Photo de Catherine Morin-Desailly

Interventions sur "restitution" de Catherine Morin-Desailly


37 interventions trouvées.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce n'est pas sans une certaine émotion que je m'exprime devant vous en cette fin d'après-midi tant le sujet de cette proposition de loi me tient à cœur. La restitution des restes humains a toujours figuré parmi les grands combats de mon mandat de sénatrice depuis l'affaire des têtes maories conservées au muséum de Rouen, laquelle m'avait conduite à déposer en 2008 une proposition de loi pour en permettre la restitution. Il s'est toujours agi à mes yeux d'une question de dignité de la personne humaine, de justice, de respect des cultures et de mémoire.

Comme tous les biens appartenant aux collections publiques, les restes humains sont inaliénables. Ils ne peuvent pas être restitués sans avoir été préalablement sortis des collections, ce qui implique l'autorisation du législateur. D'où le nombre très faible de demandes de restitution auxquelles la France a accédé jusqu'ici : cinq en tout, et encore seulement deux ont été réalisées par voie parlementaire, qui est pourtant la seule juridiquement licite. Souvenons-nous de la restitution en 2020 des crânes algériens par le biais d'une convention de dépôt ! C'est la raison pour laquelle la commission de la culture plaide, depuis déjà plusieurs années, pour l'adoption d'une déroga...

Ce sujet délicat est connu de longue date de notre commission. Merci, madame le rapporteur, de l'avoir remis en perspective avec la restitution des biens coloniaux, tout en soulignant les différences entre les deux cas. Lors des prochaines lois de finances, nous devons absolument être attentifs aux moyens. Depuis qu'Audrey Azoulay s'est saisie du sujet, le mécanisme a pris beaucoup de temps à se mettre en place et les moyens ne sont pas toujours au rendez-vous. On peut aussi déplorer l'absence de sensibilisation des musées territoriaux....

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat a toujours joué un rôle moteur dans la réflexion sur les modalités d’une gestion plus éthique de nos collections publiques. C’est la chambre haute qui fut à l’initiative, grâce à notre ancien collègue, Nicolas About, de la loi relative à la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman, dite « la Vénus hottentote », à l’Afrique du Sud, loi qui a été promulguée en 2002. C’est elle aussi qui, par mon intermédiaire, fut à l’initiative de la loi visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections, définitivement adoptée en 2010. C’est le Sénat e...

… alors qu’il est pourtant le seul habilité à autoriser la sortie de biens culturels des collections. Le législateur a la compétence exclusive de faire exception au principe d’inaliénabilité des collections, qui est de valeur législative. Malgré ce principe, soit le Parlement a été sollicité pour entériner la restitution de biens culturels que le Président de la République ou le Gouvernement s’était déjà engagé à rendre – ce fut le cas pour le sabre revendiqué par le Sénégal et pour le trésor d’Abomey revendiqué par le Bénin –, soit il a été contourné, dès lors que l’on a remis aux pays concernés les biens qu’ils revendiquaient sous la forme d’un dépôt. Ce fut la méthode retenue par le Gouvernement pour restitue...

...aires et quelques boursiers de bonne volonté… Dans l’intervalle, j’estime que nous devons nous doter d’une méthode nous permettant de répondre aux demandes. À défaut, le fait du prince s’exercera. Si nous légiférons sur l’initiative du président de notre commission, c’est d’ailleurs parce que nous avons entendu le Président de la République se prévaloir du fait du prince lors de la cérémonie de restitution au quai Branly. Nous le prenons au mot et nous formulons immédiatement des propositions utiles à la Nation et à notre travail partagé. En effet, que vous le vouliez ou non, cher Julien Bargeton, le fait du prince est une réalité. La restitution de biens à la République du Bénin et à la République du Sénégal a été décidée et annoncée avant même que le Parlement en ait débattu. N’ayant pas même ét...

...après année, gouvernement après gouvernement, de ne rien faire. La mise en place de la Commission scientifique nationale des collections a pris trois ans. Puis, aucun moyen n’a été alloué au groupe de travail spécifique sur les restes humains, pourtant demandé par le Parlement, à l’unanimité de la représentation nationale. J’ai appris récemment qu’il avait été envisagé d’inscrire les critères de restitution établis par ce groupe de travail dans la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite « loi LCAP », mais que cette option avait été écartée. Si les critères de restitution des œuvres illicitement acquises figurent pour leur part dans ce texte, nous avons appris lors de nos auditions que le décret n’avait pas été publié. Madame la...

