La commission auditionne M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur le projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.
Mes chers collègues, après le général de Villiers, nous avons l'honneur de recevoir M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, à propos de la loi de programmation militaire (LPM), dont nous allons débattre début juillet.
Monsieur le ministre, nous constatons avec satisfaction que vous savez défendre vos dossiers dans les conseils interministériels, et que les arbitrages tombent du bon côté. Nous avons, à notre modeste niveau, contribué au combat que vous menez. Nous pensons qu'il est en effet important de renforcer les moyens de la défense nationale.
Vous nous aviez convaincus qu'il fallait défendre les sociétés de projet mais nous sommes heureux que les ressources de la défense soient budgétisées. Nous étions prêts à nous orienter vers d'autres solutions, mais nous préférons celle qui a été choisie.
Même si des avancées financières sont proposées sur la première partie de la programmation, les rendez-vous financiers qui auront lieu après 2017 sont tout aussi importants. Nous devons en débattre pour que chacun ait bien en tête les données du problème.
Nous apprécierions également de vous entendre à propos du commerce extérieur français, auquel vous contribuez de manière très active. Ceci est très important pour notre industrie de défense. Nous sommes tous très sensibles aux emplois qui sont derrière, en particulier en matière de technologie.
Toutes ces questions nous passionnent. Nous sommes également heureux de vous entendre au sujet des associations professionnelles de militaires, même si notre enthousiasme est un peu moins prononcé. Le Conseil d'Etat nous a expliqué pourquoi nous nous trouvions dans cette situation, en raison de l'arrêt de la CEDH, mais on peut constater l'impasse sans pour autant être totalement satisfait de la manière d'en sortir !
Sachez que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat prend tous ces sujets très au sérieux, et mesure l'implication qui est la vôtre dans ce domaine. Nous savons que vous entendez agir dans l'intérêt du pays.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, c'est toujours un plaisir pour moi de me retrouver devant vous, je le dis avec conviction.
J'évoquerai rapidement la situation internationale ; elle mériterait certainement de plus amples développements, mais je suis disponible pour venir une autre fois apporter des informations sur l'évolution des différentes crises.
L'actualisation était déjà prévue pour fin 2015 dans la LPM votée en décembre 2013. Il s'agissait d'une mesure de sagesse. Elle est aujourd'hui accélérée avec la procédure d'urgence, à la demande du Président de la République, en raison des développements internationaux et du très grand engagement de nos forces depuis le début 2015. Il fallait absolument agir vite. Des observations ont été émises à l'Assemblée nationale à propos de l'urgence, mais celle-ci était une nécessité : dans la situation où se trouvaient nos forces, il fallait en effet absolument définir un cadre et une perspective à moyen terme rénovés, en particulier pour rompre le rythme très dur aujourd'hui subi par nos forces, en raison de l'importance de leurs missions. L'urgence, c'est la sécurité, et il me paraît donc souhaitable que l'on puisse aboutir rapidement.
Quelques mots sur l'environnement stratégique avant d'évoquer les principales mesures d'actualisation...
Depuis le vote de la LPM, l'environnement stratégique a évolué de manière négative et très préoccupante - mes différentes auditions devant votre commission en témoignent. Depuis janvier 2015, comme tous les autres États européens, la France est directement exposée à la menace terroriste, qui a pris une ampleur et des formes sans précédent. Je crois l'avoir déjà dit au Sénat en séance publique, cette menace nouvelle se joue des frontières, et il existe une à imbrication croissante entre la sécurité de la population sur le territoire national et la défense de notre pays à l'extérieur. Il n'y a donc pas de rupture entre la menace extérieure et la menace intérieure. C'est là une donnée tout à fait nouvelle.
Cette accélération se justifie également par le fait qu'il y a eu en même temps une simultanéité des risques et une aggravation de l'ensemble des menaces ; ceci a nécessité de revenir à une actualisation plus rapide que prévue.
Par rapport aux engagements de la LPM de décembre 2013, et en raison de la soudaineté et de la simultanéité des crises, nous avons mobilisé nos forces au-delà des contrats opérationnels retenus en 2013. Nous avons régulièrement plus de 9 000 hommes déployés en opérations extérieures, un engagement sur le territoire national allant bien au-delà des 10 000 hommes pour un temps court prévu par le contrat « Protection », ainsi que des avions de combat déployés en nombre une fois et demi supérieur en gestion de crise. L'ensemble des contrats consécutifs à la LPM ont été dépassés par la simultanéité et la gravité des crises que nous vivons depuis fin 2013.
Je parle d'actualisation et non de révision, les principes fondamentaux sur lesquels nous nous sommes engagés en décembre 2013 restant les mêmes. En particulier, le triptyque protection-dissuasion-intervention doit impérativement continuer à structurer notre stratégie de défense et les missions de nos forces. J'entends parfois des voix qui suggèrent quelques abandons dans ce domaine. Je le dis avec force : ce n'est pas notre choix ni ce que je propose !
J'ajoute que ces menaces se poursuivent. Les crises sont toujours là. Il existe des éléments plutôt encourageants en ce moment, grâce à la perspective d'un règlement de paix au Mali, qui devrait se régler le 20 juin, dans la suite des accords d'Alger. Nous sommes là dans une évolution positive. J'espère que tout cela va durer.
Quant à la situation en Centrafrique, nous sommes dans un processus plutôt positif, après le forum de Bangui. On peut maintenant envisager de manière lucide des élections avant la fin de l'année, ce qui était le but recherché depuis longtemps. Du coup, le désengagement se poursuivra. Les nouvelles sont encourageantes, même si ces deux territoires nous ont réservé des surprises dans le passé.
