Vous êtes aujourd'hui devant nous, monsieur le Ministre, pour nous apporter un éclairage sur le projet de loi instaurant le mécanisme de majoration de 30 % des droits à construire et, au-delà, sur la politique du logement du Gouvernement.
Un mot du contexte. Il nous faut accroître la production de logements. D'abord, parce que le bâtiment est un secteur essentiel à la croissance et représente, sur l'ensemble de la chaîne, 2,4 millions d'emplois, dont 1,5 pour le seul BTP. Chaque nouveau logement représente ainsi un emploi et demi. Ensuite, et surtout, parce qu'il faut répondre aux attentes de nos concitoyens. Nous avons accumulé, en matière de construction, un retard considérable, que l'effort de ces dernières années n'a pas suffi à combler. En 2009, la crise nous a coûté un déficit de 100 000 logements par an. L'année 2010 a permis de remonter un peu la pente tandis que 2011 a été marquée par un effort considérable, retrouvant le niveau record atteint en 2007 avec 420 000 mises en chantier. Il faut, de fait, tendanciellement, entre 400 000 et 500 000 logements par an pour répondre durablement aux attentes.
Se pose, dans ce contexte, la question des prix, étroitement liée au jeu classique de l'offre et de la demande : les prix stagnent ou baissent dans un département comme la Haute-Marne, où la demande est inférieure à l'offre, tandis qu'ils explosent en Ile-de-France, pour la raison inverse. Seule une politique de l'offre nouvelle permettra, à court et moyen terme, de lutter contre l'envolée des prix. Si l'on peut parler d'envolée, il faut cependant nuancer, car si elle est réelle pour les logements à la vente, il n'en va pas de même pour la location, les loyers n'ayant augmenté, entre 2007 et 2011, que de 1,5 % par an en moyenne, soit un taux inférieur à celui de l'inflation, à la différence de ce qui avait prévalu au cours des dix années antérieures, où les loyers avaient connu de fortes augmentations.
Sur longue période, l'économie du logement apparaît davantage comme une économie de la rente liée à la propriété que de la production. J'en veux pour preuve l'encours de crédit, passé de 300 milliards en 2000 à 900 milliards en 2010. Or, parallèlement à ce triplement, le multiplicateur n'a été que de 1,3 pour la production de logement. Cela signifie que les masses financières injectées dans le logement se retrouvent davantage dans le prix que dans la production. De fait, la durée moyenne des crédits s'est allongée, passant de 15 à 25 ans. Les interventions publiques ont suivi la même courbe, passant de 25 à 40 milliards pour atteindre ainsi 2,1 % du PIB en 2011. Nous sommes engagés dans une spirale qui autoalimente les prix. L'impact est lourd tant sur la solvabilité du public que sur la capacité à produire des logements.
Le Gouvernement est convaincu qu'il faut changer de modèle économique. D'où ce projet de loi, qui déploie un axe nouveau dans notre politique du logement : utiliser les droits à construire comme élément moteur, plutôt que des masses financières. La mesure ne va pas, à elle seule, tout révolutionner, mais constitue, avec l'évolution de la fiscalité sur le foncier, un pas essentiel. A l'Assemblée nationale, la semaine dernière lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2012, Michel Piron a fait adopter un amendement, renforçant le dispositif de majoration de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, afin de lutter contre la rétention foncière. Le débat s'est également engagé sur l'inversion de la fiscalité des plus values sur les terrains à bâtir. Même si le Gouvernement a demandé, pour des raisons techniques, le retrait de ce second amendement du même auteur, il faudra y revenir au plus tard l'année prochaine. Autant d'outils qui participent, donc, à inventer un nouveau modèle.
J'en viens au mécanisme des 30 %, qui s'appliquera aux POS (plans d'occupation des sols) et aux PLU (plans locaux d'urbanisme). Si l'on a exclu la carte communale comme le RNU (règlement national d'urbanisme), c'est tout simplement qu'ils ne comportent pas de règlement de constructibilité : rien n'interdit, en droit, à une commune rurale de bâtir une tour de 80 étages... Sont en revanche concernées par un POS ou un PLU 17 000 communes, représentant 80 % de la population. La majoration de 30 % s'applique à toutes les composantes du règlement : gabarit, hauteur, emprise au sol, coefficient d'occupation des sols (COS) s'il en existe. Toutes les autres règles d'urbanisme restent, en revanche, opposables : un terrain non constructible le restera ; les éventuelles prescriptions de la loi littoral, de la loi montagne continueront de s'appliquer où elles s'appliquent, de même que tout règlement particulier.