Je serai brève sur l'historique et les enjeux de cette proposition de loi, car vous avez encore tous sans doute à l'esprit les débats que nous avions eus, il y a un an, au sujet du projet de loi de restitution de biens culturels à la République du Bénin et du Sénégal, et dans le cadre de cette mission d'information. Les demandes de restitution constituent une question complexe, parce qu'elles mettent en jeu le principe d'inaliénabilité de nos collections et questionnent la légitimité du projet universel des musées, deux pierres angulaires de nos institutions patrimoniales. C'est pourquoi il faut les ...

Mes chers collègues, je vous remercie de vos propos chaleureux, qui soulignent l'excellent travail de notre commission et l'engagement du Sénat sur ce dossier. Monsieur Bargeton, il n'y a aucune réticence. Le Sénat est même très allant sur ces questions. Il a initié le mouvement de restitution au tournant des années 2000 et invité le ministère de la culture à se saisir du sujet. Car, comme l'a souligné Thomas Dossus, il y a urgence à engager des coopérations culturelles. Malheureusement, le ministère n'a pas été au rendez-vous. Notre ancien collègue Philippe Richert avait même tapé du poing sur la table, car la première commission de déclassement qu'il avait instaurée dans la loi Musée...

...té. L'amendement COM-2 tend à confier une nouvelle mission au conseil en l'autorisant à formuler des recommandations sur la méthodologie et le calendrier des travaux consacrés à la recherche de provenance. Il s'agit de donner une impulsion politique aux travaux de recherche de provenance, qui sont indispensables pour répondre avec respect et dans le souci de la vérité historique aux demandes de restitution et aux interrogations des publics sur la légitimité de nos collections. Tous les musées doivent se lancer dans cette démarche : autant qu'ils aient une méthode et un calendrier. C'est une tâche gigantesque qui peut prendre des années si elle n'est pas encadrée. Bien entendu, il faudra aussi que le Gouvernement octroie aux institutions patrimoniales les moyens de mener à bien cette mission. Le ma...

L'amendement COM-3 vise à prévoir la consultation obligatoire des experts scientifiques des pays demandeurs lorsque le Conseil national prépare son avis sur une demande de restitution. L'objectif est de renforcer le caractère partenarial de la procédure d'examen des demandes de restitution, parce qu'il paraît important, par respect pour les pays demandeurs, que leur point de vue soit pris en compte, mais aussi parce que c'est le meilleur moyen de construire de vraies procédures de coopération dans le domaine culturel et patrimonial. Ce pourrait être l'occasion de réfléchir au...

Par l'amendement COM-7, je propose une nouvelle rédaction globale de l'article 2. Il s'agit d'un véritable cadre général fixant la procédure et les conditions de restitution des restes humains par l'administration qui en est propriétaire. Cette rédaction instaure une procédure en deux étapes. La première est destinée à faire automatiquement sortir des collections un certain nombre de restes humains dès lors qu'ils répondent à une série de critères, se traduisant par une inscription provisoire sur un inventaire transmis aux États d'origine de ces restes. La seconde p...

..., car elles permettent d'attirer votre attention sur les critères que nous avons établis. L'objectif n'est pas de restituer tous les restes humains qui demeurent au sein de nos collections. Nous avons souhaité circonscrire le périmètre du dispositif. Il y a par exemple des communautés et des groupes humains contemporains dont les croyances et traditions perdurent, ce qui justifie les demandes de restitution. Les critères que nous avons retenus visent bien à identifier les restes humains qui n'ont rien à faire dans nos collections, d'où la référence à l'absence de recherches scientifiques. Les crânes n'ont rien à faire exposés dans les vitrines. Nous avions honte que des têtes maories restent dans nos réserves, et il était intolérable d'avoir le cadavre de la Vénus hottentote à la vue de tout le mo...

...cours de Ouagadougou, mais également le premier texte législatif faisant sortir des collections des œuvres et objets d’art. Nous savons qu’il existe déjà des demandes pendantes et que d’autres suivront. Les enjeux de ce texte dépassent donc très largement son objet, d’où les inquiétudes que nous avions presque tous exprimées concernant les conditions dans lesquelles le débat public en matière de restitutions avait pu se tenir – si tant est que l’on puisse parler de débat, dans la mesure où les décisions ont relevé du Président de la République et du Gouvernement, sans concertation préalable et avec une simple validation de notre part a posteriori, alors même que le Parlement est seul habilité à faire sortir des biens des collections nationales. C’est ce qui avait amené la Haute Assemblée à i...

