Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vise à adapter aux quatre ports d’outre-mer relevant de l’État les dispositions de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire.
À la suite de cette réforme, sept ports autonomes de métropole sont devenus des « grands ports maritimes », leurs missions ont été précisées et resserrées et leur gouvernance modernisée. Ce texte ne concernait pas les ports d’outre-mer, notamment à cause de la spécificité de leur statut, mais aussi, semble-t-il, parce que le Gouvernement souhaitait pouvoir tirer un premier bilan de la réforme en métropole avant de l’adapter à l’outre-mer.
Cette réforme devait permettre à nos grands ports d’être véritablement compétitifs par rapport à leurs concurrents européens. Le constat était en effet alarmant : alors que le secteur du transport maritime ne cesse de croître, les parts de marché des ports français pour le trafic de conteneurs en Europe avaient considérablement diminué.
Or, depuis l’adoption de cette réforme, devenue pleinement effective en 2011, force est de constater que son objectif n’est toujours pas atteint. Comme l’ont souligné nos collègues du groupe de travail sur la réforme portuaire, dans leur rapport remis le 6 juillet dernier, « la réforme portuaire de 2008 [...] ne suffira pas à enrayer le déclin des ports français ».
Comment pourrait-on mener une réforme portuaire ambitieuse sans des moyens adaptés ? La question avait été posée lors des débats sur la loi de 2008 : sans investissements massifs, notamment dans les infrastructures, les ports français ne pourront pas rattraper leur retard en termes de compétitivité. Or le rapport du groupe de travail sur la réforme portuaire souligne la persistance de ce manque d’investissements, qui, combiné avec d’autres facteurs, freine l’essor de nos ports. En outre, la mise en œuvre de la réforme de 2008 ne s’est pas faite sans heurts, comme l’ont montré les divers mouvements sociaux qui ont paralysé plusieurs ports français en 2010 et en 2011.
Néanmoins, sans une réforme de leur gouvernance, les ports d’outre-mer, à l’instar de ceux de la métropole, pourront difficilement s’adapter aux évolutions du transport maritime mondial. C’est pourquoi, comme l’a précisé le rapporteur, Mme Odette Herviaux, dont je tiens à saluer l’excellent travail, cette réforme est attendue outre-mer. L’ensemble des acteurs concernés en souligne l’importance et souhaite qu’elle soit mise en œuvre le plus rapidement possible : il convient donc de ne pas prendre davantage de retard dans son adoption.
Ce projet de loi arrive déjà bien tard, alors que le rapport de la mission chargée par le Gouvernement d’étudier la situation des ports des départements d’outre-mer, qui concluait à l’urgence d’une réforme des statuts et de la gestion de ces derniers, a été rendu public il y a plus de deux ans !
La France, cinquième exportateur et sixième importateur mondial, peut et doit jouer un rôle de premier ordre dans le domaine du transport maritime. Dans ce cadre, le rôle des ports d’outre-mer est particulièrement important.
Notre pays dispose des plus grandes zones économiques maritimes du monde avec les États-Unis, et c’est grâce aux outre-mer. Avec 1500 kilomètres de littoral et, surtout, 97 % de la superficie des eaux maritimes françaises, les départements d’outre-mer représentent un véritable trésor pour le développement économique local et national. Le niveau d’activité de la plupart des ports ultramarins est largement comparable à celui des grands ports maritimes métropolitains. Port Réunion, par exemple, est le troisième port français de conteneurs après ceux du Havre et de Marseille.
Mais l’énorme potentiel des ports ultramarins n’est pas suffisamment mis en valeur à l’heure actuelle. Leur productivité est bien en deçà de ce qu’elle pourrait être. Or ces ports ont la chance extraordinaire d’être situés au carrefour des continents. Port Réunion est au confluent des routes maritimes Asie-Amérique et Europe-Afrique, tandis que les ports des Antilles constituent une incroyable chance d’ouverture sur l’Amérique. Ces derniers pourraient, d’ailleurs, bénéficier de l’élargissement du canal de Panama, avec l’ouverture d’une troisième écluse prévue pour 2014. En ce sens, la création d’un conseil de coordination interportuaire entre ces trois ports, adoptée par l’Assemblée nationale, me semble très pertinente.
Il faut donc prendre pleinement en considération le potentiel des ports d’outre-mer et leur donner les moyens de s’adapter aux réalités du transport maritime international. Actuellement, les ports d’outre-mer souffrent de divers problèmes de gouvernance qui sont autant de handicaps à leur efficience économique. C’est particulièrement vrai pour les trois ports qui sont concédés aux chambres de commerce et d’industrie, dont la gestion bicéphale pose de graves problèmes en termes de lisibilité des responsabilités et d’efficacité des décisions.
Cette réforme, qui transforme les ports de Dégrad-des Cannes, Fort-de-France, Port Réunion et le port autonome de la Guadeloupe en grands ports maritimes, est donc essentielle. Ces ports bénéficieront, comme cela a été le cas en métropole, d’une gouvernance rénovée qui repose sur un conseil de surveillance au sein duquel la représentation de l’État et des collectivités territoriales est renforcée.
Heureusement, ce projet de loi n’est pas une simple transposition de la réforme portuaire aux outre-mer ; il prend en compte les spécificités ultramarines, comme le permet l’article 73 de la Constitution.
Notre rapporteur l’a souligné, les ports d’outre-mer diffèrent des ports métropolitains en ce qu’ils constituent presque le seul point d’entrée et de sortie de toutes les marchandises de ces territoires. Près de 95 % du fret transitent par ces ports. Un blocage dans le fonctionnement des ports paralyse l’ensemble de l’économie du territoire concerné. Par conséquent, la question des prix et de la transparence de leur formation est particulièrement importante.
En ce sens, l’article 2 bis, introduit en commission de l’économie sur l’initiative de Mme le rapporteur, article qui consacre l’existence des observatoires des prix et des revenus et précise qu’ils assurent la transparence des coûts de passage portuaire, me semble constituer une excellente avancée.
Ce projet de loi a donc été substantiellement amélioré par les amendements adoptés en commission. À ce titre, je tiens à saluer la volonté de Mme le rapporteur et des membres de la commission qui ont voté la suppression des articles 3 à 9, lesquels n’avaient aucun rapport avec la réforme des ports d’outre-mer.
En effet, la plupart de ces articles devaient permettre au Gouvernement de légiférer par ordonnance, pour mettre en œuvre six textes européens. Les députés avaient déjà scindé l’article initial en six pour adapter le délai d’habilitation en fonction de l’urgence. Mais cela n’était pas suffisant. En tant que parlementaires, nous ne pouvons pas accepter de nous dessaisir ainsi régulièrement de nos pouvoirs sous prétexte que le Gouvernement a pris du retard dans la transposition des textes européens et que notre pays risque d’être sanctionné. Ce chantage a assez duré et il est temps pour le Gouvernement de prendre ses responsabilités en matière de transposition !
Tenant compte de ces avancées, l’ensemble du groupe du RDSE soutiendra le texte adopté par la commission et, personnellement, comme l’un des membres de la nouvelle délégation à l’outre-mer que préside notre collègue Serge Larcher, je le ferai avec d’autant plus de plaisir. §