La réunion

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Photo de François Pillet

Je vais devoir vous faire prêter serment. Madame Maïté Gabet, prêtez-vous serment de dire toute la vérité, rien que la vérité ? Levez la main droite et dites « je le jure ».

Mme Maïté Gabet, directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Je le jure.

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Vous m'avez adressé un nombre de questions important. Toutes ne relèvent pas directement de la compétence de la DNVSF. Il me paraît important de vous présenter la direction nationale des vérifications des situations fiscales dans le dispositif du contrôle fiscal français. La DNVSF est une des trois directions nationales de contrôle fiscal, la plus petite, la DVNI étant en charge du contrôle des multinationales et la DNEF des enquêtes fiscales. La DNVSF est la direction qui est repérée dans le dispositif comme contrôlant les personnes physiques. La compétence de la DNVSF est double, voire triple puisqu'une nouvelle mission vient de lui être confiée. La DNVSF a été créée en 1983 avec pour but historique de contrôler de façon externe - de faire un examen de situation fiscale personnelle, procédure approfondie - des particuliers les plus significatifs. Son périmètre d'intervention s'apprécie en fonction de critères chiffrés, relatifs à l'importance du revenu ou du patrimoine, ou de critères relatifs à la qualité des personnes, notamment leur notoriété, ou des critères relatifs à la complexité des situations. La DNVSF exerce toujours cette mission historique de contrôle externe avec 600 contrôles externes par an. La DNVSF s'est vue confier en 2011 une nouvelle mission de surveillance et de contrôle des revenus et du patrimoine des contribuables les plus fortunés. Relèvent maintenant exclusivement de la DNVSF les foyers fiscaux déclarant 2 millions d'euros de revenus annuels ou 15 millions d'euros d'ISF. A ce titre, la DNVSF doit assurer la surveillance de ce tissu fiscal, par le contrôle sur pièces au départ des dossiers.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Les seuils mentionnés valent-ils en impôts payés ou en base ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Ils s'entendent en base. La DNVSF exerce le contrôle corrélé de ces dossiers, en contrôle sur pièce, dans le délai de reprise de l'administration fiscale. Dans le délai de trois ans, l'ensemble de ces personnes fait donc l'objet d'un contrôle de la DNVSF. Cette opération a débuté en 2011. A ce titre, la DNVSF pratique 1 000 et 1 250 contrôles sur pièces par an. L'intérêt d'avoir mis cette tâche à la DNVSF est double : s'assurer d'une réelle surveillance de ce tissu, de manière systématique, et pouvoir, le cas échéant, basculer en contrôle approfondi lorsque le dossier le requiert. La DNVSF procède alors elle-même au contrôle fiscal approfondi.

La DNVSF vient de se voir confier une nouvelle mission fin juin, pour monter le service permettant aux personnes détenant des avoirs non déclarés à l'étranger de déposer leur déclaration rectificative conformément à la circulaire du Ministre du 21 juin 2013.

La DNVSF est implantée dans le 17ème arrondissement et compte 280 agents dont 180 vérificateurs inspecteurs.

Pour les problématiques bancaires, la DNVSF a été totalement associée aux contrôles de la liste HSBC puisqu'elle a procédé aux contrôles externes en 2010 et 2011, ainsi qu'aux problématiques des listes dites du Lichtenstein. Il faut bien comprendre que la DNVSF n'est pas une direction d'enquête mais une direction de contrôle. Elle dépend donc des informations et des propositions de contrôle apportées par les autres services de la DGFIP. La DNVSF a en revanche son portefeuille dédié pour le contrôle des dossiers à enjeux. La Direction nationale des enquêtes fiscales lui apporte un certain nombre d'informations. La DNVSF peut également exploiter certains bulletins TRACFIN.

En termes de rendement financier, en 2012, nous distinguons le contrôle externe du contrôle sur pièces. La DNVSF a mis en recouvrement 300 millions d'euros et 175 millions d'euros de pénalités, contre 215 millions d'euros et 90 millions d'euros de pénalités en 2011. 58 % des droits proviennent de l'impôt sur le revenu, 25 % de l'ISF et 10 % des contributions sociales. En matière de contrôle sur pièces, la DNVSF a mis en recouvrement 6,5 millions d'euros de droits en 2011 et 42 millions d'euros de droits en 2012. Cette augmentation se confirme en 2013.

Les grandes problématiques occupant la DNVSF peuvent être regroupées en quatre grandes catégories :

 · l'offshore et les actifs non déclarés à l'étranger, avec la difficulté immense du contrôle de ces actifs,

 · les problématiques liées à la mise en place de schémas visant à éluder, notamment, la taxation des plus-values (apport-cession, donation-cession, donation d'usufruit...), avec les montages patrimoniaux visant à éviter de payer l'impôt et qui relèvent de l'abus de droit,

 · les fausses domiciliations ou les faux non-résidents, coeur de métier de la DNVSF depuis sa création en 1983. Nous avons été confrontés à des difficultés réelles et demandé des renforts que nous avons obtenus via l'élargissement du champ de la police fiscale qui peut maintenant travailler sur les problématiques de domiciliation, sachant que l'administration fiscale n'a pas de moyens d'investigations. Pour démontrer la domiciliation d'une personne physique, l'administration fiscale peut maintenant porter plainte pour présomption de fraude fiscale à la domiciliation et demander à des services de police d'amener des éléments factuels qui permettront ensuite à la DNVSF de localiser les personnes.

 · la problématique de l'intéressement des dirigeants et des salariés cadres d'entreprise, notamment les mécanismes d'intéressement sauvage.

