Je vous remercie de m'avoir convié à vos réflexions.
L'ADEME est un établissement public issu de la fusion en 1990 de trois autres établissements, l'Agence française pour la maîtrise de l'énergie (AFME), l'Agence pour la qualité de l'air (AQA) et l'Agence nationale pour la récupération et l'élimination des déchets (ANRED). L'ADEME emploie 1 000 personnes, dont la moitié travaille dans les trois sièges centraux, Angers, Paris et Valbonne. Le reste des effectifs est réparti au sein des vingt-six directions régionales.
L'ADEME a signé avec l'État pour la période 2009-2012 un contrat d'objectifs, qui reprend une grande partie des objectifs fixés par le Grenelle. L'activité de l'agence s'organise autour de quatre métiers : connaître, convaincre, conseiller, et aider à réaliser. Ses deux ministères de tutelle sont le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. En fonction du périmètre définitif du ministère de l'égalité des territoires et du logement, l'ADEME pourrait également en dépendre en ce qui concerne la partie rénovation énergétique des bâtiments. Les domaines de compétence de l'ADEME sont en effet l'énergie et le climat, les déchets, les sols pollués et les friches, l'air et le bruit, ainsi que des actions transversales.
Le budget de l'ADEME s'élève à 690 millions d'euros, auxquels s'ajoute la gestion des Investissements d'avenir en matière de développement durable, pour un montant de 2,6 milliards d'euros. Sur ces 2,6 milliards, 700 millions d'euros sont déjà engagés dans divers contrats, et 1,2 milliard sont en cours d'engagement. Au sein du budget propre de l'ADEME, près de 242 millions étaient consacrés en 2012 au fonds chaleur, et 211 millions au plan déchets.
Au titre des actions du volet énergie, l'ADEME cherche à encourager les efforts d'efficacité d'une part, afin de réduire la facture énergétique, et les efforts de substitution d'autre part, pour développer les énergies renouvelables en France. En ce qui concerne l'offre d'énergie, la filière éolienne présente actuellement des résultats un peu en deçà des objectifs du Grenelle, mais ces derniers sont en passe d'être atteints grâce au développement de l'éolien maritime. L'éolien fait par ailleurs l'objet d'un certain nombre de projets de recherche dans le cadre des Investissements d'avenir, notamment pour développer des techniques d'éolien flottant, ou améliorer les pales des machines.
Pour ce qui est de l'énergie photovoltaïque, les objectifs seront atteints. Si les coûts de cette technique étaient à l'origine bien plus élevés que les coûts de l'électricité classique car il fallait financer le développement de la filière et les investissements nécessaires, les prix sont aujourd'hui devenus très intéressants et compétitifs. Des recherches sont en cours, en partenariat avec le CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives) et avec des entreprises sur le silicium, pour améliorer les techniques, avec un potentiel industriel très intéressant à terme.
La biomasse fait l'objet de l'essentiel du budget énergie de l'ADEME. Le but est de substituer l'utilisation de la biomasse (déchets de la forêt, des scieries, etc.) à une partie des énergies fossiles. Les objectifs 2020 en la matière peuvent être atteints. Cependant, la question de la durabilité de cette ressource se pose, d'autant plus qu'on souhaite aujourd'hui multiplier les débouchés et les usages de la biomasse (énergie, carburants, ...). Au-delà d'un certain tonnage de bois, il n'est plus possible d'augmenter indéfiniment la ressource disponible et la limite physique du procédé est rapidement atteinte. C'est pourquoi aujourd'hui, certains projets de la CRE (Commission de régulation de l'électricité), notamment dans le cadre du quatrième appel à projets biomasse, consomment du bois acheminé par bateau d'autres parties du monde.
