Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui est une traduction concrète de la politique maritime voulue par le Gouvernement.
Le comité interministériel de la mer du 10 juin dernier a décidé de réformer en profondeur la gouvernance des ports d’outre-mer, dans le prolongement de la réforme portuaire métropolitaine de 2008.
Quatre ports sont concernés par cette réforme : les ports de Fort-de-France en Martinique, de Dégrad-des-Cannes en Guyane, de Port Réunion à La Réunion relevant de l’État et le port autonome de la Guadeloupe.
En raison de la disparité des statuts des ports maritimes des départements d’outre-mer, le Gouvernement avait décidé, dès 2008, que la réforme serait engagée, dans un premier temps, dans les seuls ports métropolitains. Cette réforme métropolitaine étant aujourd’hui achevée, il s’agit d’étendre, dans les meilleurs délais, la modernisation des ports aux départements d’outre-mer.
À ce jour, les installations des trois ports d’outre-mer relevant de l’État sont confiées en gestion aux chambres de commerce et d’industrie.
Cette dualité entre l’État et son concessionnaire est cause de dysfonctionnements et de dilution des responsabilités. Par ailleurs, elle n’est pas adaptée aux exigences croissantes de réactivité du commerce maritime international.
Enfin, la représentation des collectivités territoriales au sein des instances de gouvernance paraît insuffisante, en dépit de leur rôle croissant dans le développement économique local.
Le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui vise donc essentiellement à permettre aux ports d’outre-mer de mieux s’intégrer dans leur environnement régional et de valoriser pleinement leur potentiel de développement.
Pour ce faire, la réforme doit contribuer, dans chacun des départements d’outre-mer, au développement de l’économie locale, notamment par une meilleure maîtrise des tarifs portuaires. Les ports sont en effet au cœur de la chaîne logistique d’approvisionnement de ces territoires et sont, à ce titre, un élément essentiel de la compétitivité de ces derniers. Ils jouent, par ailleurs, un rôle prépondérant dans la lutte contre l’inflation, qui, nous le savons tous ici, est un enjeu décisif pour le maintien de la paix sociale.
Le projet de loi a également pour objet de renforcer la place des collectivités territoriales afin que le développement des ports d’outre-mer accompagne et favorise l’évolution des territoires sur lesquels ils sont implantés. La représentation des chambres de commerce et d’industrie, jusqu’à présent très importante en raison, notamment, de leur position particulière de concessionnaire, a également été prise en compte.
Le projet de loi qui vous est soumis comprend trois grands axes.
Le premier est de prévoir de transformer les trois ports d’intérêt national, ainsi que le port autonome de la Guadeloupe, en grands ports maritimes, établissements publics nationaux. Ce statut leur permettra, d’une part, de diversifier leurs ressources, notamment par la mobilisation d’emprunts, et, d’autre part, de se recentrer sur des missions d’aménageurs et de pôle commercial. Ils seront mieux à même de répondre aux exigences de performance et de compétitivité qu’imposent l’évolution du commerce maritime international et la concurrence avec les ports étrangers.
Les futurs grands ports maritimes regrouperont les personnels des services portuaires des directions de l’environnement, de l’aménagement et du logement, soit environ 80 agents, avec les personnels actuels des concessions portuaires, soit environ 340 personnes. Ce rapprochement permettra d’instaurer une véritable communauté de travail et de regrouper les compétences techniques et les moyens sous une seule entité. Le projet de loi vise à garantir, en ce sens, l’unicité de fonctionnement et de gestion des ports. J’y vois un gage d’efficacité et de fiabilité.
Le deuxième apport du projet de loi concerne la gouvernance.
Comme dans le régime des grands ports maritimes métropolitains, ces nouveaux établissements publics portuaires seront dotés d’une gouvernance modernisée, mais celle-ci sera adaptée aux spécificités ultramarines. Le projet de loi prévoit, ainsi, la création de plusieurs structures : un conseil de surveillance de dix-sept membres permettant d’assurer la représentation de l’État et des collectivités, du personnel, des personnalités qualifiées et des chambres de commerce et d’industrie ; un directoire collégial composé de trois membres ; un conseil de développement, consultatif, composé de vingt membres. Ce dernier permettra, notamment, d’assurer la représentation des milieux professionnels, sociaux et associatifs intéressés par la vie portuaire.
Pour répondre aux attentes des acteurs locaux, nous avons prévu une représentation renforcée des collectivités territoriales ainsi qu’une représentation accrue des chambres de commerce et d’industrie, très impliquées dans les ports d’outre-mer.
J’ai bien noté, par ailleurs, votre souci d’associer au moins un représentant des consommateurs au sein du conseil de développement. Sachez que je serai attentif à cette demande dans le cadre de la désignation des membres du conseil. Je sais combien il est important de maîtriser les prix afin que les ports d’outre-mer continuent à être des poumons économiques stratégiques pour ces territoires.
En outre, le projet de loi prévoit désormais, et je m’en félicite, l’institution d’un conseil de coordination interportuaire pour la zone Caraïbe. Ce nouveau conseil permettra à la Martinique, à la Guadeloupe et à la Guyane d’adopter une stratégie partagée pour faire face aux enjeux actuels, qu’il s’agisse de l’élargissement du canal de Panama ou du développement de l’activité de croisière.
Pour autant, je souhaite revenir, mesdames, messieurs les sénateurs, sur une disposition adoptée par l’Assemblée nationale, qui vise à prévoir la consultation des collectivités territoriales sur la nomination des personnalités qualifiées au sein du conseil de surveillance. Le Gouvernement a déposé un amendement rédactionnel sur ce point afin de faciliter le dispositif de consultation.
Le troisième élément du projet de loi concerne les activités de manutention.
L’ensemble des activités de manutention demeureront de la compétence des nouveaux établissements publics portuaires créés en outre-mer. Le projet de loi prévoit, cependant, la faculté pour chacun d’entre eux d’envisager à terme, s’ils le souhaitent, une cession des outillages selon les possibilités d’ouverture à la concurrence locale.
Comme vous le savez, ce projet de loi est le fruit d’une concertation préalable approfondie que Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer, et moi-même avons menée avec chaque catégorie d’acteurs de la place portuaire ultramarine concernée. Je pense, notamment, aux collectivités territoriales, aux chambres de commerce et d’industrie, aux professionnels portuaires, ainsi qu’aux représentants des personnels.
Ce texte représente, en ce sens, un compromis équilibré entre la nécessaire modernisation des ports ultramarins et la prise en compte des situations locales, compromis très attendu par l’ensemble des acteurs locaux, qu’il s’agisse des professionnels ou des organisations syndicales. Le Gouvernement est par conséquent très attaché au respect des équilibres trouvés, qui visent à apporter les meilleures garanties possibles à la mise en œuvre de ces nouveaux établissements publics portuaires.
Au-delà de ces dispositions, je tiens à rappeler que l’État continuera à soutenir une politique d’investissement durable et significative en outre-mer afin de permettre à ses ports de moderniser leurs infrastructures et de s’adapter à l’évolution du commerce maritime. Comme il le fait pour les grands ports métropolitains, l’État poursuivra également sa participation aux opérations de dragage dans les ports ultramarins concernés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, alors que s’achève en France « l’année des outre-mer », le texte sur lequel vous allez vous prononcer constitue une étape cruciale dans le développement de la compétitivité de nos territoires ultramarins.