La réunion est ouverte à 9 h 35.
Nous avions chargé Rémy Pointereau, le 30 septembre dernier, d'une mission visant à dresser le bilan de l'application de la loi de 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques. Dix ans après son entrée en vigueur, cette loi a-t-elle atteint ses objectifs ? Comment est-elle appliquée sur le terrain ? Nous connaissons l'attachement de notre collègue aux réalités de terrain et son souci d'allègement des normes. Je sais qu'il a mené de nombreuses auditions. Je lui laisse sans plus tarder la parole pour qu'il nous présente son rapport.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable m'a fait l'honneur de me charger, le 30 septembre dernier, d'un rapport d'information relatif à l'application de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006, dite Lema. Alors que cette loi aura dix ans à la fin de l'année 2016, nous avions estimé que cet anniversaire était l'occasion de dresser un état des lieux de sa mise en oeuvre, avec le recul et la visibilité nécessaires pour identifier les difficultés et les obstacles qu'il reste à surmonter ou encore les dispositifs à améliorer, voire à simplifier. J'annonce d'emblée la couleur puisque mon rapport s'intitulera : Gestion de l'eau : agir avec pragmatisme et discernement.
Au temps de la loi succède le temps de la confrontation au réel. Et le législateur, qui a également une mission de contrôle de la loi, se doit d'évaluer les normes qu'il a votées, et d'énoncer des recommandations adaptées. Cet exercice me tient d'autant plus à coeur que je suis un fervent défenseur de la simplification des normes. Ce chantier, toujours d'actualité, appelle non seulement une vigilance sans cesse renouvelée sur les textes en discussion et les lois que l'on vote, mais il impose également de se retourner sur les règlementations déjà en vigueur. C'est d'ailleurs à quoi nous nous attelons au sein du groupe de travail sur la simplification des normes créé par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Dans le cadre de ces travaux, je me suis aperçu qu'un certain nombre de nos voisins européens ont pris ce sujet à bras le corps. Au Danemark par exemple, les prescripteurs de normes se déplacent auprès des acteurs de terrain pour évaluer avec eux les effets de la réglementation et les possibilités de simplification. Un exemple qu'il faudrait suivre.
En arrière-plan de ce bilan de la loi sur l'eau, l'un de mes fils conducteurs a donc été la simplification.
J'ai entendu vingt-huit organismes et plus de soixante personnes, et regrette que la FNE, la Fédération nature environnement, n'ait pas souhaité être entendue, en dépit de nos relances : ce rapport est pourtant l'occasion de confronter nos points de vue, et même lorsque nous ne sommes pas d'accord, nos débats s'en trouvent grandis. Mes auditions m'ont amené à constater que la loi de 2006 reste un jalon structurant de l'histoire de l'organisation de la politique de l'eau en France. Comme l'a dit Mme Levraut, vice-présidente du Conseil général de l'environnement et du développement durable, la loi de 2006 est utile mais trop ambitieuse.
Ainsi, la quasi-totalité des acteurs que j'ai pu rencontrer ont souligné les apports positifs de cette loi, qui a posé de grands principes, comme le droit d'accès à l'eau potable pour tous, et sécurisé le système des redevances perçues par les agences de l'eau, sur lequel repose l'ensemble de la gouvernance. Ils reconnaissent tous que la qualité de l'eau s'est améliorée, même si les objectifs ne sont pas atteints - il faut dire que l'on a changé le thermomètre en cours de route -, s'accordent à dire que les pratiques elles aussi s'améliorent et que les politiques sont vertueuses, pour reprendre, là encore, les termes de Mme Levraut, qui ajoute qu'il ne faut pas sanctuariser les actions et que les choses doivent évoluer avec pragmatisme.
En revanche, la mise en oeuvre concrète des mesures votées en 2006 fait apparaître, une décennie plus tard, un certain nombre de difficultés, voire, à l'aune de l'intention initiale du législateur, des résultats contre-productifs. J'ai ainsi identifié quatre domaines dans lesquels l'application de la Lema pose des problèmes, souvent préjudiciables aux acteurs de terrain. Il s'agit des dispositions relatives à la gestion qualitative de l'eau ; à sa gestion quantitative ; aux autorisations dites « loi sur l'eau » ou Iota, et à l'empilement de normes qui complexifient les interventions des acteurs concernés ; à la gouvernance et à la planification, enfin.
J'ai choisi d'examiner successivement chacun de ces aspects et de proposer vingt-huit recommandations. J'ai également effectué un déplacement dans le Cher, le 15 janvier, afin de constater sur place les difficultés que pose, notamment, l'application du principe de continuité écologique et d'entendre les organisations régionales, parmi lesquelles le syndicat de la vallée de l'Arnon, où des travaux de continuité écologique ont été effectués.
Au moment de son adoption, la loi sur l'eau et les milieux aquatiques poursuivait deux objectifs principaux. En premier lieu, moderniser le dispositif juridique de la gestion de l'eau, qui reposait sur les lois du 16 décembre 1964 et du 3 janvier 1992 ; en second lieu, atteindre les objectifs fixés par la directive-cadre européenne du 23 octobre 2000, notamment l'obligation de résultats pour parvenir à un « bon état écologique des eaux » en 2015.
