Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 23 novembre 2015 à 20h05

Résumé de la réunion

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La réunion

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La réunion est ouverte à 20 h 05.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous sommes réunis pour entendre une communication d'Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de décret d'avance, relatif au financement de dépenses urgentes, transmis pour avis à la commission en application de l'article 13 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Nous examinons le projet de décret d'avance au regard des quatre critères cumulatifs de régularité fixés par la LOLF, dont trois sont purement techniques et un plus qualitatif.

L'appréciation de ces critères nécessite d'analyser les ouvertures de crédits prévues par le projet de décret d'avance. Celles-ci s'inscrivent dans un schéma de fin de gestion d'une ampleur inédite : celui-ci s'élève à 1,7 milliard d'euros par décret d'avance et 4,3 milliards d'euros par projet de loi de finances rectificative, soit près de 6 milliards d'euros - sensiblement plus que les 2 milliards d'euros des années précédentes.

Les ouvertures prévues par le projet de décret d'avance, qui s'élèvent à 2,1 milliards d'euros en AE et 1,7 milliard d'euros en CP concernent surtout la défense (29,4 %) et les contrats aidés (37,6 %). L'éducation nationale est aussi, quoique dans une moindre mesure, concernée. La sous-budgétisation des opérations extérieures (Opex) n'est pas une surprise. Leur surcoût atteint 1,1 milliard d'euros en 2015 et dépasse de 665 millions d'euros la prévision de la loi de finances initiale, dont 625 millions d'euros financés par le projet de décret d'avance.

L'écart entre la budgétisation initiale et les besoins constatés des Opex est de plus en plus important, sans pour autant constituer une nouveauté.

L'opération intérieure « Sentinelle » entraîne elle aussi des ouvertures à hauteur de 171 millions d'euros, auxquelles s'ajoutent divers dépassements sur les crédits de personnel pour partie liés aux dysfonctionnements du système Louvois que je pensais résolus, et dont la persistance m'étonne. Les attributions du service de santé des armées et la réserve opérationnelle sont également à l'origine d'une partie des ouvertures.

Les contrats aidés nécessitent plus d'un milliard d'euros en autorisations d'engagement et 641 millions d'euros en crédits de paiement. Des annonces ont été faites en cours d'année, tendant à créer 100 000 contrats aidés supplémentaires, entraînant des dépenses imprévues de montants significatifs.

L'un des « marronniers » des décrets d'avance demeure l'hébergement d'urgence. Ce projet n'échappe pas à la règle et ouvre à ce titre 40 millions d'euros au sein du programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables ». Des besoins supplémentaires sont donc apparus et les crédits ouverts par le précédent décret d'avance n'ont pas suffi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

En matière d'hébergement d'urgence, la prévision pour 2016 est déjà inférieure aux crédits consommés de 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Toutes ces sommes sont gagées par des annulations qui concernent presque toutes les missions. Les missions « Justice », « Écologie », « Engagements financiers de l'État », « Aide publique au développement » sont fortement mises à contribution.

Dans notre projet d'avis, nous constatons le respect des critères formels fixés par la LOLF - les ouvertures de crédits n'excèdent pas le plafond de 1 % des crédits ouverts par la dernière loi de finances et les annulations ne dépassent pas le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par les lois afférentes à l'année en cours. Notre avis est favorable, mais nous émettons des réserves sur l'ampleur et le caractère récurrent des dépassements, que nous regrettons.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Il est difficile, dans le contexte actuel, de faire autre chose que de rappeler les observations habituelles sur les sous-budgétisations chroniques. Je suis favorable à l'ajout, dans notre avis, d'une mention de la question d'une contribution financière des autres pays de l'Union européenne aux opérations extérieures de défense commune, ce qui montrerait que le Parlement est conscient du problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Autant je considère que la création de 8 500 postes en deux ans sur les missions « Sécurités », « Justice » et « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », ce qui représente 600 millions d'euros, soit une hausse de seulement 0,15 % du budget de l'État, peut être absorbée par des économies, sans devoir remettre en cause le pacte de stabilité, autant la participation de la France à la sécurité européenne soulève un vrai débat. La France est, avec la Grèce, le pays européen dont le ratio entre les dépenses militaires et le produit intérieur brut est le plus élevé. Seule dotée d'une telle capacité de projection extérieure, elle participe à la sécurité extérieure de l'Europe. On peut regretter que les autres pays européens ne participent pas au financement des opérations extérieures. Cela mérite un vrai débat.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Le ministère des finances ne présente les annulations qu'en valeur absolue. Il aurait été utile de disposer d'une présentation des crédits annulés par pourcentage des crédits ouverts en loi de finances initiale.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Nous suivons la demande de clarification de Michel Bouvard. L'Union européenne a montré sa flexibilité sur les objectifs budgétaires après le discours du Président de la République au Congrès. En matière d'opérations extérieures, cela semble plus difficile.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ni le Sahel, ni le Liban, ni l'Irak ni le Levant ne sont des problèmes seulement français. Or nous prenons en charge une grande partie des dépenses pour ces opérations qui engagent la sécurité de l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Le premier budget touché par les annulations est celui de l'écologie. Sont annulés 337 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 313 millions d'euros en crédits de paiement, à huit jours de la COP21 ! Quels sont les projets annulés ?

