Intervention de Patricia Schillinger

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 3 juillet 2012 : 1ère réunion
Les collectivités territoriales et l'emploi — Examen du rapport d'information

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger, rapporteure :

Madame la Présidente, mes chers collègues, la politique de l'emploi, vous le savez, est une compétence qui revient essentiellement à l'État. Mais les collectivités territoriales se sont fortement engagées dans ce domaine, bien avant que la loi leur reconnaisse un rôle en ce sens.

J'ai procédé à plusieurs séries d'auditions afin de recueillir les témoignages des associations d'élus, de l'administration, de Pôle emploi, des maisons de l'emploi, des missions locales et des plans locaux pluriannuels pour l'emploi (PLIE), des partenaires sociaux, des associations de chômeurs et de salariés précaires, ainsi que des chambres consulaires. J'ai également effectué deux déplacements, à Lille et à Marseille, pour me rendre compte, sur le terrain, de l'organisation des politiques de l'emploi menées au niveau local.

L'engagement des collectivités et de leurs groupements se justifie à plusieurs égards.

Tout d'abord, la politique de l'emploi doit être adaptée aux territoires et prendre en compte leurs spécificités.

Ensuite, cette politique doit être une politique intégrée, qui fait le lien entre l'insertion professionnelle et l'insertion sociale, mais aussi entre le développement économique, l'emploi et la formation. Les transferts de compétences opérés par la décentralisation rendent ainsi nécessaire la participation des collectivités à la politique de l'emploi. Celle-ci ne peut plus se limiter à une opération de placement des demandeurs d'emploi, mais doit, notamment, anticiper et accompagner les mutations économiques.

Si leur intervention en faveur de l'emploi est justifiée, les collectivités ne souhaitent pas se substituer à l'État ou à Pôle emploi. Au contraire, c'est dans une logique de complémentarité et de partenariat qu'elles agissent.

Dans l'ensemble, les personnes auditionnées ont dressé un bilan positif de l'action des collectivités dans le champ des politiques de l'emploi. C'est la raison pour laquelle la reconnaissance de leur rôle dans ce domaine doit être effective. Les partenariats entre les collectivités et Pôle emploi doivent notamment être renforcés. À cette fin, une plus grande place doit être donnée aux collectivités dans la gouvernance de Pôle emploi, comme je l'évoque dans la proposition 1.

Malgré une appréciation d'ensemble positive, on ne saurait nier l'extrême hétérogénéité qui caractérise les territoires. Les auditions ont révélé que certaines instances n'avaient localement plus lieu d'être, ou devaient voir leur mode de fonctionnement remanié pour que leur plus-value soit préservée. Pour répondre à ces difficultés, il me semble nécessaire de promouvoir une évaluation raisonnée, élaborée de façon partenariale, des différentes instances intervenant dans le domaine de l'emploi. C'est l'objet de la proposition 5. J'insiste sur l'adjectif « raisonnée », car l'évaluation peut aussi avoir des effets pervers, qu'il convient d'éviter.

En fait, la multiplication des acteurs crée une difficulté majeure, qui a été soulevée de façon récurrente : la complexité du paysage institutionnel des politiques de l'emploi menées au niveau local avec, pour corollaire, un manque de lisibilité des actions menées. Dans ce que l'on peut qualifier de véritable « maquis », ou de « mille-feuilles », les personnes à la recherche d'un emploi, déjà dans des situations difficiles, sont désorientées. Les acteurs eux-mêmes avouent ne pas toujours s'y retrouver. L'absence de « pilote dans l'avion » a fréquemment été déplorée.

Une simplification de ce paysage est souhaitée de façon unanime. La question en suspens est la suivante : comment fait-on ? Hélas, il n'y a pas de formule magique et il faut, à mon sens, se garder de tout simplisme. La volonté d'y voir plus clair, tout à fait légitime, ne doit pas anéantir les spécificités des initiatives locales, qu'il s'agisse de leur proximité avec les territoires ou de leur caractère intégré.

Dès lors, il est nécessaire de clarifier, mais sans rigidifier, les rôles de chacun, afin de tenir compte de l'hétérogénéité des territoires. Il me semble en effet illusoire de vouloir appliquer sur l'ensemble du territoire un schéma uniforme de répartition des interventions dans ce domaine.

Dans ce cadre, un effort particulier doit être mené au niveau de la coordination des acteurs. Il ne s'agit pas seulement de la renforcer, mais aussi de la fluidifier. Or, les récentes initiatives de l'État dans ce domaine n'ont pas toujours porté leurs fruits.

La piste d'un pilotage par les collectivités des politiques de l'emploi menées au niveau local, notamment par le couple Région-Intercommunalités, a été évoquée à plusieurs reprises. Compte tenu de leurs compétences en matière de développement économique et de formation, elle doit, à mon sens, être étudiée avec attention. Toutefois, à la veille d'un nouvel acte de la décentralisation, et compte-tenu de l'évolution attendue du cadre dans lequel interviennent les collectivités, je n'ai pas souhaité arrêter de position figée à ce sujet. Cette question devra néanmoins trouver une réponse au plus vite. C'est le sens de ma proposition 3.

Outre cette recommandation, des réponses plus ciblées peuvent être apportées aux difficultés créées par la multiplication des acteurs.

Pour réduire le nombre d'acteurs, les rapprochements entre maisons de l'emploi, missions locales et PLIE au niveau local doivent être davantage encouragés. Déjà réalisés dans certains territoires, ils accroissent la lisibilité et la cohérence des interventions menées par ces différentes instances. Or, à l'heure actuelle, ils peuvent être freinés par des rigidités d'ordre comptable. C'est la raison pour laquelle je propose de reprendre la proposition de simplifier leur cadre comptable et financier, dans la proposition 4.

Enfin, il importe de simplifier les démarches des personnes à la recherche d'un emploi. Elles sont aujourd'hui obligées d'exposer leur parcours et leur situation devant chaque nouvel interlocuteur. Pour leur éviter la répétition de cet exercice fastidieux, un effort particulier pourrait être mené au niveau de l'échange des données entre les différents acteurs. À défaut, on pourrait imaginer la création d'un livret ou d'une carte rassemblant l'ensemble des données nécessaires à leur accompagnement. Cette idée a également été proposée par M. Joyandet, dans son rapport sur l'emploi des jeunes remis en janvier dernier. Il s'agit de la proposition 2.

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