Pour le reste, la situation en Ukraine est celle que vous connaissez ; en Lybie, les choses sont très préoccupantes, et je ne suis pas certain que les discussions de Berlin aboutiront au compromis nécessaire. En Syrie et en Irak, Daech reprend du territoire. C'est ce que j'avais dit au tout début de la crise en Irak. Après avoir pris Syrte, ils ont pris une autre ville, Haroua, à l'est, et ont maintenant deux cents kilomètres de linéaires de côtes.
La situation reste préoccupante, chacun en est convaincu. On peut craindre que les « combattants étrangers » de Syrie puissent arriver assez vite en Libye et entraîner d'autres difficultés. Nous vivons donc dans une période de menaces aggravées.
Cette prise de conscience n'a pas uniquement lieu en France. J'observe avec intérêt que d'autres pays européens ont décidé d'infléchir dans un sens positif leurs orientations budgétaires de défense. D'autres pays et d'autres acteurs se posent par ailleurs des questions. Je pense au débat qui vient de s'ouvrir en Grande-Bretagne sur la sécurité, qui va se poursuivre jusqu'à la fin de l'année, et qui ne manquera pas d'être intéressant.
Je voudrais à présent lister les neuf orientations majeures de l'actualisation, en rappelant que les grands équilibres de la LPM sont maintenus.
Premier point : le Président de la République a d'abord fait le choix de définir un nouveau contrat de « Protection » sur le territoire. L'objectif est désormais que nos armées disposent de la capacité de déployer sur la durée 7 000 soldats sur le territoire national, avec la faculté de monter presque instantanément jusqu'à 10 000 hommes pour un mois. C'est là une nouvelle donne.
Les effectifs de la force opérationnelle terrestre (FOT) seront ainsi portés à 77 000 hommes, au lieu des 66 000 initialement prévus. La contribution de la réserve opérationnelle sera également accrue. Cette augmentation de capacité de notre armée de terre représente un tournant majeur dans notre histoire militaire récente. Un choix a été fait. Si d'autres idées ont été émises, comme l'hypothèse d'une garde nationale, d'une réserve territoriale massive, ou d'un renfort da la police ou de la gendarmerie, la décision a été prise de renforcer nos unités de combat professionnelles.
Nous écartons toute idée d'armée à deux vitesses. Il faut une armée professionnelle, un commandement, du renseignement, des capacités appropriées et renforcées. Il est hors de question de considérer ces forces comme supplétives. C'est une mission militaire, qui figure historiquement parmi les missions de nos armées. C'est une activation du concept de défense opérationnelle du territoire (DOT).
Je souhaite que l'on puisse, dans les semaines et les mois qui viennent, réfléchir ensemble, avec votre commission et avec celle de l'Assemblée nationale, sur les conséquences de ce renforcement de la force opérationnelle terrestre et sur le concept de protection du territoire, pour bien marquer l'importance d'une armée professionnelle pour remplir ce rôle. Il n'y aura pas de régiments affectés à la protection du territoire et d'autres aux interventions extérieures : c'est la même armée qui aura, en fonction des décisions du chef d'état-major de l'armée de terre, des missions différentes. Les régiments auront des itinéraires et des missions sur une année qui permettront d'agir à la fois sur le territoire national ou de remplir des missions à l'extérieur, en interventions, en projection extérieure ou en prépositionnement, comme c'est le cas aujourd'hui.
Second point : le Président de la République a décidé en conséquence un allégement des déflations d'effectifs, dans le but de renforcer nos capacités opérationnelles, très sollicitées, mais aussi de faire face à certains besoins majeurs, comme les services de renseignement ou la cyberdéfense.
Prise globalement, la diminution de la déflation permettra de gager des postes au bénéfice de la force opérationnelle terrestre, de créer plus de 650 postes dans le domaine du renseignement, au moins 500 postes - pour un total de mille postes sur 2014-2019 - dans le domaine de la cyberdéfense, et de renforcer le soutien aux exportations d'armement.
Cette réduction de la déflation est de 18 500 postes. Le nombre de postes à déflater est ainsi ramené à 14 925 sur la période 2014-2019, au lieu des 33 675 prévus initialement par la LPM votée en 2013. La déflation réalisée en 2014 s'élevant à un peu plus de 8 000, il reste donc 6 918 postes à supprimer sur la période 2015-2019, ce qui reste significatif.
Troisième point : le Président de la République a décidé d'accroître la dépense de défense de 3,8 milliards d'euros par rapport à la LPM initiale.
Ces crédits additionnels vont bénéficier tout d'abord au nouveau contrat « Protection », avec 2,8 milliards d'euros consacrés aux effectifs et aux coûts d'infrastructures et de soutien afférents à ces emplois.
Ensuite, cet effort supplémentaire va permettre d'améliorer l'équipement des forces, y affectant un milliard d'euros de crédits budgétaires supplémentaires, avec 500 millions d'euros de capacités nouvelles, et 500 millions d'euros pour l'entretien du matériel, sujet que j'avais déjà eu l'occasion d'évoquer longuement lors du débat sur la LPM en 2013.
Je ne souhaite pas que le maintien en condition opérationnelle soit une variable d'ajustement, comme cela a été le cas antérieurement. Il n'y a pas de ma part de volonté de polémique : je constate simplement que, depuis un certain nombre d'années, l'entretien des matériels faisait les frais d'ajustements divers et variés. Il fallait l'arrêter ; on l'a fait ! La LPM prévoyait 4,3 % d'augmentation annuelle d'entretien programmé des matériels. On ajoute à cette augmentation 500 millions d'euros sur la période, soit 100 millions d'euros par an de plus. C'est une nécessité, car les matériels utilisés et sollicités en opérations subissent des détériorations auxquelles il faut remédier.
Par ailleurs, 500 millions d'euros seront affectés à des capacités nouvelles, auxquels s'ajoutera 1 milliard d'euros issu de la réaffectation des gains de pouvoir d'achat liés à l'évolution favorable des indices économiques, du fait de l'inflation et des prix des carburants depuis le vote de la LPM. Ce gain sera affecté non au fonctionnement, mais investi dans de nouvelles capacités.
