Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, j’ai eu l’occasion de rappeler mon opposition à l’esprit de la présente proposition de loi le 7 décembre dernier, lors de la discussion générale.
Les débats d’aujourd’hui sur l’article 3 de ce texte m’ont confortée dans l’idée qu’étendre l’obligation de neutralité aux assistantes et assistants maternels, dans le cadre de l’activité d’accueil d’enfants à leur domicile, constituait une intrusion de l’État dans la sphère privée.
Cette ingérence de l’autorité publique entraînerait vraisemblablement une atteinte à la vie privée des intéressés, au sens de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. J’ajoute qu’une telle ingérence, faute d’être encadrée, pourrait ouvrir d’autres brèches et donner lieu à des dérives. Le respect de la vie privée est un des acquis inaliénables de la modernité et du progrès qui lui est attaché.
L’État a le droit et le devoir de veiller à la neutralité religieuse dans l’espace public et à l’application du principe de laïcité, mais conformément à l’esprit et à la lettre de la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905, à savoir dans le respect des convictions religieuses de chacun et de chacune, et tant que l’expression de ces convictions n’empiète pas indûment sur cet espace.
De surcroît, comment déterminer avec précision ce qui relève de l’expression d’une conviction religieuse au domicile d’un assistant maternel ou d’une assistante maternelle ? Sera-ce la façon de nourrir l’enfant, les ingrédients utilisés pour préparer sa nourriture, un objet décoratif particulier, par exemple une photo de La Mecque ou de Jérusalem, une Annonciation de Fra Angelico, un tableau orientaliste représentant Judith et Holopherne ? On pourra aisément, ainsi, tomber dans la surinterprétation, la pure conjecture ou le simple préjugé, rien ne fournissant plus ici de justification rationnelle et objective à une éventuelle rupture du contrat de travail entre l’employé et l’employeur.
Une autre question se pose : qui décidera de ce qui relève du religieux ?
Passons…
Je souhaite également rappeler que l’article L. 1132-1 du code du travail interdit les discriminations directes et indirectes, notamment celles fondées sur les convictions religieuses, au moment du recrutement ou durant l’exécution du contrat de travail.
Nous, sénatrices et sénateurs écologistes, sommes extrêmement attachés au respect du principe de laïcité, mais nous ne pouvons pas voter un texte qui intègre l’article 3 litigieux, pour les raisons que je viens d’évoquer.
Le groupe écologiste du Sénat votera donc contre cette proposition de loi.