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rapporteur. – Nous avons été très surpris des réactions parfois violentes qui ont accueilli ce rapport. J’ai ainsi été présenté comme « un sénateur communiste qui défend des intérêts privés de multinationales monopolistiques » ! Les modes de publication sont très divers, notamment entre les disciplines, le domaine des sciences exactes différant ainsi de celui des sciences humaines. Il serait faux, pourtant, de considérer que la publication publique serait vertueuse alors que la publication privée devrait être écartée : les deux sont imbriquées et beaucoup de revues privées aux mains d’associations sont entièrement gérées par des chercheurs publics. Il y a eu trois temps majeurs dans le domaine : durant le premier, le...
...olution énorme de la publication scientifique depuis la numérisation. Un chercheur ne travaille pas aujourd’hui comme il y a vingt ans. On peut chercher un mot-clé dans la totalité de la littérature grecque et romaine ! C’est un changement radical que l’on ne doit pas remettre en question, car il permet des recherches qui étaient impossibles auparavant. Pour autant, les formes de validation de la science n’ont pas changé, avec le rôle des pairs, la présence de comités éditoriaux, etc. Néanmoins, des revues prédatrices sont nées et sont beaucoup moins regardantes. Il est vrai que l’accès aux revues les plus chères est complexe en France et plus encore dans les pays moins développés, et que la pratique du piratage est généralisée, parfois à l’initiative des chercheurs eux-mêmes. Je vous conseille...
Je le répète avec force, nous ne faisons pas le procès de la science ouverte, qui est une idée généreuse à laquelle on ne peut qu'adhérer : nous ne contestons pas que le plus grand nombre doit pouvoir profiter de la recherche publique. En revanche, nous trouvons qu'il est peut-être préjudiciable pour la recherche que cette politique soit systématiquement mise en oeuvre, et qu'elle obéisse à des présupposés quelque peu dogmatiques et mécaniques. Si le Mesri contin...
...nier, la Cour des comptes a noté que la politique gouvernementale en matière de bibliothèques universitaires, d'information et de publications est un enchevêtrement incompréhensible de différents dispositifs parfois antagonistes. Une trentaine de politiques à vocation nationale ont été recensées et ne sont pas coordonnées, les opérateurs eux-mêmes s'ignorent les uns les autres : le Comité pour la science ouverte (CoSo), le Comité d'orientation du numérique, le Comité stratégique de la transition bibliographique, etc. Personne ne peut se repérer dans cet empilement stratigraphique, qui pourrait presque faire plaisir à l'archéologue que je suis. Par manque de temps, nous n'avons pas traité le problème de la pérennisation des données publiques. Dans l'activité du chercheur, il faut distinguer les d...
La question me semble être celle de la répartition de la valeur. Comment est-elle créée, qui en profite, comment peut-on la gérer ? Bien évidemment, elle est créée à la fois par le recueil des données et par la production scientifique. De plus en plus, notamment dans les sciences dures, les articles sont publiés par des auteurs collectifs - on compte parfois 300 signataires. En sciences humaines et sociales, il y a de plus en plus de coécritures, et il n'est pas toujours facile de distinguer entre les auteurs. Ne nous voilons pas la face, il y a aussi des formes d'accaparement de la production scientifique, notamment dans certaines disciplines où les directeurs de recher...
On peut apporter des nuances sur de nombreux éléments. Les grands éditeurs trouveront peut-être dans ce rapport de la matière pour justifier l'existence de leur modèle économique, mais l'outil de la science ouverte ne permettra pas de démanteler les monopoles qui ont été constitués, parce que ces grands éditeurs sont déjà en train de faire évoluer leur modèle.
Absolument. Lorsque les marges sont aussi importantes, on ne va pas chercher l'auteur. Les choses sont similaires pour les livres : beaucoup d'ouvrages, notamment en sciences humaines, sont totalement financés : l'auteur arrive avec un plan de financement intégral, et l'éditeur ne prend de risque que lors de la vente, sur laquelle il fait 100 % de marge, ce qui est particulier...
