Intervention de Jean Arthuis

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 7 mars 2012 : 1ère réunion
Avenir de la zone euro — Communication

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis :

Je vous remercie pour vos appréciations. Il est vrai que je suis féroce sur la gouvernance. J'estime souvent que nos initiatives sont pleines de contradictions, y compris au plan national. On légifère trop souvent pour répondre à des sollicitations, sans prendre le temps de la réflexion. Je me demande, par exemple, comment on va pouvoir satisfaire aux dispositions de la loi sur l'accessibilité des handicapés, et à quel coût. Même chose pour l'Europe. On a répondu aux sollicitations de la Turquie, en 1995, par l'union douanière. Résultat, on ne trouve plus un fabricant de téléviseur en France, c'est tellement plus commode de l'autre côté du Bosphore ! Voilà comment on pousse des peuples dans l'impasse. L'environnement ? Même tabac. Doit-on laisser entrer des produits qui ne répondent ni à nos normes environnementales, ni à nos normes sociales, et pousser ainsi aux délocalisations ? C'est suicidaire !

L'action de la BCE a été un soulagement, mais il est vrai, monsieur Marini, qu'elle ne saurait nous exempter de décisions courageuses. Ce n'est pas en mettant des liquidités à disposition des banques que l'on résoudra la question de la gouvernance.

L'épargne des Français, monsieur Belot ? Mais elle a déjà trouvé son affectation. Voyez le grand emprunt : ce fut un « instrument de langage », mais une vraie tartufferie budgétaire !

Certes, il faudra du temps à l'Espagne pour sortir de la crise, mais le temps ne suffit pas à lui seul. Voyez ce qui se passe en Grèce, où les prescriptions de la troïka font furieusement penser aux recettes appliquées au Crédit lyonnais : on achète du temps à crédit...

Oui, l'emploi est la priorité, mais on ne relancera pas la machine sans passer par des décisions structurelles difficiles. Le taux de change entre l'euro et le dollar ne nuit pas, il est vrai, aux exportateurs allemands. Mais les Allemands n'ont nul intérêt à une explosion de la zone : une sortie de l'euro renchérirait le deutschemark de 50 % et appauvrirait d'autant les autres pays européens qui achètent les produits allemands. Une vraie gouvernance européenne est aussi dans leur intérêt. Laisser filer la monnaie, comme le font les Américains ? Mais comment prendre exemple sur ce grand n'importe quoi ! Combien de temps les Etats-Unis tiendront-ils à ce niveau de déficit ? Le dollar inonde le monde, il est devenu un instrument de guerre.

La mesure de la dette ? On progresse dans la pédagogie. On ne manque pas de rappeler qu'au regard de la situation patrimoniale de l'Etat, que l'on dresse désormais, la moindre augmentation des taux serait dramatique pour la France.

Je ne me risquerais pas, comme vous le faites, à comparer la Grèce à l'Italie, où existe encore un Etat - même s'il est vrai qu'il y a une Italie du Nord et une Italie du Sud - et un tissu économique vivace.

Oui, monsieur de Montesquiou, l'Europe a besoin d'institutions lisibles par tous. La France aussi, à certains égards, car on finit par perdre ses petits dans l'enchevêtrement des échelons - communes, communautés de communes... Les fonds européens ne sont pas là pour inaugurer des bergeries, mais servir à ceux qui en ont vraiment besoin.

La sortie de l'euro comme solution ? Mais diriez-vous pour l'Allemagne ce que vous dites pour la Grèce ? Le jour où c'est eux qui voudront sortir, ce sera moins simple... Nous sommes tous dans le même bateau : on ne peut pas se contenter de jeter à l'eau ceux qui alourdissent la barque.

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