Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission examine les rapports pour avis de MM. Philippe Nachbar, Vincent Éblé, Mmes Maryvonne Blondin, Corinne Bouchoux et M. Jean-Pierre Leleux sur les crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2014.
Le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est le seul de la mission « Culture » dont les crédits sont consolidés en 2014. Les autorisations d'engagement progressent de 0,7 % par rapport à 2013 pour atteindre 1 081 millions d'euros, ce qui témoigne des priorités affichées.
L'accent est mis sur l'enseignement supérieur, dont les crédits augmentent de 7,2 % en autorisations d'engagement pour atteindre 249 millions d'euros, et de 9,6 % en autorisations d'engagement, avec 239 millions. En application de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, des réformes structurelles ont été entreprises, telles que la transformation des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) en communautés d'universités et d'établissements, mais aussi des réformes de gouvernance avec l'instauration d'une tutelle conjointe aux ministères de la culture et de l'enseignement supérieur et de la recherche.
La hausse des crédits doit aider les établissements à s'adapter au changement. Les dépenses de fonctionnement, fixées à près de 139 millions d'euros, sont en hausse de 5,7 %. Les écoles nationales supérieures d'architecture bénéficient de la plus forte augmentation. 5 millions d'euros sont prévus pour la titularisation de leurs enseignants, aux statuts très variés. La hausse de 4,2 millions des dépenses d'investissement doit rendre réalisables les travaux nécessaires à la modernisation des établissements ou le financement de projets tels que l'ARTEM de Nancy, alliance entre les Beaux-Arts, l'École des mines et l'ICN Business school. Je souhaite que d'autres projets de cette nature se développent partout en France.
Les crédits d'intervention permettront, en 2014, d'accorder plus de bourses sur critères sociaux et de renforcer la structuration du réseau des écoles d'art sous forme d'établissements publics de coopération culturelle.
La deuxième tendance de ce budget est une légère baisse des crédits des trois actions relatives au fonds de soutien du ministère, à l'action culturelle internationale, ainsi qu'au soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle. Les crédits de cette action diminuent, mais l'enveloppe consacrée à l'éducation artistique augmente. Celle-ci est désormais inscrite dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République. Une circulaire commune aux ministres de la culture et de l'éducation nationale, signée en mai 2013, a en outre institué le « parcours d'éducation artistique et culturelle ». Les crédits déconcentrés consacrés à la mise en oeuvre de ce parcours s'élèvent en 2014 à 7,5 millions d'euros. Au total, plus de 38 millions d'euros sont consacrés à l'éducation artistique et culturelle, soit une augmentation de 5 millions d'euros.
Ces évolutions positives suscitent toutefois deux types de craintes de la part des nombreux acteurs et en particulier chez les représentants des élus locaux : d'une part, celle du désengagement du ministère de l'éducation nationale, qui pourrait être tenté de s'appuyer sur l'action du ministère de la culture ; d'autre part, celle de la tentation de faire basculer les actions de l'éducation artistique et culturelle du temps scolaire vers le temps périscolaire.
Au sein du programme 224, on observe enfin une diminution de 31 % des crédits de l'action « Soutien aux établissements d'enseignement spécialisé » - c'est-à-dire les conservatoires pour l'enseignement de la musique, de la danse et de l'art dramatique -, après une baisse de 25 % l'an passé. Leur budget a ainsi été divisé par deux en deux ans, puisqu'il est passé de 30 millions à 15 millions d'euros. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales avait organisé la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'État en matière d'enseignement artistique. Dans l'attente de la mise en oeuvre de cette décentralisation, j'avais souhaité que les crédits de l'État soient sanctuarisés. Or, le désengagement de l'État implique une hausse des dépenses des collectivités territoriales, aujourd'hui aidées à hauteur de 6 % au moyen des crédits déconcentrés. Un dialogue efficace doit s'établir d'urgence entre l'État et les collectivités territoriales.
Compte tenu de ces observations, je m'en rapporterai à la sagesse de la commission pour l'adoption des crédits de ce programme.
Ce budget suscite une vive inquiétude. Cela fait maintenant deux ans que j'attire l'attention sur la baisse des crédits dédiés à l'éducation artistique et culturelle, que Frédéric Mitterrand avait préservés. La décentralisation de cette politique est loin d'être achevée. Le bien-fondé de la réforme n'est pas contesté, mais on ne peut lâcher le système dans la nature sans l'avoir organisé, d'autant qu'en période de crise, les départements se recentrent sur le coeur de leurs compétences, et se désengagent de la culture, laissant aux communes le soin de financer les établissements. Les professionnels craignent l'instauration d'un système à deux vitesses. Une pétition, qui a déjà recueilli 14 000 signatures, a même été lancée à Châlons-sur-Saône.
L'État doit dialoguer avec les collectivités territoriales. Mais à ce jour, je n'ai pu obtenir de rendez-vous avec Mme Filippetti pour lui parler de ce dossier. Mme Escoffier m'a assuré qu'elle tiendrait compte de nos inquiétudes dans le cadre de l'acte III de la décentralisation, mais le saucissonnage de la réforme en trois textes ne facilitera pas les choses. On ne peut organiser l'éducation artistique et culturelle si l'on n'organise pas l'enseignement spécialisé. Les enfants qui se découvrent des talents doivent avoir accès à ces enseignements.
Le risque de transfert de l'enseignement artistique et culturel vers le temps périscolaire est réel. Les petites collectivités, notamment rurales, ont déjà du mal à mettre en oeuvre la réforme des rythmes scolaires... Elles ne manquent pourtant pas d'ambition pour les enfants : il faut leur donner les moyens de les réaliser.
