement de la procédure de la CMP ». Si j’en crois les propos de son rapporteur, de telles pensées ne l’auraient sans doute pas effleuré si la majorité de la commission mixte paritaire avait été d’une autre sorte.
On se croirait revenu au temps d’avant 1981, quand l’Assemblée nationale ne désignait pour la représenter aux commissions mixtes paritaires que des membres de sa majorité. Or tel n’est heureusement plus le cas, l’Assemblée nationale ayant depuis cette époque rejoint le Sénat dans sa pratique et chaque assemblée respectant des proportions homothétiques pour sa composition.
Ainsi Jean Gicquel peut-il indiquer : « Le principe logique est que la composition des commissions mixtes paritaires reflète les rapports des forces politiques ».
Tel fut bien le cas en l’espèce. Chacun était en place et le vote de la commission mixte paritaire reflète bien les votes intervenus au cours de la navette.
Que l’Assemblée nationale ait rejeté le texte élaboré par la commission mixte paritaire, c’est bien sûr parfaitement constitutionnel et prévu à l’article 45. Cela montre à l’évidence que la Constitution attend des membres de la commission mixte paritaire non pas qu’ils fournissent à tout coup un texte « adoptable », mais bien qu’ils tentent de montrer à leurs assemblées la voie d’un compromis, et que, en tout cas, il est évidemment légitime que la commission mixte paritaire puisse adopter une position par un vote majoritaire en son sein. Convenez, mes chers collègues sénateurs – je m’adresse en fait à certains de mes collègues députés… – que c’est la moindre des choses dans une instance démocratique !
Il est donc scandaleux et totalement inacceptable qu’un député – en l’espèce M. Éric Ciotti – ait pu parler à l’Assemblée nationale, s’agissant de cette commission mixte paritaire, d’un « coup de force institutionnel ». §