Intervention de Nicolas Alfonsi

Réunion du 26 janvier 2012 à 9h30
Statut de la magistrature — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Nicolas AlfonsiNicolas Alfonsi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à défaut d’un projet de loi modernisant enfin le statut de la magistrature dans sa globalité, c’est d’un texte a minima que le Sénat doit aujourd’hui discuter.

En première lecture, la grande majorité des membres de mon groupe avaient fait part de leur opposition à la philosophie initiale du présent texte, lequel traduisait, à notre sens, un recul des droits dont bénéficient les magistrats de l’ordre judiciaire.

Sans surprise, et suivant en cela la commission des lois, nous avions confirmé notre refus de voir s’appliquer au statut de la magistrature l’accélération du calendrier de mise en œuvre de la réforme des retraites décidée le 7 novembre dernier par le Premier ministre.

Le Sénat et l’Assemblée nationale ont trouvé un accord sur l’essentiel des autres dispositions de ce texte. Comme le rapporteur l’a indiqué, les points de divergence subsistants étaient peu nombreux ; ils étaient toutefois suffisamment importants.

Pour notre part, nous jugeons que la commission mixte paritaire a fait preuve avant tout de réalisme, les représentants du Sénat ayant tout d’abord cherché à travailler dans un esprit constructif, pour parvenir à un compromis acceptable.

Le texte qui nous est aujourd’hui proposé entérine, pour la magistrature, les modifications de la mise en œuvre de la réforme des retraites opérées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

Naturellement, la majorité des membres de mon groupe reste fondamentalement opposée à cette réforme, que nous continuons à estimer injuste pour nos concitoyens les plus modestes. Cependant, les dispositions applicables aux fonctionnaires ayant été promulguées, il serait absurde de ne pas procéder aux coordinations nécessaires et de laisser subsister des différences de traitement, infondées sur le plan du droit, pour les magistrats.

C’est à partir du constat d’une nécessaire adaptation à la réalité du moment que nous fondons notre appréciation sur la rédaction de l’article 1er, qui reprend la version votée initialement par l’Assemblée nationale.

La même appréciation sous-tend notre analyse de l’article 2, dont la rédaction est également le fruit d’un compromis empreint de sagesse. Si nous n’avons pas eu gain de cause sur l’exclusion des emplois d’encadrement intermédiaire, dits « B bis », du bénéfice de la priorité d’affectation des magistrats placés, nous nous félicitons que la commission mixte paritaire se soit ralliée à la position du Sénat en supprimant l’allongement de la durée d’exercice de la fonction de magistrat placé. Une telle mesure n’aurait vraiment pas été raisonnable : elle n’aurait fait que consacrer une forme de précarisation de la carrière de ces magistrats. Certes, la gestion des vacances provisoires est nécessaire, mais la pénurie de postes ne doit pas servir de prétexte à la banalisation de l’instabilité des carrières.

Plus généralement, les dispositions de ce projet de loi organique demeurent très en deçà des attentes des magistrats, qui ne sauraient se contenter de réformes à la marge. En toutes circonstances, mon groupe défend l’idée que notre justice a besoin aujourd’hui d’une profonde réforme, fondée sur les principes d’indépendance et d’accessibilité, assortie des moyens lui permettant enfin d’accomplir sa mission avec sérénité et efficacité. Bien évidemment, ce texte ne répond nullement à cette urgence, même si certaines de ses dispositions trouvent leur utilité.

Depuis la première lecture de ce projet de loi organique, le Président de la République a néanmoins proposé, lors de ses vœux aux hautes juridictions, de réformer le mode de nomination des magistrats du parquet, en soumettant les décisions à l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.

Il est sûr qu’une telle mesure serait un premier pas indispensable pour mettre enfin notre droit en conformité avec les principes fondamentaux du procès équitable, que défend depuis longtemps la Cour européenne des droits de l’homme. Mais que penser d’une annonce aussi tardive, à quelques semaines de la suspension de nos travaux, et alors que nous sommes nombreux à interpeller depuis longtemps le Gouvernement sur l’urgence d’une révision du statut du parquet ?

Nous constatons – une fois de plus, malheureusement ! – l’incohérence de la politique de la justice, caractérisée par la multiplication des annonces contradictoires et des textes votés dans l’urgence, le tout au détriment des justiciables, qui ont pourtant droit à une justice lisible et efficace.

La majorité des membres du groupe du RDSE estime que ce texte représente une nouvelle occasion manquée. Toutefois, même si aucun problème n’a été résolu en réalité, la commission mixte paritaire a travaillé dans un esprit réaliste et constructif : cet effort justifiera notre vote favorable à ses conclusions.

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