La commission procède à l'audition de M. François Loos, président de l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie (ADEME).
Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui François Loos, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Nous souhaitions vous interroger sur les activités de l'ADEME. Pouvez-vous nous rappeler les missions de cette agence, ainsi que son organisation et ses modes d'intervention ? Peut-être pourrez-vous également nous préciser le bilan que vous tirez de l'utilisation des fonds issus du Grenelle de l'environnement ?
Je vous remercie de m'avoir convié à vos réflexions.
L'ADEME est un établissement public issu de la fusion en 1990 de trois autres établissements, l'Agence française pour la maîtrise de l'énergie (AFME), l'Agence pour la qualité de l'air (AQA) et l'Agence nationale pour la récupération et l'élimination des déchets (ANRED). L'ADEME emploie 1 000 personnes, dont la moitié travaille dans les trois sièges centraux, Angers, Paris et Valbonne. Le reste des effectifs est réparti au sein des vingt-six directions régionales.
L'ADEME a signé avec l'État pour la période 2009-2012 un contrat d'objectifs, qui reprend une grande partie des objectifs fixés par le Grenelle. L'activité de l'agence s'organise autour de quatre métiers : connaître, convaincre, conseiller, et aider à réaliser. Ses deux ministères de tutelle sont le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. En fonction du périmètre définitif du ministère de l'égalité des territoires et du logement, l'ADEME pourrait également en dépendre en ce qui concerne la partie rénovation énergétique des bâtiments. Les domaines de compétence de l'ADEME sont en effet l'énergie et le climat, les déchets, les sols pollués et les friches, l'air et le bruit, ainsi que des actions transversales.
Le budget de l'ADEME s'élève à 690 millions d'euros, auxquels s'ajoute la gestion des Investissements d'avenir en matière de développement durable, pour un montant de 2,6 milliards d'euros. Sur ces 2,6 milliards, 700 millions d'euros sont déjà engagés dans divers contrats, et 1,2 milliard sont en cours d'engagement. Au sein du budget propre de l'ADEME, près de 242 millions étaient consacrés en 2012 au fonds chaleur, et 211 millions au plan déchets.
Au titre des actions du volet énergie, l'ADEME cherche à encourager les efforts d'efficacité d'une part, afin de réduire la facture énergétique, et les efforts de substitution d'autre part, pour développer les énergies renouvelables en France. En ce qui concerne l'offre d'énergie, la filière éolienne présente actuellement des résultats un peu en deçà des objectifs du Grenelle, mais ces derniers sont en passe d'être atteints grâce au développement de l'éolien maritime. L'éolien fait par ailleurs l'objet d'un certain nombre de projets de recherche dans le cadre des Investissements d'avenir, notamment pour développer des techniques d'éolien flottant, ou améliorer les pales des machines.
Pour ce qui est de l'énergie photovoltaïque, les objectifs seront atteints. Si les coûts de cette technique étaient à l'origine bien plus élevés que les coûts de l'électricité classique car il fallait financer le développement de la filière et les investissements nécessaires, les prix sont aujourd'hui devenus très intéressants et compétitifs. Des recherches sont en cours, en partenariat avec le CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives) et avec des entreprises sur le silicium, pour améliorer les techniques, avec un potentiel industriel très intéressant à terme.
La biomasse fait l'objet de l'essentiel du budget énergie de l'ADEME. Le but est de substituer l'utilisation de la biomasse (déchets de la forêt, des scieries, etc.) à une partie des énergies fossiles. Les objectifs 2020 en la matière peuvent être atteints. Cependant, la question de la durabilité de cette ressource se pose, d'autant plus qu'on souhaite aujourd'hui multiplier les débouchés et les usages de la biomasse (énergie, carburants, ...). Au-delà d'un certain tonnage de bois, il n'est plus possible d'augmenter indéfiniment la ressource disponible et la limite physique du procédé est rapidement atteinte. C'est pourquoi aujourd'hui, certains projets de la CRE (Commission de régulation de l'électricité), notamment dans le cadre du quatrième appel à projets biomasse, consomment du bois acheminé par bateau d'autres parties du monde.
