Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, votre Haute Assemblée examine aujourd’hui une proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies.
Le rétablissement de voies préexistantes par des ouvrages d’art donne lieu à des situations différentes lors de la réalisation de nouvelles infrastructures de transports en fonction du maître d’ouvrage. En effet, la situation dépend de l’acceptation ou du refus par le maître d’ouvrage de prendre en charge une partie des coûts supplémentaires que représente, pour la collectivité dont la voie est rétablie, l’incorporation dans son domaine public d’un ouvrage d’art.
Face à ce double constat d’inégalité entre collectivités et d’insécurité juridique, mon prédécesseur, Dominique Bussereau, avait mis en place, dès 2009, un groupe de travail chargé d’élaborer des pistes de réflexion permettant de dégager des principes de gestion des ouvrages d’art.
Ce groupe était composé de représentants de maîtres d’ouvrage, tels que l’État, RFF et VNF, ainsi que de représentants des associations des collectivités locales, dont l’Association des départements de France, l’ADF. Je sais la part active que Mme Didier, auteur de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, ainsi que M. Grignon y ont prise.
Ce groupe de travail a été confronté à la complexité et à la diversité des situations locales. Néanmoins, les travaux qu’il a conduits ont permis d’aboutir à une convergence de vues, tant sur le diagnostic établi que sur la nécessité d’une disposition législative. C’est pourquoi je me félicite de l’initiative parlementaire qui nous réunit aujourd’hui.
Ce groupe de travail a dégagé des préconisations dont nous débattrons tout à l’heure. En effet, la proposition de loi qui est examinée aujourd’hui ne reprend pas l’ensemble des principes généraux qui sous-tendaient les réflexions de ce groupe.
Votre proposition de loi, comme les conclusions du groupe de travail, ne remettent pas en cause le principe de propriété dégagé par la jurisprudence : la collectivité reste propriétaire de l’ouvrage d’art de rétablissement, ce dernier constituant un « élément de la voie dont il relie les parties séparées de façon à assurer la continuité du passage ».
De même, le renvoi au cadre conventionnel pour fixer les modalités de répartition des charges entre la personne publique, propriétaire de l’ouvrage, et le maître d’ouvrage de la nouvelle infrastructure de transport constitue un élément de consensus.
Toutefois, la question des ouvrages d’art existants demeure posée. En effet, si la présente proposition de loi rappelle que les dispositions des conventions existantes continuent de s’appliquer, elle impose que, en cas de dénonciation d’une convention existante, en l’absence de celle-ci ou encore en cas de litige, une nouvelle convention soit conclue sur la base des principes de répartition établis dans son article 1er.
D’après les dispositions de cet article, la convention répartit les charges de surveillance, d’entretien, de réparation et de renouvellement selon le principe suivant : au gestionnaire de la nouvelle infrastructure de transport la responsabilité de la structure de l’ouvrage, y compris l’étanchéité ; au propriétaire de la voie rétablie la responsabilité de la chaussée et des trottoirs. Je souhaite insister sur ce point.
Une telle disposition pourrait avoir un impact non négligeable pour les grands maîtres d’ouvrage que sont l’État et certains de ses établissements publics, RFF ou VNF, par exemple, mais aussi pour les collectivités locales.
La dénonciation de conventions existantes et la conclusion de nouvelles conventions, selon les principes établis dans la proposition de loi pour tous les ouvrages d’art existants, pourraient dès lors engendrer des dépenses supplémentaires de plusieurs dizaines de millions d’euros par an, tous gestionnaires d’infrastructures confondus, c’est-à-dire aussi bien l’État et ses établissements publics que les collectivités locales.
Cela serait bien entendu tout à fait hors de portée pour chacun d’entre eux. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’est pas favorable à cette disposition.
Bien que le Gouvernement soit favorable au principe général de votre proposition de loi, madame Didier, il estime que son contenu nécessite des ajustements.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement soutient certains des amendements qui vous sont soumis aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs. J’aurai l’occasion de revenir sur ce point au cours de la discussion.
Sans préjuger des améliorations qui seront apportées à ce texte par la Haute Assemblée, je souhaite avant tout que nos débats s’attachent à dégager la plus grande équité possible dans le partage des responsabilités et des charges financières relatives aux ouvrages d’art de rétablissement des voies.