Commission d'enquête coût économique et financier de la pollution de l'air

Réunion du 23 juin 2015 : 2ème réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Au cours d'une deuxième réunion tenue l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. Martial Saddier, député, président du conseil national de l'air.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Martial Saddier prête serment.

Debut de section - Permalien
Martial Saddier, président du Conseil national de l'air

Créé par la loi sur l'air de 1996, modifié après les lois Grenelle, le Conseil national de l'air (CNA) est rattaché au ministère de l'environnement via le bureau de la qualité de l'air.

Alors ministre de l'environnement, Mme Kosciusko-Morizet m'a nommé président du CNA. Cette instance de 48 membres est ouverte à la société civile, notamment aux syndicats. Mon premier mandat ayant pris fin en juin 2014, j'ai été reconduit le 2 juin 2015 par Mme Royal. La complexité des procédures administratives, notamment la consultation des représentants des collectivités territoriales, explique cette vacance d'un an.

Très actif pour mettre en oeuvre le volet réglementaire des lois Grenelle, le CNA s'est réuni à sept reprises pour formuler des avis sur des projets de décrets ou de circulaires. À une ou deux abstentions près, ces avis étaient unanimes, malgré la complexité des sujets abordés qui allaient de thèmes scientifiques à l'analyse des origines de la pollution.

Il n'est plus question aujourd'hui de pollution par le plomb ou par le soufre, dont 97 % à 98 % des molécules ont disparu de l'air européen depuis qu'une prise de conscience il y a 20 ans a permis d'adopter des mesures ciblées. La pollution de l'air ne connaît pas de frontières. Il faut la combattre dans la durée, malgré les alternances démocratiques.

Nous avons contribué à l'élaboration des plans de protection de l'atmosphère : 24 ont été adoptés ou révisés sur les 36 zones identifiées. Actuellement, la moitié de la population française vit en zone couverte par un PPA.

Nous pourrions encore progresser dans l'analyse globale du réchauffement climatique et de la qualité de l'air, car agir sur un indicateur peut en influencer un autre.

Les membres du CNA sont bénévoles mais consacrent 17 millions à subventionner les associations de surveillances de la qualité de l'air (ASQA). Malgré la tendance baissière de la pollution -avec des diminutions qui atteignent respectivement 30 % et 35 % pour les particules et les oxydes d'azote, la concentration en particules PM10 ayant baissé de 20 %- on déplore environ 40 000 décès prématurés en France, chaque année, pour 2 à 3 millions par an à l'échelle de la planète.

Le CNA et la presse favorisent une prise de conscience sur la pollution de l'air, notamment de celle provoquée par les transports, mais les polluants sont très variables d'une zone à l'autre. En raison des transports, du chauffage et de la topographie, l'Île-de-France est extrêmement différente de la vallée de l'Arve ! L'inversion des températures accentue la concentration de polluants dans certaines vallées. Le chauffage au bois est sain lorsque du bois sec est brûlé dans du matériel de qualité. Le fonds « air bois » a joué un rôle très efficace dans la vallée de l'Arve.

Le CNA est très favorable à la prime à la casse des véhicules car la France compte 10 à 13 millions de véhicules vieillissants, notamment de vieux diesel. Le CNA souhaite que toute hausse de la fiscalité sur le diesel soit fléchée vers le renouvellement des vieux véhicules à moteur diesel. Qui possède un tel véhicule n'est pas motivé par le plaisir !

Le CNA participe à la sensibilisation des agriculteurs. Je ne leur jette pas la pierre, car ils ne sont pas toujours informés. Des moyens spécifiques ont été fléchés à cette fin.

Certaines zones frontalières subissent une pollution aux particules arrivant d'autres États membres. Il faut donc développer une vision transversale à Bruxelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Vous avez évoqué une baisse globale des pollutions. Au cours de certaines auditions, nous avons entendu parler de quelque 1 400 polluants. Qu'en est-il des effets cocktails ?

Comment expliquez-vous la faible information des agriculteurs ?

Que pensez-vous de la suppression de l'écotaxe ?

Debut de section - Permalien
Martial Saddier, président du Conseil national de l'air

Le CNA travaille dans le prolongement du Grenelle de l'environnement, axé sur la pollution élevée aux particules PM10 dans onze zones. Nous travaillons principalement sur cette thématique en raison du précontentieux engagé par la Commission européenne contre la France.

Les chiffres que j'ai cités se limitaient aux particules PM10 et aux oxydes d'azote NOx. Je n'ai rien sur les effets cocktails, ni sur les autres polluants. Après l'injonction précontentieuse sur les particules PM10, j'attends une procédure comparable au sujet des oxydes d'azote, puis l'ozone...