Cette loi, avec 102 articles, outre qu'elle a reconnu un droit à l'eau pour tous, a réformé le régime d'autorisation des installations ayant un impact sur l'eau ; modifié le régime dit « du débit affecté » ; réformé les critères de classement des cours d'eau pour préserver leur bon état écologique et celui des milieux aquatiques ; introduit des dispositions pour lutter contre les pollutions diffuses dues à l'emploi des produits phytosanitaires. Elle a également réformé la gouvernance de l'eau ; créé des redevances pour pollution de l'eau, pour modernisation des réseaux de collecte, pour pollutions diffuses, pour prélèvements sur la ressource en eau, pour stockage d'eau en période d'étiage, pour obstacles sur les cours d'eau et pour protection du milieu aquatique. Elle a mis en place l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema) ; renforcé la portée juridique des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) ; amélioré la transparence de la gestion des services d'eau et d'assainissement ; modernisé l'organisation de l'activité de pêche professionnelle en eau douce.
Le Sénat avait été la première assemblée saisie de ce projet de loi, présenté quarante ans après la loi fondatrice du 16 décembre 1964 qui avait décentralisé la gestion de l'eau au niveau des bassins hydrographiques. Le rapporteur de la commission des affaires économiques, notre collègue Bruno Sido, avait alors identifié trois enjeux majeurs : satisfaire à nos obligations communautaires tout en conciliant les différents usages de l'eau ; parvenir au « bon état écologique de l'eau » en associant réglementation et redevances de bassin ; conforter la définition territorialisée de la politique des agences de l'eau tout en assurant la pérennité de leurs ressources financières.
Les débats de 2006 en séance publique, que j'ai relus, marquent l'importance de ce texte pour les élus et les collectivités territoriales, dont les responsabilités sont lourdes en matière d'eau potable et d'assainissement.
Pour toutes ces raisons, il me semble naturel que le Sénat se penche aujourd'hui sur l'application de cette importante réforme et son impact sur les collectivités territoriales.
Comme en 2006, j'ai pu me rendre compte, au fil de mes auditions et de mes déplacements, combien l'eau constitue une ressource unique, au centre de nombreuses activités humaines comme l'agriculture, l'industrie, le tourisme, l'énergie, les transports, la pêche et bien d'autres. Si bien que le coeur de l'action publique en matière de politique de l'eau se concentre sur les conflits d'usages potentiels entre ces activités. Quelle hiérarchie faut-il donner à ces usages ? Quelle articulation faut-il leur trouver sur le terrain ? Comment y associer l'ensemble des acteurs ? Quelles difficultés concrètes et quels obstacles font le quotidien de ceux qui ont à mettre en oeuvre les dispositifs juridiques imaginés et adoptés par le législateur ?
En outre, comme l'a très récemment mis en lumière le rapport d'information de la délégation à la prospective de nos collègues Henri Tandonnet et Jean-Jacques Lozach, intitulé L'eau, urgence déclarée, l'eau est un élément essentiel de l'adaptation au changement climatique, avec un impact quantitatif, qualitatif, ainsi qu'un impact en termes de prix.
Dans ce contexte, dix ans après le vote de la Lema, le bilan de son application semble mitigé. Je tiens à souligner que j'ai perçu, au fur et à mesure de mes travaux, deux appréciations différentes, même si elles ne sont pas contradictoires. D'un côté, se manifeste un large attachement aux grands principes posés par le texte et à son équilibre : la Lema, de l'aveu de tous, est une loi qui, donnant des bases solides à une nouvelle organisation de la gestion de l'eau en France, fait date ; mais d'un autre côté, le bilan se fait plus contrasté dès que l'on en vient à sa mise en oeuvre concrète : pour beaucoup, la loi n'a pas suffisamment anticipé les réalités du terrain et a apporté de la complexité et des contraintes supplémentaires.
Il peut s'agir, parfois, d'une simple incompréhension dans l'interprétation par l'administration de l'intention initiale du législateur, mais on observe aussi, localement, des rapports conflictuels avec l'administration, dont les positions sont jugées rigides. D'où l'intitulé de mon rapport, par lequel j'ai entendu mettre en avant l'exigence de discernement et de pragmatisme. Un grand nombre de mesures sont aujourd'hui soit mal appliquées soit mal mises en oeuvre du fait d'une interprétation idéologique, de dispositions trop complexes, voire juridiquement floues. J'ai également pu constater de vraies différences selon les territoires, témoignant d'une grande latitude d'interprétation laissée aux services qui prennent les décisions locales.
C'est flagrant dans l'application du principe de continuité écologique. Je choisis cet exemple car il illustre parfaitement, selon moi, le manque de pragmatisme et de discernement qui peut parfois transformer un bon principe voté par le législateur en situation aberrante sur le terrain. Ainsi, l'effacement des seuils est la solution quasi-systématiquement appliquée pour mettre en oeuvre le principe de continuité écologique, alors même qu'elle n'est pas forcément la mieux adaptée. Les études sur lesquelles s'appuient les services pour prendre ces décisions sont souvent contestables et les philosophies varient d'un département à l'autre. Ainsi, les propriétaires de moulins se trouvent dans des situations souvent intenables, sans compter qu'ils sont parfois amenés à financer à grand frais - jusqu'à 300 000 euros - des passes à poissons.
Certes, nous nous trouvons dans un contexte où l'encadrement communautaire est marqué, avec les risques de contentieux que cela comporte, mais je crois que le problème tient surtout à une «surtransposition» de la directive cadre sur l'eau, qui n'impose aux États qu'une logique de résultats, et non de moyens.
Les propositions que je vous présente aujourd'hui s'inscrivent dans le droit fil de ces réflexions.
