Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 3 mai 2016 à 18h09

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission auditionne le général Petr Pavel, président du comité militaire de l'OTAN, sur la préparation du sommet de Varsovie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Mes chers collègues, je suis heureux d'accueillir le général Petr Pavel, qui préside le Comité militaire de l'OTAN. Il comprend très bien notre langue, chacun pourra donc s'exprimer en français. Il répondra cependant en anglais. Je voudrais rappeler ici que cette audition fait l'objet d'une retransmission en direct sur le site Internet du Sénat. L'enregistrement sera consultable en VOD à la demande.

Mon général, je vous souhaite la bienvenue dans notre commission qui, au Sénat, réunit la fois les affaires étrangères, la défense et les forces armées.

Notre réunion portera avant tout sur le prochain sommet de l'OTAN des 8 et 9 juillet, qui aura lieu à Varsovie. Notre commission recevra aussi sur ce thème le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, le 3 juin prochain, lors de sa visite à Paris. L'ambassadeur de France à l'OTAN, M. Jean-Baptiste Mattéi, sera auditionné par notre commission le 6 juillet.

Je vous présente les excuses du président Jean-Pierre Raffarin, retenu dans une réunion, et qui aurait aimé être à nos côtés ce soir.

Pour ouvrir notre rencontre, je voudrais évoquer trois ou quatre questions à propos desquelles nous aimerions connaître votre vision.

Lors du vingt-quatrième sommet de l'OTAN au pays de Galles, en septembre 2014, des décisions fortes ont été annoncées. Nous voudrions savoir si, dans votre esprit, elles ont été mises en oeuvre, et à quel niveau. La nouvelle force de l'OTAN - le « fer de lance » ainsi qu'on la nomme - et, plus globalement, le plan de réactivité de l'OTAN, ont-ils été appliqués ?

Vous dirigez, mon général, le Comité militaire, plus haute autorité militaire de l'OTAN, chargé de donner des avis sur les questions militaires aux organes décisionnels civils de l'Alliance que sont le Conseil de l'Atlantique Nord et le Groupe des plans nucléaires, dont la France ne fait pas partie, mais avec lequel nous travaillons.

Par ailleurs, il vous appartient de fournir les orientations stratégiques aux deux commandements de l'OTAN. Quelle est votre appréciation actuelle des menaces et du rôle de l'OTAN dans ce monde qui n'est plus celui pour lequel l'Alliance avait été conçue ?

Il est clair que l'OTAN doit se repenser en dehors de la guerre froide - et même de l'après-guerre froide, qu'il s'agisse de la situation sur le flanc oriental - l'Ukraine, mais pas seulement - ou sur le flanc sud. Je pense ici à des pays comme l'Afghanistan dans le passé, l'Irak, la Syrie, la Libye, ainsi qu'à toute la bande sahélo-saharienne, et au Mali, où la France intervient en première ligne. Ces zones sont touchées par des troubles importants, par des actes terroristes et par le défi que constituent les dizaines de milliers de migrants qui cherchent à rejoindre le territoire européen et impactent donc l'Europe elle-même. Envisagez-vous de prendre davantage ce flanc sud en compte ?

Je pense que vous nous parlerez également des nouvelles menaces que sont le terrorisme, la guerre hybride et la cyberdéfense. Comment faire cohabiter l'ensemble de ces menaces avec le nécessaire dialogue qui a repris entre l'OTAN et la Russie ? En effet, quelles que soient nos craintes à l'encontre de ce pays, il est clair qu'il doit rester un interlocuteur que ce soit en Syrie ou en Ukraine. Il en va de la stabilité du flanc oriental.

Enfin, quelles orientations se dessinent pour le vingt-cinquième sommet de Varsovie ? On va bien entendu parler de défense antimissile balistique, mais peut-on réellement espérer une progression du processus de contrôle du pilotage politique en ce domaine ? Quelle politique sera retenue pour l'élargissement de l'OTAN ? Nous avons, lors de nos réunions de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, évoqué l'adhésion du Monténégro, qui semble acquise, mais la France et d'autres pays sont plus réservés quant à toute autre adhésion. Dans quel sens le président du Comité militaire de l'OTAN conduit-il sa réflexion stratégique ?

Vous avez la parole, mon général.

Général Petr Pavel, président du Comité militaire de l'OTAN. - Mesdames et messieurs, je suis tout particulièrement honoré d'avoir la possibilité de m'adresser à vous ce soir. C'est pour moi un grand privilège dont je mesure la portée. Je suis par ailleurs impressionné de prendre la parole dans un lieu marqué par quatre cents ans d'histoire et de m'exprimer devant une audience aussi prestigieuse.

Je vais à présent m'exprimer en anglais. Je ferai en sorte d'être bref, afin de pouvoir répondre à vos questions.

Je commencerai par une présentation rapide de ma position et de celle de l'organisation que je sers. Je me concentrerai ensuite sur trois points principaux, le défi sécuritaire à l'est, le défi sécuritaire au sud, avant d'analyser la position que l'OTAN exprimera lors du sommet de Varsovie.