1,5 milliard d'euros de capacités viendra donc renforcer un certain nombre de capacités, comme la composante « hélicoptères ». L'actualisation prévoit l'acquisition de sept Tigre, de six NH 90 supplémentaires, et le déploiement d'un plan spécifique destiné à améliorer la disponibilité des hélicoptères.
Nous allons également renforcer nos capacités de transports aériens tactiques, excessivement sollicités, et confirmer la livraison des six FREMM sur la période de programmation, malgré le prélèvement de la Frégate égyptienne, en accélérant ce programme pour être dans le scénario prévu initialement. Nous allons boucler le financement du troisième CSO, réalisé en coopération avec l'Allemagne. Enfin, nous équiperons nos drones de surveillance d'une charge d'écoute électromagnétique, indispensable aujourd'hui, et renforcerons les moyens de nos forces spéciales, en particulier les lunettes de vision nocturne.
L'ensemble des engagements capacitaires que j'avais pris devant vous au moment de la LPM sont maintenus. Dans le dispositif que je propose, j'accélère également les trois MRTT manquants.
Quatrième point : le Président de la République a décidé de simplifier la structure des ressources financières de la programmation militaire. Il n'y aura donc plus de ressources exceptionnelles, à l'exception des ressources immobilières et des cessions de matériel, qui ne représenteront plus que 0,6 % de la programmation financière. Tout le reste sera budgété à partir de 2015.
Ainsi, la très grande majorité des 6,2 milliards d'euros de ressources exceptionnelles qui restaient à trouver sur la période 2015-2019 seront converties en crédits budgétaires, à hauteur de 2,14 milliards d'euros, dès cette année. Le collectif permettra d'atteindre les 31,4 milliards d'euros sur lesquels le Président de la République s'était engagé.
Exit, donc, les sociétés de projet. J'ai déjà eu l'occasion de dire que j'étais preneur d'autres solutions. Celles-ci sont arrivées, et je trouve que c'est une meilleure gestion. On tourne donc la page, définitivement j'espère, des ressources exceptionnelles affectées au ministère de la défense.
Au total, notre effort de défense s'élèvera ainsi sur la période 2015-2019 à 162,4 milliards d'euros courants, contre 158,6 milliards d'euros votés en 2013.
Enfin, lors du débat à l'Assemblée nationale, vos collègues députés ont introduit trois dispositions auxquelles le Gouvernement a apporté son soutien :
- d'une part, l'inscription dans les articles de loi, et non plus dans le rapport annexé, de la clause de sauvegarde relative à la couverture des volumes de carburant nécessaires à l'activité des armées en cas de hausse des cours ;
- d'autre part, la remise d'ici fin 2015 de deux rapports du Gouvernement sur l'opportunité d'introduire dans la loi de programmation des clauses de sauvegarde financières dans le cas d'un retournement des indices économiques, et dans le cas où les cessions immobilières et de matériels ne seraient pas au rendez-vous.
Ces amendements ont été déposés par M. Lamour. Je les ai soutenus. Ils ont été intégrés dans le texte.
Cinquième point : la LPM comporte une véritable ambition pour notre industrie de défense. Par sa politique d'acquisition, l'État favorisera notre industrie du fait du surcroît d'investissements que j'ai décrit précédemment : en moyenne annuelle, le ministère dépensera 17,6 milliards d'euros pour ses acquisitions d'équipements.
La question des Rafale est maintenant derrière nous, les deux commandes fermes du Qatar et de l'Égypte étant là. Quant à l'Inde, la décision d'achat de trente-six Rafale a été prise lors de la visite du Premier ministre de l'Inde. Les discussions techniques sur la conclusion de l'accord se déroulent dans les meilleures conditions. La conclusion interviendra dans des délais assez courts, certainement avant la fin de l'année.
J'ajoute que nous souhaitons des leaders européens compétitifs. Dans cet esprit, un projet de drone MALE, qui pourrait équiper les armées à partir de 2025, s'élabore en coopération avec l'Allemagne et l'Italie. Nous avons conclu un accord avec les industriels concernés. Le débat sur le concept de drone même a été quelque peu compliqué en Allemagne, mais les choses s'éclaircissent. J'ai signé cet accord il y a environ un mois et demi.
Dans le même ordre d'idée, le rapprochement entre Nexter et KMW se déroule dans de bonnes conditions et pourrait se conclure très rapidement. Il sera bouclé d'ici la fin de l'année. Il s'agit là d'une avancée très significative.
Je précise que le chiffre des exportations de l'année 2014 est de 8,4 milliards d'euros, en augmentation de 18 % par rapport aux chiffres de 2013, eux-mêmes en augmentation de 40 % par rapport au chiffre précédent ! Nous avons déjà, en juin 2015, atteint le chiffre de 2014, niveau très significatif. Je puis vous annoncer, l'Élysée venant de le rendre officiel, qu'un nouveau contrat d'un milliard d'euros a été conclu avant-hier avec l'Émir du Koweït, lors de mon déplacement dans ce pays, pour l'acquisition d'hélicoptères Caracal, qui seront construits à Marignane - et ce n'est pas fini ! Cet accord avec le Koweït est très important, ce pays étant sous dominante anglo-saxonne totale
Sixième point : la création des associations professionnelles nationales de militaires. Même si vous avez évoqué votre réserve, monsieur le président, nous étions contraints par deux arrêts prononcés le 2 octobre 2014 par la Cour européenne des droits de l'homme. Le projet de loi instaure le droit pour les militaires de créer et d'adhérer librement à des associations professionnelles nationales de militaires (APNM) - et seulement à elles. Ces adhésions comportent les restrictions légitimes qui conviennent.