Il est tout aussi étonnant de constater que la mission « Justice » connaît aussi des annulations. C'est le deuxième budget contributeur en autorisations d'engagement, avec plus de 300 millions d'euros annulés, et ses crédits de paiement sont annulés à hauteur de 72 millions d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Les 100 000 contrats aidés supplémentaires - c'est beaucoup - sont liés à la situation de l'emploi et à la politique de l'emploi mise en oeuvre par le Gouvernement. Ces emplois aidés permettent peut-être de diminuer un peu les chiffres du chômage, mais ils coûtent très cher.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Nous devrons certainement faire face au même problème sur les Opex en 2016. Il manquera encore au moins 600 à 700 millions d'euros. Si je me réjouis de la moindre mise à contribution du ministère de la défense au titre de la solidarité interministérielle, ces dépassements récurrents posent question.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Pour répondre à Fabienne Keller, le Gouvernement indique que la plus grande part des annulations prévues par le décret d'avance ne porte pas sur des opérations en cours, mais sur les crédits mis en réserve.

Il faut d'ailleurs noter qu'hors titre 2, la réserve de précaution est montée à un niveau inégalé de 8 %, ce qui laisse au Gouvernement des marges pour annuler des crédits.

Néanmoins, certaines annulations s'expliquent par des sous-consommations de crédits. Ainsi, 9,5 millions d'euros sont supprimés sur le titre 2 de l'administration pénitentiaire en raison de recrutements réalisés plus tard que prévu. Il nous faudra donc être vigilants quant aux créations de postes annoncées par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Le montant de la réserve de précaution est tel que l'on s'écarte de l'objectif de la LOLF d'éviter que le budget puisse être réécrit par l'exécutif au lendemain de son vote. Ce taux de 8 %, contraire à l'esprit de la loi organique, pose un problème de fonds qui devra être abordé avec le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Êtes-vous d'accord pour ajouter, au point n° 8 de l'avis, la phrase « et souhaite qu'un débat soit engagé avec nos partenaires européens sur le financement des Opex » ?

La commission donne acte de sa communication au rapporteur général et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information ; elle adopte l'avis ainsi modifié sur le projet de décret d'avance.

L'avis est ainsi rédigé :

La commission des finances,

Vu les articles 13, 14 et 56 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;

Vu la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 ;

Vu le projet de décret d'avance notifié le 18 novembre 2015, portant ouverture et annulation de 2 160 452 834 euros en autorisations d'engagement et 1 703 440 492 euros en crédits de paiement, le rapport de motivation qui l'accompagne et les réponses du secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget, au questionnaire du rapporteur général ;

1. Constate que l'objet du projet de décret d'avance est de permettre le financement des opérations extérieures et intérieures du ministère de la défense, des dépenses de personnel du ministère de l'éducation nationale et d'autres ministères, ainsi que des dépenses d'intervention liées aux contrats aidés, à l'hébergement d'urgence et aux bourses de l'enseignement supérieur ;

2. Estime que l'urgence à ouvrir les crédits est avérée au regard de la nécessité d'assurer la continuité du paiement des personnels de l'État, de poursuivre les opérations extérieures et intérieures dans lesquelles est engagée l'armée française, d'assurer le paiement des contrats aidés conclus et des bourses étudiantes, ainsi que de faire face aux besoins de l'hébergement d'urgence ;

3. Observe que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet sont gagées par des annulations de même montant réparties sur la quasi-totalité des missions du budget général ;

4. Constate que plus des deux tiers du total des crédits ouverts ne sont pas gagés par des annulations de crédits au sein de la même mission, ne respectant donc que partiellement le principe d'auto-assurance posé par la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 et rappelé par la circulaire du Premier ministre du 14 janvier 2013 relative aux règles pour une gestion responsable des dépenses publique ;