En matière de gestion qualitative de l'eau, la première des choses à faire est d'interdire la surtransposition des directives européennes et de fixer des objectifs réalistes, pragmatiques et stables, permettant de mesurer les progrès réels. Car les mauvais résultats que l'on impute à la France en matière de bon état écologique des eaux ne veulent pas dire grand-chose, dans la mesure où l'on a changé le thermomètre en cours de route, en ajoutant sans cesse des critères supplémentaires. Les agences de l'eau nous ont alertés sur ce point.
Je vous propose ainsi de garantir le financement de nos agences de l'eau, dont les missions doivent rester concentrées sur la biodiversité aquatique. Je suis attaché, comme un grand nombre d'entre vous au principe fort de « l'eau paye l'eau ».
En ce qui concerne la mise en oeuvre du principe de continuité écologique face aux obstacles sur les cours d'eau, je préconise de privilégier des solutions locales, au cas par cas, qui associent l'ensemble des acteurs. Il faudrait aussi prévoir dans le code de l'environnement que l'application de ce principe doit s'articuler avec les autres usages, et notamment le développement de la petite hydroélectricité, qui est la première des énergies renouvelables, et dont la tutelle devrait être assurée par les services de la direction de l'énergie plutôt que par ceux de la direction de la biodiversité.
Je suggère également de renforcer les moyens financiers dédiés à la protection des captages, qui restent insuffisants.
Je propose que les agents de la future Agence française pour la biodiversité ne soient pas en charge de missions de police judiciaire et que les gardes de l'Onema ne puissent pas intervenir avec leurs armes, car c'est la pédagogie plutôt que la répression systématique qui doit les guider. Toutes les agences de l'eau sont, en principe, représentées à l'Onema. Mais, il semblerait que l'agence de bassin Loire-Bretagne, l'une des plus grandes de France, ait dû laisser sa place dans ce conseil. Il faudrait y remédier.
Concernant la gestion quantitative de l'eau, l'une de mes principales propositions concerne le soutien financier aux collectivités territoriales pour lutter contre les fuites d'eau sur les réseaux d'eau. Songez que l'on déplore un milliard de mètres cube de fuites d'eau par an dans les réseaux d'eau potable ! Ce qui signifie que 20 % de l'eau traitée et mise en distribution sont perdus. Pour cinq litres d'eau mis en distribution, un litre d'eau revient au milieu naturel sans passer par le consommateur. Cela représente près d'un tiers des prélèvements en eau destinés à l'irrigation - dont on sait qu'elle est souvent contestée...
Je souhaite également favoriser les retenues de substitution ou collinaires, et sécuriser juridiquement les projets. On a vu, en Charente, les difficultés juridiques auxquelles ils peuvent se heurter. Sans parler de ce qui s'est passé à Sivens. Je plaide aussi pour un raccourcissement des délais d'instruction.
Quelques-unes de mes propositions sont également destinées à clarifier et sécuriser juridiquement les organismes uniques de gestion collective (OUGC), qui ont été créés afin de mettre en oeuvre la gestion volumétrique prévisionnelle de l'eau instaurée par la Lema. Les OUGC ont en charge la gestion et la répartition des volumes prélevés pour usage agricole sur un territoire déterminé. Chaque OUGC doit détenir l'autorisation globale de prélèvements pour le compte de l'ensemble des irrigants du périmètre de gestion, quelle que soit la ressource prélevée. Le but de ces structures est d'assurer une gestion collective et durable du volume prélevable alloué à la profession agricole. L'objectif initial porté par la loi de 2006 tend à l'abandon progressif des autorisations de prélèvements individuels au profit d'une autorisation unique de prélèvement détenue par l'OUGC, afin, d'une part, de sécuriser les usages économiques, d'autre part, de permettre la satisfaction des besoins des milieux naturels. Mais aujourd'hui, seuls deux OUGC, en Allier et dans l'Ariège, sont titulaires de l'autorisation unique pluriannuelle, tant les obstacles administratifs sont nombreux. Or, le dispositif transitoire d'autorisations temporaires de prélèvement d'eau (ATPE) arrive à son terme pour les quinze OUGC désignés avant 2012 et dans un an pour les autres. N'oublions pas que l'eau est devenue une assurance et un outil de sécurité pour l'agriculture, non pas tant pour produire plus que pour diversifier, à l'heure où la politique agricole commune pousse à éviter la monoculture.
Quant aux autorisations dites loi sur l'eau, je préconise de les simplifier au maximum, de même que les procédures de nettoyage des rivières et des fossés : les récentes crues de juin 2016 en ont tristement montré l'utilité. Les contraintes normatives ont posé de tels problèmes à certains propriétaires qu'ils ne veulent plus nettoyer les fossés, par crainte de l'Onema. C'est ainsi que sont laissés à l'abandon beaucoup de fossés, dont le nettoyage régulier aurait pourtant évité des inondations.
Enfin, sur le volet gouvernance, je crois que nous devons aller vers des schémas d'aménagement et de gestion des eaux, les Sdage, bien plus simples. Tout le monde nous a dit que ces documents rebutaient - ils font souvent une centaine de pages, quand une vingtaine suffirait à définir les grands principes.
Il convient aussi d'améliorer la représentativité et les équilibres entre les acteurs au sein des instances de bassin. Une bonne base de rééquilibrage consisterait en une répartition prévoyant un tiers de consommateurs et associations, un tiers de collectivités et un tiers d'utilisateurs industriels et agricoles. Je constate en effet que les associations environnementalistes sont surreprésentées et que le poids de l'État reste trop important, puisqu'il représente un tiers des voix.