C'est une avancée pour la condition militaire, qui ne doit ni heurter, ni être précipitée, mais au contraire rassurer sur le fait qu'elle ne remet en cause ni les obligations fondamentales et constitutionnelles de nos armées, ni l'unicité du statut militaire.
Septième point : associer davantage les réserves au renforcement de la posture de protection de nos armées, qu'il s'agisse des déploiements ou de la cyberdéfense. Le projet comporte un effort sans précédent au profit de la réserve opérationnelle, qui passera de 28 000 hommes à 40 000 hommes, en favorisant un élargissement des recrutements vers la société civile, une augmentation du temps de période et de la rapidité de mobilisation.
Je me suis entretenu avec les responsables du MEDEF à ce sujet, et je pense que nous devons nous imposer comme discipline d'aboutir, car on a souvent tendance à négliger les réserves. Or, on a bien vu l'importance qu'elles pouvaient représenter.
Huitième point : nous allons lancer l'expérimentation d'un service militaire volontaire en métropole, à l'instar du service militaire adapté qui existe dans les Outre-mer. Deux centres accueilleront des jeunes à compter de la rentrée 2015, à Montigny-lès-Metz, en Moselle, et à Brétigny-sur-Orge, dans l'Essonne ; un troisième centre complètera l'expérimentation en 2016, à La Rochelle, pour accueillir un millier de volontaires. La défense est prête à mener l'expérimentation, mais si l'on souhaitait élargir ce dispositif, il faudrait que les choses soient financées et portées par d'autres organismes que le ministère de la défense.
Neuvièmement : l'ensemble de ces dispositions n'empêchera pas la transformation du ministère de la défense, qui est en cours. Il existait déjà des plans stratégiques pour l'armée de l'air, la marine, le service de santé et le service du commissariat des armées (SCA). Ces projets de service se poursuivront.
Il y a désormais le plan stratégique de l'armée de terre appelé « Au contact » qui va modifier de façon assez singulière cette armée : elle sera composée de sept brigades, dont une brigade d'aérocombat, la BAC, disposant de l'ensemble des hélicoptères que j'évoquais précédemment.
Je suggère à ce sujet que la commission auditionne le chef d'état-major de l'armée de terre pour qu'il vous présente l'ensemble du dispositif. C'est un changement assez significatif pour l'armée de terre, qui s'adapte ainsi à la nouvelle donne stratégique.
Merci, monsieur le ministre, pour votre engagement personnel dans le combat que vous avez mené pour les ressources de la Défense, avec l'appui du Président de la République, il faut le dire.
Nous vous avions soutenu lors de la LPM de 2013, et vous nous aviez fait confiance ; malheureusement, nous y avions relevé quelques faiblesses : vous les corrigez globalement.
Nous souhaitions la réduction de la déflation d'effectifs compte tenu de l'évolution des menaces. On ne peut qu'applaudir à la préservation de 18 500 effectifs. Nous saluons l'augmentation du budget destinée à compenser ces effectifs et au-delà. Vous avez obtenu le maintien des économies d'un milliard d'euros réalisées en faveur de la défense grâce aux indices macroéconomiques. Nous vous en félicitons.
Vous vous êtes beaucoup battu au sujet de la consolidation du budget. Les sociétés de projet ont peut-être joué un rôle de l'épouvantail qui a fait céder Bercy.
Les recettes exceptionnelles (REX) disparaissent ; elles deviennent des crédits budgétaires, mises à part les REX immobilières, marginales.
Nous sommes donc globalement satisfaits, vous vous en doutez, les choses allant dans le sens que nous souhaitions. Nous avions émis des réserves lors de la loi de finances pour 2015 : vous y avez totalement répondu.
Je voudrais apporter cinq points au sujet desquels nous avons besoin d'être rassurés.
Les deux premiers points concernent les amendements Lamour au sujet de la garantie des REX immobilières, d'une part, ainsi que le retournement de l'évolution des indices économiques, d'autre part. Nous devons vous accompagner et vous soutenir sur ces questions.
Nous voulons également avoir la certitude que la Défense sera remboursée des frais engagés pour accompagner la vente à l'export des Rafale ou la FREMM. Il n'est pas naturel que ce soit la défense qui paie la formation de pilotes ou de marins - sauf cas exceptionnels. Il faut que nous obtenions le remboursement de ces frais de la part des pays ou des industriels concernés.
Quatrièmement, vous avez évoqué la montée en puissance de la réserve opérationnelle, à laquelle nous souscrivons. Elle nécessitera cependant des textes complémentaires, notamment pour allonger les contrats des réservistes et permettre aux employeurs, publics ou privés, d'accepter ces nouvelles organisations. Nous attendons donc que lesdits textes arrivent rapidement.
Enfin, vous venez d'évoquer l'expérimentation de mille services militaires volontaires : il n'y a pas de raison que ce soit la défense qui paie une décision qui la dépasse largement. Celle-ci peut être évaluée à 30 millions d'euros environ, si l'on extrapole les coûts du service militaire adapté (SMA). Ce n'est pas la peine que la défense aille plus loin sur son propre budget. Le SMA représente un coût direct de 18 000 euros par stagiaire et 30 000 euros en coût indirect. C'est un prix moyen qui représente au total 25 millions d'euros.
Voilà les éléments sur lesquels nous avons besoin d'être rassurés. Je sais que notre président Jean-Pierre Raffarin, rapporteur du texte, ira en ce sens pour vous accompagner.
Daniel Reiner est en déplacement en Iran, mais il ne me pardonnerait pas de ne pas évoquer notre soutien à l'aéromobilité. Nous avons là un petit différend : nous sommes d'accord avec les avions tactiques et, au-delà de la rénovation des C-130 actuels, très vieillissants, nous soutenons l'enveloppe prévue pour l'achat de nouvelles versions de C-130, mais nous sommes plutôt favorables à l'achat de C-130H d'occasion aux Américains, qui ont un bon potentiel. Cela peut paraître technique, mais l'enveloppe n'étant pas très importante, il nous faut en acheter le plus possible pour pouvoir réaliser les adaptations dont nous avons besoin.