Je décrirai tout d'abord le rôle du président du Comité militaire de l'OTAN, le CMC ainsi que nous l'appelons.

Le CMC est la plus haute autorité militaire de l'OTAN qui sert de principal conseiller militaire auprès du secrétaire général de l'OTAN, de la même manière que le général Pierre de Villiers conseille le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian, et le président de la République François Hollande.

Le président du Comité militaire est élu par ses pairs. C'est toujours un ancien chef d'état-major de la défense d'un des vingt-huit membres de l'OTAN.

Mon rôle est de fournir un conseil militaire, basé sur le consensus des 28 chefs de défense de l'OTAN, aux organes de décision politiques de l'OTAN. Pour cela, je travaille avec vingt-huit représentants militaires, vingt-huit ambassadeurs et vingt-huit chefs de la défense afin de fournir une perspective militaire et des conseils à l'Alliance nécessaires à sa prise de décisions.

Je m'occupe également d'assurer la prise en compte et l'avancement des partenariats militaires avec les nations et les pays tels que la Finlande et la Suède qui ont avec l'OTAN un accord dit « de soutien fourni par le pays hôte ». On compte à l'heure actuelle quarante nations partenaires, mais ces partenaires ne sont pas uniquement européens. On trouve également des pays comme l'Australie, le Japon, la Corée, mais aussi l'Algérie ou la Tunisie.

En tant que président, je suis le porte-parole militaire le plus haut placé de l'Alliance. Le CMC est le représentant principal du Comité militaire, qui réunit, trois fois par an, les vingt-huit chefs de la défense. Il gère les sessions plénières du Comité qui ont pratiquement lieu tous les jours à Bruxelles. C'est un honneur pour moi de travailler avec les vingt-huit représentants militaires permanents qui s'y trouvent. Ces hommes et ces femmes conduisent les affaires et fournissent des consultations militaires au Conseil de l'Atlantique-Nord. Je vous invite à explorer les brochures que je vous ai apportées pour plus d'informations.

J'évoquerai à présent notre environnement sécuritaire commun. Un arc de crise ou d'instabilité entoure la majorité des pays d'Europe et affecte chaque pays de l'Alliance, du Grand Nord jusqu'aux côtes du Maghreb. Par ailleurs, l'Europe est voisine de pays comme la Russie, qui essaie de renforcer son influence, ou d'autres qui, à différents degrés, se battent contre des mouvements islamistes radicaux.

Pour la simplicité, nous décrirons ces situations comme deux défis distincts, dont je traiterai séparément.

À l'est, ce défi sécuritaire se concentre sur la Russie, et revêt la forme d'une compétition traditionnelle entre États. Pour être franc, cela rend la tâche des experts militaires et internationaux plus facile. C'est une relation que nombre d'entre nous ont vécu, et à laquelle beaucoup ont participé. L'Alliance de l'OTAN a d'ailleurs été créée pour répondre à ce type de scénario.

Dans les années passées, et récemment encore, il est devenu clair que la Russie ne vise pas uniquement une influence régionale, mais essaie de restaurer son statut de puissance mondiale.

Pour cela, le président Poutine doit réécrire les règles de l'ordre sécuritaire. La Russie a pour cela adopté une nouvelle stratégie recourant aux instruments militaires. On l'a vu en Transnistrie, en Géorgie, puis en Crimée et dans l'est de l'Ukraine. Les opérations récentes de Syrie ont démontré que la Russie vise des intérêts mondiaux et dispose de capacités armées pour défendre ses intérêts.

Aujourd'hui, la Russie, comme toutes les nations, utilise une gamme complète d'instruments destinés à promouvoir ses intérêts.

En Méditerranée, la Russie ne limite pas son action au soutien du régime de Bachar al-Assad. Ses objectifs sont complémentaires de ceux qu'elle a en Europe de l'Est. Les Russes exploitent le manque de coordination et d'actions de l'Ouest, ainsi que notre évaluation incomplète et incohérente de leurs objectifs stratégiques.

La Russie agit comme un acteur rationnel, qui a assimilé les idées clés de Clausewitz, selon lesquelles : la guerre est un acte violent qui force des opposants à satisfaire sa volonté et la guerre est également un moyen de remplir un objectif politique.

En Syrie, les Russes ont ainsi obtenu un effet politique par le biais de moyens militaires. Certaines évolutions relativement récentes ont aidé la Russie à s'imposer en Syrie : ainsi, les capacités des forces armées russes se sont très nettement améliorées, ce que très peu d'entre nous ont remarqué. La Russie a ainsi obtenu un effet politique par le biais de ses forces militaires.

Permettez-moi de partager maintenant avec vous quelques exemples récents illustrant mes propos.