Merci pour ce rapport très complet. Attention toutefois à la confusion des termes : l'éducation artistique n'est pas remise en cause au sein des « parcours d'éducation artistique », qui organisent la complémentarité entre temps scolaire et temps périscolaire. Dans le premier degré, les enseignants doivent proposer des activités artistiques dans leur temps d'enseignement. Dans le second degré, s'il faut rester vigilant sur le nombre de professeurs, l'on peut se féliciter du nombre d'options artistiques proposées au baccalauréat. Les parcours d'éducation artistique consistent à offrir davantage aux enfants en complément des activités proposées dans le temps scolaire. Les crédits baissent légèrement mais cette politique n'est pas remise en cause.
Il ne faut en tout cas pas dire que l'éducation artistique à l'école est menacée. Nous devons veiller à enrichir l'offre d'enseignements artistiques en dehors du temps scolaire : les territoires ont là un rôle majeur à jouer dans le soutien aux établissements spécialisés. Il faut en outre se battre pour que les Drac attribuent des crédits aux établissements qui incluent l'éducation artistique dans leurs projets.
Les conservatoires perdent successivement 25 % et 31% de leurs financements en deux ans. Cette baisse va avoir des conséquences financières graves pour les communes, qui doivent déjà faire face à la baisse de la dotation de l'État. Cela ne me convient pas du tout.
L'éducation artistique fait partie des programmes officiels mis en oeuvre dans le temps scolaire. La ministre a écrit aux membres du Conseil supérieur des programmes pour insister sur son caractère obligatoire : elle est donc consolidée pour l'avenir.
Nous sommes passés tout près de la suppression des bourses aux élèves des conservatoires. En outre, les crédits de l'action culturelle internationale diminuent, sans que l'on sache dans quelle mesure le ministère des affaires étrangères prendra le relais. Nos réseaux culturels à l'étranger, dont Culture France, risquent d'être particulièrement touchés.
Je n'ai compétence que sur l'action n° 6, qui entend renforcer la place de la culture dans l'Union européenne - action essentiellement symbolique -, favoriser les échanges interculturels, accompagner les professionnels de la culture et les artistes étrangers, ainsi que valoriser l'expertise et le savoir-faire français. Les crédits qui lui sont affectés sont modestes : de l'ordre de 6 millions d'euros.
Je transmettrai les inquiétudes que vous avez exprimées sur le risque de transfert de charges sur les collectivités. L'éducation artistique et culturelle ne fait que commencer, puisque la convention relative aux parcours n'a été signée que cette année, mais l'on comprend l'inquiétude des associations d'élus locaux. Dans la présentation de la mission, le ministère de la culture indique que le parcours d'éducation artistique et culturelle s'inscrit dans une perspective globale et partagée visant à construire les apprentissages pendant et en-dehors du temps scolaire. J'attirerai l'attention en séance sur le risque que le temps périscolaire ne l'emporte sur le temps scolaire.
Nous en venons à présent au rapport de Mme Maryvonne Blondin sur l'action n° 1 du programme « Création ».
Les crédits du programme « Création » destinés au spectacle vivant permettent au ministère de la culture de maintenir les priorités du secteur dans un contexte budgétaire contraint. C'est important car ce secteur contribue au dynamisme économique de notre pays.
L'action n° 1 du programme, dédiée au spectacle vivant, bénéficie de 683 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui représente une baisse de 4,2 %, et de 664 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une diminution de 2,2 %. Les priorités en matière de diversité et de renouvellement de l'offre culturelle à toutes les étapes de la création, priorités affichées, sont préservées.
Les dépenses d'intervention sont en hausse de 4,5 millions d'euros, mais 5,7 millions des crédits centraux sont destinés à la Philharmonie de Paris. L'accumulation des retards et surcoûts devient très inquiétante et difficilement justifiable aux yeux des autres acteurs du secteur qui y voient un phénomène de concentration des dépenses au profit d'un projet parisien devenu incontrôlable. Si les collectivités territoriales géraient leurs budgets et leurs chantiers de cette façon, elles seraient jugées gravement irresponsables !
Les crédits déconcentrés d'intervention sont stabilisés à près de 284 millions d'euros, et permettent de maintenir un effort soutenu de l'État en direction des territoires.
« L'écosystème » du spectacle vivant a bénéficié d'un arbitrage particulièrement favorable avec le dégel des crédits intervenu dès le mois de juillet 2013. Le projet annuel de performances instaure un nouvel indicateur, qui mesure la durée moyenne des spectacles sur une saison et dans un même lieu. Un tel objectif d'allongement du nombre de représentations devrait avoir un impact positif sur l'emploi et sera source d'économies.
Le secteur du spectacle vivant est particulièrement sensible aux aléas budgétaires - surgels et annulations de crédits -, car les programmations sont définies jusqu'à quatre ans à l'avance. Mais les régimes de TVA sont source d'encore plus de complexité. Les règles applicables aux recettes des salles de spectacle varient en fonction du type de spectacles, du nombre de représentations, mais aussi des modalités de consommation : les billets pour spectacle de variétés sont taxés à 19,6 %, bientôt 20 % si les consommations sont obligatoires ou pendant le spectacle, mais à 5,5 %, si la consommation est facultative ou hors séance ! Or ces modalités dépendent des concessionnaires, qui varient selon les lieux et dans le temps. Les acteurs du secteur réclament un cadre fiscal plus stable.
Le taux de TVA applicable aux artistes auteurs passera prochainement à 10 %. Ceux-ci sont au coeur de la création mais ne bénéficient pas des taux réduits prévus pour la billetterie des salles de cinéma ou de spectacle, ou encore pour les importations d'oeuvres d'art. Le manque à gagner induit par un taux réduit pour les droits d'auteur serait important - l'État l'a évalué à 60 millions d'euros - mais la défense de la place des artistes auteurs devrait être une priorité. Il est incohérent de traiter différemment les artistes et leurs productions.