Enfin, concernant la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, dite compétence Gemapi, je crois que le niveau intercommunal n'est pas le mieux adapté, dans la mesure où il ne correspond pas au bassin versant. Sans compter que cette compétence risque de ne pas être mise en oeuvre, faute de moyens à disposition des intercommunalités pour la financer, sauf à mettre en place une taxe supplémentaire sur le terrain. Je préconise donc de la retransférer à l'État, aux régions, ou aux agences de l'eau. Nous aurons certainement un débat dans les mois à venir sur ce sujet. J'ai rencontré le président Larcher, qui souhaite que l'on s'y penche, car cela pose des difficultés dans nombre de secteurs.
Je félicite chaleureusement notre collègue pour ce travail clair, précis, concret, qui soulève de nombreuses questions. Je me souviens de nos débats lors de la loi sur l'eau, en particulier sur la date de 2015 retenue pour la mise en oeuvre de ses prescriptions. Lorsque j'avais objecté qu'elle me semblait totalement irréaliste ne serait-ce qu'au regard des investissements à réaliser dans les stations d'épuration, je me suis vu objecter que l'on ne faisait que transposer la directive européenne. Résultat, on a reporté l'échéance, et je ne suis pas sûr qu'il ne faudra pas le faire à nouveau.
Ce qui compte avant tout, ainsi que vous l'avez souligné, c'est de déterminer des priorités. L'Onema, l'agence de l'eau, les directions départementales des territoires et de la mer, l'agence régionale de santé interviennent concomitamment sur le terrain, et chacune de ces instances est susceptible de bloquer un dossier. Le syndicat des eaux que je préside, qui a mené d'importants travaux pour la création d'unités de dénitratation - nous étions à la limite des 50 milligrammes par litre - s'est vu de surcroît imposer la création d'une unité de mesure de la turbidité. Cela représente, chaque fois, un coût de 2 millions d'euros, pour un syndicat qui regroupe à peine 20 000 personnes. J'ai eu beau faire valoir que nous n'avons connu que de très rares épisodes de turbidité, et que nous pouvons basculer, en cas de problème, sur le réseau de la ville du Havre, avec lequel nous sommes interconnectés, mes interlocuteurs n'ont rien voulu savoir. Alors que l'on sait que le renouvellement des canalisations va être un enjeu majeur des années à venir, qui risque de faire flamber le prix de l'eau, il serait pourtant essentiel de déterminer des priorités. A nous de le faire, en déposant une proposition de loi ou en se greffant sur tout autre véhicule législatif.
Ce que j'ai entendu m'inquiète. Je me suis beaucoup investie, comme Charles Revet, dans nos débats sur la loi de 2006, dont j'avais voulu, en me rapprochant de son rapporteur, Bruno Sido, comprendre tous les enjeux. Le sujet est extrêmement complexe, et nous ne pouvons revisiter en une heure un débat aussi lourd.
Il est certaines de vos propositions auxquelles je ne saurais adhérer, ayant défendu des positions contraires, y compris lors des récents débats sur la loi pour la reconquête de la biodiversité. Ne pouvant les mentionner toutes, je m'en tiendrai à celle qui touche à la petite production hydroélectrique. Si je vous suis lorsque vous faites valoir que les petits seuils attachés aux moulins ne sont pas de nature à rompre la continuité écologique, j'insiste cependant sur le fait que leur multiplication peut, en revanche, poser problème. On est déjà, pour donner un ordre de grandeur, à 80% de ce que l'on peut espérer tirer de l'hydroélectricité et la marge de progression n'est guère que de un à trois térawatt/heure : il serait périlleux de mettre en cause, pour si peu, la continuité écologique. L'eau n'est pas seulement un support d'activité mais un milieu, un écosystème qui a besoin, pour remplir sa mission d'épuration, d'être préservée.
Lorsque vous relevez, pour le déplorer, que des normes nouvelles se sont empilées depuis 2006, je ne vois pas à quoi vous faites allusion. Pouvez-vous préciser ?
Sur le problème des pertes causées par les fuites d'eau, je vous suis entièrement. Bien souvent, les collectivités locales n'ont pas les moyens d'y remédier. Il faudra trouver des solutions, y compris en s'interrogeant sur les usages de l'eau potable - avec laquelle on lave même nos voitures... Car pour l'heure, on n'a pas engagé de réflexion approfondie sur ces questions.
Je regrette que vous n'abordiez pas la question de l'irrigation et des retenues collinaires sous l'angle du changement climatique. Si les hausses de températures que l'on nous annonce deviennent réalité, avec cette conséquence que le sud de la France connaîtra des périodes proches du climat tropical tandis que la Lorraine vivra sous un climat qui est celui du sud aujourd'hui, il serait bon de réfléchir à l'adaptation des cultures au climat au lieu de s'acharner à adapter l'irrigation aux cultures actuelles.
Autant de raisons qui font que nous ne pourrons souscrire à ce rapport.
Je remercie Rémy Pointereau dont le travail ouvre à la réflexion. J'ai quelque expérience de ces questions, pour avoir été président, de 2004 à 2014, de la communauté de bassin Artois-Picardie - la plus petite et la plus complexe des communautés de bassin, parce qu'outre le problème agricole, elle a hérité du problème industriel et de ceux que nous ont légués les guerres du XXème siècle. Si bien qu'il est éminemment difficile, dans un tel bassin, de parvenir à un bon état écologique des eaux. Nous avons dû engager de lourds efforts, au point que la ministre, en 2004, soulignait que ce bassin était à la fois le moins riche et le plus vertueux.