Depuis cinq ans, le Kremlin a étendu le périmètre et la quantité de capacités clés : fréquence et taille des exercices militaires, augmentation des activités d'aviation de longue portée, avancées en matière de défense antimissile, capacités maritimes accrues - afin de répondre à ses besoins militaires. Les Russes ont étudié la structure militaire de l'OTAN et s'y sont adaptés. Si l'on relie ceci à la stratégie militaire que la Russie poursuit depuis 2010, on peut dire que le président Poutine a envoyé à l'Occident des messages très clairs pour expliquer ses intentions, mais nous n'avons pas voulu les entendre.

Les avantages de la Russie sont : décisions rapides, l'utilisation de méthodes hybrides incluant le recours à des récits ayant pour base des faits dénaturés, voire à des mensonges, capacité d'employer des moyens asymétriques avec des capacités de déni plausibles, absence d'opposition interne aux décisions, volonté publique d'accepter des opérations militaires pouvant entraîner des morts pour des actions perçues comme destinées à soutenir les intérêts nationaux, ce qui rend le Kremlin bien plus réactif au plan international.

Cependant, notre relation avec la Russie est complexe et offre de nombreuses facettes. Des intérêts communs existent entre l'Alliance, l'Union européenne, nos propres pays et la Russie. Nous devons accepter que la Russie puisse être un concurrent, un compétiteur, un adversaire, un pair ou un partenaire - voire tout cela en même temps.

Cette complexité est une réalité de notre environnement stratégique contemporain et demande une approche pratique et sophistiquée qui prend en compte le fait que la Russie veut devenir un partenaire mondial et acquérir un pouvoir mondial.

Après vous avoir décrit la situation face à la menace de l'est, je souhaite maintenant évoquer les défis du sud. L'analyse des menaces venant du sud a évolué il y a cinq mois, quand votre capitale, Paris, ville des droits de l'homme et de la liberté d'expression par excellence, fut attaquée par des terroristes extrémistes et barbares. Les attentats de Bruxelles et bien d'autres, perpétrés à travers le monde, n'ont fait que confirmer la tendance actuelle. Cette situation d'insécurité est par ailleurs encore accentuée alors que nous connaissons une grave crise migratoire où se mélangent plusieurs catégories de migrants.

Cependant, les attaques récentes ou la guerre en Syrie ne doivent pas cacher le fait que nous nous situons dans un engrenage de crises : confrontation entre les sunnites et les chiites, conflit en Palestine ou autres attaques exacerbées par toute sorte d'États faibles ou faillis, qui ne peuvent garantir la sécurité ni même fournir des services de base à leur population. Ceci entraîne souvent des problèmes de sécurité importants dans ces pays et dans les nôtres.

La Russie représente certes un enjeu à l'Est, mais ces Etats instables au Sud sont également un défi pour notre sécurité.

Nos pays mondialisés et modernes sont autant de lieux que ces personnes souhaitent rejoindre. La plupart viennent attirés par une existence meilleure. D'autres quittent leur terre parce qu'ils craignent pour leur vie. La déliquescence des Etats et le désespoir ont également créé dans ces États des conditions favorables à la radicalisation et au terrorisme et, par extension, dans nos propres pays.

Comment pouvons-nous nous adapter à ces nouvelles menaces ? Comment stopper ces tendances et aider les personnes qui en ont besoin, pendant que nous essayons de détruire ceux qui essayent de nous nuire ? Nous devons trouver des solutions. C'est le problème de l'Union européenne comme de l'OTAN ou des pays non-membres. À Varsovie - mais également après - nous allons nous concentrer sur ces défis sécuritaires de deux natures. A l'Est, nous devons dissuader la Russie de toute agression dans sa région. Et, au Sud, nous devons développer l'idée de « projeter la stabilité » pour contrecarrer les acteurs non-gouvernementaux qui tentent de nous atteindre, directement ou indirectement.

Ceci m'amène à mon point final : que fait l'OTAN en vue de Varsovie et de l'avenir ? De nombreux spécialistes insistent sur la capacité de l'Alliance à dissuader la Russie de continuer à mener les actions qu'elle a entreprises. Une étude récente a suggéré que nous aurions besoin de sept divisions dans les Etats baltes et en Pologne pour éviter une défaite dans la région. L'OTAN est une alliance défensive. Elle s'assurera qu'elle pourra battre la Russie sur notre territoire si elle décide d'intervenir.

Cependant, l'Alliance ne considère pas la Russie comme une menace imminente. Comme je l'ai dit, notre relation avec la Russie est très complexe. Et nous devons reconnaitre que nous pourrions gérer mieux un certain nombre de défis sécuritaires en partenariat avec la Russie, ou en tous cas sans opposition directe avec ce pays. La Syrie et le contre-terrorisme constituent des domaines où la Russie, bien qu'elle ne soit pas un « partenaire total », pourra voir son rôle et ses intérêts reconnus et compris. C'est pourquoi nous devons absolument, pour ce faire, dialoguer avec les Russes afin d'éviter les erreurs d'appréciation.

Toutefois, pour poursuivre ce dialogue, nous devons leur inspirer confiance, faire état de notre force et apparaître prévisibles. À partir de là, nous pourrons négocier efficacement et obtenir des résultats tangibles. La dissuasion est basée sur un mélange entre force militaire, réactivité et dialogue. À Varsovie, l'OTAN va donc se concentrer sur cet équilibre entre dissuasion, défense et dialogue.