L'article 31 du projet de loi de finances abaisse le plafond de la taxe affectée au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), de 27 à 24 millions d'euros, alors que l'on estime son rendement à 24,3 millions en 2013. Cette décision s'inscrit dans la logique d'effort budgétaire global mais soulève des difficultés, car le CNV joue un rôle moteur pour les entreprises du secteur : l'abaissement du plafond diminuera les aides sélectives qui soutiennent les structures les plus fragiles et remettra en cause une partie du droit de tirage, contrepartie du paiement de la taxe. La ministre s'est d'ailleurs engagée à défendre un relèvement du plafond à 24,3 millions d'euros.
Une piste mériterait d'être exploitée : l'évaluation, en heures travaillées, du temps de travail des intermittents, afin que les entreprises du spectacle vivant bénéficient du crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi.
Depuis trois ans, les efforts de structuration du secteur ont permis de faire d'importants progrès. La circulaire du 31 août 2010 relative aux réseaux et labels a généralisé la conclusion de conventions d'objectifs pluriannuelles, puisque 72% des structures étaient conventionnées en 2012. Leurs modalités de signature devraient être davantage simplifiées.
Le cas des musiques actuelles illustre parfaitement les effets de la structuration du secteur. Le plan Smac dédié aux scènes de musiques actuelles a permis de dégager des crédits croissants, qui représentaient 9,6 millions d'euros en 2014. Le label Smac concerne aujourd'hui 82 équipements - mais en principe un par département. Pour les autres, l'État a mis en place des schémas d'orientation des lieux de musiques actuelles (Solima), qui associent les acteurs des musiques actuelles, l'État, et les collectivités territoriales. Celles-ci jouent un rôle essentiel pour l'ensemble du secteur du spectacle vivant, même si leurs dépenses culturelles ont parfois baissé.
Enfin, l'État a renforcé la dimension sociale du secteur. Un fonds de formation professionnelle continue pour les artistes auteurs, dont la gestion est confiée à l'assurance formation des activités du spectacle (Afdas), a été mis en place en 2013 et devrait financer 6 000 à 7 000 formations par an. La ministre de la culture a en outre adressé aux préfets de région, le 22 février 2013, une circulaire destinée à préciser les modalités de recrutement des dirigeants dans les structures labellisées et les réseaux du spectacle vivant, énonçant clairement l'objectif de parité.
L'examen du projet de loi d'orientation de la création artistique annoncé par la ministre pour 2014 sera l'occasion de revenir sur tous ces sujets, qui suscitent de nombreuses attentes de la part des acteurs du secteur.
Je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de cette action du programme « Création ».
La multiplication des taux de TVA rend le système trop complexe. La hausse de la TVA sur les artistes est particulièrement contestable : le spectacle vivant, c'est d'abord de l'humain. Le rapport sur les intermittents sera particulièrement important à suivre ; des pistes d'économies existent. Je voterai ces crédits.
Depuis 2012, les crédits dédiés à la création ne cessent de diminuer : les inquiétudes des professionnels sont bien légitimes. Les gels, dégels et redéploiements de crédits rendent impossible toute prévisibilité de leur activité, qui s'inscrit sur deux ou trois années. Sans compter que les recettes d'exploitation diminuent, de près de 20 % dans certains établissements. Le secteur traverse une crise grave. Il est victime d'une double peine, puisque les dotations aux collectivités sont amputées de 1,5 million d'euros, les empêchant ainsi de compenser les crédits manquants.
Le projet de loi d'orientation de la création tarde à venir, ainsi que celui sur la décentralisation. Les inquiétudes de nos concitoyens grandissent. Je ne voterai pas ces crédits.
Que la culture ne soit pas considérée comme une priorité dans cette période de crise, cela se conçoit. En effet, le secteur de la musique, qui avait particulièrement souffert de l'émergence du numérique pendant quinze ans, semble à présent relever la tête, grâce au développement de l'offre légale en ligne et à la vigueur de l'activité de spectacle et de concert. La scène n'a jamais généré autant de revenus qu'aujourd'hui. Le relèvement du taux de TVA sur les produits culturels et la baisse de celui sur la scène n'est donc pas illogique, compte tenu de l'évolution de cet écosystème.
Les choses ne me semblent aussi imprévisibles que vous le suggérez : la baisse régulière des crédits que nous observons depuis l'année dernière se poursuivra de manière certaine si rien n'est fait pour l'enrayer. Nous ne partageons pas l'idée de la ministre qui entend faire contribuer son budget aux sacrifices de tous. La culture, comme l'éducation, devrait être une priorité.
Un mot sur la Philharmonie de Paris : l'absence d'équipement de cette nature était un problème dénoncé par tous. Le projet présente en outre un volet pédagogique tout à fait intéressant. Cela n'excuse pas le dérapage financier, mais nous ne pouvons pas cacher la misère du budget de la culture derrière la Philharmonie. Nous ne pouvons pas adopter ces crédits.
Ce rapport est inquiétant. Des moyens supplémentaires étaient demandés pour la culture il y a à peine deux ou trois ans. C'est un monde particulier, en attente. Après avoir bénéficié pendant quelques décennies de moyens importants, il est particulièrement touché aujourd'hui.
Les moyens du CNV diminuent. Souvenez-vous que sa réforme était demandée il n'y a pas deux ou trois ans.
Notre commission a beaucoup travaillé sur la question du marché noir des billets de spectacle. Nous avons eu gain de cause, mais il faudrait évaluer l'efficacité du système mis en place. Je doute que nos objectifs soient atteints, en dépit de quelques procès retentissants qui ont marqué les esprits.
Le rapport Lescure relatif à l'acte II de l'exception culturelle a relayé l'idée de créer un droit voisin du droit d'auteur au bénéfice des auteurs du spectacle vivant. À l'heure de la numérisation des spectacles, cette demande est légitime. Une telle initiative serait source d'espoir et compenserait les craintes suscitées par la baisse des crédits budgétaires.
Devant la baisse des crédits, il nous sera difficile de les voter.