Je ne saurais vous suivre lorsque vous dites que la loi de 2006 est trop ambitieuse. Une loi doit viser haut, quitte à arriver un peu en dessous de l'objectif. Si tel n'est pas le cas, on nous reproche de manquer d'ambition. Il est vrai que la directive cadre sur l'eau, avec son objectif de bon état écologique des eaux de surface et profondes fixé à 2015, s'est imposée à la France, mais je ne me fais pas pour autant une gloire d'avoir, à l'époque, demandé et obtenu de Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'écologie, des possibilités de report à 2021 et 2027. Encore une fois, la loi doit être ambitieuse.
Vous reprochez à la loi de ne pas intégrer la complexité des territoires. Quelle commune mesure entre le Cher, que vous avez cité, et les bassins miniers, où il faut sans cesse pomper l'eau qui envahit les mines et faire venir l'eau potable de l'Artois.
Vous déplorez qu'on ait changé le thermomètre ? À vous prendre au pied de la lettre, je pourrais vous comprendre, attaché que je suis, comme médecin, au bon vieux thermomètre de nos pères, mais le fait est que dans le cas qui nous occupe, de nouveaux problèmes sont apparus. Je pense par exemple aux perchlorates, que l'on retrouve dans la région de Toulouse, où se fabriquent des feux d'artifice, mais aussi, à des taux élevés, dans le Nord-Pas-de-Calais, du fait des obus et matériels militaires des deux guerres enfouis dans son sol. On ignore encore les effets du perchlorate, qui se diffuse dans l'eau, sur l'organisme humain, mais il n'en a pas moins fallu, par précaution, se soucier de protéger les enfants et les femmes enceintes.
Je ne suis pas partisan de réduire, comme vous le préconisez, la présence de l'État au sein des comités de bassin, car il joue un rôle de médiateur. Entre le monde associatif, très revendicatif, le monde industriel, très puissant, et alors que le collège des élus fluctue au gré des échéances politiques, il faut un modérateur.
Je ne saurais vous suivre, enfin, dans vos préconisations sur la Gemapi. Pour lutter contre les inondations, il convient de ménager une certaine subsidiarité, en s'appuyant sur les intercommunalités, ou peut-être les pays. Certes, il faut assurer une coordination, mais n'allons pas trop loin, parce que la distance fait perdre de vue la réalité du terrain.
Je félicite notre rapporteur pour son travail exhaustif, dans lequel il ne formule pas moins de vingt-huit propositions. J'y ai appris beaucoup de choses sur un sujet complexe, et conflictuel. J'ai d'ailleurs eu moi-même affaire à la police de l'eau de l'Onema, dont les agents, au lieu d'aider les élus locaux des petites communes dépourvues de moyens, se comportent bien souvent en cow-boys, donnant une bien mauvaise image de la lutte pour la qualité de l'eau. Il serait bon de faire comprendre à cet organisme l'exigence de pédagogie qui doit l'animer.
Vous soulignez un défaut de pragmatisme de la loi. D'où l'utilité de vérifier, comme le font les Danois, ce qu'elle donne sur le terrain. Revenir aux lois que nous votons tous les cinq ans me paraîtrait un principe sain.
Interdire la surtransposition, dégager des moyens pour les captages et soutenir les collectivités dans leur lutte contre les fuites d'eau : autant de propositions sur lesquelles je vous suis.
L'eau, comme l'a rappelé Evelyne Didier, est un milieu fragile, sensible. Pas plus tard que ce matin, mon cabinet de Cagnes-sur-mer m'a appelé pour m'informer que la Cagne, une petite rivière de chez moi, était à sec sur cent mètres. C'est dire que dans le Midi, les problèmes liés au changement climatique vont nous arriver plus vite qu'en Lorraine. D'où l'excellence de votre proposition n° 25, qui appelle à anticiper le changement climatique, dans les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux. Il faut s'atteler dès aujourd'hui à définir les moyens qu'il faudra mettre en oeuvre pour compenser ses effets.
En revanche, je m'interroge sur votre proposition n° 28, qui tend à attribuer la compétence dite Gemapi à l'État, aux régions ou aux agences de l'eau. Si on l'a mise en place, c'est bien parce que chacun se renvoyant la balle, on manquait d'une politique cohérente de lutte contre les inondations, qui coûtent 500 millions d'euros de pertes chaque année, et surtout des dizaines de vies humaines. Les inondations du 3 octobre dans les Alpes-Maritimes ont encore provoqué vingt morts. Peut-être la responsabilité de la Gemapi pèse-t-elle trop sur les seules collectivités, mais tout renvoyer à l'État, impécunieux et inefficace, serait contre-performant. Chez moi, j'ai créé un comité de rivière et mis en place un programme d'actions pour la prévention des inondations (Papi). N'oublions pas que lorsque des plaintes sont déposées - et huit mois après les inondations du 3 octobre, on voit arriver les premières - c'est avant tout la responsabilité des maires qui est mise en cause. Dans les Alpes-Maritimes, nous avons mis en place un comité de département mutualisé, appelé à traiter l'ensemble des problèmes. Telle est plutôt la solution que je préconiserais.
