… permettez tout de même que l’on se préoccupe également des cinq ou dix ans à venir !
Au contraire, le lien fort permettra de remonter en un clin d’œil jusqu’à l’usurpateur par ses empreintes.
Cela ouvre en outre d’autres virtualités, comme la reconnaissance de personnes désorientées, de victimes de catastrophe ou l’identification d’une personne à partir de traces retrouvées sur une scène de crime. Mais rien n’empêche le législateur de dresser des barrières juridiques afin de limiter les usages au strict nécessaire.
Lors de la deuxième lecture de cette proposition de loi à l’Assemblée nationale, nos collègues députés ont largement répondu aux recommandations de la CNIL et du Conseil d'État, comme aux préoccupations du Sénat.
Les empreintes prélevées et enregistrées ont été limitées à deux. La reconnaissance faciale et l’interconnexion de la base TES avec tout autre fichier sont interdites. La remontée des empreintes à l’identité n’est autorisée que dans trois cas limitativement énumérés : la délivrance ou le renouvellement du titre, l’hypothèse des seules infractions pour usurpation d’identité sous le contrôle du procureur de la République, l’identification, sous ce même contrôle, des victimes d’accident collectif ou de catastrophe naturelle.
Notre collègue Serge Blisko reconnaissait lui-même en commission mixte paritaire que l’Assemblée nationale avait « finalement adopté un texte beaucoup moins attentatoire aux libertés publiques qu’en première lecture », même s’il ajoutait que cette nouvelle rédaction ne le rassurait « pas tout à fait ». J’ai connu des critiques plus véhémentes…
Mes chers collègues, le lien faible ne faisait en aucune manière partie du dispositif que Michel Houel et moi-même avions souhaité instaurer dans notre proposition de loi. Il n’est utilisé dans aucun pays au monde. Et même ceux qui y ont songé, comme Israël, y ont renoncé. Ses inventeurs eux-mêmes n’en recommandent plus l’usage, faute de croire réellement à ses vertus opérationnelles.
Pouvons-nous réellement engager notre pays dans des investissements significatifs avec le risque d’un résultat décevant qui pénaliserait les victimes et nous exposerait au risque d’être totalement dépassés par nos partenaires européens et mondiaux, alors que le compromis auquel l’Assemblée nationale est parvenue et qu’elle a rétabli sur amendement du Gouvernement lors de la discussion du texte de la commission mixte paritaire concilie l’efficacité du lien fort avec le respect scrupuleux des libertés publiques ? Nous ne le croyons pas.
C'est la raison pour laquelle le groupe UMP votera l’amendement du Gouvernement. Les « 340 voix contre 4 », dont la mienne, de la deuxième lecture étaient fondamentalement – M. le président de la commission des lois le sait bien – les voix des absents, mobilisées par la seule grâce du scrutin public !
En conclusion du rapport de 2005 d’une mission d’information de la commission des lois sur la nouvelle génération de documents d’identité et la fraude documentaire, je notais que la sécurisation de l’identité n’était pas antinomique de la sauvegarde des libertés et que, tout au contraire, protéger l’identité d’un individu, c’était protéger les droits attachés à sa personne, comme le droit de propriété ou la liberté d’aller et venir, et sécuriser les relations contractuelles.
Pas plus qu’en 2005 je ne saurais me ranger aux côtés d’un certain nombre de personnes, certes de bonne volonté, qui invoquent aujourd'hui encore, au nom de la période de l’Occupation, un droit à la dissimulation d’identité. Beaucoup de temps a passé depuis, et une telle préoccupation ne me semble vraiment plus d’actualité dans l’Europe démocratique qui est aujourd'hui la nôtre. §