Nous devons nous souvenir que nous sommes une Alliance à 360 degrés, prête à se battre à tout adversaire, à tout moment et à tout endroit. Notre dissuasion et notre défense comporteront également une présence avancée et des réponses adaptées.

C'est ce sur quoi nous nous concentrerons à Varsovie, en nous assurant que nous disposons du potentiel, des personnes et des processus afin de gérer n'importe quelle menace. Les alliés vont s'engager à l'adéquation de leur propre budget de défense à ces objectifs.

En ce qui concerne les personnes et les processus, l'Alliance va prendre en compte et évaluer l'état actuel de toutes nos opérations, dont celle menée en Afghanistan, et recommandera des modifications pour assurer des mises en oeuvre rapides sur terre, sur mer, dans les airs ou dans le cyberespace. Les alliés devront peut-être ajuster le processus de décisions pour s'assurer que nous ayons la capacité politique de placer les bonnes forces au bon endroit et au bon moment. Nous disposerons ainsi des capacités et des processus.

Ce soir, j'ai décrit ces deux défis sécuritaires communs comme des situations géographiques distinctes. Nous conservons cependant des capacités et des processus permettant une approche à 360 degrés, mise à jour de manière continue, afin d'avoir la capacité de gérer n'importe quelle menace, d'où qu'elle provienne.

Les alliés vont relever le défi que représente l'arc Sud et trouver des moyens pour restaurer la stabilité des pays concernés, en renforçant nos capacités de défense dans la zone. Toutefois, l'option militaire ne peut tout régler ni remédier aux causes qui sont à l'origine de la souffrance humaine. Nous devons arrêter la vague sans fin de migrants qui viennent chercher la prospérité sur nos côtes, et promouvoir la stabilité et la prospérité à l'étranger, mais en tant qu'alliance militaire, nous ne pouvons le faire seul.

À Varsovie nous allons nous adresser à nos partenaires et travailler ensemble, car nous partageons ces défis sécuritaires communs. Imaginez la puissance militaire de l'OTAN et les leviers judiciaire et économique de l'Union européenne au service d'une même cause. Si l'Alliance se concentre sur la stabilisation de l'environnement, pendant que d'autres organisations internationales se consacrent au développement des nations et aux réformes à mener dans le domaine de la sécurité, les effets seront démultipliés.

Ce dont nous avons besoin, c'est d'une approche générale et d'une coopération complète. Nous pouvons collectivement repousser n'importe quelle agression et nous pouvons contenir des acteurs non-étatiques tels que Daech, en les privant des ressources dont ils ont besoin pour se développer. Nous devons rester conscients que ces forces sont en constantes évolution. Elles peuvent toucher Paris, Londres, Bruxelles ou n'importe quelle autre grande ville européenne. C'est pourquoi nous allons insister, à Varsovie, sur la nécessité de maintenir la stabilité et anticiper les défis avant qu'ils ne se développent. L'OTAN ne peut bien entendu pas résoudre les causes profondes de l'instabilité si nos forces sont utilisées sans une coordination suffisante.

Au Pays de Galles, il y a deux ans, l'OTAN a lancé le plan de réactivité et la force d'intervention appelée « fer de lance ». Nous allons dresser le constat de leur mise en place effective lors du sommet de Varsovie. Nous irons plus loin. Nous nous devons de maintenir la paix et la stabilité dans la zone de l'Alliance.

Je crois que le monde attend l'OTAN à Varsovie, de la Russie à la Méditerranée, des camps de réfugiés jusqu'aux camps de rebelles libyens. Le monde a confiance, attend et espère beaucoup de l'OTAN. L'OTAN, à Varsovie, sera proactive dans l'environnement stratégique que nous connaissons aujourd'hui.

J'espère avoir démontré ce soir que le sommet de Varsovie va se concentrer sur la rechercher d'un équilibre dans cet environnement compliqué, entre les défis de l'est et ceux du sud, car nous devons gérer les deux. Nous trouverons un équilibre entre dissuasion et défense d'un côté et projection de la stabilité de l'autre. Nous équilibrerons nos forces grâce au partenariat et à la coopération.

Nous rechercherons une approche équilibrée avec la Russie. Nous définirons une ligne rouge et serons ouverts à un dialogue constructif. Nous trouverons un équilibre à travers nos choix militaires, et équilibrerons nos capacités de défense, non pas exclusivement grâce à notre présence, mais également en recourant à un suivi attentif des forces.

L'OTAN est sans doute l'Alliance militaire la plus forte et la plus viable qu'ait jamais connu le monde. Nous sommes forts tous ensemble, à vingt-huit, et nous le sommes encore plus avec nos partenaires, quels que soient les défis.

Nous allons poursuivre la dissuasion à l'égard des États en recourant à des forces adaptées et réactives, et nous développerons notre capacité de « projection de stabilité » vis-à-vis des acteurs non-étatiques.