Par ailleurs, vous avancez la livraison des NH90 dont les forces ont besoin, et vous commandez sept Tigre HAD supplémentaires, mais nous avions acheté quarante HAP. Seuls vingt appareils volent, les armées n'ayant pas commandé suffisamment de pièces de rechange. Nous sommes prêts à supporter la suppression du septième Tigre pour acheter des pièces de rechange afin de faire voler une dizaine de Tigre HAP supplémentaires !
Monsieur le ministre, il faut être très vigilant concernant le droit de communication des associations professionnelles de militaires, c'est un ancien journaliste qui vous le dit.
Pour le reste, bravo pour le Koweït. Vous dites que nous avons aujourd'hui déjà atteint le chiffre d'exportations de 2014. Cela comprend-il les livraisons d'armes au Liban ?
Enfin, vous nous avez dit que Daech contrôle 200 kilomètres de côtes au Nord de la Libye. D'éventuelles interventions destinées à bloquer voire à détruire les bateaux de passeurs qui transportent des immigrés clandestins vers l'Europe ne risquent-elles pas de nous conduire à une confrontation directe avec Daech ?
Monsieur le ministre, merci encore pour votre engagement et pour des décisions qui vont dans le sens de ce que souhaitait notre commission.
Vous avez rappelé que l'actualisation de la LPM prévoyait 3,8 milliards d'euros de crédits, dont 2,8 milliards d'euros pour les effectifs, et 500 millions pour le MCO. Il reste donc 500 millions pour l'équipement. Vous avez rappelé que l'effort de la LPM en matière d'équipements représentait 1,5 milliard d'euros. Il reste donc un milliard, que l'on dégage grâce à ce que vous avez appelé le « pouvoir d'achat ».
L'inflation, les taux d'intérêt et les prix des carburants peuvent fluctuer. N'avez-vous pas quelques craintes sur la réalité de ce milliard d'euros ? Ne faut-il pas prévoir une sanctuarisation de ces crédits ?
Par ailleurs, les crédits budgétaires doivent être rapidement mis en place pour compenser les REX. Il s'agit de le faire par le biais d'un collectif budgétaire, mais il est urgent que ces crédits soient disponibles. Avez-vous une date à nous annoncer pour ce collectif ? Si les choses arrivent trop tard, cela pourrait complexifier les achats.
Enfin, vous avez affirmé que la coopération internationale progressait. C'est une bonne nouvelle pour la défense. Est-on bien en accord sur l'étude de définition lancée avec l'Allemagne à propos de la nouvelle génération de drones ? Seront-ils armés ou non ?
Monsieur le ministre, l'entretien programmé des matériels, après avait longtemps subi de plein fouet les contraintes budgétaires, a été sensiblement mis en avant dans la LPM de décembre 2013, et doit bénéficier, sur la période 2014-2019, d'une progression annuelle moyenne de 4,3 %.
Pour autant, il existe toujours des tensions importantes de trésorerie sur le programme 178 qui comporte en particulier l'entretien programmé des matériels (EPM). Les retards de paiement sont importants ; les opérations extérieures accroissent les besoins. En outre, cette année, 2,14 milliards d'euros de crédits budgétaires destinés à remplacer les recettes exceptionnelles ne seront disponibles qu'en toute fin d'année, le collectif ne devant pas être présenté avant. Comment allez-vous surmonter ces tensions de trésorerie en 2015 ?
Par ailleurs, sur les 3,8 milliards d'euros de nouveaux crédits annoncés dans cette actualisation, 500 millions d'euros sont consacrés à l'EPM pour la période 2016-2019.
Nous pouvons nous féliciter de ce nouvel effort particulièrement nécessaire au regard de l'usure des matériels en OPEX ou de l'importance de la préparation et de l'activité opérationnelle, mais il semble que le message est quelque peu brouillé par le milliard d'euros annoncé pour de nouveaux équipements et financé par des gains de pouvoir d'achat qui peuvent varier.
Vous expliquez cette enveloppe d'un milliard d'euros par la baisse des coûts des facteurs, ce qui concerne l'entretien programmé des matériels. D'un côté, on constate une économie d'un milliard d'euros par rapport aux prévisions, largement sur le programme 178, et on l'affecte à de nouveaux matériels, dont ont par ailleurs besoin nos armées ; d'un autre côté, on annonce une enveloppe supplémentaire de 500 millions d'euros.
Il est difficile de comprendre le solde net de l'entretien programmé des matériels et le programme 178 dans son ensemble. Pouvez-vous nous éclairer sur ces évolutions ?
Enfin, permettez-moi de vous adresser une question en tant que sénateur de Paris : allez-vous vendre l'îlot Saint-Germain à la Ville de Paris bien moins cher que le prix du marché, ou allez-vous le mettre en vente normalement ?
Monsieur le ministre, n'est-il pas à craindre que Daech prenne de plus en plus de pouvoirs dans la bande de Gaza ?
S'agissant de Daech, M. Bernardino León, envoyé de M. Ban Ki-moon, mène des négociations difficiles depuis un certain nombre de semaines. On arrive aujourd'hui, à Berlin, à une butée avec la quatrième proposition de M. León. Nous souhaitons que les partenaires libyens puissent accepter ces solutions, qui nous conviennent. Il faut le faire avant le ramadan et la fin de la légitimité du Parlement de Tobrouk. Certains, qui ne sont pas décidés à trouver un accord, jouent la montre pour parvenir à l'invalidation du Parlement de Tobrouk, qui se retrouvera alors dans la même situation que le Congrès de Tripoli. Il s'agit là d'une nouvelle donne extrêmement compliquée.