Nous respectons le principe de libre administration des collectivités territoriales : la mesure sera d'application automatique, sauf si la collectivité prend une délibération contraire. La Constitution exigeait cette possibilité de refuser : nous la donnons.
On m'objectera qu'il y a déjà des mesures de cette nature : jusqu'à 50% de constructibilité supplémentaire pour le logement social, 30 % pour les bâtiments à basse consommation, à quoi s'ajoutent les 20 % de la loi du 25 mars 2009. Avec cette petite nuance que c'était à la main exclusive des collectivités, puisqu'elles ne s'appliquent que par leur délibération ; nous inversons la logique. Pourquoi ? C'est que bien peu de communes se sont saisies de ces opportunités, comme le souligne l'étude d'impact. L'enquête menée dans 71 départements montre que seulement 31 communes ont pris une délibération en ce sens.
La mesure que nous proposons, enfin, est en cohérence totale avec le Grenelle de l'environnement : on ne peut tout à la fois prôner la lutte contre l'étalement urbain et s'opposer à des mesures de densité.
Les commentaires sur les conséquences économiques de la mesure ont été nombreux. On lui reproche, d'abord, son impact sur le foncier, qu'elle risque de renchérir. Certes, elle le renchérira, puisque le prix du foncier dépend étroitement de la capacité à construire. Mais le prix au mètre carré de l'opération n'en sera pas pour autant supérieur. Si le coût du foncier et celui des matériaux seront, par définition, plus élevés, il y aura, in fine, davantage de logements à vendre ou à louer. La rentabilité économique de l'opération suivra donc l'augmentation des coûts, laquelle n'aura par conséquent pas d'impact sur le prix au mètre carré du logement - les promoteurs disent que la mesure peut même susciter une baisse de 3 à 3,5 % du coût de production au mètre carré.
Admettrait-on, enfin, en dépit de tous ces arguments, la thèse du renchérissement des prix, que cela signifierait, a contrario, qu'il faudrait, pour les faire baisser, réduire la constructibilité. Voilà une logique qui m'échappe.
Je me réjouis de votre annonce quant aux dispositions fiscales favorisant la disponibilité du foncier, l'initiative est bienvenue. C'est un hommage aux travaux du Sénat, qui dans un rapport de 2005, présenté par Dominique Braye et moi-même et voté à l'unanimité, préconisait de telles mesures. Il n'est jamais trop tard pour bien faire...
Nous sommes totalement en phase avec le constat du président de la République, qui conclut à l'urgente nécessité de créer des logements. Le logement est l'une des préoccupations principales de nos concitoyens avec l'emploi et le pouvoir d'achat, lequel lui est étroitement lié. L'étude d'impact du projet de loi montre la gravité de la crise. Depuis 2002, les loyers ont augmenté de 25 % et le prix des logements à l'achat a été multiplié par 2,2, tandis que le salaire moyen n'augmentait que de 5 % en moyenne. La différence s'est accrue de façon spectaculaire.
Le salaire moyen ne s'est accru que de 5% en dix ans ?
Face à cette crise, le manque d'ambition de ce texte est patent. Lors du sommet social, le Premier ministre avait pourtant annoncé des mesures fortes pour la création de logement.
Augmenter unilatéralement, les droits à construire de 30 %, c'est laisser entendre que les élus ne laissent pas assez construire, que leurs PLU sont frileux, si ce n'est malthusiens. Estimez-vous donc que les élus ne répondent pas aux attentes des populations et qu'une disposition nationale sera plus productive ?
Se pose, ensuite, la question des effets pervers. La mesure, dites-vous, fera augmenter le prix du foncier, mais pas forcément celui des logements que l'on y construit. Mais nous entendons les constructeurs et les promoteurs, qui nous disent tous que s'ils peuvent construire plus sans réglementation sur les prix, ils en profiteront pour augmenter leurs marges. Ne pensez-vous pas qu'il serait bon, ainsi que certains nous l'ont suggéré, d'assortir ce cadeau d'un plafonnement des prix sur ces 30 % supplémentaires ?
