Intervention de Jean Arthuis

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 7 mars 2012 : 1ère réunion
Avenir de la zone euro — Communication

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis :

La nécessité n'en est que plus grande du contrôle. L'entrée dans l'euro est un billet à sens unique. L'erreur n'est pas tant d'avoir ouvert l'entrée dans l'euro à la Grèce, que de l'avoir laissée, sans se préoccuper des obligations qui y étaient attachées, creuser ses déficits.

Je plaide donc pour une pleine gouvernance de la zone euro. Pour qu'Eurostat devienne une agence statistique pleinement indépendante - et ma conviction ne date pas d'hier ; pour que les services statistiques des États membres jouissent d'une indépendance qui les place au-dessus de tout soupçon - est-il admissible que le directeur de l'équivalent grec de notre Insee soit poursuivi devant les juridictions pénales au motif qu'il a publié des chiffres qui ne siéent pas aux parlementaires ? Je plaide pour que les États, dès lors qu'ils entrent dans la zone euro, s'obligent à une présentation normalisée de leurs chiffres - recettes, dette, engagements hors bilan... - et usent d'une même procédure de certification. C'est à cette seule condition que l'on pourra agréger les comptes publics nationaux pour disposer d'un budget global de la zone euro afin que les ministres des finances puissent pétrir la pâte budgétaire. Pour que l'on puisse observer, ligne par ligne, si de vraies synergies se dessinent - en matière de recherche et développement, par exemple.

Pour les États récalcitrants, je ne crois pas tant aux vertus des contraintes financières du six pack - veut-on en venir à cette absurdité qu'il leur faudrait, pour les payer, se tourner vers le MES ? - qu'à celles de sanctions allant de restrictions d'accès aux fonds structurels jusqu'à la privation du droit de vote au sein de l'Eurogroupe. Je crois moins aux sanctions financières qu'à la transparence, à la publicité donnée aux actes répréhensibles.

Je plaide pour que les directeurs nationaux du budget soient associés aux conseils Ecofin : ce fut une erreur de les écarter au profit des gouverneurs des banques centrales nationales et des directeurs du Trésor. Je plaide pour que même rang de priorité soit donné aux mesures d'assainissement et de croissance, pour que les parlementaires nationaux s'engagent dans un agenda de réformes structurelles - retraites, flexibilité du marché du travail...

Je plaide pour que soient stabilisés les mécanismes de gestion de crise, afin de n'être plus pris, comme ce fut le cas pour la Grèce, au dépourvu. Pour un MES et une force d'intervention rapide qui exemptent du recours au FMI, lequel ne peut que compliquer l'exercice européen dès lors que le Fonds doit répondre aux préoccupations d'autres États, comme la Chine. Alors, le temps sera venu de parler d'eurobonds. Mais seulement quand la zone euro sera dotée d'une vraie gouvernance : ne mettons pas la charrue avant les boeufs.

Je plaide, enfin, pour une simplification de l'architecture institutionnelle. Unité, cohérence, pour nous mettre à l'abri de préjudiciables cacophonies. Au-delà, se pose la question d'un leadership identifié : une même personnalité pour présider la Commission et le Conseil européen, voire le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro. A la conférence interparlementaire où M. Marini et moi-même nous sommes rendus la semaine dernière à Bruxelles, nous avons entendu M. van Rompuy et M. Barroso parler d'une même voix. A quoi bon perpétuer cette dyarchie ?

De même, sans ministre des finances de la zone, pas de policy mix possible. Ce devrait être le président de l'Eurogroupe. On ne peut se satisfaire de confier cette présidence, comme on l'a fait jusqu'à présent, à l'un des ministres des finances de la zone. M. Juncker cumule les fonctions de Premier ministre et de ministre des finances du Luxembourg avec la présidence de l'Eurogroupe : comment serait-il pleinement disponible ? Sans parler du problème de conflit d'intérêt. Cela suppose d'officialiser l'Eurogroupe et de doter son ministre des finances, qui serait le vice-président de la Commission européenne chargé de l'euro, de services capables de mettre en oeuvre les dispositions du MES et de la task force. Voyez les moyens dont dispose Mme Ashton.

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