Ce propos introductif vous permettra de poser des questions qui vous semblent judicieuses.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Vous dites opérer 600 affaires de contrôles par an. Ce chiffre est-il issu d'un objectif ou correspond-il aux capacités matérielles de vos services ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Des objectifs sont fixés aux services en fonction du nombre d'agents. La volumétrie a varié mais reste toujours autour de 600. Ceci est contractualisé avec l'administration fiscale, dans le cadre d'un dialogue de gestion.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Vous avez cité les critères chiffrés, de notoriété - j'imagine le sport et le show business - et la complexité des situations. Pouvez-vous préciser ce que cette complexité recouvre ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - La DNVSF a été créée pour prendre en compte les problématiques territoriales de l'impôt. Des contribuables avaient des actifs en France, des actifs à l'étranger, des résidences en France et à l'étranger, critère de complexité qui ne permet pas au service local ou à la direction régionale de gérer la situation. Le décret d'attribution renvoie à la situation des contribuables qui relèvent d'au moins deux conventions internationales signées par la France ; les activités connues sont diversifiées sur le territoire national ou à l'étranger et nécessitent des investigations approfondies. Enfin, la complexité peut résulter du lien avec des instances judiciaires : les suites fiscales d'instances judiciaires relèvent peuvent relever de la DNVSF lorsqu'elles concernent des affaires à enjeux.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

La dimension internationale apporte de l'opacité et de la complexité. Depuis quand vous intéressez-vous à l'offshore ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Depuis 2007 environ.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Pouvez-vous déjà formuler des observations particulières sur les circuits et schémas à l'oeuvre dans ces phénomènes d'évasion fiscale à partir des territoires non coopératifs ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Le mécanisme est toujours le même. Les avoirs, pour ne pas être déclarés, doivent être placés dans des territoires pratiquant le secret bancaire. Le secret bancaire, depuis 2009 et les travaux de l'OCDE en matière internationale, a subi quelques coups, notamment dans le cadre de l'assistance administrative internationale et de la coopération autour des travaux au niveau du G20 ou de l'OCDE. Il est question d'échanges automatiques dans l'Union européenne : la DNVSF appelle évidemment de ses voeux ce type d'informations.

Nous avons appris qu'il n'existe pas un lieu de l'opacification mais une ingénierie fiscale qui passe par un compte en Suisse, une société à Panama, un compte à Singapour... Cette ingénierie est connue des praticiens du droit. Pour aller contre, il convient d'avoir les outils juridiques internationaux permettant de poser des questions, les outils de taxation de ces avoirs non déclarés, en interne, et des outils coercitifs. Nous avons amélioré notre dispositif depuis 2007. La coercition s'accroît progressivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Il existe de nombreuses listes, toutes différentes les unes des autres ce qui pose un vrai problème de définition générale et de périmètre. Comment délimitez-vous le périmètre de l'offshore ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Au plan de l'assiette de l'impôt, l'administration fiscale ne connaît pas l'offshore mais uniquement les pays à fiscalité privilégiée qui, sur une transaction donnée, pratiquent un impôt inférieur à 50 % de l'impôt français. Au plan de la transparence et de l'échange de renseignements, la difficulté consiste à connaître la nature des avoirs dans ces pays, avec la problématique de l'échange d'informations et de l'accès à l'information. Les territoires peuvent décider de leur taux d'imposition mais la problématique, pour la France comme pour d'autres pays, est d'accéder à l'information. Jusqu'en 2009, ces territoires étaient sur la liste grise de l'OCDE qui a servi de base aux négociations. La liste française est actuellement très réduite car elle espère une assistance administrative et des réponses aux questionnements faits par la France. Un rapport doit être présenté au Parlement chaque année. L'offshore regroupe les pays à fiscalité privilégiée, avec une difficulté d'accès aux informations.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Placeriez-vous dans cette catégorie Jersey ou le Luxembourg ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Je placerai le Luxembourg comme un pays à fiscalité privilégiée. Comme il est membre de l'Union européenne, son traitement fiscal n'est pas le même que Panama. Le Luxembourg ne taxe pas un certain nombre d'avoirs, historiquement. La problématique des plus-values est connue. En revanche, pour Jersey la question de l'assistance administrative internationale se pose également.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Plus concrètement, pouvez-vous nous expliquer comment les avoirs sont transférés dans ces pays? Quel est le circuit ? Que deviennent ces avoirs transférés ? Comment sont-ils rapatriés, le cas échéant ? Quelle estimation chiffrée en feriez-vous ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Si j'avais une estimation, je saurai parfaitement ce qui n'est pas déclaré : je suis donc incapable de répondre. Je ne suis pas sûre que tous les circuits soient connus. Les vérificateurs de la DNVSF indiquent que des avoirs sont constitués dans les pays à fiscalité privilégiée, de manière historique, sur la durée (20, 30 ou 40 ans) et ont fructifié. Ils peuvent être alimentés par le commerce, par des sociétés qui versent des commissions dans plusieurs pays. La structure de l'évasion repose sur des structures 'écrans. Cet avoir peut ensuite être réinvesti, en France, pour acheter, par le biais de sociétés écrans interposées, du patrimoine.

L'argent sort toujours à travers des écrans.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Les filiales des banques jouent-elles un rôle déterminant dans ces schémas et transferts ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Des professionnels accompagnent ces montages. Ce ne sont pas forcément les banques elles-mêmes : ce peut être des professions du chiffre ou des avocats. L'administration fiscale essaie d'attraire pour complicité, dans certains dossiers pour fraude fiscale, les monteurs. Une réflexion avait été initiée pour savoir s'il fallait faire des déclarations de montage, comme les Américains ou les Britanniques. Ce projet avait été abandonné face à la masse administrative de gestion qu'il impliquait. Un contribuable qui veut procéder volontairement à sa propre évasion fiscale doit être très compétent ou recourir à des monteurs. Nous avons déposé des plaintes de fraude fiscale à l'encontre des monteurs. Ces sujets sont connus.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Quels sont les actifs financiers les plus difficilement décelables dans vos travaux ? L'opacité empêche-t-elle parfois de comprendre les mécanismes ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Si vous distinguez les dividendes, des intérêts, des plus-values et les successions, il me semble que l'élément le plus difficile à prendre en compte concerne les successions passées à l'étranger. Il n'existe toutefois pas de hiérarchie entre les dividendes et les plus-values. Le plus difficile, en matière d'évasion, est de lier un contribuable à des actifs puisque des trusts ou des sociétés font écran. La doctrine juridique et fiscale prévoyait pendant un moment que les trusts irrévocables et discrétionnaires n'appartenaient plus à personne. Or, quand nous avons fait la cellule de régularisation, nous nous sommes aperçus que des trusts irrévocables et discrétionnaires étaient révoqués et devaient donner lieu à taxation. Un arrêt de la Cour de Cassation vient de trancher en faveur de l'administration fiscale. L'interaction juridique conduit à une extrême opacité. La difficulté est liée à la traçabilité des structures.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Vous avez indiqué faire 600 contrôles approfondis et 1 200 contrôles sur pièces, uniquement pour les personnes physiques.