Des difficultés pourraient bien survenir, également, dans la gouvernance des politiques de l'habitat. En effet, aux termes de votre texte, un EPCI pourra prendre une délibération négative, mais ses communes membres prendre dans le même temps des dispositions contraires, ou vice-versa.
Comment lever cette contradiction ?
Enfin, le Gouvernement avait proposé en 2008 ce qui est aujourd'hui discuté à l'Assemblée nationale, et la majorité sénatoriale d'alors avait souhaité que le maire garde la main sur l'urbanisme. Qu'est-ce qui a bien pu changer entre 2008 et 2011 pour que votre majorité change de position ?
Une dernière question, d'ordre pratique : ce sont, dans les zones d'aménagement concerté (ZAC), des mètres carrés de SHON (surface hors oeuvre nette) qui sont vendus. Qu'arrivera-t-il si la règle du jeu change ?
Comme vice-président de la communauté urbaine de Lille, je sais d'expérience que l'on peut atteindre l'objectif de densité en jouant sur la loi Boutin de 2009 et le Grenelle 2 : il y a déjà des taux dérogatoires. Pourquoi n'avoir pas plutôt choisi de les majorer ? Oui, la densification est une nécessité, lorsque l'on sait que les surfaces naturelles qui disparaissent représentent, tous les sept ans, l'équivalent d'un département, mais vous auriez pu atteindre l'objectif en jouant sur les taux existants.
Et cet objectif, quel doit-il être, sinon de favoriser le logement social tout en évitant que le permis de construire échappe au maire ? Nous l'avons tous vérifié, seuls les projets coordonnés sont couronnés de succès. Or, je crains que les maires ne voient dans la mesure que vous proposez une intention centralisatrice, autoritaire. La preuve, c'est que certaines délibérations sont déjà en préparation...
Quelques mots sur la procédure. L'étude d'impact initialement prévue se résout en une simple notice d'information, pourquoi ? Le texte prévoit en outre que la délibération de l'EPCI intervient après consultation publique. Quelle sera la marge de la commune ou de l'EPCI ? Quel argumentaire pourra-t-il développer pour suivre ou ne pas suivre ? Les communes conservent un droit de veto en application du principe de libre administration des collectivités locales, certes, mais au risque d'affaiblir la cohérence intercommunale voulue par le Grenelle 2. Sans compter le problème juridique que l'on soulève en instituant un droit de veto des communes sur un EPCI ayant la compétence en matière de PLU.
La modération des prix ? Je salue l'annonce de la possibilité ouverte à l'Etat et aux établissements publics de mettre à disposition du foncier pour contribuer à résoudre la crise. Mais dans la pratique, l'État et ses établissements publics spéculent, lors de transactions passées avec des promoteurs, sur une constructibilité à venir. En ces temps difficiles pour les budgets publics, les collectivités pourraient elles aussi être tentées, d'user de leur droit de préemption dans un sens quelque peu contraire à l'intérêt général... N'y a-t-il pas, à votre sens, quelque chose à faire pour éviter ces pratiques ?
Je salue, Thierry Repentin, les travaux du Sénat, et notamment votre rapport de 2005. Ses préconisations sont aujourd'hui votées, mais il faut aller plus loin encore. Les chiffres que j'ai cités montrent que l'on va à un problème économique majeur. Durant trente ou quarante ans, la courbe des loyers et celle des prix de l'immobilier sont restées parallèles, mais depuis les années 2004-2005, il y a eu décrochage : les prix de l'immobilier ont flambé. J'attire au reste l'attention sur les conséquences de préconisations portées par certains candidats à la présidentielle sur l'encadrement à la baisse des loyers, qui ne fera qu'accuser encore ce décrochage. D'autant que la hausse des loyers est, depuis cinq ans, contenue : 1,5 % par an, à comparer aux 25 % de hausse sur les dix années antérieures, soit 2,5 % par an. Mieux vaudrait donc renoncer à cette approche.