... reste représente un bénéfice. Qu'un ouvrage finisse en accès libre ne représente donc pas un problème. Au niveau international, nous avons eu une audition organisée avec le concours de l'ambassade de France aux États-Unis, lors de laquelle un panel de chercheurs américains de haut niveau nous a pris complètement à rebrousse-poil, en nous disant que la France était à la pointe du progrès pour la science ouverte au niveau mondial, et que nous devions défendre cela. Nous étions un peu embarrassés devant ce discours militant nous demandant de casser les reins des grands éditeurs, avec l'idée que Springer et Google menaient le même combat...
Tant que l'indépendance éditoriale de ces petites maisons est préservée, le chercheur bénéficie de garanties qu'il n'aurait pas avec des acteurs plus importants. La Découverte fait ainsi un travail exceptionnel dans le domaine des sciences humaines et sociales. Il n'y a pas de censure, mais une ligne éditoriale construite autour du respect de la loi et de la probité scientifique, et cela même si nous savons bien qu'il y a souvent des grands groupes derrière.
Il ne faudrait pas avoir une vision manichéenne, dans laquelle il y aurait les méchants et les bons, les derniers étant favorables à la science ouverte et les premiers y étant défavorables. En tant que chercheur, lorsqu'un collègue m'a demandé un article ou un ouvrage, je le lui ai toujours envoyé. Je pense que le président de l'Office ne dirait pas autre chose.
La diffusion se fait donc aisément dans le milieu le plus intéressé. L'humanité attend peut-être avec impatience la parution de votre prochain article, monsieur le président, mais je doute que ce soit le cas pour le mien... Nous devons donc éviter les caricatures et prétendre que la science ouverte changera tout.
...is nous n'avons pas de chiffres à disposition. Se pose le problème plus général de la valorisation du travail de recherche. Au moment de la Covid-19, tous les éditeurs ont mis en ligne gratuitement les articles, nous le rappelons dans le rapport. Cela a eu un effet évident sur la recherche. La valorisation a été intense et évidente. Une autre forme de valorisation peut être la participation des sciences humaines et sociales à la construction du débat politique. Nos concitoyens achètent en masse des ouvrages d'histoire. L'Histoire mondiale de la France, par exemple, que j'ai déjà évoquée, enseigne que l'identité de la France doit être regardée de l'extérieur pour être comprise. C'est un ouvrage passionnant qui pourrait même contribuer au débat de la campagne électorale en cours... Or cette parti...
...céres) incluent-elles une mention spéciale pour les travaux présentant une sensibilité stratégique particulière afin que les chercheurs concernés ne soient pas soumis aux mêmes règles d'évaluation que les autres et puissent s'abstenir volontairement de publier les résultats de leurs recherches sans que leur absence de publication soit considérée comme une faute ? Cela favoriserait une prise de conscience chez certains scientifiques. Je suis internationaliste par culture, mais cela ne m'oblige pas à adopter un irénisme béat : certains chercheurs étrangers se passionnent pour les baleines à Brest, sans que cela ait quoi que ce soit à voir avec la biologie marine...
...rité scientifique d'un mathématicien n'est pas celle d'un archéologue. Toutefois, je tiens à préciser que si les parlementaires sont intervenus dans ce débat, c'est bien à la demande des scientifiques eux-mêmes : au fil de nos auditions, tous ont fait le constat que les mécanismes d'autorégulation ne fonctionnaient plus, et en ont appelé au soutien du législateur. Il y a une véritable prise de conscience par les scientifiques de la réalité d'un phénomène qui les dépasse, et qu'ils n'arrivent plus à contrôler. Parmi les dispositions du code de la recherche introduites par la LPR, il en est une qui nous intéresse particulièrement : l'obligation faite aux chercheurs publics de déclarer leurs potentiels conflits d'intérêts lorsqu'ils participent à une mission pour les pouvoirs publics ou le Parlemen...
Quand, sur la base d'un article scientifique faisant un lien entre vaccination et autisme, on en vient à limiter la protection vaccinale, cela a pour conséquence une baisse des vaccinations, puis des morts supplémentaires de la rougeole. On n'est déjà plus dans le domaine de l'intégrité scientifique, mais dans le champ pénal. Un chercheur doit avoir conscience que certains de ses actes peuvent avoir des conséquences majeures en termes de santé publique. Dans la façon dont la population française a réagi au vaccin contre la Covid-19, on peut trouver des traces de cette méfiance. Il s'agit donc vraiment d'un sujet grave. Le numérique et l'internationalisation ont complètement modifié les enjeux de l'intégrité scientifique. À l'époque de Pasteur, avec un...
...rès difficile. Ces années de travail changent l’esprit ; elles changent une personne. Il est essentiel que la société le reconnaisse. Une fois sa thèse soutenue, le docteur, incorporé à une discipline, est en mesure d’intervenir sur ses paradigmes et sur les modes de probation du discours scientifique. C’est ce qui le distingue des ingénieurs, par exemple, tournés plutôt vers l’application de la science. Ce statut scientifique particulier doit être couronné par l’instauration d’une forme de serment d’Hippocrate du docteur. C’est ce que je propose, peut-être maladroitement : de même que le médecin prête serment de respecter un certain nombre de règles propres à sa discipline, le docteur, à la fin de sa soutenance, prêterait un serment manifestant de façon très symbolique son incorporation dans s...
Dans la continuité de l’amendement n° 104 que vous m’avez fait l’honneur d’adopter, mes chers collègues, le présent amendement vise à faire porter de façon privilégiée l’action de l’Agence nationale de la recherche sur les publications en langue française. Il est très important de soutenir les éditeurs, notamment en sciences humaines et sociales, qui rencontrent les plus grandes difficultés à continuer à exister aux côtés des grandes revues mondiales que nous avons évoquées précédemment. Si nous voulons que des recherches en sciences humaines continuent d’être publiées en français, nous devons aider ces éditeurs – nous pouvons réfléchir ensemble aux mécanismes qui le permettraient. Compte tenu des moyens dont elle ...
Ce débat sur le préciput est très intéressant, bien qu’extrêmement technique. Madame la ministre, vous tentez de résoudre une contradiction forte : si l’essentiel des financements de ce projet de loi de programmation de la recherche passe par l’ANR, vous avez conscience, comme nous, qu’il est essentiel que les équipes et les établissements soient aussi financés par ailleurs. Nous avons unanimement souligné, ici même, au Sénat, l’importance d’assurer un équilibre entre ces deux types de financement. Vous utilisez le préciput d’une façon quelque peu détournée pour alimenter les ressources propres de ces équipes. C’est une politique très difficile, parce qu’à dema...
Madame la ministre, permettez-moi de vous répondre rapidement. Les chiffres que vous annoncez sur l’appel à projets Flash covid-19 sont tout à fait justes. Toutefois, si les sciences humaines ont bénéficié d’un fort taux de réponses favorables, cela s’explique par le fort taux de réponses favorables de l’ANR – autour de 50 % – toutes disciplines confondues. Tous les chercheurs que j’ai rencontrés m’ont indiqué qu’ils étaient très satisfaits de ce taux. Ils souhaiteraient qu’il en soit toujours de même, car cela permet de financer beaucoup plus de projets. Or l’objectif que v...
... ils voulaient, quelle que soit la durée proposée. Le code de l'éducation contient énormément de dispositions qui permettent d'embaucher hors contrat ; c'est pourquoi, d'ailleurs, l'enseignement supérieur et la recherche est le domaine de la fonction publique où les précaires sont les plus nombreux, soit 50 % des effectifs environ. Pourquoi ajouter de nouveaux outils en ce sens ? Par ailleurs, la science française est extrêmement attractive ; les candidats aux concours du CNRS sont ainsi beaucoup plus nombreux que les postes à pourvoir. À l'inverse, certains points que nous eussions aimé trouver dans ce texte brillent par leur absence. Vous l'avez dit, madame la ministre : la science a passé un très mauvais été. Ce discrédit de la parole scientifique pose un problème politique majeur. Nous dev...