En matière d'efficacité énergétique, plusieurs points peuvent être distingués. L'objectif du Grenelle concernant l'efficacité énergétique des logements sociaux et de l'habitat en général était très ambitieux et n'a pas encore atteint son niveau de croisière. Concernant les certificats d'économies d'énergie, qui permettent d'obliger un producteur d'énergie à donner des conseils à ses clients pour réduire leur consommation faute de quoi le producteur doit payer des certificats, le dispositif arrivera fin 2013 à la fin de sa deuxième phase. La question de la suite à donner au programme se posera alors. L'ADEME préconise de multiplier par 2,6 le prix actuel des certificats d'économie d'énergie, afin de remplir l'objectif de 20% d'économies d'énergie d'ici 2020, ainsi que les objectifs d'efficacité, énergétique de la récente directive européenne sur le sujet. Les collectivités territoriales doivent être les premières à se mobiliser pour atteindre tous ces objectifs ambitieux de développement durable.
Sur la question des contrats de performance énergétique, l'ADEME considère que ces dispositifs sont écologiquement vertueux, mais nécessitent des montages juridiques encore complexes. Dans le cadre de ces contrats, un opérateur économique prend en charge les travaux de performance énergétique à réaliser, et se rémunère par la suite sur les économies d'énergie effectuées. Seulement une douzaine de contrats de ce genre existent en France à l'heure actuelle. La question de fond est la suivante : qui prend la responsabilité de la garantie du résultat ? Il s'agit là d'une difficulté juridique réelle. Ces contrats de performance énergétique sont financièrement risqués pour les investisseurs.
Enfin, l'ADEME a établi des scénarios en matière d'énergie à l'horizon 2030 et à l'horizon 2050, sur la base des feuilles de route établies par l'agence pour orienter la recherche. Les scénarios précédents considéraient qu'on pourrait améliorer l'efficacité énergétique, tout en économisant les ressources, en s'appuyant notamment sur la biomasse. On sait désormais que cette ressource atteindra rapidement un seuil maximal d'utilisation. Les nouveaux scénarios permettent de s'adapter à cette réalité et d'alimenter le débat politique, ce qui s'inscrit parfaitement dans le rôle de prospective de l'ADEME.
Le deuxième grand sujet qui intéresse l'ADEME est celui des déchets. Comme dans le domaine de l'énergie, les objectifs poursuivis sont soit des objectifs européens, soit des objectifs fixés par le Grenelle de l'environnement. L'objectif de valorisation de 75 % des emballages demandé par une directive européenne de 2008 sera bientôt atteint, et celui, fixé par le Grenelle, de valorisation dès 2012 de 35 % des déchets ordinaires est rempli.
En revanche, la mise en décharge de produits fermentescibles représente un objectif bien plus difficile à atteindre. Nous ne valorisons pas suffisamment ce qui pourrait être valorisé énergétiquement dans les déchets et il n'est pas certain que nos politiques actuelles nous permettent de combler notre retard. Les niveaux de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ne sont en effet pas assez incitatifs. Pour dire les choses très concrètement, les niveaux de TGAP élevés sont contrebalancés par un certain nombre de détaxes. Par exemple, une station d'incinération très propre se verra appliquer une TGAP très basse. Au lieu d'avoir un effet incitatif, la TGAP est devenue une simple taxe. En outre, le coût de la mise en décharge et de la TGAP du stockage équivaut à celui de la mise en incinérateur et de la TGAP de l'incinérateur. L'effet incitatif que devrait avoir la TGAP est en réalité dilué par les réductions de tarifs et par l'absence de hiérarchie entre les traitements. Des comparaisons internationales ont été réalisées et sont explicites : le fonctionnement est optimal dans les pays où les TGAP sont très incitatives. Notre objectif est donc de réduire le fermentescible : ce qui est compostable doit être composté.
Nous aurons à répondre à certaines questions législatives. L'Allemagne, par exemple, n'a pas recouru à la TGAP mais a procédé par interdictions : les Allemands n'ont pas le droit de mettre en décharge des produits qui sont organiques, fermentescibles, compostables. Nous pouvons aller progressivement dans cette voie, en tenant compte de la situation réelle et des possibilités existantes, vers un système comportant davantage d'interdictions. Mais nous pouvons également opter pour des TGAP plus incitatives et plus lourdes, permettant d'agir différemment.
En tout état de cause, un véritable investissement est indispensable pour que le compostage et la méthanisation soient développés. Les hypothèses d'investissements nécessaires montrent qu'une politique dans ce domaine coûterait 1 milliard en subventions pour financer 4 milliards d'investissements.
Je me félicite tout d'abord de cette audition.
Je suis très sensible à certains points évoqués par François Loos et je voudrais revenir sur la question des fermentescibles en méthanisation. Il s'agit de dossiers techniques un peu compliqués à l'égard de la réglementation et aux yeux du grand public. Il faut que l'ADEME, et peut-être aussi le ministère, mène des campagnes d'information en vue d'une acceptation sociétale de la méthanisation, qui est actuellement en défaut dans beaucoup de régions. Il faut que le grand public comprenne que la méthanisation doit se faire.
J'ai eu la chance, avec Christian Bataille et l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, de passer quelques jours en Allemagne. Ce fut très intéressant. Les politiques énergétiques menées à Hambourg, à Munich ou à Stuttgart sont différentes, mais contribuent toutes à une politique globale nationale. Malgré l'acte III de la décentralisation, nous ne pourrons aboutir à cela en France très rapidement. Alors il nous faut régler les problèmes qui persistent dans certaines régions, notamment celui de la combinaison de la méthanisation agricole. Mélanger des fermentescibles et la fermentation agricole est nécessaire sur le plan technique, car on ne tient pas une fermentation 365 jours par an uniquement avec du lisier. Il faut faire des mélanges et mener une vaste campagne d'information.
Je partage totalement ce qui a été dit sur la biomasse, y compris sur la forêt. On a mis beaucoup d'espoirs dans la forêt en se trompant sur les perspectives à 20 ans. Il faut utiliser la forêt, mais celle-ci a ses limites !
Les actions des directions régionales de l'ADEME sont inégales en fonction des orientations des directeurs régionaux ou de leurs équipes. Des dossiers similaires ne sont pas reçus de la même façon à Lille qu'à Rennes. Il faut coordonner tout cela. L'ADEME n'est pas l'unique responsable en France des économies d'énergie. Il faut utiliser les certificats d'économies d'énergie et procéder à une incitation auprès du public, vérifier les actions région par région et établir une politique générale sur l'ensemble du territoire métropolitain.
Nous avons connu il y a quelques années une vague photovoltaïque très forte. Les choses se sont ensuite arrêtées, car on construisait des hangars qui restaient vides, sans aucune utilisation pratique, uniquement pour produire de l'électricité. En sillonnant la campagne dans ma circonscription, j'ai l'impression que ce phénomène renaît. Je vois des hangars qui se construisent sans affectation particulière, uniquement pour produire de l'électricité, et cela coûte très cher. Comment comptez-vous contrôler le lien entre la production d'électricité et l'utilisation rationnelle de bâtiments coûteux ?
C'est en tant que présidente du groupe d'études sur les déchets que je m'exprime, afin de vous de vous faire part des principaux axes de travail retenus par le groupe d'études.
- l'adéquation entre projets et territoires, avec l'enjeu sous-jacent du développement de l'emploi local et le maintien des filières industrielles ;
- l'éco-conception et le bilan des filières de responsabilité élargie des producteurs (REP) ;
- l'état des lieux des filières de valorisation, et notamment la « valorisation matière », avec un intérêt particulier pour celle du verre ;
- le rôle de conseil de l'ADEME dans la mise en place de projets adaptés aux territoires. Par qui sont émis les décrets qui semblent imposés aux collectivités ? Pourquoi ne pas associer les parlementaires ?
- la question de la redevance incitative, qui permet une facturation en fonction de la production des déchets du ménage, avec pour objectif d'inciter les usagers à modifier leurs comportements en contrepartie d'une baisse de leur facture. L'idée est bonne, mais elle comporte de nombreux effets pervers (notamment en termes de facturation) et sa mise en oeuvre est difficile ;
- la pénibilité du travail des métiers ouvriers du tri. Il n'est pas durable d'imposer des gestes mécaniques, comme aux ripeurs par exemple, qui génèrent de sévères troubles musculo-squelettiques. Les élus s'inquiètent, tout comme les professionnels, qui ne savent plus comment reclasser leurs salariés souffrant de ces troubles ;
- la délicate question du recyclage des mâchefers.
Je souhaiterais connaître les objectifs poursuivis en termes de biomasse et de déchets fermentescibles. La Suède a décidé que les déchets faisaient partie de la politique énergétique et qu'il ne fallait plus de décharge... Expliquez-moi la différence entre la décharge, les tris mécano-biologiques (TMB), à l'égard desquels l'ADEME montre un certain nombre de réticences sans qu'on sache vraiment pourquoi, et le fait de brûler. Pourquoi établit-on des différences entre la méthanisation dans le méthaniseur, la méthanisation dans la décharge et la méthanisation dans le TMB ? On s'aperçoit qu'il existe différents types de méthanisations, de fermentations, de récupérations. Pourquoi fait-on des hiérarchies alors que certaines collectivités se sont lancées dans des investissements pour au moins quinze ans ? On a besoin de stabilité et de cohérence dans ce genre de politique.
Ma question s'appuie sur un exemple local mais peut tout à fait être transposée au niveau national. L'Ardèche présente un taux de boisement de plus de 50 %. Pourtant, le développement de la filière bois-énergie n'y atteint pas le niveau escompté. Les aides de l'ADEME portent essentiellement sur les systèmes de chaufferies collectives. Il existe cependant de réelles pistes de développement dans l'équipement individuel des particuliers. Quelle est votre position sur le sujet ?
La biomasse doit être pensée et utilisée dans une logique de proximité. De la même manière, elle doit s'inscrire dans une démarche de sobriété énergétique. On trouve souvent aujourd'hui dans les chaufferies du bois noble qui pourrait servir à autre chose qu'une valorisation énergétique. On n'utilise pas toujours des sous-produits. Cela tient notamment à la gestion de la propriété forestière publique : l'ONF empêche parfois la production de sous-produits du bois. Le domaine forestier public n'est pas toujours bien traité, ce qui n'est pas sans poser problème du point de vue de la santé publique pour les promeneurs. L'utilisation des sous-produits du bois est probablement moins rentable, mais elle permettrait de créer des emplois ruraux.
J'aurais deux questions à vous poser. La première, très concrète, concerne la communauté de communes dont je suis président. Nous disposons de 1500 tonnes de sous-produits de bois broyés qui constituent un potentiel de transformation énergétique très important. Une réflexion est en cours pour créer une chaufferie bois qui alimenterait la piscine et la maison de retraite. Si ce projet se concrétise, cela supposerait la construction d'un broyeur, d'un hangar de stockage, d'un local pour brûler le bois. L'ADEME soutient-elle ce type d'initiatives locales ?
Ma seconde question porte sur les biocarburants. J'ai créé il y a vingt ans en Seine-Maritime une association pour le développement des énergies renouvelables (ADER). Lors d'une rencontre, un pétrolier nous avait présenté des projets de biocarburants en indiquant que lorsque le baril de pétrole coûterait soixante dollars, ces projets deviendraient rentables. Le baril est aujourd'hui à cent dollars. Est-ce que l'ADEME dispose de données chiffrées précises sur la rentabilité comparative du pétrole et des biocarburants, les chiffres fournis par les pétroliers étant manifestement à considérer avec méfiance ?
Lors du Grenelle a été décidé le transfert modal de la route vers le rail. C'est un échec à ce jour. Le livre blanc de la Commission européenne paru en mars 2012 fixe de nouveaux objectifs qu'il sera impossible d'atteindre. Que peut-on faire selon vous dans ce domaine ?
Sur la question des véhicules électriques, on considère souvent que la France dispose du meilleur plan véhicules décarbonés au monde. Des constructeurs comme Renault ont fait le pari de la voiture électrique. La question qui se pose dès lors est celle des bornes de recharge à installer sur tout le territoire. Que propose l'ADEME sur ces questions ?
Pour finir, j'aimerais savoir où en sont les filières française et européennes de production de panneaux photovoltaïques.
Vous nous avez présenté les quatre missions de l'ADEME dans le cadre du Grenelle. Qu'en est-il des véhicules du futur et des technologies numériques ?
Dans le domaine des déchets, quelle est la position de l'ADEME sur la question de la TEOM incitative ? Par ailleurs, où en est votre réflexion sur la question de la récupération des métaux précieux dans les décharges ?
Je vous remercie de toutes ces questions qui me démontrent, s'il en était besoin, combien les fonctions que j'occupe sont intéressantes !
Pour répondre à Marcel Deneux, je souhaiterais préciser que l'ajout de produits alimentaires est autorisé en Allemagne dans le cadre de la méthanisation. Les agriculteurs allemands peuvent améliorer la méthanisation par l'ajout de céréales et deviennent de ce fait producteurs d'énergie. Ce n'est pas le cas en France et notre tarif de rachat est moins intéressant que celui pratiqué en Allemagne. De surcroît, en Allemagne, la traduction en gaz est possible. Si l'on veut méthaniser davantage en France, il faut que de nouvelles règles soient fixées.
Ceux qui ont parlé de biocarburants voient bien la difficulté à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui. Je suis à l'origine des tarifs plus élevés pratiqués sur les biocarburants : il fallait provoquer une onde de choc pour initier les investissements. Des centaines de millions d'euros ont été investis pour construire des usines de biocarburants. En comparant l'effet des biocarburants à l'échelle mondiale, nous nous sommes rendu compte, avec le changement d'affectation des sols dans le monde, que notre production supplémentaire causait indirectement des problèmes alimentaires. Ceci est très discutable, notamment techniquement, car ce qui est vrai pour la betterave, et donc pour l'éthanol, ne l'est pas du tout pour le blé et le colza. De ce fait, les Européens souhaitent rester sur le statu quo des quantités et des proportions qu'il est possible d'incorporer. La question est la même que pour la méthanisation : combien de notre production alimentaire accepte-t-on d'utiliser pour des usages autres qu'alimentaires ? Il s'agit là de choix politiques. L'Allemagne a choisi d'aider ses agriculteurs en leur permettant de transformer en énergie, dans de très bonnes conditions, certaines productions, ce qui est indirectement une subvention à l'agriculture. Il faut continuer à travailler là-dessus.
Si les actions de l'ADEME diffèrent d'une région à l'autre, c'est parce que nous avons passé avec chacune des régions de France un contrat, qui est en quelque sorte parallèle au contrat de plan. Chaque région décide avec l'ADEME régionale des priorités. Ces procédures sont harmonisées dès lors que la procédure est nationale. Par exemple, sur le fonds chaleur, tout ce qui est fait par les régions est national, mais il existe des aides qui diffèrent en fonction des objectifs poursuivis par les régions.
La politique de communication est importante pour la sobriété. Après avoir laissé à la disposition du ministre en charge du Grenelle notre politique de communication, nous préparons de nouveaux actes, en liaison avec l'actuelle ministre de l'énergie, qui seront lancés en début d'année prochaine.
Existe-t-il une utilisation rationnelle du photovoltaïque ? Pour démarrer le photovoltaïque, il fallait des tarifs élevés et, par la suite, s'adapter à l'évolution des prix. Aujourd'hui, la France compte des fabricants potentiels de cellules de très bonne qualité, à de très bons tarifs. Il faut savoir que les cellules fabriquées en Chine sont vendues pour 70 % en France, en Allemagne, en Italie et en Espagne. Les pays développés se sentent donc porteurs de cette politique. Il est important de se demander si le photovoltaïque peut atteindre des tarifs compétitifs avec ceux du nucléaire. Je constate que les tarifs du photovoltaïque ont atteint des niveaux comparables avec le prix de l'électricité nucléaire en France. Le discours selon lequel le photovoltaïque est plus cher que l'électricité est un discours daté, ce n'est plus le cas. Aujourd'hui, lorsque le photovoltaïque est utilisé de façon optimale, il peut coûter environ 120-150 euros, quand le prix de l'électricité en France s'élève à 120 euros le mégawatheure. C'est très intéressant, car cela signifie que, demain, le développement du photovoltaïque pourra être généralisé. On ne pourra pas remplacer le fuel, le charbon et le gaz que par de la biomasse. Par ailleurs, la consommation d'électricité va augmenter. Les électricités photovoltaïque et éolienne, simplement expérimentées dans les pays les plus développés, sont donc très intéressantes. Une fois développé et bien installé, le photovoltaïque pourra être moins cher que l'électricité.