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Les contrôles externes doivent comprendre une centaine de dossiers de vérification de comptabilité. Comme les personnes physiques sont des professionnels, nous vérifions le bénéfice non commercial, l'entreprise ou la holding. Si nous devons procéder à un contrôle plus approfondi, nous nous rapprochons de la DVNI.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Sur un total de 1 800 dossiers, combien, selon vous, sont empreints de fraude fiscale ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Nous distinguons l'application de pénalités pour manquement et les poursuites fiscales (plaintes pour fraude fiscale). Le taux de correctionnalisation de la DNVSF est de 11 %. Les manoeuvres frauduleuses représentent environ 30 %. Je vous donnerai les chiffres si vous les souhaitez.

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Toute la chaîne : en amont de la vérification des affaires, nous savons parfois qu'il y a fraude fiscale. Nous devons alors agir rapidement puisque la prescription fiscale, tout comme la prescription pénale, n'est que de trois ans. Le dossier est ciblé comme tel et la directrice fait une proposition d'envoi à la CIF.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Si un contribuable paie tout de suite les pénalités fiscales, abandonnez-vous le recours à la CIF ? Certains dossiers n'ont-ils pas été décorrectionnalisés, en raison d'une décision de vos autorités de tutelle, vos supérieurs hiérarchiques préférant le paiement des sanctions fiscales.

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - La DGFIP présente environ 1 000 dossiers par an avec dépôt de plainte. Une politique de diversification des plaintes est en oeuvre pour ne pas cibler que l'occulte et le travail dissimulé mais toucher aussi le patrimonial et la délinquance en col blanc. La fiscalité est soumise à un principe général de proportionnalité des peines et des sanctions. Il peut arriver que, dans certaines affaires, en l'absence de caractérisation totalement avérée de la fraude fiscale, le contribuable paie ses droits et pénalités et que le dossier s'arrête là.

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Je les adresse au président de la commission des infractions fiscales, par l'intermédiaire du service du contrôle fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Quels obstacles rencontrez-vous dans vos investigations ? Nous avons l'impression que les fraudeurs ont toujours deux coups d'avance. Avez-vous les moyens d'aller plus vite ? Existe-t-il une liste des meilleurs conseillers pour les fraudeurs fiscaux ? Je ne crois pas que nous soyons dans l'amateurisme.

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Il faut avoir conscience du monde dans lequel nous vivons. Vous transférez des sommes à Singapour en deux minutes ; vous allez à Londres en deux heures ; vous n'avez plus besoin de liquide. Entre la dématérialisation, la liberté de circulation des personnes et des capitaux, il n'y a plus de contrôle des changes, cette évolution des sociétés est exponentielle depuis 15 ans. Sur les problématiques de domiciliation, quand vous pouvez être à Londres en deux heures, à Bruxelles en une heure, vous pouvez être dans vos trois maisons la même journée. Les critères jurisprudentiels étaient auparavant physiques et tangibles. Aujourd'hui c'est inadapté. Il faut intégrer cette difficulté.

L'administration fiscale française a compris qu'elle ne pouvait rien faire seule. Nous devons instaurer une politique de collaboration avec nos partenaires, comme la politique en oeuvre à l'OCDE. Les moyens légaux ont massivement augmenté. En cinq ans, nous avons augmenté toutes les amendes pour non-déclaration des comptes à l'étranger ; nous avons créé une police fiscale qui a vu son champ élargi ; nous venons de créer un article L23 C du livre des procédures fiscales permettant, lorsque l'administration fiscale a une suspicion tangible quant à la détention d'un compte à l'étranger, de poser une question à la personne : si elle ne répond pas deux fois de suite, l'administration fiscale est en droit de taxer 60 % du montant connu depuis 10 ans. Les moyens ont été augmentés. La DGFIP fait beaucoup, dans cette collaboration avec la justice, avec les autres services de l'Etat et avec ses collègues extérieurs. La DNVSF pratique l'assistance administrative. Il faut sans doute adapter nos méthodes de travail à nos enjeux et procéder de manière moins normée par rapport aux sujets que nous avons à traiter.

La pratique permet d'établir une liste des conseils mais elle n'est pas publique. L'administration fiscale a mené des actions très coercitives- perquisitions, poursuites...- à l'encontre de monteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Combien de personnes sur le territoire national ont-elles des comptes dans les territoires à fiscalité privilégiée ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Je n'ai pas ce chiffre. Je n'ai la vision que des contrôles effectués par la DNVSF. Au cours des contrôles exercés par la DNVSF au cours des trois dernières années, près des 40 % concernaient des pays dits à fiscalité privilégiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Vous avez parlé de pays avec des structures de fiscalité différentes. Certains pays privilégient davantage le patrimoine, comme la Belgique et le Luxembourg, d'autres les commissions et les sociétés écran. Avez-vous cette liste ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Nous connaissons les typologies de montages en fonction des particularités fiscales des pays. Si une société est implantée à Panama, il y a peu de chances que le compte soit à Panama.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Les comptes bancaires se trouvent plutôt dans les pays de structure solide : les pays plus exotiques ont des structures plus légères. Vous connaissez ce schéma. J'imagine que tous les pays européens ont la même démarche.

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Le forum des administrations fiscales de l'OCDE comprend un groupe « agressive tax planning » d'échange informel entre des vérificateurs des pays membres de l'OCDE qui partagent constamment les schémas qu'ils ont repérés. Cette information est partagée et nous progressons conjointement. Ce travail d'échanges sur nos pratiques est assez constant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Vous parlez de dématérialisation. La transaction entre le paiement et la banque d'origine laisse forcément des traces. Est-il possible de retracer des paiements relativement lourds ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Oui, mais vous avez toujours un effet retard entre la délocalisation des flux et leur utilisation. Nous pouvons, depuis trois ans, élargir notre champ d'investigation. Le Luxembourg commence à coopérer. Les travaux de police judiciaire et de saisie sont plus efficaces pour ce type d'offshore que les travaux simplement administratifs et fiscaux, d'où notre demande d'élargissement, acceptée par le Parlement.