Merci de votre attention. Je puis maintenant répondre à vos questions.

Merci pour cette présentation équilibrée. On aimerait que beaucoup de politiques aient la même analyse fine et comprennent que, sans développement, sans contact, sans échange, il ne peut y avoir de relation suivie, pas même avec des États qui semblent nous menacer. Nous sommes sensibles à votre démarche.

La parole est aux commissaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Mon général, la question qui me préoccupe c'est l'évolution de l'OTAN. Sa création était une réponse à la menace à l'Est, et répondait au souhait de se placer, pour la plupart des pays, sous protection américaine. Toutefois, les États-Unis regardent peut-être un peu moins vers l'Europe et un peu plus vers l'Asie. Pourtant, les pays européens semblent, pour certains, rester sur ce schéma d'une menace à l'Est, négligeant parfois le flanc Sud.

Vous avez dit que le djihadisme constitue une menace extérieure mais aussi intérieure. Comment envisagez-vous l'action de l'OTAN vis-à-vis des djihadistes que l'on appelle les « returns », qui sont allés combattre sur les théâtres extérieurs et qui reviennent un peu partout en Europe ? Peut-on arriver à les contenir et à les neutraliser, éventuellement avec l'appui de l'OTAN, et comment ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Mon général, je voudrais poser une question qui n'est pas politique. L'OTAN doit disposer d'une estimation des forces en présence. Les forces russes actuelles se sont-elles modernisées autant que l'affirment certains journaux ?

Vous avez dit qu'il était important que les forces soient placées au bon endroit, au bon moment. Par le passé, de grandes discussions ont eu lieu à propos du fait que les Russes se trouvaient aux portes de l'Europe, alors que les forces de l'OTAN stationnaient pour la plupart à 5 000 kilomètres. Ce déséquilibre existe-t-il toujours ? Avez-vous trouvé une solution ?

Pour ma part, j'estime que le danger vient plus des développements qui ont lieu au sud que de Russie. Certes, il y a eu l'Ukraine et la Crimée, dont John Kerry et Sergueï Lavrov ne parlent guère lors de leurs rencontres. Pour eux, le problème semble être réglé - mal réglé, mais réglé. Je vois mal l'OTAN intervenir contre les Russes au profit de l'Ukraine, que ce soit aujourd'hui, demain ou plus tard.

Le Sud constitue-t-il un objectif pour l'OTAN ? Daech s'étend un peu partout. S'il atteint le Maghreb, c'est un sujet de préoccupation pour l'Europe, et pour la France en particulier, car de nombreux Français sont en effet d'origine marocaine ou algérienne. L'OTAN a-t-elle une idée de ce qui peut se passer, ou bien se limite-t-elle aux interventions maritimes en cours, qui nécessiteraient peut-être davantage d'actions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Mon général, on a, lors du sommet de Newport, décidé de consentir un effort collectif plus important en matière de défense. Or, depuis deux ans, on voit un certain nombre de budgets de défense nationaux remonter - sept ou huit en Europe déjà. Nous en sommes très satisfaits, et l'on voudrait que celui de la France augmente davantage.

De même, l'effort de 20 % sur les investissements en matière de capacités constitue également une bonne initiative. Le risque serait que l'on oublie les leçons que l'on a tirées de la baisse des budgets en matière de mutualisation, de coopération, de Smart Defence, et de concept destiné à rendre l'outil plus efficace et éventuellement plus économe.

Quel est le sentiment du Comité militaire à propos de l'application qui a été conduite en matière de Smart Defence et de pooling and sharing au sein de l'Union européenne, l'une et l'autre se recouvrant largement, alors qu'une nouvelle notion de nation-cadre - framework nations concept (FNC) - est apparue en 2013 ?

Trois pays sont déjà mobilisés autour de ce sujet, mais la France, pour l'instant, est dans l'attente. Nous serions curieux de connaître votre sentiment, en particulier sur le FNC le plus avancé, celui concernant l'Allemagne et les quinze nations qui se sont regroupées autour d'elle.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Boutant

Mon général, quel rôle les services de renseignement militaire des différents pays constituant l'Alliance jouent-ils ? Existe-t-il aujourd'hui une véritable coopération entre ces services de renseignement ?

Par ailleurs, comment les pays européens membres de l'Alliance peuvent-ils, demain, compenser le désengagement des États-Unis en Europe ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Trillard

Mon général, comment la Russie peut-elle disposer de budgets militaires aussi gigantesques, alors qu'on prétend que son PIB est équivalent à celui de l'Italie ? Pour moi, cela relève du miracle. Cela pourrait devenir le miracle français. J'y réfléchis dans cet esprit.