... transfert physique sur le territoire béninois. Quoi qu’il en soit, cela signifie que les deux premiers articles ont été adoptés conformes et qu’ils ne sont plus en discussion dans le cadre de la navette parlementaire. Le nœud du problème – je ne saurais trop y insister – est les profondes divergences de fond que nous avons avec l’Assemblée nationale sur la manière d’appréhender les modalités de restitution, c’est-à-dire la méthode. Les discussions que nous avons eues au moment de la commission mixte paritaire l’ont d’ailleurs montré. Schématiquement, d’un côté, le Sénat fait valoir la nécessité d’une procédure pérenne, transparente et démocratique – Pierre Ouzoulias l’a rappelé –, permettant un débat contradictoire auquel la communauté scientifique pourrait et même devrait publiquement prendre par...

Le Sénat avait unanimement souscrit, en première lecture, au retour des biens culturels revendiqués par le Bénin et le Sénégal, moyennant quelques modifications sémantiques visant à rendre les dispositions du projet de loi plus conformes à la réalité : nous avions ainsi substitué, dans les articles 1er et 2, le mot « transférer » au mot « remettre », et le mot « retour » au mot « restitution » dans le titre. Le Sénat avait par ailleurs défendu une position très cohérente compte tenu des inquiétudes que nous avions presque tous exprimées concernant les conditions dans lesquelles le débat public en matière de restitutions avait pu se tenir - si tant est que l'on puisse parler de débat, dans la mesure où les décisions ont relevé du Président de la République et du Gouvernement, sans co...

J'ai été très profondément heurtée par la manière dont tout cela s'est passé, car j'ai fait partie de celles et ceux qui, depuis longtemps, ont milité pour de telles restitutions, à commencer par la restitution des têtes maories à la Nouvelle-Zélande. Or, le Parlement a été contourné ; on a évité un débat national qui aurait permis d'impliquer tout le monde dans la réflexion et le geste du retour. Tout cela est contreproductif et a crispé les positions des uns et des autres. Le Parlement, pris à revers une première fois, risque d'opposer à l'avenir un refus systématique....

... à contribuer au désir de la jeunesse africaine de connaître et de s’approprier son histoire ? Comment ne pas être favorable à l’objectif de renforcer notre dialogue avec l’Afrique, ce continent ami, par le biais d’une coopération culturelle et patrimoniale accrue ? Ce n’est en tout cas pas le Sénat qui pourrait contester ces deux points, lui qui a été à l’initiative tant des deux seules lois de restitution que notre pays ait jamais adoptées que de la consécration législative des droits culturels. À la différence d’autres demandes, qui portent aujourd’hui sans discernement sur l’ensemble des biens conservés dans nos collections et originaires d’un pays d’un pays donné, quelles que soient leur importance ou la manière dont nos musées les ont acquis, les revendications du Bénin et du Sénégal portent ...

...de ce projet de loi va bien au-delà de son simple objet. Certains seront déçus qu’il n’ait pas été l’occasion de poser un cadre général ; d’autres, au contraire, craignent l’effet d’entraînement qu’il pourrait avoir. Ces points de vue contradictoires révèlent toute la complexité du sujet. Ils démontrent aussi combien nous sommes conscients de l’ampleur que sont appelées à prendre les questions de restitution dans les années à venir, eu égard aux revendications toujours plus nombreuses que l’on observe dans le cadre de l’Unesco ou d’autres enceintes internationales. En même temps, nos débats en commission ont révélé notre profond attachement au principe d’inaliénabilité des collections, véritable « colonne vertébrale » de nos musées. D’où la nécessité de définir une procédure qui permette à la fois d...

...Les amendements identiques n° 5 et 7 suppriment l'article visant à instaurer un Conseil national que nous avons introduit en commission en vue de garantir à l'avenir une méthode dans l'examen des prochaines réclamations de biens culturels présentées par des États étrangers. Ce conseil est un garde-fou, destiné à garantir que le temps politique et diplomatique, évidemment inhérent aux demandes de restitution, sera précédé d'un temps scientifique, au cours duquel les autorités scientifiques pourront faire valoir leur avis. Il s'agit d'un outil protecteur pour contenir le risque de fait du prince, qui est très redouté sur ces questions, mais aussi pour éclairer les autorités politiques, qui ont la lourde responsabilité de trancher sur une matière délicate, sujette à de multiples pressions, compte tenu ...