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - L'administration fiscale est confrontée à la difficulté de faire le joint entre personne morale et personne physique. Ceci passe par du questionnement administratif, de l'enquête fiscale, du recours à la police judiciaire pour avoir des faisceaux d'indices permettant de dire que le bien appartient à une personne physique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Est-il possible d'utiliser le Delaware pour opacifier un montage ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Le Delaware ne communique aucune information.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Il est intéressant de noter que le Delaware refuse toute coopération en dépit des proclamations d'intention vertueuses des Etats-Unis.

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Il ne la refuse pas mais ne dispose d'aucune information. Prenons un exemple administratif : les nouveaux territoires coopératifs n'ont pas de cadastre. Pour savoir à qui appartient le bien, il faut passer par des notaires locaux dont la certitude ou l'objectivité n'est pas forcément garantie. Le travail de l'OCDE porte sur le corpus juridique des Etats en droit civil, droit commercial, droit notarial, droit des successions.... Lors de l'évaluation de la France, nous avons communiqué des tombereaux de documents pour démontrer que nous étions capables de répondre aux questions. Or, il est possible de s'immatriculer au Delaware sans décliner son identité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Le Delaware ne se dote donc pas des outils juridiques lui permettant de contrôler ses ressortissants ou résidents.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Les banques sont-elles aussi confrontées à ces difficultés pour accéder aux informations au Delaware ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Je pense que les professionnels, s'ils ont conseillé cette installation au Delaware, connaissent ces informations.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Ont-elles contribué à la législation en vigueur dans cet Etat ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Je l'ignore. Le Delaware n'est pas l'Etat qui a concentré le plus de critiques de la DNVSF car il ne concerne pas forcément les personnes physiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Pour en revenir à des préoccupations hexagonales, confirmez-vous qu'est opéré un contrôle systématique de la situation des ministres ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - La DNVSF ne participe pas au contrôle d'entrée des Ministres, à leur entrée dans le gouvernement : ce contrôle républicain consiste en un contrôle sur pièces, piloté par l'administration centrale avec les directions locales de lieu de dépôt des déclarations.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Les dossiers transmis à la CIF sont-ils visés par le cabinet du Ministre ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Absolument pas. La fonctionnaire que je suis vous répond, à partir de ce qu'elle a vu, que non, sous serment, au regard des affaires qu'elle traite.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Les affaires HSBC ou UBS vous amènent-elles à entamer des démarches particulières ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Sur l'affaire HSBC, le rapport Eckert montre bien que l'administration fiscale a mis en place un dispositif particulier : elle n'a pas terminé. Nous avons porté plainte pour fraude fiscale. Cette affaire a donné lieu à un dispositif d'ampleur. La DNVSF a pratiqué 1 000 contrôles alors qu'elle en fait normalement 600, en moins de deux ans.

Pour les autres affaires, les autres questions se posent en amont, lors de l'enquête fiscale. La DNVSF intervient alors au moment du lancement des contrôles.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Avez-vous été associée de près ou de loin aux dossiers Bettencourt ou Takieddine ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Je ne peux répondre ainsi sur des dossiers particuliers. Je suis délivrée du secret fiscal avec le rapporteur. Si vous voulez que je réponde à cette question, je répondrai.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Vos collègues de l'administration fiscale nous ont invités à réfléchir à une nouvelle rédaction de l'article L 64 sur l'abus de droit pour éviter le recours au critère « d'exclusivement fiscal » et passer éventuellement à « principalement fiscale ». Partagez-vous ce point de vue ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Totalement. Tous les montages d'optimisation fiscale sont tout à fait connus : il n'est question ni de fraude ni d'offshore. La rédaction du L. 64 nous prive de notre capacité d'action car sa rédaction est trop fermée. Si on trouve un autre but que fiscal - par exemple un but social, pour éviter de payer des charges sociales, nous ne pouvons appliquer l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Pourquoi ne recourrez-vous pas davantage au comité des abus de droit qui peut renverser la charge de la preuve ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Le comité de l'abus de droit ne suit pas toujours les préconisations de l'administration fiscale. Le comité examine le redressement et le schéma remis en cause par l'administration fiscale au regard du droit tel qu'il existe. Comme le texte est très fermé, nous rencontrons beaucoup de difficultés sur l'abus de droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Vous avez évoqué différents schémas, avec le Lichtenstein par exemple. Pouvez-vous en communiquer certains à la commission, à titre d'exemples ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Oui.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Êtes-vous surprise de l'inventivité des schémas ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Non.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur Saint-Amans nous avait dit avoir recensé 350 schémas en 2012 et 400 cette année.