L'information insuffisante des agriculteurs s'explique par un manque de pédagogie. Il est question ici non de pesticides mais d'ammoniac et de précurseurs des particules fines. Le travail du sol, par temps sec, pose problème. Nous devons également aborder la méthanisation et l'enfouissement des effluents d'élevages. Le manque d'information gêne plus que le manque de volonté. Une table ronde consacrée à l'agriculture et l'environnement, complétée par un crédit de 20 millions d'euros destinés à la sensibilisation : voilà ce qui a permis au monde agricole d'aller dans le bon sens.

Le CNA ne s'est pas prononcé sur l'écotaxe.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Vous avez évoqué 24 PPA pour 36 zones. Disposez-vous d'une évaluation des PPA ?

Avez-vous formulé un avis sur l'attribution d'une prime à la casse de vieux véhicules à moteur diesel ? Où en est-on ? Que recommandez-vous ? Avez-vous des idées sur le financement ?

Debut de section - Permalien
Martial Saddier, président du Conseil national de l'air

Le premier PPA concerne la vallée de l'Arve, car il a porté sur la seule zone dont les élus locaux aient accepté que l'enquête publique se déroule pendant les campagnes présidentielle et législative de 2012. C'est pourquoi on peut tirer quelques enseignements de ce plan précis, avec plus de 1 500 appareils de chauffage défectueux remplacés, outre un arrêté préfectoral réduisant la circulation des poids-lourds dont la classification EURO ne dépasse pas le niveau III.

Depuis, les PPA montent en puissance, mais il serait prématuré d'évaluer aujourd'hui ces plans élaborés pour cinq ans. Nous verrons en 2016 ou 2017.

L'aide actuelle à la casse consiste à verser 10 000 € afin de remplacer un vieux véhicule diesel par une automobile à 100 % électrique, dont l'utilisation est actuellement restreinte aux trajets entre le domicile et le travail. Or la France compte 10 à 13 millions de véhicules anciens, possédés surtout par des familles modestes. Le CNA préconise d'affecter au renouvellement de ses véhicules anciens les deux centimes supplémentaires prélevés sur la vente de gazole, qui doivent rapporter 350 à 400 millions d'euros en année pleine. Bercy est très hostile à cette suggestion, car la demande d'aide pourrait excéder le produit de la recette affectée. En pareil cas, nous proposons que l'aide soit versée chaque année dans les limites de la ressource constatée, quitte à reporter les versements sur l'année suivante, comme cela se fait en Espagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Vous avez évoqué le travail simultané sur la qualité de l'air et le changement climatique. Y a-t-il des initiatives en ce sens ?

Debut de section - Permalien
Martial Saddier, président du Conseil national de l'air

Je n'ai pas d'idée précise mais le choix d'un carburant détermine les émissions d'oxydes d'azote, de particules et de gaz carbonique. Nous serions bien inspirés d'envisager simultanément la totalité de la problématique pour prendre la décision la moins mauvaise possible.

Une suggestion du CNA, formulée le 2 juin, propose de mettre fin aux visions séparées.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

La commission d'enquête s'est rendue dans les vallées de l'Arve et de Chamonix pour des journées de rencontres sur le terrain.

Quelles difficultés avez-vous identifiées pour la mise en oeuvre du PPA de la vallée de l'Arve ?

Connaissant les freins à l'essor des transports publics, notamment la problématique du « versement transport », que préconise le CNA pour développer les réseaux de transport public ?

Debut de section - Permalien
Martial Saddier, président du Conseil national de l'air

La principale difficulté dans la vallée de l'Arve est apparue dès le départ : identifier l'origine de la pollution.

Débouchant sur le tunnel du Mont-Blanc, cette vallée est emblématique de la lutte contre le fret routier qui a coûté trop de vies. Il a fallu beaucoup de temps pour faire accepter, par les habitants, l'idée que les particules polluant l'air proviennent à 62 % du chauffage domestique et seulement à 16 % des moteurs diesel. Il était particulièrement ardu de faire admettre qu'en automne et en hiver, 95 % du dépassement de particules dans l'air provenaient du chauffage des habitations !

Deuxième difficulté après le chauffage, l'écobuage : allez expliquer aux viticulteurs qu'il ne faut pas brûler les sarments dans un endroit où brûler branches et feuilles mortes dans son jardin est quasiment génétique ! Aujourd'hui, les viticulteurs ne brûlent plus les sarments de vigne. C'est une révolution !

Un PPA doit être élaboré avec les élus locaux. C'est pourquoi Paris, Lille, Marseille et la vallée de l'Arve ont des plans différents. Des résultats satisfaisants ont été obtenus dans la vallée afin de réduire la pollution aux particules parce que tous les élus locaux se sont engagés et parce que 800 appareils de chauffage défectueux ont été renouvelés chaque année.

Madame, je n'ai pas de réponse à votre deuxième question.

À propos des transports collectifs, il n'est évidemment pas simple de proposer un nouveau versement. Il reste que le CNA ne s'est pas penché sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Pour combattre la pollution de l'air, les membres du CNA ont le choix entre trois leviers : la fiscalité, la pédagogie et la réglementation. Se sont-ils interrogés sur la solution la plus appropriée ?

Pensez-vous que l'ouverture à la société civile du CNA soit actuellement satisfaisante ?

Debut de section - Permalien
Martial Saddier, président du Conseil national de l'air

L'implication des élus locaux est capitale. Une présence accrue dans le CNA ne ferait pas de mal. Dès le 2 juin, le conseil s'est interrogé sur une représentation accrue du monde agricole. Je pense que le rééquilibrage dans cette direction est en bonne voie.

Le conseil n'a jamais débattu de l'écotaxe, mais la situation est variable à un point tel qu'il est difficile de tracer un cadre général couvrant tous les enjeux.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Je suis élu dans un sillon de transit routier international nord-sud, en concurrence avec le fret ferroviaire. Nos administrés subissent le versement transport dans l'agglomération. Ils risquent de devoir assumer de nouveaux péages pour de nouveaux transports pendulaires, mais voient le transit international passer sans la moindre taxe ! Cela porte atteinte à la clarté du discours public. La responsabilité du chauffage n'exonère pas les routiers.

L'automobile fait souvent débat. Le régime du bonus-malus est la forme de fiscalité écologique la plus effective en direction des consommateurs. Il remonte à une époque où le gaz carbonique constituait la priorité. Aujourd'hui, le discours doit être clair.

Efficace pour diminuer les émissions de CO2, le diesel doit-il être privilégié pour les trajets longs ?

Existe-t-il un moteur diesel propre pendant les premiers kilomètres d'utilisation ?

Sur ces sujets, on entend tout et son contraire. Cela suggère que la réalité n'est faite que de prétexte à de nouveaux prélèvements. Le CNA peut-il contribuer à clarifier le débat ?

Debut de section - Permalien
Martial Saddier, président du Conseil national de l'air

L'acceptation des transits internationaux, par la population, atteint ses limites.

Ainsi que je l'ai déjà dit, il y a un consensus au CNA pour que la hausse de la fiscalité sur le diesel soit fléchée vers le renouvellement du parc. Ce ne sont pas les constructeurs qui font la loi !

Debut de section - Permalien
Martial Saddier, président du Conseil national de l'air

Les constructeurs n'ont pas à commenter l'évolution de la fiscalité sur le diesel. Au demeurant, le renouvellement des véhicules, solvabilisé par les finances publiques, est une aubaine pour eux.

Toute nouvelle taxation remplaçant l'écotaxe serait vécue comme une injustice par nos concitoyens.

Le conseil n'est pas une institution scientifique mais le fait est qu'un litre de gazole permet de parcourir une distance plus élevée de 20 % que celle obtenue à partir d'un litre d'essence. Il y a donc moins d'émissions de gaz carbonique et l'oxyde d'azote. Le problème de fond actuel est constitué par les normes européennes qui imposent aux constructeurs que la moyenne des véhicules vendus n'émettent pas plus de 95 g de CO2 à l'horizon 2020, sous peine de pénalités. Dans ces conditions, comment reprocher aux constructeurs d'investir dans la baisse de ces émissions ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Quel est votre constat au sujet des autres polluants, notamment des pesticides et des résidus chimiques ?

Debut de section - Permalien
Martial Saddier, président du Conseil national de l'air

Les oxydes d'azote arrivent mais l'ozone est le grand polluant de demain. Viendront ensuite l'effet cocktail et les pesticides.

Debut de section - Permalien
Edwige Duclay, chef du bureau de la qualité de l'air

Les données concernant les pesticides sont disparates, d'où l'impossibilité d'apprécier les risques de façon robuste. C'est pourquoi le ministère a saisi l'Anses en vue d'une recommandation sur la meilleure utilisation des pesticides. Une campagne nationale d'exploration s'appuiera sur les recommandations de l'ABNSES.

Une autre saisie est également prévue pour les autres polluants.