Parmi vos propositions, certaines me conviennent, et avant tout la première, qui appelle à éviter la surtransposition de normes européennes. Cela dit, on a besoin, sur certains territoires, d'aller au-delà des directives, mais cela doit passer par des solutions locales issues de l'initiative des acteurs : c'est aussi pourquoi je souscris à vos propositions n°s 4 et 5, qui vont en ce sens. En Bretagne, sur certains sous-bassins versants prioritaires, on est allé bien au-delà des normes réclamées par Bruxelles, mais avec l'aval de tous. Et l'on a obtenu des résultats.
En revanche, certaines de vos propositions me semblent aller au rebours de ce que nous avons voté dans la loi biodiversité. Certaines, enfin, me laissent des interrogations. Vous appelez, dans votre proposition n° 12, à soutenir les collectivités dans la lutte contre les fuites d'eau. Soit, mais qui se chargera de ce soutien ?
Votre proposition n° 14, qui appelle à promouvoir le développement de contrats avec les agriculteurs pour prestation de services environnementaux va dans le sens de ce que réclame la profession. Cependant, il existe des dispositifs qui vont déjà dans ce sens. Je pense aux mesures agroenvironnementales, qui permettent de rémunérer les agriculteurs qui privilégient certaines pratiques, notamment pour la préservation de l'eau. S'agit-il d'en élargir le cadre ?
Votre proposition n° 18 vise à favoriser la recharge des nappes phréatiques en dehors de la période d'étiage. Mais par quelles techniques ?
Je suis, enfin, très favorable à votre proposition n° 25, qui appelle à anticiper le changement climatique. Il est en effet essentiel de se prémunir, et contre les sécheresses, et contre les inondations. Mais je crains que cela n'amène pas la simplification que vous appelez de vos voeux...
Dans son rapport du 7 octobre 2015 sur la préservation de la ressource en eau et le maintien d'une agriculture montagnarde, le député Joël Giraud constate que si le principe d'une gestion équilibrée de la ressource en eau est essentiel, l'uniformisation à tout prix n'est pas efficace, certains territoires de montagne ayant une sévérité d'étiage très marquée. Pour remédier à ce problème, il a été question de redéfinir, par voie réglementaire, la notion de cours d'eau atypique, la voie législative ayant malheureusement été abandonnée dès la première lecture du projet de loi biodiversité. Votre rapport aborde-t-il concrètement cette problématique ? Quelles solutions préconisez-vous pour parvenir à une mutualisation des associations syndicales autorisées ?
Je félicite notre rapporteur pour son travail. L'eau représente, avec l'alphabétisation et la santé, un enjeu fondamental pour l'humanité. Elle est de ceux qui sous-tendent certains conflits dans le monde, y compris terroristes.
Cependant, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, si nous ne portons pas le problème au niveau international, notre action, si exemplaire soit-elle, restera vaine : nous représentons moins de 1 % des terres émergées et moins de 1 % de la population mondiale.
Sur certaines propositions, je constate qu'il y a convergence. Mais comment vont-elles prospérer ? Ce rapport n'est-il destiné qu'à garnir les rayonnages d'une bibliothèque, ou entend-on aller plus loin ? Les parlementaires produisent, en matière d'évaluation de la réglementation, un travail de qualité qui, bien utilisé, aiderait peut-être à réduire l'inflation législative.
Vous appelez, dans vos préconisations, à renforcer les moyens de protection des captages. Je pense qu'il faut aussi militer pour des captages moins nombreux, plus grands, et mieux sécurisés. Il serait important, de même, de créer des maillages de sécurité entre les différents réseaux de distribution sur le territoire.
Pour remédier à la perte de 20 % sur les réseaux d'eau potable, il me semble que les syndicats concernés, lorsqu'ils réalisent des investissements, devraient bénéficier d'une prime à la performance du réseau. Il faut aussi repenser les usages de l'eau potable. Dans les constructions nouvelles en particulier, on peut mettre en oeuvre des solutions intéressantes, à peu de coût.
Dans le domaine de l'eau comme dans tant d'autres, il faut cesser de surtransposer les normes européennes. Qu'existent des initiatives locales pour aller plus loin, fort bien, mais le problème, c'est que l'on a tendance à s'emparer de telles démarches volontaires pour en faire la règle générale. C'est un travers typiquement français.
Un mot sur les agents de l'Onema. Dans un état de droit, c'est à l'État, avec ses policiers, d'exercer le pouvoir de police. Or, de décret en circulaire d'application - sans parler de l'interprétation qu'en font les agents - on n'a plus une France, mais trente-six, on n'a plus un département, mais trente-six circonscriptions. Et c'est dévastateur. Même si cela ne concerne que quelques-uns d'entre eux, certains agents de la police de l'eau se comportent en cow-boys - c'est peu de le dire. J'ai vu, à l'occasion d'une inondation, au reste provoquée par des embâcles que plus personne n'ose enlever, débarquer la police de l'eau armée jusqu'aux dents, révolvers pointés sur des habitants que des délinquants avaient déjà traumatisés par des vols en série. Ce n'est pas acceptable. Il faut cantonner les agents de l'Onema dans leur fonction première, qui est de conseiller et d'accompagner. La sanction revient à la police et à la gendarmerie. Les pratiques actuelles sont dévastatrices, y compris sur les électeurs, qui vont porter leur vote où l'on sait.