5. Observe que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet de décret d'avance n'excèdent pas le plafond de 1 % des crédits ouverts par la dernière loi de finances de l'année et que les annulations n'excèdent pas le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours ;

6. Constate que les conditions de régularité du recours au décret d'avance prévues par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 précitée sont donc réunies ;

7. Observe cependant que les ouvertures de crédits motivant le présent projet de décret d'avance sont similaires aux dépenses financées par le décret d'avance n° 2014-1429 du 2 décembre 2014 et note que les opérations extérieures, les dépenses de personnel de l'État, les dépenses d'intervention liées aux contrats aidés et à l'hébergement d'urgence font l'objet d'une sur-exécution récurrente par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale qui nuit à la lisibilité de la politique budgétaire du Gouvernement et interroge la crédibilité de la budgétisation initiale ;

8. Note que le décret d'avance est devenu un instrument récurrent d'ajustement des crédits destinés aux opérations extérieures, dont le besoin de financement par le présent projet de décret d'avance s'élève à 625 millions d'euros en 2015, soit un besoin de financement annuel total plus de deux fois supérieur à l'enveloppe de 450 millions d'euros allouée en loi de finances initiale, nuisant tant à la bonne information du Parlement qu'à la soutenabilité de la budgétisation de la mission « Défense » et souhaite qu'un débat soit engagé avec nos partenaires européens sur le financement des opérations extérieures ;

9. Relève que le caractère urgent des ouvertures ne préjuge pas de leur imprévisibilité et rappelle une nouvelle fois que le décret d'avance ne saurait se substituer à une budgétisation initiale sincère ;

10. Souligne que le présent projet de décret d'avance doit être analysé de façon conjointe au projet de loi de finances rectificative en cours d'examen par le Parlement ; qu'au total, ce sont près de 6 milliards d'euros qui sont nécessaires pour assurer la fin de gestion 2015, dont 726 millions d'euros au titre de divers dispositifs de solidarité ; que le schéma de fin de gestion est près de trois fois supérieur aux besoins constatés en fin d'exercice ces dernières années ;

11. Estime que l'ampleur des ajustements apportés aux crédits des différentes missions en fin d'année traduit les difficultés de maîtrise des dépenses en cours de gestion résultant notamment du dynamisme des dépenses de personnel et des prestations sociales dites « de guichet » ;

12. Observe en particulier qu'au titre de l'hébergement d'urgence, les financements supplémentaires prévus à hauteur de 130 millions d'euros par le décret d'avance n° 2015-1347 du 23 octobre 2015 n'ont pas suffi à couvrir l'ensemble des besoins et qu'aux crédits ouverts par le présent projet de décret d'avance s'ajoutent 53 millions d'euros supplémentaires prévus par le projet de loi de finances rectificative précité ; qu'au total, la budgétisation initiale était inférieure de 224 millions d'euros aux besoins constatés en exécution ; que l'insuffisance des crédits alloués à l'hébergement d'urgence et à la veille sociale au titre de l'année 2015 était manifeste dès la budgétisation initiale au regard de l'exécution pour l'année 2014 ;

13. Constate de même le caractère récurrent, ces dernières années, du dépassement de l'enveloppe budgétaire allouée aux contrats aidés en raison de la création de contrats aidés supplémentaires décidée en cours d'exercice, et relève que plus d'un milliard d'euros en autorisations d'engagement sont prévus à ce titre par le présent projet de décret, soit un dépassement de plus de 10 % de la budgétisation initiale ; note par conséquent que le coût de la politique des contrats aidés n'est pas contenu ;

14. Relève que les hypothèses de budgétisation relatives à la masse salariale au titre de l'enseignement scolaire se sont une fois de plus révélées insuffisantes, en particulier concernant le « glissement vieillesse technicité » (GVT), comme la commission des finances en avait déjà souligné le risque dans son avis sur le décret d'avance n° 2014-1429 du 2 décembre 2014 ;

15. Estime que ces dépassements récurrents rendent d'autant plus nécessaire d'engager des réformes permettant de maîtriser la masse salariale de l'État et de réduire le coût des contrats aidés en renonçant à en faire le principal instrument de lutte contre le chômage ;

16. Observe enfin qu'hors économies de constatation sur la mission « Engagements financiers de l'État », les annulations nettes les plus importantes pèsent sur les missions « Écologie, développement et mobilité durables » et « Recherche et enseignement supérieur », à rebours des priorités affichées par le Gouvernement en matière de recherche et à la veille de la COP 21 ;

17. Émet, sous les réserves formulées précédemment, un avis favorable au présent projet de décret d'avance.

La réunion est levée à 20 h 20.