Une accusation en creux, dites-vous, contre les élus ? Nous ne serions pas les seuls, si je m'en réfère aux débats sur la loi SRU... La vérité est qu'en Île-de-France, 80 % des permis de construire sont déposés dans 20 % des communes, preuve qu'il faut pousser le logement sur certains territoires. Or, peu de collectivités se sont saisies des possibilités existantes en matière de constructibilité. Il faut donc aller plus loin, en inversant la logique : majoration de 30 %, sauf délibération contraire.
La course poursuite à la solvabilité à coups d'argent public alimente la spirale haussière ; cela ne peut plus durer, surtout dans les temps que nous traversons. Il n'est pas bon de mettre tout cet argent public dans la vente. Et je ne nie pas en porter une part de responsabilité avec le prêt à taux zéro, même si sa création s'accompagnait d'une réduction d'ensemble de l'intervention publique. Mais dès lors que l'on réduit la masse monétaire, il faut compenser par la constructibilité.
Les promoteurs, m'objectez-vous, en profiteront pour augmenter leurs marges.
Je ne suis pas sûr que leur réaction soit uniforme, et pense plutôt que si les plus petits chercheront sans doute à améliorer leurs marges, ce pourrait être l'inverse pour les grands, qui se heurtent, dans leurs programmes, avec le renchérissement du crédit et la disparition du Scellier, au problème de la solvabilité des acquéreurs.
Pour maintenir une production étale, il leur faudra bien rechercher la solvabilité d'une autre façon. Certains sont donc prêts à baisser leurs marges : la mesure l'autorisera sans dégrader leur rentabilité financière. Faut-il aller plus loin, et bloquer les marges sur le supplément ? Je n'y suis pas favorable. Il existe déjà des outils. Celui de la ZAC, par exemple, qui autorise à fixer des prix plafond.
Clarifions la question des EPCI. Elle ne se pose que lorsque celui-ci s'est vu transférer la compétence d'urbanisme. Lorsque c'est le cas, les communes membres conservent le choix de refuser l'application ou de l'accepter, quelle que soit la position de l'EPCI. Tout cela est sans conséquence sur le schéma de cohérence territoriale (SCOT), qui, ne fixant que des objectifs non contraignants, n'est pas prescriptif. Quant au PLU, le fait est que lorsqu'il est intercommunal, il reste divisé en secteurs : nous ne faisons que leur laisser la main.
Pour ce qui est des ZAC, l'adoption de ce texte ne changera rien aux contrats passés, les mètres carrés de SHON vendus le restent et un promoteur comme Kaufman et Broad a du foncier pour 17 000 logements.
Mais les équipements publics à la charge des collectivités ont été prévus sur la base de 17 000 logements : ils devront être redimensionnés...
La collectivité conserve la maîtrise sur le permis de construire, c'est un élément de négociation...
Pourquoi, René Vandierendonck, n'avons-nous pas plutôt amélioré les outils existants ? Parce qu'ils sont à la main des collectivités ; nous voulions plus d'automatisme. À supposer que 50 % même des communes prennent une délibération négative, cela en laisse 8 500 sur les 17 000 concernées. Nous sommes loin des 31 communes de l'enquête que je mentionnais.
Dans l'étude d'impact de la loi.
Quant à la préférence que nous avons donné à l'expression de « note d'information », c'est que nous voulions une procédure la plus simple possible, pouvant être réalisée par les services d'urbanisme de la collectivité concernée et qui ne sera pas susceptible de contentieux. Pour respecter la Constitution, et sa Charte de l'environnement, nous devions prévoir une consultation du public. Mais une délibération ne doit pas obligatoirement la suivre. Ce qui est obligatoire, c'est l'information du conseil municipal. Il faudra qu'un débat ait lieu sur la note d'information, mais rien n'oblige la collectivité à prendre ensuite une délibération.
Nous sommes en parfaite cohérence avec le Grenelle 2 qui prévoit, je le rappelle, une révision des PLU au 1er janvier 2016, raison pour laquelle nous fixons le 31 décembre 2015 pour borne à notre mesure, espérant bien que les PLU nouveaux prévoiront plus de densité. En attendant, on observe partout, depuis quinze ans, une baisse de densité : les plafonds prévus par les documents d'urbanisme sont rarement atteints, qu'il s'agisse du gabarit, de la hauteur ou de l'emprise au sol.