La compétence Gemapi part d'une très bonne idée, à ceci près, comme l'a aussi rappelé Evelyne Didier, que le niveau intercommunal ne couvre pas nécessairement l'ensemble d'un bassin versant. L'idée que cette compétence relève de l'État ou de l'agence de l'eau ne me choque donc pas. Soyons honnêtes : on sait l'importance de l'enjeu, mais on n'est pas prêts à y mettre les moyens, si bien que l'on a confié la compétence aux communes et aux intercommunalités. La vraie question est celle des moyens.
Un dernier mot, pour dire que je souscris aux remarques qui ont été faites sur le rôle de médiateur de l'État, essentiel pour les associations écologistes et les usagers.
Je félicite Rémy Pointereau pour son rapport passionnant, qui reflète les positions qu'il tire de son expérience. Le problème de l'eau, auquel j'ai eu l'occasion d'être confronté comme maire, est complexe. D'autant qu'il varie selon les bassins, ainsi qu'il ressort de l'intervention d'Hervé Poher sur le Nord.
Le groupe socialiste s'abstiendra. Certaines propositions nous semblent très positives, mais nous sommes en désaccord avec d'autres. Je pense, par exemple, à la proposition n° 3, qui entend retirer aux agences de l'eau compétence sur la protection de la biodiversité terrestre. C'est remettre en cause la protection de la biodiversité, car on sait bien qu'il y a continuum entre la terre et l'eau. Quant à la proposition n° 2, qui vise à interdire à l'État de prélever sur le fonds de roulement des agences de l'eau, elle relève du voeu pieu. Quel gouvernement, alors que tous l'ont fait, s'interdira ce type de prélèvement ?
Ce qui a été dit des agents de l'Onema m'a surpris. Sur la Loire, les pêcheurs professionnels subissent les attaques des pêcheurs du dimanche, au point qu'ils n'arrivent plus à exercer normalement leur métier : c'est la police locale, et non pas l'Onema, qui règle le problème.
Soutenir les collectivités, soit, mais qui le fera, comme le demandait Odette Herviaux ? Le renouvellement des tuyauteries d'eau potable et d'eaux usées est un enjeu majeur, comme l'a rappelé Charles Revet. L'amortissement s'étend, pour les premières sur 70 ans, pour les secondes sur 50 ans. Les collectivités ont engagé le travail. Peut-être que les agences de l'eau peuvent aider, mais je rappelle qu'à partir de 2020, ce sont les communautés qui vont être en charge de ces réseaux, avec des moyens, je l'espère, plus sécurisés.
La proposition n° 21, qui préconise de réutiliser les captages d'eau abandonnés, me laisse dubitatif. En Loire, des captages d'eau disparaissent parce que la Loire évolue : on ne peut pas les réutiliser, parce qu'ils sont à sec. Mais c'est peut-être une particularité du bassin ligérien.
L'État, comme d'autres l'ont dit avant moi, doit continuer à jouer son rôle. Il porte une vision nationale et agit de surcroît en modérateur.
Quant à votre proposition sur la compétence Gemapi, elle est satisfaite. La loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles a confié cette compétence aux communes, mais prévoit aussi que celles-ci peuvent la transférer à l'intercommunalité, laquelle peut également la transférer à l'agence de bassin. Dans le cours du débat, nous avions convenu in fine que ces problèmes méritaient d'être gérés par l'agence de bassin.
Merci de ce rapport fouillé qui mériterait, je rejoins en cela Evelyne Didier, un second débat, afin de nous attacher à chacun des sujets soulevés. Il ne s'agit de rien moins que de répondre aux besoins en eau sur tous les territoires et de protéger la biodiversité.
Je partage les inquiétudes de mes collègues sur la compétence Gemapi qui, sur beaucoup de territoires, n'est pas mise en oeuvre, faute de moyens. De manière plus générale, quand trop d'acteurs interviennent sur une compétence, comme cela est le cas pour l'eau, l'action est inefficace. Demander que l'État prenne la direction des opérations, c'est demander un pilote, donc un responsable.
Il serait bon, encore une fois, de débattre à nouveau de toutes ces questions.
J'insiste sur le travail déjà réalisé sur la directive cadre. Il convient de poursuivre dans la même direction : évaluation, consultation du public. Sur le changement climatique, je rappelle que nous avons mené un travail important, concernant la ressource en eau et l'assainissement. Alors que la Cop 22 se profile, il nous revient d'apporter des contributions concrètes, notamment sur la gouvernance et la planification, en nous inspirant, aussi, des expériences déjà engagées.
Quand je dis que l'on a mis la barre trop haut, je ne fais que reprendre la position des directeurs des agences de l'eau, qui estiment que l'on est allé trop loin. Il faut réfléchir à deux fois avant de se fixer des objectifs. Ceci pour faire écho aux propos de Charles Revet. Il est également juste de souligner que les opérateurs de l'eau sont trop nombreux. Mais c'est nous qui, par nos votes, avons créé ce mille-feuille - agences de l'eau, schémas d'aménagement et de gestion de l'eau, schémas départementaux d'aménagement et de gestion de l'eau, commissions locales de l'eau, et j'en passe. C'est pourquoi il faut, sans doute pas à cinq ans, comme le propose Louis Nègre, mais à dix ans, évaluer la loi, et peut-être la revoir.
Evelyne Didier s'inquiète de ce rapport sur un sujet complexe. Mais pour reprendre l'exemple des seuils hydroélectriques qu'elle évoquait, je précise que je ne préconise pas leur augmentation. La petite production hydroélectrique est le fait, en France, de 2 500 microcentrales, représentant 1,5 % du total de l'énergie électrique, et 10 % seulement de la production hydroélectrique. À côté de la production d'un grand barrage, ce n'est rien.