Les pratiques culturelles des Français évoluent : les musiques actuelles arrivent nettement en tête. Le secteur s'est en effet structuré, mais il ne bénéficie pas de crédits correspondant à son importance ! Il convient de s'interroger sur les priorités retenues.
Vos propos témoignent des inquiétudes qui agitent le secteur. L'examen de l'acte III de la décentralisation et de la loi d'orientation sur la création artistique fournira l'occasion d'y répondre en détail.
Les régimes de TVA sont de plus en plus complexes, en effet.
Le mécénat est très présent dans les différentes structures culturelles et mérite que l'on s'y arrête. Tout n'est pas budgétaire. L'accompagnement social est également une priorité du ministère. À cet égard, la création d'un fonds de formation professionnelle est une avancée majeure. L'amélioration de la couverture sociale des artistes auteurs avec la fusion de l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA) et de la maison des artistes procède de la même logique.
Le projet de la Philharmonie de Paris comporte un aspect pédagogique important, c'est vrai. Il reste à souhaiter que les élèves s'y rendront massivement, et pas seulement ceux scolarisés dans le secteur.
La loi d'orientation sur la création sera l'occasion de revenir sur les pratiques culturelles des Français. La mise en place d'instruments d'observation du secteur en 2014 fournira les informations qui nous manquent sur notre connaissance des pratiques artistiques.
Nous retenons les alertes que vous avez émises et l'avis favorable que vous avez rendu. Nous passons à l'examen du rapport pour avis de M. Vincent Eblé sur les crédits du programme « Patrimoines ».
Le programme « Patrimoines » participe incontestablement au redressement des finances publiques. Son budget est en baisse de 3,9 % en crédits de paiement et de 1,9 % en autorisations d'engagement, mais cette diminution n'est pas uniforme. Elle traduit au contraire des choix politiques cohérents, non seulement au sein du programme mais aussi au regard de l'ensemble de la mission « Culture ».
Deux actions voient leurs crédits augmenter fortement en raison du lancement de nouveaux projets : les patrimoines archivistiques et archéologiques d'une part, auxquels l'État accordera en 2014 1,9 million d'euros supplémentaires, soit une hausse de 7,5 % des crédits de paiement. Cette enveloppe couvrira les nouveaux besoins du centre national des archives de Pierrefitte-sur-Seine, et soutiendra les projets de travaux des archives départementales dont les crédits augmentent de 8% en crédits de paiement et de 12 % en autorisations d'engagement.
Les crédits du patrimoine archéologique progressent de 1,5 million d'euros en crédits de paiement et de 9,6 millions en autorisations d'engagement afin de lancer le projet « Lascaux 4 » ainsi que le centre de conservation et d'études à Metz. Un dysfonctionnement informatique lié au système Chorus bloque toutefois, depuis le début de l'année 2013, la liquidation de la redevance d'archéologie préventive au titre de la filière urbanisme. L'Institut de recherches archéologiques préventives (Inrap) se retrouve donc une nouvelle fois dans une situation financière extrêmement délicate, alors que la réforme de 2011 permettait enfin de financer correctement l'archéologie préventive. Cette situation n'est pas acceptable : j'interpellerai le ministère en charge de l'urbanisme sur ce point.
Les crédits du patrimoine monumental sont stabilisés en 2014, comme ceux destinés au patrimoine linguistique et à l'architecture. J'ai d'abord été alerté par les différents acteurs du patrimoine et par les élus locaux auditionnés, particulièrement inquiets de la situation du petit patrimoine non protégé -là aussi, les petits peuvent être désavantagés au bénéfice des gros- mais aussi de l'absence de « culture de l'entretien », acte pourtant tout aussi fondamental que la restauration pour la bonne préservation des monuments historiques. Les crédits destinés à ces monuments, qui s'élèvent à 312 millions d'euros en crédits de paiement en 2014, dont 72 % sont des crédits déconcentrés et financent de nombreux chantiers sur l'ensemble du territoire. Le taux de consommation des crédits a baissé ces dernières années. Cette baisse a varié d'une région à l'autre mais également en fonction des années. En 2013, le taux de consommation devrait être de 100 % d'après les estimations du ministère de la culture. Espérons que nous puissions dresser ce constat l'année prochaine.
Le ministère a véritablement pris conscience des conséquences de la réforme de la maîtrise d'ouvrage, incombant désormais aux propriétaires des monuments historiques, que j'avais qualifiée il y a deux ans dans mon premier rapport d'objet d'inquiétude non identifié. Un travail très important a été réalisé depuis lors pour mesurer les attentes très fortes des collectivités territoriales et plus particulièrement des petites communes, qui ne connaissent même pas l'existence de l'assistance à maîtrise d'ouvrage. Les travaux liés à la modernisation de l'action publique ont mis en évidence la nécessité d'anticiper le plus en amont possible le contrôle scientifique et technique. Les collectivités, comme les propriétaires privés, devraient être destinataires de guides pratiques complets et être informés des possibilités d'avances de subventions pouvant aller jusqu'à 30 %.
Les musées voient leurs crédits diminuer au titre de l'action « Patrimoine des musées de France » (-10 %) comme à celui de l'action « Acquisition et enrichissement des collections publiques » (-2,3 %). Cette baisse marque avant tout la fin de travaux importants tels que la construction du MuCEM ou les centrales d'air du Centre Pompidou et l'abandon du projet de la Maison de l'Histoire de France. Les crédits à destination des musées territoriaux sont préservés à hauteur de 15 millions d'euros. La baisse des crédits d'acquisition a amorcé une nouvelle dynamique des prêts et dépôts dans les musées nationaux en régions et les musées territoriaux. Le récolement décennal qui doit s'achever en juin 2014 devrait faciliter une nouvelle politique de circulation des collections publiques, tout en offrant un outil d'analyse de l'origine des oeuvres. De nombreuses questions devraient être traitées dans le projet de loi sur les patrimoines annoncé par la ministre de la culture. Les réformes législatives auront pour objectif d'accompagner ou de rendre possibles les réformes structurelles qui sont aujourd'hui indissociables d'une utilisation vertueuse des crédits destinés à l'ensemble des patrimoines. Dans cette attente, je propose un avis favorable à l'adoption des crédits.