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Il en existe peut-être 1 000. L'administration fiscale intervient toujours avec un an de retard. Un événement qui survient en juillet 2013 ne peut être traité par l'administration fiscale qu'avec un retard d'une année correspondant au délai de déclaration même s'il existe désormais la flagrance fiscale. La grande difficulté de l'administration fiscale quand elle met en oeuvre des procédures est d'être équilibrée La fraude continuera mais nous avons énormément progressé en cinq ans sur notre connaissance de la fraude et du offshore. Les actions menées ont été emblématiques et importantes. Il convient de collaborer davantage avec la magistrature et la justice. Les magistrats ont accès à nos procédures et nous avons accès aux leurs, ce qui est très utile.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Les banques jouent-elles un rôle dans la diffusion de ces schémas ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Je ne saurai répondre. Pour organiser ces évasions fiscales, vous avez besoin d'autres personnes, dans la profession du chiffre ou du droit. Je ne peux toutefois stigmatiser une profession en particulier. La complicité de fraude fiscale est un délit qui existe.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Avez-vous des collaborations spécifiques avec l'ACP ou l'AMF ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Non. TRACFIN envoie en revanche des bulletins à l'administration fiscale mais ce n'est pas la DVNSF qui les reçoit en direct. C'est la DNEF.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Avez-vous relevé des situations d'enrichissement personnel illicites, en lien avec des extorsions financières ? Disposez-vous de tous les moyens pour contrôler que les flux financiers des entités sociales ne dissimulent pas de telles manoeuvres ou processus ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Votre question vise à savoir si des personnes participent à la création de montage s'enrichissent au point de ne pas déclarer ces revenus. Certains dossiers d'évasion fiscale ont clairement mis en lumière que le monteur lui-même était un fraudeur. Nous n'avons pas eu d'axes de vérifications des dirigeants des banques. L'administration fiscale a un axe sur l'intéressement des managers et les hautes rémunérations des cadres dirigeants mais ceci concerne toutes les professions.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Nous formulerons des propositions au terme de nos travaux. Souhaitez-vous nous recommander des améliorations sur la transparence des actifs financiers ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Le point primordial concerne l'échange automatique. Ce sujet n'est toutefois pas national mais européen. Il faut arriver à mettre fin au secret bancaire.. Nous avons gagné une première bataille psychologique en montrant que le silence n'était pas éternel. Une action conjointe des Parlements dans ce sens pourrait être utile.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Pensez-vous que la productivité législative et réglementaire facilite l'imagination des fraudeurs et est un handicap pour vous ? Ne devrions-nous pas être beaucoup plus stables dans notre législation fiscale ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - La loi est générale et impersonnelle, par construction. Elle prévoit des cas particuliers : dans ces détails s'insèrent les montages. Les professions du droit sauront toujours trouver la faille des systèmes. Aucun système n'empêche en lui-même l'utilisation abusive des textes. Il est toutefois exact que l'inflation législative et réglementaire et, surtout, les exceptions à la loi générale conduisent à l'optimisation.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Je reviens sur la modification de la rédaction de l'article L. 64. Si la référence était « prioritairement fiscal », ceci m'interrogerait moins si les contribuables utilisaient davantage le rescrit. Le rescrit repose sur une relation de confiance entre le contribuable et l'administration.

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Le rescrit figure déjà dans les textes. L'administration fiscale a réalisé des progrès énormes en matière de rescrits fiscaux et en termes de sécurité juridique, qui est nécessaire. Le rescrit du L. 64 existe depuis l'origine. Je ne sais pas pourquoi le contribuable l'utilise peu. Des travaux avaient été menés il y a quelques années aux Etats-Unis sur la déclaration de montages. Nous avions réfléchi à cette possibilité en France mais les conseils n'en voulaient pas, disant que nous avions déjà l'abus de droit.

Debut de section - Permalien
Yvon Collin sénateur

Pensez-vous que les grands dirigeants d'entreprise bénéficient de schémas particuliers ?

Concernant le football, la motivation des dirigeants d'entrer en bourse n'est-elle pas une manoeuvre pour bénéficier d'un certain nombre d'avantages puisque certains clubs européens sont soupçonnés d'être des structures pour blanchir de l'argent ?

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - Sur les dirigeants, la systématisation du contrôle sur pièces des dossiers des particuliers les plus fortunés me paraît apporter une première réponse. Les plus grands dirigeants sont donc traités par ma direction, la DNVSF qui peut également procéder à un contrôle plus approfondi.

Sur le football, la DNVSF peut vérifier les joueurs mais pas les clubs. La Direction nationale des enquêtes fiscales peut mettre en oeuvre ces travaux, en lien avec la justice.

Debut de section - Permalien
Maïté Gabet, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances

directrice, direction nationale des vérifications des situations fiscales, ministère de l'économie et des finances. - J'essaierai de vous communiquer quelques schémas.

L'audition a eu lieu à huis clos.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Monsieur le Ministre, nous vous remercions d'avoir répondu à notre demande. Je vais vous demander de prêter serment. Monsieur Pascal Canfin, prêtez-vous serment de dire toute la vérité, rien que la vérité ? Levez la main droite et dites « je le jure ».

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, chargé du développement, ancien député

ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, ancien député. - Je le jure.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Je vous propose de vous laisser la parole 10-15 minutes, sachant que nous vous poserons ensuite des questions.

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, chargé du développement, ancien député

ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, ancien député. - Je souhaite vous présenter mon action en tant que Ministre du Développement, depuis 14 mois. La lutte contre l'évasion fiscale est un sujet majeur pour les pays en voie de développement aussi, et peut-être même en premier lieu. Les premières victimes de l'évasion fiscale sont justement les pays du Sud. Les chiffres sont connus. Au niveau mondial, les flux financiers qui sortent des pays du Sud représentent 10 fois l'aide publique au développement et, pour l'Afrique, selon un rapport de Kofi Annan, la sortie illicite de capitaux représente deux fois l'aide au développement. Les enjeux sont massifs. Ma mission concerne à la fois l'aide publique au développement et le fait de permettre les conditions du développement, grâce notamment à la maîtrise des flux financiers et à la collecte des impôts qui permettent ensuite aux Etats de mener des politiques publiques et de fonctionner sans recourir nécessairement à l'aide publique au développement.

Nous avons pris certaines initiatives, depuis 14 mois, en commençant par soutenir l'initiative britannique prise dans le cadre du G8, pour renforcer la transparence des circuits financiers, notamment dans les industries extractives, mais aussi celle des intermédiaires financiers et des trusts. Ceci figure aussi dans la loi bancaire française et dans la loi en cours d'adoption sur la fraude fiscale. Toutes les entreprises extractives ayant leur siège dans l'Union européenne devront publier, à compter de l'année prochaine, leurs comptes pays par pays et projet par projet. Ceci instaure une première transparence sur les flux financiers entre les entreprises et les Etats, ces secteurs représentant une part importante des flux financiers qui manquent dans les pays.

Une seconde étape devra être franchie pour mettre de la transparence sur les contrats et sur la comptabilité. Pour qu'il y ait bénéfice, il faut que celui-ci soit établi et que la valorisation des actifs soit rendue publique et qu'il en aille de même pour les termes du contrat. Pour les flux financiers, la transparence devra devenir la norme, ce qui prendra encore quelques mois, même si d'importants progrès ont été constatés depuis douze mois aux Etats-Unis, au Canada et en Union européenne. Cette transparence concernera les contrats et la valorisation des actifs. A défaut, l'exploitation de ressources peut ne générer, officiellement, aucun flux lorsque les actifs ne sont pas valorisés à leur juste valeur. L'initiative sur la transparence dans les industries extractives (EITI) a, comme prochaine étape, la transparence sur les contrats. Certains pays ont mis en place la transparence sur les contrats ; nous le ferons au Burkina-Faso. Ce socle permettra ensuite de lutter contre les flux financiers illicites qui passent par des territoires non coopératifs et par des circuits proposés par des institutions financières. D'où l'importance de la transparence des intermédiaires. Nous avons avancé dans la loi bancaire française et dans la loi bancaire européenne. La transparence pour les banques ayant leur siège dans l'Union européenne, s'imposera progressivement à partir de 2014 et 2015.

La France porte un plaidoyer très fort sur la lutte contre les paradis fiscaux mais l'Agence française de développement n'était pas à la pointe de la définition de ce qu'est une juridiction non coopérative. J'ai souhaité que l'Agence française de développement se dote d'une liste, additionnant la liste française et la liste du forum mondial de l'OCDE, utilisée aussi par la banque européenne d'investissement, pour définir les juridictions non coopératives. Concrètement, dans les pays de cette liste, l'AFD, opérateur public français, peut continuer à opérer sur des projets de l'économie réelle mais ne peut plus utiliser ces pays comme des centres financiers offshore pour financer des projets dans d'autres économies. Nous avons donc relevé les standards.

En complément, je pourrai revenir sur le cadre de stabilité financière. Il s'agit aussi de travailler sur les dispositifs anti-corruption et anti-blanchiment. Nous avons donc amélioré ces dispositifs en mars dernier sur les paradis fiscaux et sommes maintenant parmi les plus efficaces, transparents et ambitieux au monde sur ces sujets.

Nous apportons également notre soutien à des initiatives multilatérales (G8 et G20) et, avec la Norvège, à une initiative « inspecteurs des impôts sans frontières » portée par l'OCDE, avec une étude de faisabilité cofinancée par la France et la Norvège. Cette initiative vise à aider les pays du Sud à renforcer leur lutte contre l'évasion fiscale leurs ressources humaines, savoir-faire et expertises, en utilisant des inspecteurs des impôts actifs ou à la retraite des pays du Nord. Cette initiative apporte une valeur ajoutée car elle portera sur des cas précis d'évasion fiscale supposée, de montage financier opaque, avec de l'expertise acquise par les Inspecteurs du Nord, au service des administrations du Sud.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Vous avez évoqué l'aide au développement que notre pays verse à d'autres pays. L'aide publique au développement est-elle suffisamment conditionnée à un contrôle des transferts financiers vers les pays aidés. De même, pour les grands bailleurs internationaux, la conditionnalité est-elle suffisamment coordonnée ? Inclut-elle des mesures d'amélioration des contrôles prudentiels et réglementaires des systèmes financiers et des mesures de renforcement de l'efficacité des administrations fiscales ?

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, chargé du développement, ancien député

ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, ancien député. - Quand nous prêtons ou donnons de l'argent à un tiers (entreprise, association, Etat ou entreprise publique), nous nous assurons que cet argent n'est pas détourné ou utilisé par des entreprises ayant des problèmes de corruption ou par des personnes exposées. Les décisions prises au conseil d'administration de mars concernent notamment le bloc de sécurité financière qui a renforcé ces standards. Concernant les personnalités exposées, la France a désormais le standard le plus élevé de l'ensemble des opérateurs. Quand PROPARCO prête à un fond ou une entreprise, nous regardons la composition du capital jusqu'à un degré de granularité de 5 % du capital : toute personne qui détient plus de 5 % du capital doit donc justifier l'absence d'exposition à certains risques. Nous sommes donc en situation de garantir, autant que possible, le non-détournement de l'argent qui transite par les opérateurs français tels que l'Agence française de développement et ses filiales.

Par ailleurs, pour renforcer les capacités des pays les plus vulnérables, les plus victimes de la fraude et de l'évasion fiscale, des mesures sont prises. Outre « inspecteurs des impôts sans frontière », nous avons des experts techniques dédiés dans certains pays. Neuf inspecteurs travaillent déjà et deux sont en cours de recrutement sur des pays d'Afrique subsaharienne francophone. Nous menons des missions ponctuelles dans des pays d'Afrique centrale pour renforcer la capacité des administrations fiscales en termes de savoir-faire, de maîtrise des outils informatiques et de ressources humaines.

Se posera la question, lorsque l'échange automatique d'informations deviendra la norme, de la capacité ou de la volonté des pays en développement à assurer cet échange automatique. En parallèle de la montée en puissance du standard de l'échange automatique d'informations, il convient effectivement d'accompagner ces pays pour qu'ils puissent assurer cet échange automatique qui leur bénéficiera.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

L'an dernier, nous avions auditionné les représentants du CCFD. Il me semble que l'administration fiscale et financière du Ghana avait été mise en place par une banque, la Barclays me semble-t-il. Comment est-il alors possible de déconstruire le système, s'il pose problème ?

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, chargé du développement, ancien député

ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, ancien député - Le Ghana est plutôt un modèle de transparence des contrats. Au Ghana, tous les contrats passés entre l'Etat et les grandes entreprises, sont publics. La Banque mondiale travaille dans cette direction avec de nombreux autres pays. Cet agenda de la transparence est le meilleur moyen pour lutter contre l'évasion fiscale car il n'est pas discriminant, contrairement à la liste qui crée des problèmes diplomatiques. Les pays non coopératifs ne sont pas préjugés mais révélés. Le Ghana est donc plus un modèle qu'un cas problématique.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

L'AFD a fait l'objet d'un contrôle de l'ACP. Quelles ont été les conclusions de l'ACP ? Des mesures ont-elles été prises ?