Pour le Gouvernement, il n'y a pas de solution militaire à la crise libyenne. Je participais hier à Tunis à une réunion des ministres de la défense marocain, algérien, tunisien, espagnol, portugais, etc. Nous sommes tous convenus, même les Algériens et les Marocains, que seul cet accord permettrait de trouver une transition. J'espère qu'elle pourra avoir lieu. Dans le cas contraire, on sera dans une situation très difficile. Daech joue de deux façons en Libye, à la fois par la pénétration propre et par des ralliements successifs. Faute d'un accord, les ralliements vont se poursuivre. Nous ne sommes pas dans une logique d'intervention.
S'agissant des bateaux de migrants, il existe une proposition d'action en trois phases dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune. Un état-major a été installé à Rome la semaine dernière, sous commandement italien, avec un adjoint français.
La première phase, à laquelle nous comptons participer, concerne la connexion de toutes les informations dont on dispose, la deuxième consiste en l'interpellation en haute mer et la troisième phase a trait à l'intervention sur la base des mouvements.
Ces décisions reposent soit sur une demande des Libyens, qui n'a pas eu lieu, soit sur une résolution des Nations unies, qui n'a pas non plus vu le jour. On est dans une situation intermédiaire, mais il ne s'agit en aucun cas d'une logique d'intervention massive sur la situation intérieure libyenne.
Concernant les interventions contre les passeurs, nous ne pouvons agir que dans le cadre d'une légitimité internationale, qui n'existe pas. Elle ne peut émaner que de deux sources, soit de l'État concerné, soit des Nations unies. Ce n'est pas le cas pour le moment. Le Conseil européen du 22 ou du 23 juin va devoir aborder cette question. L'état-major installé à Rome fait pour le moment du renseignement et de la connexion d'informations.
S'agissant des ressources immobilières, l'îlot Saint-Germain va être mis en vente, après définition du prix par la Direction nationale d'interventions domaniales (DNID). On est aujourd'hui habitué à ces ventes. Pour l'instant, on ne s'en porte pas trop mal. J'espère que cela continuera. Seul sera conservé l'hôtel de Brienne, où se trouvent les anciens bureaux de Clemenceau et du général de Gaulle, qui font partie du patrimoine national.
Pour répondre à la question de M. Pozzo di Borgo, l'évolution des facteurs présente toujours un risque ; pour le moment, cela va dans un sens positif. Avec le Contrôle général des armées et l'Inspection des finances, nous avons évalué la réalité de l'avantage qui nous est affecté du fait de l'évolution favorable des indices à un milliard d'euros. Ceci est identifié agrégat par agrégat. Comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale, je suis prêt à le détailler. Cette somme servira uniquement à se doter de capacités nouvelles.
S'agissant de l'exportation, le coût de l'accompagnement est relativement modeste. Le risque le plus important concerne les FREMM, mais les choses sont aujourd'hui réglées. On accélère la construction de la sixième FREMM, et on a décidé de lancer dès à présent, dans le cadre de l'actualisation, un programme de cinq Frégates de taille intermédiaire, ce qui nous permettra d'être plus performants à l'exportation, et qui correspond aux besoins de la marine nationale. Le nombre de FREMM s'élève donc à quinze.
Concernant les Rafale, nous en fournissions à l'Égypte trois au mois d'août et trois à la fin de l'année, que nous prélevons sur nos propres Rafale. Ils seront compensés assez rapidement.
La formation des personnels et leur mise à disposition seront donc bien compensées financièrement ?
Oui. Quatre cent postes sont affectés au soutien à l'exportation dans le cadre du redéploiement des effectifs. L'effort des armées à l'exportation se limite à cela.
Autant que je m'en souvienne, on n'a pas besoin de textes supplémentaires...
Il va bien falloir un texte pour que les employeurs acceptent que les salariés s'absentent plus longtemps !
A priori, je ne le crois pas.
Concernant le SMV, il est hors de question que le ministère de la défense aille au-delà des trois sites expérimentaux, des mille personnels et des 35 millions d'euros.
Nous avons l'expérience du service militaire adapté (SMA) dont nous nous inspirons pour le SMV. On verra si on peut la prolonger ou non.
Pour ce qui est des C-130, nous avons provisionné des crédits pour l'achat de quatre appareils.
Quant aux hélicoptères, nous veillerons que les pièces détachées soient fournies. Les achats de pièces détachées avaient été sous-dimensionnés. Il avait été prévu d'en acheter pour vingt appareils, alors que le parc était de quarante. Le phénomène est corrigé. J'ai pu moi-même constater quelques difficultés dans ce domaine.
Je n'ai pas répondu à la question de M. Pintat à propos du budget 2015. Les sommes sont inscrites au collectif budgétaire. Les 2,14 milliards d'euros ne concernent que des équipements. Le dégel sera effectif à l'automne, et nous disposerons d'un décret d'avance anticipé. 31,4 milliards d'euros seront budgétés pour la défense. Les éventuels problèmes de trésorerie seront réglés soit par décret d'avance, soit par la levée du gel.
Concernant les drones et les discussions avec l'Allemagne, c'est un drone d'observation, et non de combat qui succède au Reaper. Pour le moment, les choses se passent bien, même si les approches de départ étaient différentes. J'espère que cela pourra aboutir. Nous l'avons déjà dénommé « Eurodrone ». Je souhaite qu'il connaisse une belle histoire.
Monsieur le ministre, on ne peut qu'être satisfait de voir que votre action reçoit l'approbation unanime de notre commission. Chacun se félicite des succès que vous avez enregistrés, et c'est un plaisir pour nous de constater que la France joue pleinement son rôle dans la lutte contre le terrorisme. Aujourd'hui, les choses sont pratiquement réglées sur le plan budgétaire, et il semble que l'on n'aura pas de grandes difficultés à faire adopter la LPM 2015.
