Un mot du contexte. Il nous faut accroître la production de logements. D'abord, parce que le bâtiment est un secteur essentiel à la croissance et représente, sur l'ensemble de la chaîne, 2,4 millions d'emplois, dont 1,5 pour le seul BTP. Chaque nouveau logement représente ainsi un emploi et demi. Ensuite, et surtout, parce qu'il faut répondre aux attentes de nos concitoyens. Nous avons accumulé, en matière de construction, un retard considérable, que l'effort de ces dernières années n'a pas suffi à combler. En 2009, la crise nous a coûté un déficit de 100 000 logements par an. L'année 2010 a permis de remonter un peu la pente tandis que 2011 a été marquée par un effort considérable, retrouvant le niveau record atteint en 2007 avec 420 000 mises en chantier. Il faut, de fait, tendanciellement, entre 400 000 et 500 000 logements par an pour répondre durablement aux attentes.
Se pose, dans ce contexte, la question des prix, étroitement liée au jeu classique de l'offre et de la demande : les prix stagnent ou baissent dans un département comme la Haute-Marne, où la demande est inférieure à l'offre, tandis qu'ils explosent en Ile-de-France, pour la raison inverse. Seule une politique de l'offre nouvelle permettra, à court et moyen terme, de lutter contre l'envolée des prix. Si l'on peut parler d'envolée, il faut cependant nuancer, car si elle est réelle pour les logements à la vente, il n'en va pas de même pour la location, les loyers n'ayant augmenté, entre 2007 et 2011, que de 1,5 % par an en moyenne, soit un taux inférieur à celui de l'inflation, à la différence de ce qui avait prévalu au cours des dix années antérieures, où les loyers avaient connu de fortes augmentations.
Sur longue période, l'économie du logement apparaît davantage comme une économie de la rente liée à la propriété que de la production. J'en veux pour preuve l'encours de crédit, passé de 300 milliards en 2000 à 900 milliards en 2010. Or, parallèlement à ce triplement, le multiplicateur n'a été que de 1,3 pour la production de logement. Cela signifie que les masses financières injectées dans le logement se retrouvent davantage dans le prix que dans la production. De fait, la durée moyenne des crédits s'est allongée, passant de 15 à 25 ans. Les interventions publiques ont suivi la même courbe, passant de 25 à 40 milliards pour atteindre ainsi 2,1 % du PIB en 2011. Nous sommes engagés dans une spirale qui autoalimente les prix. L'impact est lourd tant sur la solvabilité du public que sur la capacité à produire des logements.
Le Gouvernement est convaincu qu'il faut changer de modèle économique. D'où ce projet de loi, qui déploie un axe nouveau dans notre politique du logement : utiliser les droits à construire comme élément moteur, plutôt que des masses financières. La mesure ne va pas, à elle seule, tout révolutionner, mais constitue, avec l'évolution de la fiscalité sur le foncier, un pas essentiel. A l'Assemblée nationale, la semaine dernière lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2012, Michel Piron a fait adopter un amendement, renforçant le dispositif de majoration de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, afin de lutter contre la rétention foncière. Le débat s'est également engagé sur l'inversion de la fiscalité des plus values sur les terrains à bâtir. Même si le Gouvernement a demandé, pour des raisons techniques, le retrait de ce second amendement du même auteur, il faudra y revenir au plus tard l'année prochaine. Autant d'outils qui participent, donc, à inventer un nouveau modèle.
J'en viens au mécanisme des 30 %, qui s'appliquera aux POS (plans d'occupation des sols) et aux PLU (plans locaux d'urbanisme). Si l'on a exclu la carte communale comme le RNU (règlement national d'urbanisme), c'est tout simplement qu'ils ne comportent pas de règlement de constructibilité : rien n'interdit, en droit, à une commune rurale de bâtir une tour de 80 étages... Sont en revanche concernées par un POS ou un PLU 17 000 communes, représentant 80 % de la population. La majoration de 30 % s'applique à toutes les composantes du règlement : gabarit, hauteur, emprise au sol, coefficient d'occupation des sols (COS) s'il en existe. Toutes les autres règles d'urbanisme restent, en revanche, opposables : un terrain non constructible le restera ; les éventuelles prescriptions de la loi littoral, de la loi montagne continueront de s'appliquer où elles s'appliquent, de même que tout règlement particulier.
Nous respectons le principe de libre administration des collectivités territoriales : la mesure sera d'application automatique, sauf si la collectivité prend une délibération contraire. La Constitution exigeait cette possibilité de refuser : nous la donnons.
On m'objectera qu'il y a déjà des mesures de cette nature : jusqu'à 50% de constructibilité supplémentaire pour le logement social, 30 % pour les bâtiments à basse consommation, à quoi s'ajoutent les 20 % de la loi du 25 mars 2009. Avec cette petite nuance que c'était à la main exclusive des collectivités, puisqu'elles ne s'appliquent que par leur délibération ; nous inversons la logique. Pourquoi ? C'est que bien peu de communes se sont saisies de ces opportunités, comme le souligne l'étude d'impact. L'enquête menée dans 71 départements montre que seulement 31 communes ont pris une délibération en ce sens.
La mesure que nous proposons, enfin, est en cohérence totale avec le Grenelle de l'environnement : on ne peut tout à la fois prôner la lutte contre l'étalement urbain et s'opposer à des mesures de densité.