Les problèmes étudiés dans le cadre des Investissements d'avenir sont ceux du stockage et de l'intermittence. Mais le photovoltaïque reste une réponse à l'augmentation des besoins d'électricité du reste du monde. Il ne faut pas voir le problème aux bornes de la France ou de l'Europe. Nous procédons aujourd'hui au développement du photovoltaïque qui servira demain en Afrique et en Inde.
Ne serait-il pas intéressant que l'ADEME, organisme indépendant, cherche à savoir ce qui est le plus intéressant pour le pays, le plus performant, et mène des études comparatives sur des dossiers aussi sensibles que ceux des biocarburants et du photovoltaïque, sur lesquels les lobbies jouent par ailleurs un rôle que je qualifierais parfois de scandaleux ?
Je ne souhaitais pas intervenir dans le débat, mais je tiens à préciser que je mène, avec Jérôme Cahuzac, une expérience sur l'huile de colza. Nous disposons depuis une dizaine d'années d'une flotte automobile roulant à l'huile de colza. Nous n'avons rencontré aucun problème. Cependant, la fiscalité appliquée sur l'huile de colza non transformée est totalement inadaptée, puisqu'elle se voit appliquer la TIPP et la TVA. En fin de compte, nous avons payé pendant plusieurs années cette huile plus cher que le gazole. Il nous a fallu une volonté de fer pour continuer : c'est un véritable scandale ! Il y avait là, vous l'avez évoqué, une véritable possibilité d'aménagement du territoire. On pouvait parfaitement définir des quotas et des territoires de production pour garder et localiser une source d'énergie qui aurait pu aider certaines activités, notamment l'agriculture. Il y a là une nécessité d'agir avec une forme de justice territoriale, parce que ces mêmes territoires n'ont ni routes, ni voies ferrées, ni transports. Il faut faire un zonage de production locale qui donne une énergie et rétablisse une équité territoriale.
La question relative au contrôle des bâtiments construits trouvera une réponse politique. Il faut sortir de l'effet d'aubaine et savoir ce qu'on autorise. Il faudra encore résoudre les problèmes d'autoconsommation : le chantier qui s'ouvre devant nous est celui des tarifs d'électricité, qui est beaucoup plus vaste que celui des énergies renouvelables et qui porte en fait sur le financement de l'effacement.
Si l'on étudie la question de la forêt de façon macroscopique, on s'aperçoit qu'on peut mobiliser davantage de bois pour des utilisations « chaleur ». Mais cela signifie-t-il qu'il faut aider toutes les chaufferies à passer au bois ? Afin d'être efficace économiquement, la position actuelle de l'ADEME est d'aider les grandes chaufferies à passer au bois, indépendamment des problèmes de cogénération qui sont traités par la commission de régulation de l'énergie (CRE). Nous essayons de ne pas faire de transferts, comme par exemple du gaz vers le bois, si ceux-ci se font à des coûts exorbitants. Nous essayons de rester dans la limite de quarante euros par tonne équivalent pétrole économisés. Nous ne touchons alors pratiquement pas les petites chaufferies, sauf si cela permet de déclencher une activité nouvelle.
Utiliser plus de bois dans le chauffage est une politique qui atteint rapidement ses limites. On ne peut pas augmenter indéfiniment l'utilisation du bois et se dire que la biomasse va remplacer le pétrole. Des analyses mondiales montrent que la substitution du carbone du pétrole par de la biomasse n'est réalisable qu'à hauteur de 10, 20 ou 30 %. Si on savait faire aujourd'hui toute la chimie verte qui est nécessaire pour remplacer la chimie du pétrole, si on savait utiliser le bois de façon intelligente dans les biocarburants, on ne parviendrait de toute façon pas à remplacer le pétrole, par manque de quantité.
Sur les déchets, les emplois dans les centres de tri sont généralement des emplois non qualifiés ou des emplois d'insertion. La question de la pénibilité se pose. Cependant, certaines expériences intéressantes existent. J'ai visité récemment un centre de tri associé à un centre de formation : ce système offre une formation aux travailleurs et permet de prévoir et préparer leur reclassement.