Je me félicite que la France tienne son rôle. Le général de Villiers nous a dit ce matin que les Américains s'adressaient prioritairement à nous, reconnaissant ainsi la qualité de nos armées et de notre action, ainsi que de nos armements. Tout cela représente des rentrées budgétaires intéressantes, mais aussi des emplois : dans la situation actuelle, on ne peut que s'en réjouir.
Je me pose cependant une question. Bien que l'on soit à la pointe de l'action en Afrique, en Syrie, voire en Libye ou en Ukraine, on éprouve cependant des difficultés budgétaires. Les choses s'améliorent grâce à la baisse de l'inflation, du prix du pétrole, mais elles peuvent se retourner. Ne conviendrait-il pas de mettre cette situation favorable à profit pour relancer la défense européenne ?
Chacun nous félicite, mais personne ne met la main au portefeuille ! La solidarité en paroles est certes extrêmement appréciable, mais partager les dépenses, c'est faire preuve de solidarité réelle ! On le pratique dans nos communes et nos départements : ceux qui ont des facilités doivent participer à l'effort commun. C'est pourquoi il me paraîtrait souhaitable que les Allemands, toujours prompts à nous donner des conseils en matière de réduction de notre déficit, tiennent compte de nos efforts de défense et dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Ce serait une preuve de solidarité européenne !
La phrase du général de Gaulle sur le Moyen-Orient compliqué semble de plus en plus d'actualité. J'ai l'impression que l'on est un peu « contaminé ». En Syrie, il y a une hiérarchie de l'horreur entre le président Bachar al-Assad et Daech, et il semblerait que ce soit Daech qui gagne. De plus, Daech est devenu un objectif stratégique.
La ville d'Alep est défendue par les troupes gouvernementales, mais aussi par le PID et par le Hezbollah. Or, vous avez tenu, à Beyrouth, des propos assez durs contre le Hezbollah qui, malgré tout, est notre allié dans la lutte contre Daech. Quelle est la position de votre ministère vis-à-vis de Daech ?
Je ne pourrais être malheureusement présent à l'audition de M. Fabius, mais je voudrais revenir sur l'évolution de Daech en Afrique.
Ce matin, le général de Villiers nous disait qu'anticiper constituait un enjeu stratégique majeur. Or, un certain nombre de réseaux apparaissent dans toute l'Afrique. C'est ainsi que des réseaux dormants de Daech sont présents en Afrique du Sud, alors que ce pays ne compte que 1,7 % de musulmans ! N'est-il pas temps d'imaginer, au plan militaire, mais aussi au plan diplomatique, une coordination pour que son expansion s'arrête ? C'est une question majeure ! N'est-il pas optimiste de dire qu'il n'y aura pas de dérives financières, si l'on doit s'élargir dans le cadre d'une intervention plus générale ? On ne serait pas les seuls, mais ces questions doivent malgré tout être posées.
Monsieur le ministre, je considère que vous conduisez le ministère de la défense avec beaucoup de maîtrise ; vous remportez par ailleurs beaucoup de succès, et je vous en remercie pour la France !
Ma question sera très courte : selon vos informations, l'armée nigériane est-elle toujours déterminée à réduire Boko Haram ?
Monsieur le ministre, vous avez parlé de « diminution de la déflation des effectifs ». J'ai trouvé la formule particulièrement poétique !
J'aimerais cependant que vous nous fournissiez davantage d'informations concernant la restructuration des régiments. Il avait été demandé que des informations soient apportées bien en amont, au cas où ces restructurations devraient intervenir, d'une part pour le moral des soldats et, d'autre part pour l'information des élus. Je désirerais donc obtenir une réponse à cette question.
En second lieu, je rentre de Norvège, où nous avons rencontré un certain nombre d'entreprises françaises travaillant pour la défense de ce pays, des diplomates et du personnel du ministère de la défense norvégien. Ce pays va devenir dans quelques années l'un des plus riches au monde, avec un fonds souverain qui se montera bientôt à mille milliards d'euros ! Des contrats sont en train d'être négociés avec des entreprises françaises, comme DCNS, pour presque 4 milliards d'euros. Ces entreprises ont besoin d'un soutien efficace ; or, elles n'ont pas reçu la visite d'un ministre de la défense français depuis plus de dix ans ! Je vous invite donc fortement à effectuer un déplacement. Ce pourrait apporter une aide significative pour conquérir de nouveaux marchés !
Monsieur le ministre, je voudrais évoquer les Rafale, sujet dont je me suis entretenu la semaine dernière avec le général Mercier. Ce dernier a dit que la livraison de ces appareils interviendrait en 2018 ; ce matin, le CEMA a indiqué que la reprise des livraisons se ferait en 2019, en fonction des livraisons aux pays étrangers. Pour le moment, on n'en sait guère plus. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ? L'armée de l'air française pourrait en effet n'avoir aucune livraison durant quatre ans !
Tout d'abord, la question de la défense sera à l'ordre du prochain Conseil européen, qui va avoir lieu les 25 et 26 juin. Les chefs d'État et de gouvernement en ont parlé pour la dernière fois en décembre 2013. Ils avaient décidé d'aborder à nouveau le sujet dix-huit mois plus tard. C'est une grande nouveauté, car ils n'avaient pas traité la question depuis 2005. Cela démontre le faible intérêt que suscitait la préoccupation de stratégie commune. Elle est en train de se renforcer ; le président de la Commission est très allant sur cette nécessité, et avance même parfois des objectifs extrêmement ambitieux - armée européenne, etc. Certes, il faut ouvrir des perspectives, mais il faut également tenir compte de la dure réalité !
La question du financement commun de la défense sera sûrement posée. Je constate que ce sujet est bien plus d'actualité qu'auparavant. Beaucoup de ministres de la défense sont directement intéressés, l'évoquent très librement et en parlent à leur chef de gouvernement. Ce sujet ne sera pas définitivement réglé ici, mais il va venir dans la discussion.
Le premier acte très important qui présente un double intérêt serait qu'un groupement tactique de l'Union européenne (GTUE), ou battlegroup, puisse être mobilisé au nom de l'Union européenne lors d'une crise. Ceci ne s'est jamais produit. Il se trouve que la France, l'Allemagne et l'Italie - je ne sais plus dans quel ordre - vont devoir successivement assurer la veille, afin d'intervenir en cas de crise. Il faut d'abord que la décision politique soit prise, et que le financement du déplacement soit acté. Ce serait là une avancée considérable. C'est ce que je suggère au Président de la République de dire lors du Conseil européen. M. Junker est d'accord sur ce point. La Haute représentante également. Avancer dans cette direction constituerait un bon moyen d'entrer dans l'Europe de la défense. C'est pour cela que je me bats.
Quant à Daech, le Hezbollah n'est pas à ma connaissance à Alep. Notre position est claire : nous combattons Daech, avec l'ensemble des moyens qui sont à notre disposition, mais nous combattons aussi Bachar al-Assad, qui a créé Daech et qui l'a laissé prospérer ! Il n'y a pas de choix à faire entre l'un ou l'autre. Or, le Hezbollah soutient totalement Bachar al-Assad... Il faut trouver les voies et les moyens pour ce faire, mais il n'est pas question de s'allier avec le Hezbollah pour combattre Daech, puis de réinstaller ensuite Bachar al-Assad. Ce n'est pas dans notre logique.
Les combattants étrangers se trouvent également au sein de Daech et peuvent ensuite prospérer en Afrique. J'espère que ce ne sera pas le cas.
Je rappelle à Robert Hue que cela fait longtemps que j'ai cherché à attirer l'attention sur Daech. Sans changement de la situation en Libye, je crains le pire ! C'est très préoccupant.
Je réponds en même temps à M. Lorgeoux à propos de Boko Haram : le changement de présidence, au Nigeria, a donné une impulsion plus forte à l'engagement des armées nigérianes dans la lutte contre Boko Haram. Une bonne coordination se met enfin en place entre le Tchad, le Niger, le Cameroun, le Bénin et le Nigeria. Nous l'accompagnons avec un soutien technique, logistique, ainsi qu'en matière de renseignement. Je suis plutôt optimiste, car il existe une véritable volonté d'endiguer tout cela.
Certes, on peut nous accuser de soutenir tel ou tel chef d'État qui a par ailleurs peut-être un passé compliqué, mais la réalité de la menace principale réside bien dans le risque d'extension du conflit en Afrique.
Boko Haram avait fait allégeance à Daech, mais il s'agissait uniquement de communication et de publicité. Daech, après avoir pris Syrte, a repris hier soir une centrale thermique. On est dans une situation préoccupante. Il faut souhaiter qu'un accord intervienne aujourd'hui ou demain à Berlin, faute de quoi les choses seront très compliquées.
Monsieur Perrin, je ne peux imaginer que ce n'est pas DCNS qui se plaint de ne pas être assez soutenu... Nous avons là deux métiers différents : celui des politiques est d'ouvrir les portes. C'est ce que j'essaye de faire. Le second métier consiste à vendre. Je suis très au courant de ce qui se passe en Norvège en matière de sous-marins pour avoir déjà reçu en France mon homologue de ce pays. J'irai volontiers lui rendre visite à mon tour !
Le sujet principal pour les sous-marins se situe aujourd'hui en Australie. Sans sous-estimer la Norvège, je vais me rendre en Australie au mois d'août. Ce pays prendra sa décision avant la fin de l'année.
S'agissant des prises de commandes, on est à 15 milliards d'euros depuis le début de l'année. En termes de stock, la réduction est très significative, mais nous travaillons en flux. Cela n'empêchera pas des diminutions d'effectifs, car il ne s'agit pas automatiquement des mêmes métiers. Je ne veux pas l'affirmer avec une totale fermeté, mais il n'existe pas, actuellement, de perspectives de fermeture d'unités lourdes. Je n'exclus pas des fermetures ponctuelles de certains dispositifs qui nécessitent une cohérence plus globale - essence, matériels -, car nous avons en même temps un processus de rationalisation de trente et un chantiers en cours que j'ai initié dans le cadre du ministère de la défense. Dans certains cas, cela signifie une restructuration, une meilleure performance, entre autres en matière de matériels et de carburant.
Concernant les Rafale, je me réfère à mes tableaux. La production minimum de Dassault Aviation est de onze Rafale par an. Une livraison de onze appareils a eu lieu en 2014. Onze autres devraient être livrés en 2015 à l'armée française, et quatre en 2016, prévus dans la LPM. À un certain moment, nous étions dans un certain flou. Une cinquième tranche de livraison à l'armée de l'air française allait au-delà de 2019. Je ne sais si c'est à cette phase que vous faites allusion, mais celle-ci était destinée à remplacer les Mirage 2000. La base de notre flotte de chasse est de deux cent vingt-cinq Rafale. On en est aujourd'hui à cent cinquante.
Au titre de l'actualisation, l'échéancier qui été arrêté est le suivant : onze ont déjà été livrés en 2014 à l'armée de l'air française, cinq le seront en 2015, six en 2016, un en 2017, trois en 2018. On arrive au même chiffre global.
Il y aura donc bien six Frégate et vingt-six Rafale, un petit peu moins en 2015, du fait de l'accord avec l'Égypte, mais davantage en 2016.
Merci beaucoup de nous aider à aller au fond de ce dossier, et de faire en sorte que nos armées obtiennent les bonnes nouvelles qu'elles attendent du chef des armées le 14 juillet prochain, avec une LPM actualisée. Nous allons tout faire pour qu'il en soit ainsi !
La réunion est levée à 18 heures.