En second lieu, en matière de politique européenne de sécurité et de défense commune (PSDC), il existe une coupure entre les réactions des pays baltes, de la Pologne et des autres pays européens. Pour eux, l'adversaire ne se situe pas au sud, mais à leurs frontières. Comment gérez-vous ces conflits ? Pensez-vous qu'ils puissent s'apaiser ? Ces pays peuvent-ils s'entendre avec la Russie ? J'ai constaté il y a un mois, à La Haye, certaines difficultés entre la Russie, les pays baltes et la Pologne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Nous rédigeons un rapport dans le cadre de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN à propos de la question de l'incidence budgétaire et des nouveaux défis que vous avez évoqués. Je pense au sommet du pays de Galles, au dogme des 2 %. Quid, derrière tout cela, du partage de la charge, et pour quelle défense ? Quelles sont les possibilités de mutualisation, que ce soit au niveau de l'OTAN ou au niveau d'une défense européenne qui, nécessité faisant loi, va s'imposer peu à peu ? Comment mettre de la cohérence dans tout cela, avec une perspective d'engagement américain sur d'autres fronts, d'une manière ou d'une autre, dans les prochaines années ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Mon général, vous avez la parole.

Général Petr Pavel. - Tout d'abord, nous avons été longtemps habitués à côtoyer des dizaines de milliers de soldats, notamment américains, dans de nombreux pays d'Europe. Le besoin était réel à une certaine époque, mais les États-Unis ont réduit progressivement leur présence sur le vieux continent à partir de 1990.

Aujourd'hui, trois brigades y sont déployées. Cependant, les États-Unis ont la capacité d'envoyer très rapidement des forces supplémentaires, sûrement plus vite que nous ne pouvons le faire. Il n'y a donc pas d'inquiétudes à avoir à ce sujet.

En ce qui concerne les nouveaux membres, comme les pays baltes, les États-Unis ont été très clairs : ils ne les abandonneront pas s'ils se retrouvent dans une situation difficile.

Le président Obama, le vice-président et les responsables militaires américains assurent que les États-Unis répondront toujours aux engagements de l'article 5 du traité de l'OTAN, même si l'Alliance n'intervient pas dans les pays baltes. Cette déclaration constitue donc un message rassurant pour les alliés de ces pays.

Par ailleurs, il y a dix ans, la charge occasionnée par les dépenses de défense de l'OTAN était divisée pour moitié entre les États-Unis et les alliés européens. Aujourd'hui, 75 % de ces mêmes dépenses sont payés par les États-Unis et 25 % par les alliés européens.

Si l'on veut revenir à l'équilibre, les alliés devraient doubler le montant de leur participation. Les nations ont pris l'engagement, au Pays de Galles, de consacrer 20 % à des projets de modernisation. À ce stade, nous en sommes bien loin. Il reste donc beaucoup à faire. Nous avons trop compté sur les États-Unis en matière de défense.

Donald Trump a fait des déclarations assez fortes contre l'OTAN et les alliés européens, mais celles-ci ont été très utiles. C'est en effet la première fois que l'OTAN s'invite dans le débat des élections présidentielles américaines. Ceci a divisé la société américaine en deux camps, ceux qui soutiennent les arguments de Donald Trump, et ceux qui soutiennent l'OTAN, avec la condition importante de rééquilibrage du partage du fardeau. Je pense que c'est un sujet qui sera débattu à Varsovie. Cela fait l'objet d'un débat interne aux États-Unis. S'ils doivent soutenir l'OTAN, ils ont besoin d'un plus grand engagement de notre part pour partager le poids de la dépense.

Quant à la Russie, ce pays a depuis quelques années modernisé environ 70 % de ses équipements militaires, y compris dans le domaine de la cyberdéfense. Ils ont appris beaucoup de leurs engagements militaires précédents, mais aussi des nôtres. Ils ont critiqué nos approches, mais ont également tiré les leçons de ce que nous n'avions pas accompli correctement en Irak, en Afghanistan, en Libye et ailleurs. Ils ajustent également leur propre politique.

La situation des forces russes est compliquée par la façon dont la Russie appréhende son environnement sécuritaire. Dans l'esprit des Russes, il n'existe ni ami, ni partenaire. La Russie se sent toujours menacée par un voisin. L'OTAN, selon les Russes, constitue une menace car elle souhaite se développer, se montre, à leur sens, agressive dans les États baltes, et déploie des forces militaires aux frontières russes. La Russie se trouve donc dans une position défensive vis-à-vis de l'OTAN et a besoin de réagir contre ce qu'elle estime être une agression.

Le président Poutine a réussi à convaincre sa population qu'il existe un complot de l'Occident à son encontre et que quiconque s'opposerait au Gouvernement irait contre la mère Russie. C'est une question de patriotisme. Vladimir Poutine a l'opinion publique derrière lui, même si l'on peut questionner ces sondages, qui le soutiennent à environ 70 %. Il faudra beaucoup de temps avant de convaincre les Russes du contraire.

La menace russe est un mélange de capacités et d'intentions. Il n'y a aucun doute concernant les capacités. On est moins sûr des intentions. Je ne crois pas que ce serait dans l'intérêt stratégique de la Russie d'entrer dans une confrontation militaire avec l'OTAN. Le président russe est peut-être parfois imprévisible dans certaines situations, mais il n'est pas naïf. Il connaît la capacité de l'économie russe à soutenir des opérations à grande échelle. Il sait qu'il ne peut réussir contre l'Occident qu'en utilisant des techniques hybrides et en maintenant ses engagements bien en-dessous du seuil de l'article 5.

