Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une question cruciale – ô combien ! – pour le développement économique de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion : l’avenir de leurs ports.
Avant tout, je tiens à féliciter notre rapporteur, Mme Herviaux, pour son excellent travail.
Certes, le port est un poumon économique pour toute région qui en dispose, qu’elle soit ultramarine ou non. Mais, dans nos territoires, il constitue le seul véritable point d’entrée et de sortie des marchandises, alors que les autres régions bénéficient également de la route et du rail. Autant dire que notre vie économique est organisée, je dirais même structurée, autour du port. C’est de lui et de lui seul que dépend notre capacité à exporter nos produits, ainsi malheureusement qu’à nous nourrir et à nous équiper.
Dès lors que j’ai expliqué le caractère vital que revêt le port dans les territoires ultramarins en général et en Martinique en particulier, vous comprendrez que je porte un grand intérêt au présent projet de loi. Mon analyse à son égard est contrastée : je suis agacé par la forme, plutôt favorable au fond et inquiet quant à sa mise en œuvre.
Sur la forme, mon agacement a plusieurs causes. S’agissant d’abord des délais, je ne comprends pas que ce projet de loi soit soumis à notre examen près de quatre ans après le vote de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, qui organisait cette réforme au niveau national. Qu’il ait fallu attendre si longtemps montre le peu de considération que le Gouvernement porte à l’outre-mer, alors même que les ports de la Réunion, de la Martinique et de la Guadeloupe sont respectivement les troisième, cinquième et sixième ports français pour le trafic des conteneurs, après Le Havre et Marseille.
Pis, en dépit des délais anormaux qui ont été nécessaires pour que la réforme portuaire soit adaptée aux territoires ultramarins, le Gouvernement a présenté un projet de loi qui s’accompagnait d’une longue série d’habilitations destinées à lui permettre de prendre, par voie d’ordonnance, les dispositions nécessaires à l’application de règlements et de directives de l’Union européenne.
Autrement dit, on confisque au Parlement son pouvoir et on utilise la réforme des ports d’outre-mer comme véhicule législatif, véritable voiture-balai, pour prendre dans l’urgence des dispositions diverses et variées… C’est dire la considération que le Gouvernement porte au travail parlementaire !
S’agissant du fond, le projet de loi est plutôt satisfaisant. Pour l’essentiel, il rationalise la gouvernance des ports en adaptant aux situations ultramarines les principales dispositions de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire.
Reste qu’il est perfectible et que les parlementaires de l’outre-mer ont déposé quelques amendements dans le but de l’améliorer. Sans présenter ici l’ensemble de leurs propositions, je veux insister sur trois d’entre elles qui me tiennent à cœur.
La première proposition consiste à établir un lien étroit entre cette réforme et le chantier, ouvert en 2009, sur le coût de la vie en outre-mer. En effet, les surcoûts supportés par les consommateurs de nos pays ne peuvent pas être exclusivement imputés à l’octroi de mer, ainsi qu’à la voracité des grossistes et de la grande distribution. Une partie d’entre eux s’explique par le port, qui est un maillon de la chaîne d’importation.
Aussi me semble-t-il important que le Gouvernement adosse à la présente réforme une étude relative aux situations monopolistiques dans divers ports des régions d’outre-mer.
En outre, alors que ces ports affichent un résultat excédentaire, il n’a jamais été envisagé de réduire les tarifs portuaires. En outre-mer, la moyenne de ces tarifs s’établit entre six et sept euros par tonne, contre un euro et cinquante centimes par tonne en métropole…
Les deux autres propositions auxquelles je suis attaché sont étroitement liées à la première.
Afin de prendre en considération le problème des surcoûts en toute transparence, il convient que les consommateurs soient étroitement et formellement associés aux organes d’administration des nouveaux ports. C’est pourquoi nous proposons qu’un représentant des consommateurs siège au conseil de surveillance de chaque port, de la même façon qu’un tel représentant siégera au conseil de développement, ainsi que l’a décidé la commission de l’économie.
Peut-être m’opposera-t-on qu’il ne s’agit que d’une loi d’adaptation, déposée en application de l’article 73 de la Constitution, et que ces propositions s’éloignent par trop du cadre national... Mais alors pourquoi avoir attendu plus de trois ans pour procéder à cette adaptation, si l’on se contente de reproduire purement et simplement le dispositif national ?
En fait, compte tenu de l’importance de l’enjeu, il eût été plus pertinent que cette réforme fût l’occasion d’un véritable projet de loi de décentralisation : un projet de loi qui dotât les ports d’une organisation à la mesure de ce qu’ils représentent pour les territoires ultramarins.
S’agissant enfin de la mise en œuvre de cette réforme, je nourris quelques inquiétudes. La principale porte sur les modalités du passage de témoin entre la chambre de commerce et d’industrie et l’État. À ce propos, deux questions me semblent particulièrement importantes.
D’abord, les transferts de personnels devront avoir lieu de manière à ne laisser personne sur le carreau et à ne dégrader la situation sociale d’aucun agent.
Ensuite, les chambres de commerce devront bénéficier d’une juste compensation des efforts qu’elles ont pu consentir. En effet, dans un contexte de crise économique et de l’emploi, il me semblerait déraisonnable de fragiliser financièrement les chambres de commerce, qui doivent continuer de remplir leur mission d’accompagnement des entreprises.
Pour conclure, je veux insister sur le fait que la réforme des ports d’outre-mer ne peut être qu’une simple réforme à caractère administratif. Elle doit être accompagnée d’une réflexion de fond sur les conditions de la croissance économique dans nos territoires. C’est à cette condition qu’elle contribuera vraiment au développement économique des outre-mer !