Vous avez raison de dénoncer une spéculation foncière de l'État et de ses établissements publics, mais n'oubliez pas non plus celle des collectivités. Je pourrais vous en citer une, de très grande dimension, qui lance des appels d'offre sur le foncier avec enchères sur internet...
Cette schizophrénie qui voit diverger, au sein d'une même instance publique, les structures en charge des finances et celles en charge du logement, est une réalité partout. C'est bien pourquoi le Président de la République a annoncé des dispositions spécifiques sur le foncier public, avec la création de 100 000 logements entre 2012 et 2016, dont 50 000 en Île-de-France portant sur 880 hectares, assorties de mesures de gouvernance - cahier des charge, appel à projet sur bloc de terrains, immédiateté du transfert et pénalités de retard. Nous travaillons avec France Domaine sur la question financière, afin de contenir la dépense sans qu'il y ait bradage pour autant. Je dois dire que j'ai été un peu surpris des propos du représentant d'une grande association de collectivités, demandant que l'État donne rapidement les terrains pour que les collectivités puissent les vendre...
Le coût du foncier augmente, dites-vous, mais pas les prix à la construction. Le physicien que je suis se pose tout de même des questions : 30 % de logements en plus, cela peut tout de même nécessiter un renforcement des structures portantes.
Les coûts de production peuvent augmenter sur les immeubles de grande hauteur, mais ce n'est pas le cas pour les structures traditionnelles plus basses, de quatre à six étages. L'obligation de l'ascenseur peut également faire varier ce coût. A l'inverse, l'augmentation du nombre de logements en construction peut susciter des économies d'échelle.
Votre raisonnement, si je comprends bien, est le suivant : l'argent public injecté dans le logement se traduit par une hausse des prix. Ce diagnostic, il me semble que le candidat Sarkozy le faisait déjà en 2007... Mais notre retard sur le stock est considérable ; avant que le flux n'en vienne à le résorber, il faudra beaucoup de temps. Et l'on sait que même lorsque le stock correspond à la demande, la recherche de lieux plus attractifs, mieux desservis, persiste : l'immobilier est haussier par nature.
La contribution publique, faite pour solvabiliser la demande, se trouve captée par les propriétaires. On le voyait déjà avec la loi Barre, qui a créé des aides à la personne avec l'idée que le marché se régulerait tout seul. Tel n'est pas le cas, et le mouvement s'est accéléré depuis dix ans. Il serait temps d'admettre l'idée que les pouvoirs publics puissent mener une politique contracyclique, inverse de celle que vous avez menée en multipliant les Robien, les Borloo, les Scellier.
C'était avant la hausse. Le décrochage s'est produit dans les années 2003-2004. Et il n'y a eu aucune mesure contracyclique, au contraire : la déduction des intérêts d'emprunt décidée par M. Sarkozy n'a fait que solvabiliser des gens déjà très solvables...
Pour éviter un impact général sur les prix, les aides publiques doivent être ciblées, socialement, sur les produits, sur les territoires. En tenant compte des besoins des Français, de préférence... Or, la mesure que vous proposez ne cible rien : tous les terrains vont se renchérir, car on sait bien que les premiers marchés servent de référence à l'ensemble des prix.
Je suis pour la densification, mais pas de cette façon. L'histoire jugera, mais je pense que votre idée « fera pschitt ». Les trois quarts des élus UMP seront, j'en fais le pari, les premiers à prendre des délibérations pour s'exonérer des 30 % supplémentaires. Je sais de quoi je parle. Après moi, le maire qui m'a succédé dans ma commune se fait traiter de bétonneur : chaque fois que l'on entreprend de densifier, « on s'en prend plein la figure », et l'on est à deux ans des municipales. Si bien que quand on ne dira pas non aux 30 %, on se fera traiter, là aussi, de bétonneur potentiel. Or, il est essentiel de travailler en bon accord avec les habitants. Pour favoriser l'entente, il aurait fallu prévoir une densification bien répartie géographiquement, au lieu d'une majoration de 30 % automatique.
Je prends le pari qu'en l'état, elle ne sera pas appliquée par les élus.
