Intervention de Jean-Jacques Lozach

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 8 février 2012 : 1ère réunion
Simplification des normes applicables aux collectivités locales — Examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Jacques LozachJean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis :

La proposition de loi de M. Éric Doligé que nous devons examiner ce matin vise à simplifier les normes applicables aux collectivités locales. Ce texte, renvoyé à la commission des lois, reprend certaines des 268 préconisations formulées dans un rapport remis, par le même auteur, au Président de la République le 16 juin 2011. Quinze domaines différents avaient alors été identifiés, au rang desquels figuraient l'accessibilité, la culture et le sport, qui sont aujourd'hui les trois thèmes que j'aborderai devant vous.

C'est pourquoi notre commission a décidé de se saisir pour avis des articles 1er et 2. Le premier est notamment relatif aux dérogations aux normes d'accessibilité au regard des contraintes liées à la préservation du patrimoine architectural. Le second tend à compléter le code du sport pour soumettre le décret et les règlements fédéraux à l'avis de la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN), créée en 2008 et par ailleurs réformée par la présente proposition de loi. En outre, la commission des lois nous a délégué l'examen au fond de l'article 27 relatif à l'archéologie préventive.

Tout d'abord, permettez-moi de dire quelques mots de l'objectif de cette proposition de loi, qui s'inscrit dans la logique du rapport précité de M. Doligé. Trois préoccupations essentielles ont guidé l'auteur : la réduction des coûts et des contraintes normatives, l'accélération des procédures administratives structurant les projets des collectivités, et l'instauration d'un dialogue autour de l'activité normative.

Si ces questions sont évidemment partagées par bon nombre d'élus locaux, toujours préoccupés par les situations complexes auxquelles sont confrontées les collectivités (par exemple les dépenses très élevées générées par les normes techniques imposées par l'État), la réponse apportée par cette proposition de loi ne résout pas les problèmes constatés.

Prenons le cas de l'archéologie préventive, dont il est question à l'article 27. Cette nouvelle rédaction du deuxième alinéa de l'article L. 523-7 du code du patrimoine vise, je cite, « à permettre l'aboutissement des conventions de diagnostic dans des délais compatibles avec les opérations d'aménagement ». Nous l'avons tous constaté sur le terrain, le sujet des délais constitue une « épineuse question », pour reprendre l'expression de nos collègues MM. Yves Dauge et Pierre Bordier dans leur rapport de juillet 2011 relatif à l'archéologie préventive. De très nombreuses questions parlementaires - au moins 200 depuis 2003 - ont mis en évidence les coûts et les situations de blocage liés aux retards pris dans la mise en oeuvre des prescriptions de l'État en matière d'archéologie préventive.

Cependant, le délai de signature de la convention de diagnostic, visé par l'article 27, soulève quelques difficultés. En effet, beaucoup de délais sont d'ores et déjà normés, le code du patrimoine prévoyant des durées relativement courtes pour chaque étape de la procédure. Il s'agit par exemple de l'article R. 323-30 qui laisse deux mois à compter de l'attribution du diagnostic, pour que le service agréé de la collectivité ou l'institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) transmette à l'aménageur un projet de convention. L'article L. 523-7 quant à lui prévoit déjà que les travaux doivent débuter dans les quatre mois suivant la conclusion de la convention. En revanche, le délai de signature de la convention n'est pas normé. Ainsi constitue-t-il parfois un levier utilisé pour « gagner du temps », notamment par l'Inrap lorsque sa situation financière ne lui permet plus de faire face aux diagnostics prescrits en fin d'exercice comptable. L'absence de signature de la convention empêche ainsi de courir le délai de quatre mois à l'issue desquels doivent débuter les travaux.