On évoque souvent l'importance du patrimoine, facteur de cohésion sociale, en période de crise. C'est vrai : malgré la crise, c'est un véritable engouement, lors des journées du patrimoine ou des journées portes-ouvertes des musées, pour ce qui peut nous fédérer. Le patrimoine est un héritage que l'on reçoit et que l'on a le devoir de transmettre. Je regrette que l'on sacrifie ce budget fédérateur dans une période de dislocation sociale. Vous regrettez avec raison que l'on donne beaucoup au gros patrimoine, au détriment du petit, et que l'on néglige la culture de l'entretien. Des crédits sont ainsi concentrés sur des grands projets assez souvent parisiens - ne revenons pas sur la Philharmonie... Vous n'avez pas évoqué le projet de loi sur les patrimoines actuellement en rédaction entre le ministère de la culture et le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, dans lequel le gouvernement veut simplifier les dispositifs de politique patrimoniale, notamment dans les secteurs sauvegardés. En qualité de président de la commission nationale des secteurs sauvegardés, j'ai peur que cette loi de simplification ne complique les choses ! Il faudrait sans doute examiner très en amont ces questions, peut-être avec les députés spécialisés dans le patrimoine.
Je me réjouis enfin de voir s'imposer petit à petit la notion de patrimoine immatériel. Lorsque la bourrasque de la rapidité balaie notre société, il faut encore plus préserver les savoir-faire dans le domaine de la musique, du conte, ou de l'artisanat.
L'archéologie préventive est sans doute nécessaire ; mais elle bloque parfois les chantiers trop longtemps et contrarie les porteurs de projets, qui ont du mal à faire revenir une entreprise écartée pendant une trop longue période.
Je suis inquiète de la baisse des crédits - qui ne datent pas d'aujourd'hui - et que je vis en tant que membre du conseil d'administration du Centre Georges-Pompidou. Cela placera les musées devant des choix difficiles, ceux de restructurations plus lourdes que jamais. C'est préoccupant à l'heure où nous observons une hausse de la fréquentation - même si nous devons toujours demander si les jeunes qui échappent au parcours scolaire fréquentent les musées... Le mécénat augmente proportionnellement à la baisse du financement public, ce qui ne sécurise pas financièrement les musées.
Je suis inquiet pour les territoires ruraux où de nombreux projets de rénovation de chapelles ou d'églises n'attendent qu'un financement -comme la ville dont j'ai été le maire- alors que les crédits sont concentrés sur des grands projets, au détriment de l'égalité des territoires. Il faut partager la culture. J'ai peur que la baisse soit encore plus forte dans les régions les plus éloignées du centre.
Le patrimoine est un héritage, mais il ne doit pas être borné par la chronologie : c'est aussi la création. Ce budget consent des efforts pour l'architecture, pour les réseaux, les Conseils d'architecture, d'urbanisme, et de l'environnement (CAUE) et au-delà du programme 175 au bénéfice des écoles d'architecture. Ce budget n'est en aucun cas sacrifié. Les crédits consacrés à l'entretien des monuments historiques, aujourd'hui de 48 millions d'euros, étaient en 2007 de 30 millions d'euros, en 2008 de 32 millions d'euros et en 2009 de 31 millions d'euros. Je partage le souci d'ouvrir le patrimoine à des publics divers, comme le font le Louvre et le centre Georges-Pompidou par l'éducation artistique et culturelle, à laquelle Jean-Luc Martinez, le nouveau président de l'établissement public du Louvre nous a annoncé que mille mètres carrés seraient bientôt consacrés. Si les musées doivent revoir à la baisse leurs acquisitions, le travail en direction du public ne doit pas s'interrompre.
Il faut répondre au problème d'une archéologie préventive parfois trop longue, si nous ne voulons pas qu'elle devienne un empêcheur d'aménager en rond : les défenseurs de la culture ne sont en effet pas sûrs de sortir vainqueurs d'un affrontement du pot de terre contre le pot de fer. L'Inrap, lorsqu'il est concerné, doit avoir les moyens d'agir rapidement. Pour rassurer notre collègue Le Scouarnec, dans les yeux duquel j'ai vu briller le golfe du Morbihan, les dépenses pour le grand patrimoine centralisé s'interrompent - comme pour le Mucem ou Pierrefitte - ou sont abandonnées - comme pour la Maison de l'Histoire de France. L'action en faveur d'un patrimoine plus diffus est moins visible, mais plus utile pour un maillage territorial et la dynamique économique à travers le tourisme ou les travaux.
J'analyserai l'action n° 2 du programme 131 « Création », mais aussi les crédits destinés au soutien de la photographie, répartis entre plusieurs programmes de la mission « Culture ». Les crédits de paiement de l'action n° 2 intitulée « soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques » sont en légère hausse de 1,4 % pour arriver à 63,3 millions d'euros, mais les autorisations d'engagement baissent fortement (-15,2 %) pour parvenir à 61,5 millions d'euros ; cela s'explique par la fin de l'installation de la collection Lambert en Avignon - que certains d'entre nous ont eu la chance de visiter en juillet dernier lors du déplacement de la commission - et par la suppression de la compensation versée par le ministère à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) - contrepartie au moratoire obtenu par le Royaume-Uni pour l'extension du droit de suite devenue sans objet. Si les crédits sont préservés, ils ne représentent qu'une très faible part (9,3 %) du programme « Création ». Les opérateurs du secteur contribuent à l'effort budgétaire puisque leurs subventions diminuent : de 1 % pour le Centre national des arts plastiques (CNAP) et de 2,5 % pour la Cité de la céramique.
Les crédits centraux d'intervention s'élèvent à près de 15 millions d'euros. Pour la première fois, 800 000 euros sont destinés à un fonds de soutien des galeries d'art. Cette enveloppe sera utilisée sous forme d'avance remboursable gérée par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic) et devra être complétée par des crédits privés représentant au moins 20 % de l'apport total. Le comité chargé de choisir les galeries bénéficiaires favorisera, je l'espère, une sélection géographiquement et économiquement équitable. Une étude de juin 2013 montre en effet les fortes disparités qui existent, en termes de chiffre d'affaires, entre les galeries parisiennes et celles implantées en régions, mais aussi en fonction de la participation à des foires ou des salons nationaux ou étrangers. Espérons que ce fonds de soutien permettra à de petites galeries d'accéder à ces rencontres, essentielles pour leur développement économique et le rayonnement des territoires. Une hausse des aides aux associations professionnelles et structures ressources de 160 000 euros est proposée en 2014 pour atteindre un total de 640 000 euros. Il faudra favoriser un certain équilibre entre le soutien aux associations des artistes et celui aux structures des diffuseurs, sous peine d'influencer les débats relatifs au secteur, tels que ceux relatifs au respect de la propriété intellectuelle, alors qu'artistes et diffuseurs peuvent avoir des avis très opposés sur ces sujets. Le Palais de Tokyo bénéficiera de 6,5 millions d'euros en 2014. Comme mon prédécesseur l'an passé, je constate avec regret que l'établissement ne respecte toujours pas les objectifs de collaboration avec les fonds régionaux d'art contemporain (Frac) et les centres d'art, visant à valoriser les dynamiques artistiques des territoires. Les crédits déconcentrés s'élèvent à 29,3 millions d'euros pour conforter l'action des Frac et financer notamment les travaux de sept nouveaux Frac dits de nouvelle génération.
Les crédits consacrés à la photographie sont heureusement préservés, hormis les aides provenant du Centre national des arts plastiques (Cnap), dont la baisse correspond à la fois à la contrainte budgétaire de l'établissement mais aussi à un recentrage des missions, demandé par le ministère, dont je vérifierai qu'il ne vise pas particulièrement la photographie. La carte de presse semble de moins en moins facilement attribuée aux photojournalistes, comme le prouvent les chiffres relativement alarmants de la commission de la carte. Une réflexion de fond doit être engagée pour faire évoluer la procédure d'attribution de cette carte, qui ne tient pas compte de l'évolution des formes de rémunération des photojournalistes. La structuration du secteur des arts plastiques a particulièrement progressé depuis deux ans : création du fonds de formation professionnelle continue pour les artistes auteurs, travaux en cours pour négocier une convention collective du secteur des arts plastiques avec une forte implication du ministère de la culture, progrès attendus de la fusion entre l'Agessa et la Maison des artistes pour offrir aux artistes auteurs une couverture sociale unique, plus efficace avec des règles plus transparentes et plus compréhensibles par tous.
Deux sujets suscitent le mécontentement des artistes auteurs. J'ai découvert avec stupéfaction que les structures publiques ou subventionnées par l'État ne respectaient pas les droits patrimoniaux des artistes, dont le droit de présentation publique. Comment demander aux acteurs privés de respecter ce que la plupart des Frac ou des centres d'art ne respectent pas ? Il me semble que ce sujet doit constituer une priorité et je suis heureuse de la réponse de la ministre en commission la semaine dernière. La hausse du taux de TVA intermédiaire à 10 % suscite ensuite l'incompréhension du secteur alors que plusieurs dispositions du projet de loi de finances ou du code général des impôts prévoient un taux réduit à 5,5 % dans le domaine culturel. Or il faut reconnaître la place centrale de l'artiste, qui ne doit pas être le seul à faire face à des hausses alors qu'il est au coeur de la création. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à revenir à un taux réduit pour les droits d'auteur. Je vous propose donc de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action n° 2 du programme « Création », au sein de la mission « Culture ».
L'amendement que je propose tend à créer un article additionnel après l'article 7 bis. L'Assemblée nationale a décidé que les importations d'oeuvres d'art ainsi que la billetterie du cinéma seraient assujetties au taux réduit de TVA, au même titre que les ventes de livres ou la billetterie du spectacle vivant, mais pas les droits d'auteur. Sans mon amendement, le taux réduit concernerait donc les biens et services culturels mais pas pour les artistes, qui supporteraient en outre une baisse de rémunération, alors que celle-ci est déjà nettement inférieure à la moyenne nationale : les statistiques figurent dans mon rapport écrit.
Cela aura-t-il pour effet d'unifier les taux de TVA ou de les complexifier, ce à quoi je suis opposée ?
On ne peut être que d'accord avec cet amendement. Le cinéma était assujetti au taux normal par le projet de loi et a été ramené à 5,5 % par l'Assemblée nationale. Nous nous sommes suffisamment battus pour le cinéma pour qu'on accompagne cette extension logique.
Recadrons les choses : cet amendement sera débattu dans le cadre de la première partie du projet de loi de finances consacrée aux recettes,
Il est compréhensible que notre commission, attachée à la culture, propose une telle disposition, même si d'autres peuvent s'y opposer.
J'ai déposé un amendement similaire au nom de mon groupe politique ; il devrait recevoir un avis favorable de la commission des finances.
Nous nous en réjouissons.
L'amendement est adopté à l'unanimité moins trois abstentions.
Si le budget global de la culture m'inquiète, je suis soulagé par celui du cinéma. Le financement du cinéma par l'État passe aujourd'hui par le Centre national de la cinématographie et de l'image animée (CNC). Les dotations budgétaires dans la mission culture sont en effet de 5 millions d'euros, et correspondent à des crédits entièrement déconcentrés : 2,8 millions d'euros pour des actions d'éducation à l'image conduites par les DRAC, par exemple dans le cadre des opérations « collèges au cinéma » et 2,6 millions pour soutenir des festivals ou des actions locales favorisant la découverte d'oeuvres cinématographiques.
En face de ces sommes, le CNC devrait, quant à lui, disposer de 700 millions d'euros de recettes réinjectées dans le cinéma français, soit le même montant qu'en 2013. La taxe sur les entrées en salle de cinéma est stable. La fréquentation est en très légère baisse depuis deux ans, après plusieurs années exceptionnelles liées au développement de la 3D et au succès de quelques films très porteurs. La prévision est de 195 millions d'entrées : c'est moins que les 200 millions constatées certaines années mais cela reste encore assez élevé. Le produit de la taxe serait de 134,2 millions d'euros.
La taxe sur les éditeurs de services de télévision, due par les chaines (TST-éditeurs), aurait quant à elle un produit de 267 millions d'euros, soit une baisse de 24 millions d'euros. En effet, une dégradation du marché publicitaire est encore anticipée en 2014, avec en conséquence un recul de l'assiette imposable des grandes chaines historiques. Le rapport Lescure, devant le constat d'un rendement de la TST éditeurs menacé par le morcellement du paysage audiovisuel, proposait dans un premier temps, afin de prendre en compte les effets du numérique, un assujettissement sans ambigüité à la TST-éditeurs des recettes de publicité issues de la télévision de rattrapage, pour un rendement de 2,5 millions d'euros, compensant en partie le recul du rendement de la taxe. C'est notamment ce qui est proposé par l'article 16 du projet de loi de finances rectificative pour 2013, ce dont nous pouvons nous féliciter.
L'assiette actuelle de la taxe sur les distributeurs de services de télévision, dite TST-D, a été mise en place en 2011, mais est largement contournée par certains opérateurs. Elle a donc été réformée par la loi de finances pour 2012 ; son entrée en vigueur est cependant conditionnée à une autorisation par la Commission européenne, qui devrait rapidement venir après la validation par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de la taxe télécoms, similaire dans son principe. C'est évidemment une excellente nouvelle puisqu'elle représente aujourd'hui la principale source de financement du CNC, et donc du cinéma français. Le produit attendu serait ainsi de 270,7 millions d'euros en 2014, contre 214,2 millions en 2013. Le CNC nous a prévenu que sans l'adoption d'une mesure transitoire prévoyant que les acomptes versés par les redevables en 2014 seraient calculés sur la base d'une assiette actualisée, les effets de la réforme seraient reportés à 2015, avec un surcoût en outre pour les redevables, qui devraient alors payer double en 2015. Le dispositif transitoire inscrit à l'article 16 du projet de loi de finances rectificative semble donner satisfaction. Je n'ai aucun doute sur la pleine légitimité de la TST-D, dans la mesure où le succès des services de télécommunication s'appuie largement sur les contenus audiovisuels et cinématographiques. Une étude de l'Institut de l'audiovisuel et des télécommunications en Europe (Idate) de 2012 montrait ainsi que la vidéo professionnelle représenterait 83,6 % du trafic total sur les réseaux fixes de télécommunications, ce qui s'expliquerait par la consommation de télévision par ADSL, ou plus largement sur IP (câble, fibre).
Le montant du produit de la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes, enfin, est estimé à 28 millions d'euros en 2013, soit 5 % de moins qu'en 2013, du fait du recul du marché de la vidéo physique, non intégralement compensé par la croissance de la vidéo à la demande. Là encore, le rapport Lescure pointait les insuffisances de l'assiette de la taxe qui n'appréhende notamment pas les acteurs établis à l'étranger, non soumis à la taxe, alors que vendant des vidéos dédiées au public français. Le dernier point de l'article 16 du PLFR vise précisément à étendre ladite taxe aux entreprises qui ne sont pas établies sur le territoire français, mais qui proposent, depuis l'étranger, des ventes ou locations de vidéogrammes physiques ou sous forme dématérialisée à des consommateurs français. Cette mesure permet selon le projet de loi de rétablir l'égalité fiscale et « de mettre fin à l'asymétrie qui place certains opérateurs nationaux dans une situation moins favorable que leurs concurrents étrangers ». Je suis, comme nous tous, sur cette ligne. Il nous restera cependant à demander à la ministre des éclaircissements sur les modalités pratiques du recouvrement d'une telle taxe ainsi que sur son éventuel rendement.
Les taxes que je viens d'évoquer sont évidemment affectées au CNC. Le principe du financement du cinéma français est à la fois extrêmement simple et extrêmement vertueux. Il s'agit de financer l'amont de la filière, c'est-à-dire la création, la production et son rayonnement, par son aval, c'est-à-dire les diffuseurs : exploitants de salles, chaines de télévision, vendeurs de DVD et aujourd'hui gestionnaires de réseaux de télécommunication. Le principe n'est donc pas d'organiser une collecte fiscale pour l'État mais bien de redistribuer et faire circuler les sommes issues d'un secteur économique. C'est la raison pour laquelle nous avions contesté l'année dernière un prélèvement exceptionnel de 150 millions d'euros sur le fonds de roulement du CNC. Et l'exceptionnel devient aujourd'hui durable, puisque ce sont 90 millions d'euros qui seraient à nouveau prélevés sur le fonds de roulement du Centre, en application de l'article 33 du projet de loi de finances. Certes les dépenses du Centre se maintiendront à hauteur de 700 millions d'euros, mais je considère qu'un tel prélèvement s'oppose à la logique propre du financement du CNC par l'amont de la filière. Espérons à tout le moins que l'exceptionnel ne sera pas prolongé pour une troisième année en 2015, même si un prélèvement présenté comme exceptionnel est toujours préférable à un plafonnement des recettes, comme il en avait été question.
S'agissant des dépenses, vous savez qu'un débat très important se déroulait jusqu'à récemment au niveau européen sur la réforme de la communication de la commission européenne sur les aides d'État en faveur des oeuvres cinématographiques, dite Communication cinéma. Or le nouveau texte, qui se substitue à celui en vigueur depuis 2001, marque incontestablement une victoire pour les positions françaises, avec une validation des aides sélectives et du soutien automatique.
La politique fiscale en faveur du cinéma - fait plutôt exceptionnel - amène son lot de bonnes nouvelles. J'ai personnellement déposé des amendements pour soumettre l'ensemble des produits culturels, dont les billets de cinéma, au même taux réduit de TVA. L'article 7 du présent projet de loi va dans ce sens avec un alignement de la TVA sur les droits d'entrée dans les salles de spectacle cinématographiques sur le taux réduit applicable au livre ou au spectacle vivant. L'unité des biens culturels est intrinsèque à la vision française, puisqu'elle nous permet d'intégrer la télévision ou le cinéma dans la défense globale de l'exception culturelle, autre victoire datant de juin dernier. La cession des droits d'auteur se verra quant à elle appliquer un taux intermédiaire de TVA de 10 %. Selon certains courriers envoyés aux parlementaires, l'effet d'une telle mesure serait de désavantager les festivals et ciné-clubs qui se verraient appliquer ce taux pour la location des droits de diffusion des films, contrairement aux salles commerciales qui bénéficieraient encore d'un taux réduit au titre de l'acquisition des droits d'exploitation. La direction de la législation fiscale, que j'ai interrogée sur ce point, conteste cette analyse et estime que le traitement sera totalement égalitaire. La ministre pourra peut-être éclaircir ce point en séance, sous réserve que la deuxième partie de la loi de finances soit examinée par le Sénat.
J'explique année après année qu'en matière au cinéma, la concurrence européenne est assez importante et que la dépense fiscale que constituent les crédits d'impôt est économiquement pertinente. Le dispositif du crédit d'impôt national a été réformé dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2012, à la fin de l'année dernière, et entrera en vigueur le 1er janvier prochain. Une première analyse de l'efficacité de la mesure devrait ainsi pouvoir être effectuée dès l'année prochaine. Le crédit d'impôt international avait également été modernisé en loi de finances rectificatives pour 2012, avec un coût fiscal estimé à 12 millions d'euros pour 2014. Un amendement parlementaire a été adopté à l'Assemblée nationale relevant le plafond de ce crédit d'impôt de 10 millions d'euros à 20 millions d'euros par oeuvre, afin d'attirer de très grandes productions, notamment américaines, qui ont plutôt tendance à choisir aujourd'hui l'Angleterre, la Belgique ou d'autres pays européens. Cette stratégie aura à mon sens des effets positifs, non seulement sur les industries techniques du cinéma, mais aussi, au final, sur les comptes de l'État. Toutes les études montrent que le manque à gagner fiscal serait largement compensé par les effets du surcroît d'activité en termes de recettes fiscales et de cotisations sociales. Mais Bercy a parfois du mal à le comprendre...
Vous parlez d'un système simple et vertueux ; ne deviendrait-il pas simpliste ? Le cinéma français a tendance à vivre de manière fermée autour des producteurs ; les sociétés de production d'effets spéciaux et numériques sont oubliées, et l'on assiste à une montée en puissance du Québec dans ce domaine. Cette année, quatre studios français vont s'y installer - dont Technicolor, l'ancien Thomson, l'équivalent d'Ubisoft dans le domaine des jeux vidéo avec un studio de 200 personnes. Montréal se situe désormais au 3e rang mondial. La réflexion actuelle ne prend pas en compte cette dimension, peut-être parce qu'elle est technologique, alors qu'elle fait l'objet d'une concurrence importante. Pauline Marois, la première ministre du Québec, a annoncé que son pays serait le prochain centre du cinéma à l'heure des nouvelles technologiques.
Je suis contente de voir un rapporteur heureux, et que la France ait obtenu gain de cause à Bruxelles sur le maintien des aides au cinéma, ce qui permettra à d'autres pays de la suivre.
Ce secteur échappe heureusement aux restrictions, mais restons vigilants : la baisse des recettes publicitaires affecte les chaînes de télévision. La défense d'un cinéma diversifié en Europe est un combat loin d'être gagné.
L'Union européenne a finalement accepté d'autoriser les collectivités territoriales à réserver leurs aides à leur ressort géographique : j'imaginais mal M. Estrosi financer Germinal dans le bassin minier, ou M. Percheron finançant Pagnol en Provence...
Oui, les nouvelles sont bonnes dans ce secteur, malgré une baisse de la fréquentation des salles. Certaines mesures fiscales sont extrêmement efficaces, parfois au bénéfice d'étrangers : nous nous souvenons d'avoir reçu les représentants d'Ubisoft sur le point de partir au Canada, en raison des avantages fiscaux considérables que ce pays leur accordait. Je préside la commission du film Côte d'Azur, qui fait un travail très efficace, avec des effets économiques induits à travers les équipes de tournage.
Nous accueillons ainsi par exemple le tournage de la série de TF1 « Section de recherche » dans le pays grassois : cela signifie des chambres d'hôtel, des artisans qui construisent les décors... Il vaut mieux les accueillir chez nous plutôt qu'ils le soient dans d'autres pays ! Restons vigilants pour conserver le système de financement extrêmement vertueux du cinéma.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ».
Je souhaite signaler que la commission scientifique nationale des collections instituée par la loi de restitution des têtes maories, que nous avions votée en juin 2009, adoptée par l'Assemblée nationale en mai 2010, se réunira demain pour la première fois ; il aura donc fallu trois ans pour que notre volonté se concrétise !
C'est une belle nouvelle, compte tenu des nombreuses réticences qui s'étaient manifestées.