Deuxième question : comment prenez vous en compte la surcharge des réseaux ? En effet, la question de la constructibilité ne concerne pas seulement le neuf - voyez comme on découpe des pavillons de certaines communes d'Île-de-France en petits studios pour les rentabiliser au maximum. Alors qu'il est déjà très difficile d'obtenir le respect des règles en matière de places de stationnement, comment les réseaux, notamment d'eau, pourront-ils faire face à une nouvelle augmentation du nombre de ces habitations ?
La densité doit être gérée par le PLU, dans un cadre global, la politique alternative que nous proposons consistant non pas en des mesures ponctuelles mais en une véritable loi foncière traitant à la fois de la fiscalité foncière et de la densification, sans exclure, dans certains cas, de contraindre cette dernière.
La mesure que vous proposez n'aura aucun effet si ce n'est d'augmenter les prix.
M . Claude Dilain. - Si tout le monde peut se réjouir, en particulier dans certaines régions, d'une augmentation de 30 % du nombre des logements, la loi ne dit en revanche rien sur la nature de ceux-ci. Or, je crains que les communes qui ont l'habitude de construire des logements privés ne se contentent de construire 30 % de logements privés supplémentaires alors que dans celles qui possèdent beaucoup de logements sociaux, les maires ne soient tentés d'en construire encore davantage pour répondre à la forte demande ou bien de s'exonérer de la mesure, considérant que le nombre de logements de cette nature est déjà trop élevé. Ce dispositif qui n'améliore pas la pluralité de l'offre de logements risque même de renforcer les inégalités.
Quitte à contraindre les maires, dont vous semblez considérer qu'ils font mal leur travail, ne faudrait-il pas aller jusqu'au bout en imposant que là où le quota de logement social n'est pas atteint, ce sont précisément 30 % de logements sociaux qui devront être construits ?
Très bien !
Marie-Noëlle Lienemann, nous sommes bien d'accord sur le fait que toutes les mesures générales, budgétaires ou fiscales, ont un impact très fort sur les prix, le PTZ n'entrant, soit dit en passant, pas dans cette catégorie. Mais on ne peut prétendre que la mesure proposée sur la constructibilité accroîtrait uniformément de 30 % les prix de tous les terrains, indépendamment des droits à construire qui s'y attachent. Un tel raisonnement est totalement faux !
C'est pourtant comme cela que l'administration des Domaines procède à ses évaluations !
Comment une négociation sur un terrain se passe-t-elle ? C'est une discussion entre un propriétaire et un promoteur, social ou privé, prenant notamment en compte le COS. Il ne saurait donc y avoir de hausse générale de 30 % des prix !
Quant au point de savoir si les élus vont se prononcer contre l'application de la mesure, nous verrons bien ! Les délibérations positives n'étant aujourd'hui adoptées que par 31 collectivités sur 17 000, soit un pourcentage proche du zéro, même si seulement 25 % des collectivités acceptaient la nouvelle règle, reconnaissez que la constructibilité ferait des progrès absolument extraordinaires. Je table d'ailleurs plutôt sur un chiffre de 30 à 40%, mais vous avez raison, ne préjugeons de rien, évitons les procès d'intentions, et nous verrons le résultat !
Il n'y a pas de risque de déséquilibre sur les réseaux. Essayez d'être modestes : chaque année la construction de logements ne représente que 1 % du stock existant. Admettez que, même en étant extrêmement optimistes, l'on a peu de chance de porter ce taux à 1,3 %.
A l'argument tenant à l'absence de mesure spécifique prévue en faveur du logement social, je répondrai qu'il s'agit d'une mesure relative à la constructibilité et qu'en tant que telle, elle s'applique à tous les types de constructions.
En tant que ministre du logement, je ne suis pas là pour opposer logement social et logement privé C'est ridicule ! Si vous voulez construire une République équilibrée, il faut répondre à l'ensemble des besoins de la société. Il y a d'ailleurs plus de personnes situées sous le plafond de ressources PLAI propriétaires occupants qu'habitants dans un logement social ! Est-ce donc la personne qui est « sociale » ou le logement qu'elle occupe ? Voilà la vraie question, et une politique efficace ne saurait opposer logements social et privé !
Si ! On cite souvent la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain et les 20 % de son fameux article 55, on oublie une seconde loi en faveur de la mixité sociale et prévoyant que les collectivités disposant de plus de 35 % de logements sociaux s'orientent vers la construction de logements privés. Claude Dilain, la mixité va dans les deux sens !