La rédaction du deuxième alinéa de l'article L. 523-7 du code du patrimoine proposée par la présente proposition de loi soulève plusieurs difficultés :

- tout d'abord, elle confie un rôle de médiateur et d'arbitre au préfet de département, alors que c'est le préfet de région qui intervient à tous les stades de mise en oeuvre de la politique d'archéologie préventive ;

- ensuite, ce texte impose une signature dans les deux mois suivant la réception du projet de convention, sans préciser certaines conditions pourtant essentielles telles que les garanties de libération des terrains concernés, constituant pourtant une information indispensable à l'arrêt d'une date de début de travaux de diagnostic ;

- enfin, le fait que le préfet de département puisse imposer aux deux parties, non seulement les délais, mais aussi les dispositions contenues dans la convention, peut sembler d'autant plus dangereux que s'il ne tranche pas les différentes questions dans un délai fixé par décret, la prescription est réputée caduque. Cette disposition me semble particulièrement critiquable, et toutes les personnes auditionnées sur le sujet partagent mon point de vue. En effet, la caducité n'efface pas les vestiges archéologiques, dont on présume la présence sur les terrains pour lesquels des diagnostics ont été prescrits. Cela signifie que si l'aménageur débute les travaux et tombe sur des vestiges, alors, la loi du 27 septembre 1941 modifiée portant réglementation des fouilles archéologiques s'appliquera. Son titre III prévoit qu'en cas de découvertes fortuites, le chantier doit être immédiatement arrêté, les terrains étant considérés comme classés. Autant dire que la solution proposée par l'article 27 sera pire en termes de coûts et de perturbations pour les collectivités que ne l'est la situation actuelle.

Pour ce qui concerne l'article 1er, je passerai rapidement sur son contenu. Tout d'abord les mesures de substitution aux normes d'accessibilité ne soulèvent pas de difficulté particulière. En revanche, je note que le titre I, qui pose un principe de proportionnalité et d'adaptation des normes à la taille des collectivités, n'a pas de portée immédiate puisqu'il indique simplement qu'une loi peut autoriser le préfet de département à prendre des mesures dérogatoires. L'article 1er prévoit par ailleurs le renvoi à des décrets en Conseil d'État pour préciser, dans les domaines visés par la loi, les dérogations qui pourraient être accordées. On peut s'interroger sur la portée d'une telle disposition et sur une liste réglementaire de dérogations aux obligations dans le domaine de la culture, qu'il s'agisse d'archéologie préventive ou de protection des monuments historiques par exemple. L'examen de cette proposition mériterait des délais supplémentaires compte tenu des enjeux qu'elle sous-tend.

Enfin, au sujet de l'article 2, son titre II prévoit de soumettre les évolutions des normes sportives prévues par les fédérations à un avis de la CCEN. Je n'ai pas besoin d'insister devant vous sur l'importance de cette question.

Malgré les efforts réalisés depuis 2009 et la mise en place de la commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (CERFRES), les modifications des normes sur les équipements sportifs peuvent avoir des conséquences lourdes pour les collectivités (propriétaires à 80 % des structures sportives), bien souvent sans que l'intérêt de l'évolution soit majeur pour le sport en question.

Le rapport de M. Doligé sur la simplification des normes applicables aux collectivités locales dresse un constat sévère sur cette question en faisant état d'absences de saisine préalable de la CERFRES dans certains cas, d'une représentation insuffisante des collectivités, de la perfectibilité des notices d'impact, de conditions de classement fédéral discutables, de délais d'application peu raisonnables, de jeux d'acteurs complexes ou bien encore d'un manque d'accompagnement au niveau local.

Bref, la mise en place d'un avis de la CCEN semble indispensable. Il reste que la coexistence de la CCEN et de la CERFRES appellera une coordination, au moins au niveau réglementaire ; on peut se poser la question de la nature de l'avis de la CCEN : doit-il être conforme ou consultatif ?

Ainsi, je m'interroge donc sur la rédaction proposée par le texte ; ce doute plaide une nouvelle fois pour la fixation d'un délai supplémentaire pour l'examen de la présente proposition de loi.

En conclusion, les questions soulevées par Éric Doligé sont pertinentes, mais les réponses qu'il y apporte ne sont pas satisfaisantes, ou nécessitent une réflexion bien plus approfondie. L'importance des sujets traités ici mérite, à tout le moins, que davantage de temps soit consacré à l'examen des dispositions et des solutions adéquates.

Forts de ce constat, M. Jean-Pierre Michel et le groupe socialiste ont déposé une motion de renvoi en commission des lois. Pour toutes les raisons que j'ai détaillées devant vous, je vous propose que la commission de la culture donne un avis favorable à l'adoption de cette motion.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion