Intervention de Maurice Antiste

Réunion du 26 janvier 2012 à 15h00
Réforme des ports d'outre-mer — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Maurice AntisteMaurice Antiste :

… l’absence de solution pour l’indemnisation des chambres de commerce et d’industrie à la suite de la rupture anticipée de leur contrat de concession, enfin le manque de précision quant aux moyens mis à la disposition des futurs grands ports maritimes d’outre-mer.

L’activité portuaire joue un rôle stratégique dans l’économie ultramarine. En outre-mer, contrairement à la métropole, les ports sont la porte d’entrée et de sortie quasi exclusive des marchandises : 95 % des produits alimentaires, des ressources énergétiques et des biens manufacturés transitent par eux.

Par exemple, le chiffre d’affaires du port de Fort-de-France s’est élevé en 2010 à plus de 19 millions d’euros, pour un trafic de marchandises estimé à un peu plus de 3 millions de tonnes.

Cette prééminence du port est devenue manifeste lorsqu’en février 2009, au cours du mouvement social contre la vie chère en outre-mer, le blocage du port de la Martinique a entraîné la paralysie de l’économie locale dans son ensemble.

Le projet de loi n’est pas à la hauteur de ces revendications sociales. En effet, il ne propose aucune véritable solution au problème du coût de la vie, en particulier à celui du prix des produits alimentaires, importés à 90 %. Pour remédier à ce problème, la nécessité se fait jour d’un arrière-pays dont le développement pourrait être encouragé, par exemple, par la création d’une zone franche d’activités.

Accolée aux ports, cette zone permettrait de produire sur place, donc de créer des emplois – je rappelle que la Martinique compte aujourd’hui trente-cinq mille chômeurs. Elle favoriserait l’installation de nouveaux investisseurs, ainsi que l’implantation d’unités de production et de logistique visant à créer un flux d’importation et d’exportation entre l’Europe et la zone Caraïbe. Elle permettrait l’émergence de nouveaux emplois et de compétences spécialisées.

Rien ne serait acquis, bien sûr, sans l’assurance d’une adhésion financière et administrative de l’État et de la Commission européenne. C’est à ce prix et avec de telles solutions que l’on pourra influer sur les emplois, les activités portuaires et le coût de la vie dans les collectivités d’outre-mer.

Enfin, monsieur le ministre, je voudrais m’attarder sur un aspect qui, alors qu’il est essentiel, ne me semble pas être traité, dans la réforme, d’une manière conforme aux enjeux de l’économie ultramarine : je veux, bien sûr, parler de la gouvernance des ports.

Je regrette que le projet de loi n’accorde qu’une faible place aux collectivités territoriales dans la gestion des ports, car, contrairement à ce que j’ai pu lire ici et là, une présence accrue de celles-ci au sein de ces structures reviendrait non pas à priver l’État de ses prérogatives, mais simplement à transcrire dans la loi la possibilité pour elles d’influer véritablement sur les orientations stratégiques du conseil de surveillance.

Cela est encore plus vrai au regard des importantes participations financières consenties par les collectivités et au rôle fondamental qu’elles ont joué et jouent encore dans le développement du secteur portuaire.

En effet, il est essentiel que les collectivités, que ce soient les communes où sont installés les ports, les collectivités régionales ou les communautés de communes, puissent disposer d’un nombre de sièges leur permettant d’exercer en pleine responsabilité leurs compétences de développeurs économiques, notamment en prenant l’initiative, avec le soutien de l’État, de la création d’une zone franche.

Ainsi, monsieur le ministre, tout en étant conscients de l’urgente nécessité d’une évolution du statut des ports tendant à les redynamiser à de les inscrire dans l’effort national, donnons réellement aux collectivités territoriales, et donc à la future collectivité unique, cette capacité d’agir, ne serait-ce qu’en considération de leur importante participation financière. Nos ports pourront alors devenir la porte ouverte à une nouvelle expérience de zone franche et de développement économique tourné vers la zone du Caricom.

Tout comme vous, nous savons qu’il s’agit du poumon de notre économie, un poumon ouvert, si j’ose dire, sur la France et prochainement, nous l’espérons, sur nos amis de la Caraïbe, voire sur le monde.

Rappelons d’ailleurs l’ouverture programmée pour 2014 de la troisième écluse du canal de Panama, qui devrait permettre aux ports d’outre-mer, à celui de Fort-de-France notamment, de densifier les flux de marchandises. C’est d’ailleurs aussi dans cette optique que d’importants projets de modernisation des installations ont lieu.

Pour conclure, je dirai que la gouvernance imaginée me paraît singulièrement inachevée et qu’elle risque fort de s’apparenter à de l’agitation sympathique si nos amendements ne sont pas pris en compte.

Oui à un nouveau port ! Oui à une nouvelle gestion des ports ! Mais oui aussi à une gestion collégiale permettant à chacun de donner son avis, à chaque partenaire de trouver sa place ! Oui, donc, à une structure nouvelle au sein de laquelle chacun pourra faire entendre sa voix !

Et pourvu que l’outil nouveau serve à casser progressivement la caractéristique économique de nos pays, terre d’« import-import » ! Oui à un véritable import-export, nous intégrant enfin dans nos bassins géographiques naturels !

Puisse ce projet de loi, amendé, être le coup d’envoi d’une nouvelle conception de la notion d’échange commercial et même de la notion d’échange tout court. §

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