En matière d'efficacité énergétique, plusieurs points peuvent être distingués. L'objectif du Grenelle concernant l'efficacité énergétique des logements sociaux et de l'habitat en général était très ambitieux et n'a pas encore atteint son niveau de croisière. Concernant les certificats d'économies d'énergie, qui permettent d'obliger un producteur d'énergie à donner des conseils à ses clients pour réduire leur consommation faute de quoi le producteur doit payer des certificats, le dispositif arrivera fin 2013 à la fin de sa deuxième phase. La question de la suite à donner au programme se posera alors. L'ADEME préconise de multiplier par 2,6 le prix actuel des certificats d'économie d'énergie, afin de remplir l'objectif de 20% d'économies d'énergie d'ici 2020, ainsi que les objectifs d'efficacité, énergétique de la récente directive européenne sur le sujet. Les collectivités territoriales doivent être les premières à se mobiliser pour atteindre tous ces objectifs ambitieux de développement durable.
Sur la question des contrats de performance énergétique, l'ADEME considère que ces dispositifs sont écologiquement vertueux, mais nécessitent des montages juridiques encore complexes. Dans le cadre de ces contrats, un opérateur économique prend en charge les travaux de performance énergétique à réaliser, et se rémunère par la suite sur les économies d'énergie effectuées. Seulement une douzaine de contrats de ce genre existent en France à l'heure actuelle. La question de fond est la suivante : qui prend la responsabilité de la garantie du résultat ? Il s'agit là d'une difficulté juridique réelle. Ces contrats de performance énergétique sont financièrement risqués pour les investisseurs.
Enfin, l'ADEME a établi des scénarios en matière d'énergie à l'horizon 2030 et à l'horizon 2050, sur la base des feuilles de route établies par l'agence pour orienter la recherche. Les scénarios précédents considéraient qu'on pourrait améliorer l'efficacité énergétique, tout en économisant les ressources, en s'appuyant notamment sur la biomasse. On sait désormais que cette ressource atteindra rapidement un seuil maximal d'utilisation. Les nouveaux scénarios permettent de s'adapter à cette réalité et d'alimenter le débat politique, ce qui s'inscrit parfaitement dans le rôle de prospective de l'ADEME.
Le deuxième grand sujet qui intéresse l'ADEME est celui des déchets. Comme dans le domaine de l'énergie, les objectifs poursuivis sont soit des objectifs européens, soit des objectifs fixés par le Grenelle de l'environnement. L'objectif de valorisation de 75 % des emballages demandé par une directive européenne de 2008 sera bientôt atteint, et celui, fixé par le Grenelle, de valorisation dès 2012 de 35 % des déchets ordinaires est rempli.
En revanche, la mise en décharge de produits fermentescibles représente un objectif bien plus difficile à atteindre. Nous ne valorisons pas suffisamment ce qui pourrait être valorisé énergétiquement dans les déchets et il n'est pas certain que nos politiques actuelles nous permettent de combler notre retard. Les niveaux de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ne sont en effet pas assez incitatifs. Pour dire les choses très concrètement, les niveaux de TGAP élevés sont contrebalancés par un certain nombre de détaxes. Par exemple, une station d'incinération très propre se verra appliquer une TGAP très basse. Au lieu d'avoir un effet incitatif, la TGAP est devenue une simple taxe. En outre, le coût de la mise en décharge et de la TGAP du stockage équivaut à celui de la mise en incinérateur et de la TGAP de l'incinérateur. L'effet incitatif que devrait avoir la TGAP est en réalité dilué par les réductions de tarifs et par l'absence de hiérarchie entre les traitements. Des comparaisons internationales ont été réalisées et sont explicites : le fonctionnement est optimal dans les pays où les TGAP sont très incitatives. Notre objectif est donc de réduire le fermentescible : ce qui est compostable doit être composté.
Nous aurons à répondre à certaines questions législatives. L'Allemagne, par exemple, n'a pas recouru à la TGAP mais a procédé par interdictions : les Allemands n'ont pas le droit de mettre en décharge des produits qui sont organiques, fermentescibles, compostables. Nous pouvons aller progressivement dans cette voie, en tenant compte de la situation réelle et des possibilités existantes, vers un système comportant davantage d'interdictions. Mais nous pouvons également opter pour des TGAP plus incitatives et plus lourdes, permettant d'agir différemment.
En tout état de cause, un véritable investissement est indispensable pour que le compostage et la méthanisation soient développés. Les hypothèses d'investissements nécessaires montrent qu'une politique dans ce domaine coûterait 1 milliard en subventions pour financer 4 milliards d'investissements.