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, chargé du développement, ancien député

ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, ancien député. - Je n'ai pas connaissance de mesures particulières prises après ce contrôle mais de toute façon nous avons décidé, en mars, d'améliorer, à travers le bloc de sécurité financière, tous les éléments contrôlés par l'ACP. Nous avons engagé des travaux avec Transparency International pour renforcer le regard extérieur sur la mise en oeuvre de la doctrine et travaillons sur les lanceurs d'alerte pour que l'Agence ait, sur son site Internet, un espace où elle puisse être saisie directement par une personne signalant des détournements potentiels ou des zones de risques en lien avec un prêt, un don ou un apport en capital du groupe AFD. Nous essayons de prendre le problème par tous les bouts : la doctrine, les procédures, le regard extérieur sur ces procédures et la possibilité de lancer des alertes et de remonter la chaîne. Nous essayons de minimiser tous les risques éventuels liés à l'activité bancaire de l'agence.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Avez-vous des informations sur l'affaire dite des chèques africains. Cette affaire incrimine une banque française de premier plan.

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, chargé du développement, ancien député

ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, ancien député. - Il s'agit d'une banque privée et la justice travaille sur ce dossier. Je ne peux rien vous dire d'autre que ce qui a été rendu public.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Vous êtes l'auteur d'un livre intitulé « Ce que les banques vous disent et pourquoi il ne faut presque jamais les croire », publié en 2012. Pouvez-vous donner les grandes lignes de cet ouvrage ?

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, chargé du développement, ancien député

ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, ancien député. - Je m'exprimerai alors moins en tant que Ministre qu'en tant qu'auteur.

J'ai constaté une capacité de lobbying des institutions financières extrêmement puissante. Il n'y avait pas, jusqu'à une date relativement récente, de contre-pouvoir organisé sur ce sujet : il existait des contre-pouvoirs dans le domaine de la santé et de l'agriculture mais pas dans le domaine financier. Cet agenda a beaucoup progressé depuis la crise financière, avec la création de Finance Watch à Bruxelles. Des ONG comme Oxfam ou le CCFD sont montées en puissance sur cette question. Il est nécessaire d'avoir un contre-pouvoir au lobbying de ce secteur. Compte tenu de l'importance de ce sujet, il n'était pas sain, même en termes démocratiques, qu'un tel pouvoir n'ait pas de contre-pouvoir. Il est essentiel que ce contre-pouvoir soit organisé et fasse vivre le débat autour de la finance. Les banques et les institutions financières sont entendues et écoutées car elles détiennent un monopole quant à l'information et à la technicité des informations qu'elles possèdent. Il faut donc déconstruire ce discours et l'accompagner pour mieux le critiquer. D'où l'importance d'un contre-pouvoir comme Finance Watch, sur la technicité.

Depuis douze mois, l'agenda sur la transparence a énormément progressé, bien plus que ces dix dernières années. L'acte fondateur est évidemment la crise financière mais l'acte politique fondateur est la décision de Barack Obama de mettre en place la loi FATCA. A partir du moment où les Etats-Unis négocient avec la Suisse ou le Luxembourg l'échange automatique d'informations, le Luxembourg ou l'Autriche ne peuvent plus le refuser aux pays de l'Union européenne. Une fois que l'échange automatique est en place, la Suisse ne peut plus demander à l'Union européenne de mettre ce dispositif en place en interne dans un premier temps. La volonté politique se matérialise davantage depuis six ou douze mois pour des raisons morales mais aussi pragmatiques car il est budgétairement insoutenable de se passer de ressources financières si importantes. Quelle que soit la couleur politique des gouvernements, la position est la même.

La loi bancaire sur la transparence obligera toutes les banques, à partir de 2014, à faire un reporting pays par pays. Lorsque j'ai déposé cet amendement au Parlement européen, la probabilité qu'il aboutisse était extrêmement faible. En quelques mois, ce qui semblait relativement inaccessible est devenu la norme, en France et en Europe. Il faut souligner ces victoires politiques car la capacité du politique à reprendre la main sur la finance, sur les banques, est un sujet fondamental dans la capacité à redonner confiance aux politiques. Je crois sincèrement que, sur les douze derniers mois, le politique a repris la main sur le pouvoir financier.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Lorsque les banques françaises que nous avons auditionnées affirment que leurs succursales dans les pays non coopératifs ne sont implantées que pour des raisons économiques, devons-nous les croire ?

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, chargé du développement, ancien député

ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, ancien député. - C'est tout l'intérêt de la transparence. Aujourd'hui, ces informations ne sont pas publiques et circulent sous le manteau. En 2009, une étude a montré que la moitié des profits mondiaux réalisés par une banque l'ont été dans un seul pays, le Luxembourg. Il semble difficile de considérer que la moitié de l'activité bancaire mondiale de cette banque française se déroule au Luxembourg. Je ne peux répondre formellement à votre question, faute d'élément mais l'agenda de la transparence mettra toutes ces informations sur la place publique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Aurons-nous vis-à-vis des Etats des Etats-Unis les mêmes pouvoirs ? Pourrons-nous obtenir des renseignements automatiques du Delaware ?

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, chargé du développement, ancien député

ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, ancien député. - Je suis moins au fait des derniers éléments de négociation sur la réciprocité et ne peux répondre à cette question. Il me semble toutefois que les Etats-Unis optent pour la réciprocité.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Les politiques peuvent reprendre la main. Se posent la question du système mais aussi celle des acteurs. Pensez-vous qu'il est facile de changer de paradigme alors que les acteurs qui ont connu l'ancien système sont encore en place ? Faudra-t-il attendre quelques années pour que la situation évolue dans le sens d'un jeu complet de la transparence ?

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, chargé du développement, ancien député

ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, ancien député. - Je ne sais pas s'il y aura un jour une génération spontanée d'acteurs n'ayant comme objectif que la transparence. Je préfère donc travailler dès maintenant, sachant que nous pouvons réussir, sur ce sujet - ou échouer - dans la reconstruction du lien de confiance entre les citoyens et le politique, à la fois en termes de démocratie politique et de contrôle de la mondialisation dite néo-libérale. Cet enjeu est central et ne peut attendre.