En ce qui concerne le bilan des filières de responsabilité élargie du producteur, il s'agit de distinguer entre les filières. Ces dernières fonctionnent plus ou moins bien. Une constante peut cependant être relevée : aucune d'entre elles n'est tenue à des objectifs impératifs. On pourrait très bien fixer des objectifs de quantités à récupérer, sur les plastiques notamment. La fixation d'objectifs supposerait de les répartir entre les différents éco-organismes intervenant dans chaque filière, mais cela permettrait d'accélérer les progrès réalisés.
S'agissant du rôle de conseil de l'ADEME, je tiens à rappeler que ce rôle consiste essentiellement à fournir une expertise technique au ministère, sur les projets de décrets en particulier, mais que l'agence ne joue aucun rôle en matière d'arbitrage politique ou de prise de décision. L'ADEME intervient en amont, en tant qu'expert dans ses domaines de compétence.
Concernant la redevance incitative, l'ADEME aide les syndicats mixtes qui le souhaitent à mettre en place ce dispositif. La mise en oeuvre prend du temps et se heurte à de nombreuses difficultés, mais le surcoût causé par le passage à ce mode de tarification est couvert par l'agence.
J'aimerais rappeler que la politique des déchets en France n'est pas une politique énergétique. Le développement du compostage et de la méthanisation, souhaité par l'ADEME, est souvent confronté au problème de l'acceptabilité sociale de la construction d'incinérateurs. En France, la création d'usines de tri mécano-biologique (TMB) se fait parfois pour éviter la construction d'incinérateurs, mal acceptés par la population.
Enfin, la question de l'usage et de l'élimination des mâchefers est un réel problème. Il existe un blocage au niveau des débouchés et de la réglementation concernant ces matières.
Quelle est concrètement la différence entre un TMB et un méthaniseur ? Pourquoi l'ADEME privilégie-t-elle le second au détriment du premier ? On sait que la question de la collecte et du tri des déchets est centrale, et que la collecte coûte très cher pour le citoyen. Par ailleurs, toujours plus d'efforts lui sont demandés en matière de tri, pour un coût de gestion des déchets qui ne baisse pas voire qui augmente. Le TMB permettant de réaliser un tri mécanique, pourquoi est-il déconsidéré par rapport au méthaniseur ?
La raison centrale est que les TMB présentent des garanties moindres quant à la qualité des composts produits. Les débouchés auprès des agriculteurs ne sont dès lors pas assurés.
Les agriculteurs veulent des garanties totales sur le compost qu'ils épandent.
Concernant les bornes de recharge des véhicules électriques, des dispositifs d'aide existent pour les collectivités territoriales, comme la charte Borloo-Estrosi ou encore le programme mis en place par la Caisse des dépôts et consignations. Le problème est qu'on a donné aux seules collectivités la responsabilité du développement des bornes de recharge, et que leur nombre est aujourd'hui largement insuffisant. Un dispositif au niveau national devrait être mis en place. Le développement des véhicules électriques pose également la question de notre capacité à lancer des usines de batteries. Cette question reste entièrement ouverte. Il y aurait pourtant un grand intérêt à plus soutenir cette filière industrielle, en termes d'emploi mais aussi pour favoriser des améliorations technologiques rapides.
Le développement des bornes de recharge électrique suppose également de travailler en partenariat avec les enseignes de grande distribution.
Davantage d'« énergie » politique est nécessaire pour que nous ne connaissions plus les problèmes de santé publique auxquels nous avons été et sommes encore confrontés. Jean-Paul Bailly, président-directeur général de La Poste, avait lancé quelque chose, mais je crois que c'est surtout par les collectivités locales qu'un mouvement en faveur de cette filière industrielle naissante peut être amorcé : le maire doit rouler en véhicule propre !
La géothermie fait partie des systèmes que nous soutenons dans le fonds chaleur avec plusieurs dizaines de millions d'euros d'aide par an. Cette aide peut représenter une garantie à l'égard du risque de forage ou concerner l'utilisation. La géothermie, telle qu'elle existe dans le bassin parisien ou en Alsace, est bien dans le coeur de cible de l'ADEME.
Monsieur le Président, je vous remercie. Nous serons sans doute amenés à nous revoir, au fur et à mesure de l'avancée des travaux des différents travaux de notre commission.