Intervention de Jean-Pierre Michel

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 21 décembre 2011 : 1ère réunion
Simplification du droit et allègement des démarches administratives — Examen du rapport

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel, rapporteur :

Il s'agit de remplacer les peines d'emprisonnement - qui ne sont jamais prononcées - et d'amendes par des injonctions civiles et des nullités. Le référé civil fonctionne bien, avec des astreintes très lourdes. La proposition de loi reste toutefois souvent en-deçà des propositions du groupe de travail présidé par Jean-Marie Coulon. J'envisageais de rétablir les peines d'emprisonnement et d'amendes pour les délits graves et intentionnels, afin de faire peser sur les chefs d'entreprise l'opprobre qui s'attache à une telle peine, même avec sursis. Les représentants des entreprises nous ont dit préférer les peines d'emprisonnement ou d'amendes - vite payées, vite oubliées - aux astreintes ou aux nullités, dont les conséquences juridiques sont bien plus lourdes !

Parmi les mesures contestables figure la brèche ouverte, certes au profit des PME, dans l'interdiction qui est faite aux administrateurs d'une société qui n'en sont pas préalablement les salariés, d'y bénéficier d'un contrat de travail. J'y suis hostile : il y a un conflit d'intérêts à ce qu'un administrateur d'une société en soit le salarié.

La proposition de loi supprime toute obligation de dépôt du rapport de gestion pour les sociétés en nom collectif, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés anonymes, sauf pour les sociétés cotées. Ce critère n'a aucune pertinence : pourquoi un traitement différent selon que la société est ou non cotée ? Surtout, je désapprouve sur le fond la suppression du rapport de gestion, qui porte atteinte à la transparence des affaires.

L'article 10 revient sur des dispositions de la loi « Grenelle 2 » relatives à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Il reporte à 2012 les obligations faites aux entreprises, car le décret en Conseil d'État, prévu par la loi, n'a jamais été pris. Peut-être la commission présidée par M. David Assouline pourra-t-elle faire des recommandations sur ce point...

L'article 10 prévoit également que les informations données seraient différentes selon que la société est cotée ou non - critère injustifié au regard de l'objectif poursuivi.

Cet article exonère les filiales de l'obligation de publication : seule la holding y serait soumise. Carrefour publierait son bilan social et environnemental, mais ses filiales en seraient dispensées ! J'y suis très défavorable.

Le texte relève également la part du capital susceptible d'être attribuée sous forme d'actions gratuites aux salariés dans les sociétés anonymes. Attention toutefois : jouer sur la participation est parfois un moyen, fiscalement avantageux, de ne pas augmenter les salaires... Pourquoi, là encore, distinguer entre sociétés cotées et non cotées ?

Mme Nicole Bricq, au nom de la commission des finances, s'est penchée sur les règles d'information du marché, et sur les seuils de participation dans les sociétés cotées, à l'article 21 bis.

L'entreprise individuelle à responsabilité limitée pouvait bizarrement être créée par un mineur, sans condition d'âge ; l'article 27 bis place l'âge minimal à seize ans. Seules quelques dizaines d'entreprises individuelles auraient été créées par des mineurs : c'est vraiment pour amuser la galerie ! M. Lefebvre défendra sa position...

L'article 49 bis A relève également de la plaisanterie : il réintroduit une disposition censurée à deux reprises par le Conseil constitutionnel !

L'article 57 crée un fichier national automatisé des interdits de gérer. C'est une bonne chose. Mais ce fichier serait tenu par des personnes privées : les greffiers des tribunaux de commerce. Les greffiers, qui exerceront cette tâche à titre gratuit, nous ont donné toutes garanties, mais il faudra veiller à ce que le décret, qui sera pris après avis de la CNIL, précise bien quelles seront les personnes habilitées à accéder aux informations.

Les articles 78 et 79 revoient le système des annonces légales, qui permettent largement à la presse locale de survivre. Les syndicats de la presse craignent une dérive, si les journaux gratuits devaient eux aussi être autorisés à publier ces annonces, qui sont vitales pour la presse régionale.

Le « coffre-fort numérique », devenu « armoire sécurisée numérique », qui permet aux entreprises de regrouper toutes les informations déclarées à l'administration en un lieu unique, n'a pu être créé à temps : le Gouvernement nous demande donc de l'habiliter à le faire par ordonnance ! J'y suis évidemment hostile.

La proposition de loi encadre la possibilité pour les copropriétés de recourir à l'emprunt. Certaines grandes copropriétés comptent de vieux propriétaires aux faibles revenus : le recours à l'emprunt permettrait aux syndics d'étaler la dépense pour faire face aux travaux obligatoires de sécurité. Une telle mesure mériterait toutefois d'être mieux encadrée.

L'article 94 A est un cavalier, mais un bon cavalier : il prévoit l'immunité pour les membres de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), qui sont attaqués quotidiennement, y compris physiquement. Deux obstacles toutefois : cette mission n'a pas été créée par une loi, et les seuls à bénéficier d'une telle immunité sont le Défenseur des droits et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il conviendrait de réfléchir à son extension aux membres de différentes missions ou autorités administratives indépendantes.

Plus largement, je réprouve la méthode utilisée sur ce texte - a fortiori avec l'engagement de la procédure accélérée. Il comporte quelques simplifications bienvenues, mais aussi des novations qui méritent un vrai débat. Je livre donc ce rapport à votre sagacité.

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