Dans quel domaine Vladimir Poutine pourrait-il défier l'OTAN ? Les États baltes présentent des similitudes avec l'Ukraine. Il existe une importante minorité dans ces trois pays, ainsi qu'une certaine proximité géographique. Ceci permettrait de placer l'OTAN dans l'embarras en l'obligeant à prendre des décisions très difficiles, en usant des tactiques hybrides. Il s'agirait d'une agression, mais non visible, qui ne déclenche pas automatiquement l'application de l'article 5 du traité. Je suis désolé d'être aussi direct, mais c'est un fait.

Nous devons donc fournir des éléments de dissuasion suffisamment forts pour éviter ce type de comportement de la part de la Russie, et je pense que ce n'est pas par le biais d'une présence militaire à leurs frontières que nous allons le faire. Ceci va pousser à la confrontation, et personne ne le souhaite. Nous devons donc étudier les choses globalement si nous voulons éviter d'avoir à nous défendre contre la Russie. Ce type de dissuasion doit être porté sur tous les fronts : militaire, politique, économique, et même stratégique. Nous devons utiliser tous les outils à notre disposition pour dissuader la Russie d'une agression potentielle.

Il est nécessaire que les nations les plus importantes de l'OTAN déclarent leur attachement à l'article 5 du traité, au besoin en recourant à des forces supplémentaires. On peut être sûr que le président Poutine entendra le message, car il y a été attentif lors des discussions que nous avons eues à ce sujet au Pays de Galles, et a été assez surpris de la réaction unanime des pays membres de l'OTAN face à l'annexion de la Crimée et à son soutien aux forces séparatistes dans l'est de l'Ukraine. C'est ce genre d'unité qui est nécessaire pour affirmer notre détermination vis-à-vis de la Russie.

Par ailleurs, nous savons que nous devons trouver un équilibre correct en matière de dissuasion face aux défis qui nous arrivent du sud. Nous devons utiliser des outils différents, et c'est pourquoi nous suggérons de recourir à des capacités dont nous disposions auparavant. Pour ce faire, on doit déployer des outils plus adaptés à ce type de crise, développer les capacités et les solutions locales.

Il ne s'agit pas de mettre en oeuvre une intervention militaire. Nous savons que les interventions militaires seules ne résolvent pas les problèmes. Il faut recourir à un spectre complet d'outils - actions militaires, développement de capacités de défense dans des environnements potentiels ou non, permis ou non -, utiliser les possibilités principalement concentrées dans l'Union européenne pour développer le secteur de la sécurité, faire en sorte de réformer la police aux frontières, etc., en appuyant ces outils par le biais de la Commission et se concentrer sur des programmes de développement économique afin de fournir une certaine stabilité à ces pays.

C'est ce package complet de mesures qui faisaient défaut en Irak et en Libye. Nous avons démontré que nous pouvons très rapidement gagner sur le plan militaire, mais nous ne sommes pas certains de gagner sur le plan de la paix. Il s'agit de faire plus que de gagner la guerre d'un point de vue militaire. Nos réponses aux défis du sud doivent être équilibrées, complètes, englober toute la Méditerranée et la région Est, et comprendre également une coopération forte avec l'Union européenne et d'autres acteurs de nations non-alignées ou volontaires. Ceci pourrait ajouter à l'effort global.

Jusqu'à présent, l'OTAN, en tant qu'institution, a été impliquée dans le développement de capacités de défense, surtout en matière d'entraînement, comme en Irak ou en Jordanie et, d'une certaine manière, en Tunisie. Nous devons toutefois impliquer tous les pays de la région pour que les choses soient véritablement efficaces.

Tous les alliés de l'OTAN font partie d'une coalition menée par les États-Unis contre Daech. Ce n'est pas quelque chose dans lequel l'OTAN veut être impliquée, mais si elle rejoint cette coalition, cela va tellement compliquer les relations que ceci risque de réduire l'efficacité de la prise de décisions de la coalition.

Nous avons jusqu'à présent pris des décisions qui fonctionnent pour combattre Daech en Syrie, mais nous devons utiliser les autres outils que j'ai décrits tout à l'heure pour parvenir à l'étape suivante, c'est-à-dire stabiliser et développer ces pays.

Je vais à présent très rapidement évoquer la coopération des services de renseignement. L'échange de renseignements et la coopération constituent l'une de priorités de l'OTAN depuis dix ou quinze ans. Dès les attaques terroristes de Paris et de Bruxelles, l'échange d'informations s'est démultiplié. Il ne s'agit pas de procédures, mais de volonté. D'un point de vue bilatéral, les échanges ont été très rapides. Ils ont fourni beaucoup d'informations qui ont été très utilisées pour résoudre et gérer ces problèmes.