Certes, mais une commune qui a 70 % de logements sociaux n'est pas plus mixte qu'une commune qui en a peu. Si vous voulez que l'on respecte les lois, battez vous pour l'application des deux dispositifs, celui des 20 % et celui des 35 % !
Si vous avez des amis qui acceptent de construire des logements sociaux, alors c'est bien volontiers que j'accueillerai des constructions privées !
Mais si, c'est la réalité !
Un PLU doit s'utiliser pleinement, et imposer un certain taux de logement social dans un secteur déterminé. N'hésitez pas à le faire ! Que l'on songe même à la première collectivité locale de France qui pastille tous les terrains publics pour empêcher l'État de faire ce qu'il voudrait, y compris sur ses propriétés - mais c'est un autre débat.
L'ordre du jour appelle l'élection du président de la commission et la nomination des membres du bureau. L'alinéa 2 ter de l'article 13 du Règlement prévoit que cette élection se déroule à bulletin secret. La majorité absolue des suffrages exprimés est requise aux deux premiers tours, la majorité relative suffit au troisième tour. Les deux plus jeunes commissaires présents, Mme Delphine Bataille et M. Bruno Retailleau, procèderont au dépouillement. J'invite les candidats à la présidence de la commission à se faire connaître.
Le groupe UMP ne prendra pas part au vote.
L'élection a lieu au scrutin secret.
Les résultats sont les suivants : nombre de votants : 24 ; bulletin blanc : 1 ; M. Daniel Raoul : 23. Je proclame par conséquent M. Daniel Raoul président de la commission. (Applaudissements).
- Présidence de M. Daniel Raoul, président -
Merci de m'avoir renouvelé votre confiance ; je souhaite que perdure l'esprit qui a toujours prévalu dans notre commission. J'attire votre attention sur notre charge de travail : nous ne sommes plus que 39, alors que le volume de textes à traiter ne va pas diminuer. Il faudra donc que chacun s'implique, y compris dans les commissions mixtes paritaires.
Certains d'entre vous disent peiner à concilier le travail en commission avec leur participation à d'autres instances. Il faudra trouver des espaces pour que chacun puisse assumer ses différentes charges. Je vous demande de réserver vos mercredi matins à la commission ; les groupes d'études pourront se réunir l'après-midi. Le mardi après-midi et le mercredi matin seront consacrés en priorité aux textes législatifs. Il va falloir faire acte de présence. Mais ceux qui sont ici ce matin sont les plus assidus !
Nous devons maintenant procéder à la constitution du bureau. Conformément aux dispositions de notre règlement, nous devons désigner onze vice-présidents. J'ai reçu les candidatures de M. Gérard César, M. Pierre Hérisson, Mme Elisabeth Lamure et M. Alain Chatillon pour l'UMP ; de M. Martial Bourquin, de Mme Renée Nicoux et M. Thierry Repentin pour le groupe socialiste ; de M. Daniel Dubois pour le groupe UCR, de M. Gérard Le Cam pour le groupe CRC, de M. Robert Tropeano pour le groupe RDSE et de M. Joël Labbé pour le groupe écologiste.
MM. Martial Bourquin, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Joël Labbé, Mme Elisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, MM. Thierry Repentin et Robert Tropeano sont proclamés vice-présidents.
Nous devons ensuite procéder à la désignation des trois secrétaires, à la représentation proportionnelle en application de l'article 13 du règlement. J'ai reçu les candidatures de MM. Bruno Sido et Bruno Retailleau pour le groupe UMP, et de M. Claude Bérit-Débat pour le groupe socialiste.
MM. Claude Bérit-Débat, Bruno Retailleau et Bruno Sido sont proclamés secrétaires.
Je souhaite que perdure notre pratique de ne pas utiliser les délégations de vote. L'expérience a été, me semble-t-il, positive. Reste de toute façon l'arme atomique du scrutin public en séance publique.
Nous sommes d'accord pour poursuivre selon cette formule, quitte à en reparler si un problème devait se poser un jour. Vous aviez rappelé, lors de votre élection, que nous avons souvent su trouver un consensus.
Il faudra formaliser cette décision lors d'une prochaine réunion du bureau.