Les personnes en place peuvent se convertir. J'ai rencontré énormément d'anciens traders ou managers de salles de marché qui ne voient plus l'intérêt de leur métier, après avoir construit de la richesse artificielle, prédatrice de la richesse réelle, et mettent maintenant leur expérience au service de ceux qui veulent réguler. Il existe des alliés, des personnes ayant envie d'une finance plus régulée, davantage au service de l'économie réelle, où le politique peut représenter un intérêt général. Lehman Brothers n'était pas une banque universelle mais cela ne l'a pas empêché d'être au coeur de la crise financière. Je ne suis pas convaincu de la supériorité d'un modèle par rapport à un autre. Se pose en revanche une question d'aléa moral. La question du « too big to fail » peut-elle être résolue ? Il me semble que oui, à travers une mesure nationale qui se trouve dans la loi bancaire, avec la segmentation des actifs, et à travers l'union bancaire européenne qui édicte de nouvelles règles. Les actionnaires assument les premières pertes et les Etats n'ont plus à venir immédiatement à la rescousse. Ces mécanismes ont mis un certain temps à se mettre en place mais, le jour où ils seront opérationnels, nous ne serons plus tout à fait dans l'aléa moral de 2008 ou 2009. Nous avons progressé et avancé dans la bonne direction.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Vous avez évoqué le cas de la banque française réalisant 50 % de son bénéfice au Luxembourg. A quel document faites-vous référence ?

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, chargé du développement, ancien député

ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, ancien député. - Ceci a fait l'objet d'un rapport d'un groupe qui travaille pour les comités d'entreprise et qui, à la demande du comité d'Entreprise, a analysé les résultats pays par pays. Les syndicats peuvent effectivement demander ces informations.

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, chargé du développement, ancien député

ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, ancien député. - Il s'agissait de la Société Générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

J'entends bien votre discours visant à remettre la finance au service de l'économie réelle, qui n'est pas une formule mais bien un objectif. La finance a une rentabilité à deux chiffres alors que la croissance économique est faible. Dans cette course à la rentabilité immédiate, comment faire en sorte que l'économie réelle soit plus rentable que l'économie financière ?

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, chargé du développement, ancien député

ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, ancien député. - Il convient de diminuer la rentabilité des produits financiers, ce qui passe par la simplification des produits financiers. De nombreux produits financiers n'ont aucun impact positif sur l'économie réelle. Lors de la crise financière, figuraient parmi les produits les plus rentables les fameux CDS. Le fait de penser que les marchés financiers puissent s'auto-assurer est profondément malsain, à mon avis, puisqu'ils ne font que construire du risque puis se le transmettre. Quand le risque se réalise, il est accru et non diminué puisqu'il est transféré à d'autres. C'est une des leçons de la crise financière : on a cru qu'on pouvait prendre plus de risques et l'éclater en micro-portions dans l'ensemble du système financier alors que, dès que l'accident a lieu (une faillite de banque par exemple), le risque n'a absolument pas diminué. On pouvait prêter, encaisser le taux d'intérêt, la marge et la commission et transmettre le risque à un autre. Pendant cette période, les profits ont été colossaux et même prédateurs par rapport au bon fonctionnement de l'économie. Aujourd'hui, la fonction d'assurance de ces marchés n'a pas été remise en cause, en termes de doctrine et il faut continuer à avancer sur le sujet.

Il convient aussi d'appliquer une logique de simplification. Les produits dérivés sont censés diminuer le risque. Or la volatilité n'a jamais été aussi importante depuis que l'ingénierie financière est censée assurer la stabilité. L'ingénierie permet de prendre plus de risques, de les sortir des comptes et d'augmenter la volatilité. Tout un travail, presque théorique, doit déconstruire tous les fondamentaux de l'économie financière qui ont été construits pour justifier la complexité. Nous n'avons pas encore tiré toutes les leçons. Il est difficile de le faire au niveau national : ce débat doit essentiellement être mené au niveau européen pour lever l'obstacle de la concurrence entre opérateurs. Charge ensuite au politique de mettre en place les mesures en cours de négociations, telles que l'union bancaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Quel rôle joue le FMI ou la Banque mondiale dans le processus d'extorsion des richesses des pays ?

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, chargé du développement, ancien député

ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, ancien député. - Je peux différemment répondre pour le FMI. Je ne constate pas d'encouragements de la Banque mondiale à l'extorsion de richesses, au contraire. La question qui se pose n'est pas tant d'améliorer les standards de lutte contre l'évasion ou de lutte contre le blanchiment des institutions de Bretton Woods ou des bailleurs bilatéraux que de voir quelle est l'offre concurrente. Or l'offre concurrente au prêt de la Banque mondiale est double : les pays du Golfe et la Chine. En Egypte, le gouvernement a refusé les conditions du FMI et un pays du Golfe a apporté le même montant. Il existe des grands projets d'infrastructures en Afrique confrontés à ce même type de choix...

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Je pensais aux privatisations, demandées par le FMI, qui profitent in fine à des multinationales industrielles ou bancaires.

Debut de section - Permalien
Pascal Canfin, chargé du développement, ancien député

ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé du développement, ancien député. - Le point est important en termes de rapport de force géopolitique. Nous sommes face à un agenda de reprise en main de la mondialisation et de la finance. Lorsqu'on tire la mondialisation vers le haut, en termes de standards, avec les conditionnalités sur les financements de projets, nous nous heurtons à la limite de l'offre alternative, qui n'existait pas il y a dix ans. Existaient alors uniquement les plans d'ajustement structurel FMI et les conditionnalités du FMI. Nous sommes maintenant loin du consensus de Washington. L'enjeu géopolitique dépasse la finance : comment la Chine s'insère progressivement dans le jeu multilatéral ou établit au contraire un standard concurrent ? La question finira par se poser sur les questions qui nous occupent. De vifs débats ont eu lieu au G20 quant à l'échange automatique d'informations auquel la Chine n'était pas spontanément favorable. Nous devons mener une réflexion - et les parlementaires ont un rôle important à jouer - pour voir quelle vision stratégique la France déploie et quel discours la France tient pour rassembler tout le monde derrière des standards partagés au sein de la communauté internationale.

Les termes du débat relatif au FMI et à la Banque mondiale ont considérablement évolué depuis 20 ans.