Nous avons énormément insisté pour que l'OTAN bénéficie d'une politique de renseignement globale. Nous avons changé la structure, rassemblé des lignes de renseignement militaire et civil, et avons tout coordonné. D'après ce que je sais, les échanges avec les alliés se sont améliorés de manière significative depuis quelques mois. Nous prenons des mesures en ce sens pour l'avenir. Nous partageons plus en temps de paix que par le passé.

Qu'en est-il de la coopération, ou « Smart Defense-Défense intelligente » ? L'OTAN fonctionne de la même façon que toutes les institutions de l'Union européenne. Après chaque manque, nous avons développé un concept nouveau en laissant le passé derrière nous, croyant que cela allait résoudre les problèmes. Malheureusement, le concept de défense intelligente n'était pas aussi efficace que nous le pensions. Il y a plusieurs raisons à cela. L'une d'elles vient probablement du fait que le timing des achats d'équipement est différent d'un pays à l'autre.

Les avions militaires coûtent par exemple très cher. La plupart du temps, les pays partagent leurs ressources quand ils sont au même niveau dans le cycle des achats. Un des pays peut être au début du cycle et dépenser beaucoup d'argent. À ce moment, il n'est pas vraiment logique d'avoir un programme de partage. Il existe aussi des problèmes de souveraineté nationale. Tout commence et tout se termine en effet par la souveraineté.

Nous avons aussi intérêt à recourir à des producteurs nationaux concernant les achats de matériels de défense. Ne pas recourir à l'industrie nationale et payer des industriels d'autres pays constitue un problème : la population n'est pas contente, l'industrie ne soutient pas le Gouvernement, etc.

C'est pourquoi ces projets n'ont pas véritablement été des réussites. Nous avons cependant connu quelques bons résultats en termes d'achats de services ou de biens. Certains pays ont développé des plates-formes de partage qui fonctionnaient bien, comme les Pays-Bas, la Belgique, les pays de Viegrad, la France ou la Grande-Bretagne.

Ceci n'a cependant pas très bien fonctionné. L'idée de pays cadre offrait un très bon potentiel et n'était pas si mauvaise. Le projet ne consistait pas simplement à renforcer la coopération et la défense mais à soutenir de petits pays qui, du fait de leur taille, ne sont pas capables de répondre à leurs besoins. Ils ont donc travaillé avec les pays cadres et, ensemble, sont aujourd'hui capables de fournir des capacités bien plus robustes. Ce concept va être employé de plus en plus, et nous envisageons de l'utiliser pour résoudre des problèmes du sud, où les pays cadres pourraient être responsables des volontaires qui travaillent pour l'OTAN et l'Union européenne.

Qu'en est-il de l'élargissement ?

Général Petr Pavel. - On m'a posé la question depuis plusieurs jours à travers certains médias, surtout quand l'ambassadeur américain à l'OTAN a clairement dit que l'Alliance pourrait ralentir son programme d'élargissement.

Je pense que notre position officielle à Varsovie consistera à dire que l'élargissement a été un processus qui a amené plus de stabilité que d'instabilité. Pour l'OTAN, il existe un véritable intérêt à transformer ce processus en processus bilatéral. Il faut que cela intéresse le pays concerné et l'OTAN afin d'aider ledit pays à devenir membre.

Un pays doit remplir beaucoup de critères et mettre en oeuvre un certain nombre de réformes. Cela prend du temps. On a du mal à imaginer aujourd'hui que l'on va inviter l'Ukraine ou la Géorgie à adhérer à l'OTAN, et ces pays, quoi qu'ils disent, connaissent fort bien la réalité. Mais il serait inopportun d'affirmer que l'OTAN ferme totalement ses portes.

En principe, à Varsovie, nous allons déclarer que notre politique d'ouverture est toujours valable et que nous l'utiliserons quand il le faudra, sans plus de détails. La seule chose que l'on peut dire, c'est que le Monténégro fait maintenant partie du processus d'adhésion. Les documents seront signés fin mai, et le processus de ratification des vingt-huit parlements débutera alors. Une fois le processus achevé, le Monténégro sera membre de l'OTAN, mais il faudrait peut-être encore un an ou un an et demi pour achever le processus.

Aucun autre pays ne souhaite devenir membre de l'OTAN, mais personne n'utilisera des mots aussi directs. Je pense qu'à Varsovie, nous confirmerons notre politique d'ouverture.

Merci pour cette intervention. Nous avons apprécié votre présentation et plus encore vos réponses, complètes, claires, sans langue de bois, qui comportent une vision stratégique claire.

Aujourd'hui, les hauts responsables militaires avec lesquels nous travaillons ont une vraie vision, qui devrait être celle de beaucoup de politiques et qu'ils n'ont pas forcément.

Vous avez dit que la réponse militaire ne suffisait pas s'agissant des OPEX. Nous sommes plusieurs sénateurs à travailler pour une approche globale des opérations extérieures, et nous remettrons notre rapport début juillet. Il est évident que l'aide économique, l'aide au développement, la bonne gouvernance et la formation sont indispensables. Faute de cela, l'intervention militaire dans la durée est un échec. Merci à tous !

La réunion est levée à 19 heures 21.