Plutôt que créer des retenues collinaires pour prévenir les effets du changement climatique, il faut adapter les cultures au climat, dites-vous ? Pour moi, ce sont les hommes qui doivent s'adapter au climat. Dans les siècles passés, lorsque des moines s'installaient quelque part, la première chose qu'ils faisaient, c'était une retenue d'eau, pour vivre. On n'a rien inventé depuis. Sans compter qu'adapter les cultures, cela veut dire aussi en passer par des OGM résistant à la sécheresse. Or, personne n'en veut.
Ce n'est pas moi, encore une fois, qui dit que la loi est trop ambitieuse, monsieur Poher. Cela dit, je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que chaque territoire a ses spécificités, et que l'administration doit agir avec discernement. Mais pour ce qui concerne la Gemapi, je ne vous suis plus : on ne peut pas laisser cette compétence aux collectivités, qui n'ont pas les moyens financiers de la mettre en oeuvre. Pour moi, les agences de l'eau sont les mieux à même de gérer le problème.
Les agents de l'Onema doivent en effet, comme le préconise Louis Nègre, pratiquer la pédagogie. J'irai plus loin : je ne vois pas au nom de quoi on les arme. Notre collègue Jean Bizet, qui a eu à s'y frotter et a été condamné sait de quoi je parle. De même que des élus, dans nos campagnes, qui se trouvent condamnés pour avoir curé un fossé. (M. Charles Revet renchérit) Il est temps que les agents de l'Onema agissent avec discernement.
Vous vous inquiétez d'apprendre que la Cagne est à sec, mais je rappelle qu'en 1947, les puits, les rivières étaient à sec, alors même qu'on n'irriguait pas - et le changement climatique n'était pas en cause.
La recharge des nappes phréatiques, sur laquelle s'interroge Odette Herviaux, se pratique dans quelques endroits en France, notamment chez Alain Gournac, dans les Yvelines, où l'on pratique un épandage sur zones perméables, afin de recharger les captages d'eau potable. Je vous invite à aller visiter ce site. Il existe également un projet visant à recharger la nappe de Beauce avec la Loire. C'est une solution intéressante, qui évite de faire des retenues et mérite d'être explorée.
Vous vous interrogez sur ma proposition n° 14. Certes, les mesures agroenvironnementales existent, mais on pourrait faire mieux encore, en renforçant ces contrats agroenvironnementaux.
J'indique à Jean-Yves Roux qu'il trouvera, à la page 60 de mon rapport, un développement sur le cas particulier de la ressource en eau en zone de montagne, avec le régime des débits réservés.
Benoît Huré se demande si mon rapport est destiné à prendre la poussière sur une étagère. Je le rassure : c'est bien plutôt la loi sur l'eau de 2006, qui a dix ans, qu'il faudra bien, à un moment, dépoussiérer.
Diminuer le nombre de captages ? Il faut trouver les ressources suffisantes. Certains captages ne dépassent pas quelques dizaines de mètres cubes, et il n'est pas toujours facile de les augmenter. Si bien qu'il en faut parfois trois ou quatre pour obtenir un débit suffisant pour la population.
Sur le problème de la surtransposition, nous sommes d'accord. De même que sur l'Onema, dont les agents doivent à mon sens être désarmés.
Jean-Jacques Filleul considère que ma proposition n° 3 remet en cause la protection de la biodiversité. Mais je ne fais que rappeler un principe qui veut que l'eau paye l'eau. Confier la protection de la biodiversité terrestre aux agences de l'eau, c'est diminuer d'autant les moyens consacrés à l'eau. Je veux bien que l'on confie cette mission aux agences de l'eau, mais en les dotant de moyens supplémentaires.
Quant à la Gemapi, je suis d'accord avec vous : les agences de bassin constituent le bon niveau pour mener un travail coordonné.
Annick Billon appelle de ses voeux un autre débat. Peut-être notre président pourrait demander un débat en séance publique en décembre, à l'occasion des dix ans de la loi de 2006 ? (Mme Didier approuve).
Jacques Cornano, enfin, a raison d'appeler notre attention sur la Cop 22, qui viendra vite.
Je vous remercie de ce rapport complet. Je souscris pleinement au voeu largement partagé de Benoît Huré de ne pas voir ce rapport rester lettre morte. Depuis la disparition de la commission chargée d'assurer le suivi de l'application des lois, il revient à chaque commission d'assurer ce suivi pour les textes dont elle a été saisie. Au-delà du suivi de l'applicabilité des lois promulguées, qu'assure, au sein du Bureau du Sénat, Claude Bérit-Débat, il s'agit aussi de mesurer, à terme, les effets des lois que nous votons. Et c'est pourquoi nous avons confié ce travail sur la loi de 2006 à Rémy Pointereau. Nous ne nous en tiendrons pas là, et je demanderai un débat en séance publique, dans le cadre d'une semaine de contrôle, qui pourra être suivi, dans un deuxième temps, par le dépôt d'une proposition de loi, comme cela s'est déjà fait.
Un mot pour explication de vote. Le travail de Rémy Pointereau est plein d'intérêt, mais il comporte quelques propositions auxquelles, pas plus que mon groupe, je ne peux souscrire. Cependant, eu égard à ce qui vient d'être proposé, je m'abstiendrai.
La commission autorise la publication du rapport.